Ce soir, j'suis hyper heureuse de bosser dans ce club. Je ne pensais pas qu'il y avait des concerts. Le patron s'était bien défendu de me le dire, et danser sur un son en live est bien plus intéressant que sur une bande sonore. Je sens que les bouteilles vont voler au rythme de la batterie. Je ne pensais pas que ce groupe pouvait passer dans une boite comme celle ci, mais il faut savoir que si le patron m'a embauchée, c'est qu'il a sérieusement bon goût ! Il y en a plusieurs en fait, mais je suis certaine que c'est  Radiohead qui a rameuté ce monde fou. J'ai déjà empoché un tas de pognon, en faisant mes cocktails. Le flair bartending, c'est bien plus qu'un travail, c'est vraiment une passion. Les images de mon père (adoptif) passent devant mes paupières, celles où il hurlait (en Russe bien sûr, sinon c'est moins drôle), en découvrant le nombre de ses très bonnes bouteilles que j'avais laissé se fracasser au sol malgré moi. J'en ris comme une folle, en mettant la main aux fesses de ma collègue qui me regarde étrangement. « Bosse au lieu de me mater chérie ! »  Et alors que la première musique se joue, le set d'un DJ français mondialement connu, j'envoie un sms à ce petit con que j'ai rencontré au Summer camp. Enfin, il n'est pas au mieux de sa forme en ce moment, et moi, je l'apprécie réellement plus que je ne veux le laisser paraître. Mais je n'ai pas l'intention d'y penser ce soir. Je le retrouverai sur internet demain soir ou un autre, après le boulot, pour échanger avec lui, en tout anonymat. Et il me prendra pour une vraie femme, et pas pour un nouveau pote. Celle qu'on drague un peu, contre celle à qui on frappe l'épaule du poing. Non pas que cela me dérange, non, car j'aime énormément ce petit Noah, et surtout, je compte garder mon orientation sexuelle secrète le plus longtemps possible. Mais je ne sais pas, il a ce petit quelque chose qui interpelle, celui qui brise les cœurs  des jeunes femmes comme moi, et les piétine méchamment. C'est pour ça que je drague les femmes, pour ne m'engager dans aucune relation, pour ne pas souffrir pour rien. Je peux draguer votre meuf  si vous voulez, et je suis assez douée pour qu'elle ait envie de vous quitter pour une nuit de folie à mes côtés. T'y crois pas ? Vas y, laisse moi essayer, mais tu ne chialeras pas si tu te retrouves célibataire !
Enfin bref, j'appelle rapidement un taxi pour qu'il aille chercher Noah dans ce bar à pute et me le ramène sain et sauf, juste à mes pieds, servi sur un plateau d'argent. En l'attendant, je vais me faire une petite danse avec la jolie blonde dans la cage, mon Dieu qu'elle est bonne ! 

S' il se passe un truc moche, on boit pour essayer d' oublier. S' il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter. Et s' il ne se passe rien, on boit pour qu' il se passe quelque chose.  

Une soirée, encore une, au Nirvana. Que les gens pensent que je ne suis qu’un pervers guidé par ses pulsions sexuellles ne me dérange pas. J’suis probablement trop con, mais j’préfère qu’ils pensent ça plutôt que d’avoir à avancer la vraie raison qui me pousse à être là. Annalyne, la serveuse. Elle, c’est moi en mille fois mieux, on s’comprend plus dans nos silences que dans nos conversations et sans le savoir, elle m’a aidé un nombre incalculable de fois à me rebooster. Oublier mes pensées naïves et mes rêves de grand amour pour m’accomoder d’un cynisme cruel mais non mois réaliste. Elle est enceinte, et j’suis pas de nature à faire comme si de rien n’était sur ce genre de chose. Je m’inquiète pour elle, sans arrêt, j’préfère être dans le coin quand elle bosse, on ne sait jamais, si elle a des nausés, s’il faut l’amener à l’hopital. J’préfère être là, parce que … parce que quelque part j’essaye d’étouffer mon amertume. J’essaye de compenser mon manque. J’ai appris que Sage avait été enceinte, qu’elle a perdu le bébé lors de son viol. J’me déteste de ne pas avoir été là. J’ai ce trop plein d’émotions qu’a besoin d’exulter, j’ai toujours rêvé d’être papa, alors j’sais pas … Aider Annalyne c’est en fait m’aider moi-même. J’vis un peu ce que j’ai perdu à travers sa grossesse. Le message de Noé me sors de mes rêveries et des postérieures tintinabulant des jolies filles habillées, si l’on peut dire, comme Dita Von Teese. Je souris niaisement, elle me fait marrer. Noé, c’est la fille tatouée de la tête aux pieds que j’ai rencontré au Summer Camp. J’la trouve sympa, même plus que ça. Puis comme elle est lesbienne, j’ai tendance à la considérer comme mon meilleur pote. Du genre, pas gêné de pisser devant elle ou d’lui dire à quel point j’ai envie de me faire pomper par une traîner. Un concert ? Elle sait, j’adore la musique, j’ne peux pas y résister. Puis l’idée du groupe qui pourrait me plaire, ça m’intrigue. J’sors du Nirvana après avoir jeté un dernier coup d’œil à Annalyne, monte dans le taxi que Noé m’a commandé et la rejoins dans sa boite.

Noé et Noah. La tatouée et le tatoué. On pourrait presque croire que la nature à fait exprés de nous mettre sur le chemin l’un de l’autre. J’entre dans les lieux, c’est bruyant, y a beaucoup de monde. Même trop, alors j’sais pas, peut-être que le groupe qui se produit là est super connu. Je ne m’attarde pas sur grand-chose, marchant droit vers le bar où une bouteille de Vodka et de Whisky sont censé m’attendre. La brune n’apparait pas, où peut-elle bien être ? J’demande à une de ses collègues : « T’sais où est Noé ? ». D’un signe du doigt elle me désigne la cage où … alalala. Elle ne perd pas de temps, elle est pt’être même pire que moi à ce niveau là. Noé se déhanche d’une manière plutôt ultra excitante avec une jolie blonde et pour mes yeux, c’est clairement un délice. J’avance vers elle, tentant de me faire remarquer. Il y a trop de bruit pour que j’puisse parler, j’établis le contact visuel et mes yeux ripent sur une affiche collée juste à côté de la cage. QUOI ? RADIOHEAD ? RADIOHEAD, ICI, CE SOIR ? Mes yeux pétillants deviennent ronds comme des pommes, la bouche ouverte, comme subjugué, je désigne du doigt l’affiche en interpellant silencieusement Noé. Elle m’a pas mentit, ça valait plus que le coup de se ramener.  

© charney for ilh

La danse se fait de plus en plus chaude, nos corps se serrent de plus en plus. Je pose mes doigts sur le bas de son dos pour redescendre lentement au creux de ses reins, jusqu'à la base de ses fesses. La main à plat pour la retenir contre moi, mais c'est le monde autour de nous qui me donne chaud, et non notre contact. Je ne ressens absolument rien, pas de tension sexuelle avec les femmes. C'est juste un jeu, un amusement fragile et rapide. Et alors que je pose enfin ma main sur l'une de ses fesses, j'aperçois Noah au pied de la cage. Mon cœur a fait un bond dans ma poitrine. Mais je le calme bien rapidement. Je hausse les sourcils du style : « Tu aurais bien voulu la chopper celle là hein ?! », en jetant le regard sur ma blonde. Pourtant, le regard du jeune homme a bien rapidement quitté la danse. Je le vois comme un gamin devant ses cadeaux de Noël, et je suis heureuse de lui avoir fait ce plaisir. Je savais qu'il allait aimer, mais c'est à Eve qu'il en a parlé. Mon moi d'internet, celle du forum de musique. Parce qu'ils parlent pendant des heures tous les deux, en m'oubliant totalement. Mais ce n'est pas Eve qui l'a sorti de ce bar à pute pour le ramener ici.
J'attrape violemment la queue de cheval de ma blonde et tire dessus pour dégager son cou. Je l'embrasse doucement avant de remonter vers ses lèvres que je mordille quelques fois. Je palpe une dernière fois son cul avant de rejoindre Noah le gamin en bas. Je fais claquer ma main sur son épaule et m'approche de son oreille pour lui hurler : « C'est mieux que les putes non ? J'me doutais que t'aimais ce genre de musique dépressive ! ». Et avant qu'il ne ronchonne, j'embrasse ses deux joues vivement. J'attrape sa main et nous ramène vers le bar où je prends place derrière le comptoir. Un coup d’œil rapide au dernier sms de Noah que je n'avais pas encore lu. Pendant que je lui prépare un verre de whisky, je suis obligée de gueuler pour qu'il m'entende. « Tu détestes toujours alors ? En plus, tu m'as quand même vu danser... ». Je lance la bouteille en l'air avant de lui lancer le verre le long du comptoir en bois. « Tiens ta merde ! Mais j'espère que tu vas perdre la tête avec autre chose quand même... » Le flair bartending pour servir un whisky, ça me paraît comme de la confiture donnée aux cochons ! Je me rapproche de lui, les coudes sur le comptoir pour pouvoir appuyer ma tête sur la paume de mes mains. « Pute. » En articulant correctement, avec toute la lenteur du monde. « Il y en a plein ici, tu as l'embarras du choix. Je te laisse la blonde si tu veux. Putain mais c'est vrai que tu sens la meuf ! Tu vas finir par chopper une MST en te frottant à tout ça ! » Je me pince le nez avant de servir le gars à côté de Noah qui me demande un cocktail.

S' il se passe un truc moche, on boit pour essayer d' oublier. S' il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter. Et s' il ne se passe rien, on boit pour qu' il se passe quelque chose.

J’crois que Noé n’aurait pas pu me faire plus beau cadeau. J’me souviens même pas de lui avoir parlé de mon amour inconditionnel pour Thom Yorke, mais qu’importe, j’suis là, et enfin, je vais voir mon génie sur patte à l’œuvre. J’suis tellement obnubilé par cette affiche que j’en oublie mon amie qui danse plus que sensuellement avec cette blonde. Ça ferait bander n’importe qui, même un eunuque. Et je finis par reposer mes yeux sur elle, me mordant légèrement la lèvre inférieure sans pouvoir le commander. Mes yeux provocateurs taquinent Noé comme je l’aurais fait avec un pote : « Vas-y, choppe la », ils disent. Et comme si ma tatouée préférée lisait dans mes pensées, voilà qu’elle empoigne les cheveux de sa dulcinée et se met à lui manger le cou. Ah ouai, ça valait vraiment le coup de quitter le Nirvana, j’ai presque envie de sauter dans les bras de Noé et de lui dire merci. Je ne la quitte pas de ce regard à la fois malicieux et espiègles, suis même des yeux sa descente de cage avant de me laisser porter à sa hauteur. Elle me balance une phrase à l’oreille et j’esquisse un rire : « J’te le fais pas dire, t’es la plus bonne de tous mes potes », j’souris en la bousculant légèrement de l’épaule avant de prendre un air faussement offusqué : « Comment ça dépressive ? Ça n’a rien de dépressif, c’est la beauté à l’état pur ! La preuve, ça me met en joie », dis-je amusé tandis qu’au cours de ma phrase elle embrassait mes joues : « Mmmh, j’imagine le gout de ses lèvres, c’est … », en désignant d’un haussement de sourcil la blonde dans la cage : « excitant », reposant un regard persistant dans les yeux de ma compagne. Elle me tire par le bras, je me laisse embarquer et tandis qu’elle va de l’autre côté du bar, je m’installe au tabouret face à elle. C’est bruyant, pas évident de parler, je me penche à peine pour rétorquer : « Si j’peux avoir le droit à ce genre de danse encore une fois, j’veux bien faire semblant d’avoir détesté », je tournais mes yeux vers la blonde. Ouai, elle était vraiment stylée : « Et si tu pouvais en ramener d’autres comme elles, j’serais content », amusé, reposant mes yeux sur ses mains qui s’activaient à me servir un verre : « Arrête d’insulter le whisky ou je te jure que je pisse sur ton comptoir ! ». J’empoigne le verre, le porte à mes lèvres et dit, avant de boire : « Tu prends rien ? ». Je n’attends pas sa réponse, enquille mon verre d’un cul sec. Je m’échauffe, je suis heureux. Elle ne pouvait pas faire mieux Noé, putain, je viens de me rendre compte que je n’ai pas pensé à toutes les choses qui me tracassent depuis plus d’une minute. C’est pile poile le genre de rencontre qu’il me fallait pour … m’évader. Je la dévisage et la taquine du regard quand elle s’accoude au bar devant moi : « Quoi, t’es jalouse ? », en haussant les sourcils lorsqu’elle se mit à articuler le mot pute. Et quand elle me dit que je sens la fille, je tends les bras, et renifle moi-même le col et le bras de ma chemise : « J’vais passer pour un gros gay maintenant, comme si trainer avec toi ne suffisait pas », la taquinant ouvertement sur sa sexualité, riant dans ma barbe avant de poser un billet sur la table et mes yeux dans les siens : « Sers nous donc deux shooters, j’ai pas envie de m’amuser sans toi ».

© charney for ilh

La plus bonne de ses potes ? Le compliment me va droit au cœur, même si je suis consciente que s'en est pas réellement un. Mon Dieu, lui, il me donne chaud. Le mot « excitant » sort d'entre ses lèvres comme un supplice pour mes oreilles. Et pourtant, il parle de la blonde. Mais putain. Je me suis mordue la lèvre nerveusement en tournant la tête, mais il a du penser que c'était un simple geste sexy pour la blonde. Je reprends consistance derrière le bar, mon chez moi de la soirée, et j'en suis réellement fière. Nous parlons meuf, comme souvent, et je vois que ma couverture lui paraît vraiment réelle. Je passe ma langue sur mes lèvres, contente de mon jeu si parfaitement rôdé depuis tant d'années. « Pisse sur le comptoir, et je serais obligée de me battre avec le videur pour qu'il ne te foute pas dehors ! » Le whisky, c'est juste le pire alcool du monde, sérieux, c'est comme les bars à putes ça, tellement démodé, vieillot, et de très mauvais goût. Et je renchéris, en le taquinant pour l'agacer un peu plus. « T'as besoin que je te ramène des meufs ? Je te parie qu'elles préféreraient baiser avec moi qu'avec toi ! » J'attrape son verre vide et passe ma langue sur toute la hauteur de celui ci pour récupérer une goutte d'alcool perdue. Action qui veut lui prouver que je sais bien mieux me servir de ma langue que lui. Il se met à renifler sa chemise et je me cache les yeux comme s'il me faisait honte. Moi, j'sens toujours la meuf, et ça m'dérange pas. C'est d'ailleurs ce que je préfère quand je drague une nana, foutre mon nez dans son cou, à la base de ses cheveux, et sentir son putain de parfum. « C'est mieux que de sentir le cheval et de passer  pour un zoophile nan ? » J'hausse les épaules en riant à plein poumons. Il pose alors son regard dans le mien, que je soutiens. J'ai toujours été bonne à ce jeu là, je te tiens, tu me tiens, par la barbichette et blabla. J'aurais pu jouer avec lui à ce moment précis. S'il ne faisait pas battre mon cœur plus rapidement que prévu... Mais quand on parle d'alcool, je reviens de suite à moi. « J'bosse bro ! J'viens juste de débarquer, alors si j'suis bourrée pour mes premiers jours... Bon allez, juste un ! » J'avais tourné la tête vers le patron. Il faut boire avec le client s'il paye, pote ou pas pote. Mais là, je vais jouer dans ma cours. La vodka, j'y suis habituée depuis longtemps, et il va m'en falloir beaucoup pour perdre pied. Je balance son billet dans la caisse et attrape la bouteille de vodka que je fais voltiger dans mon dos avant de nous servir deux shooters. « Za nashe zdorovie ! » Je frappe le minuscule verre contre le sien et bois cul-sec. Je fais tourner le shooter entre mes doigts en regardant la scène. Hey, j'y pense. « Ton groupe passe juste après ce set, tu veux que je t'emmène en backstage après leur passage ? J'ai bouffé avec Thom tout à l'heure, il est vraiment cool ce type, un peu chelou, mais cool. » Et je lui tire la langue en sachant que je vais attirer sa jalousie. « T'es un peu comme une groupie nan ? » J'attrape son menton entre deux doigts pour lui secouer la tête pour me moquer.

S' il se passe un truc moche, on boit pour essayer d' oublier. S' il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter. Et s' il ne se passe rien, on boit pour qu' il se passe quelque chose.

J’saurais pas expliquer l’effet que Noé me fait. C’est mieux qu’un pote, mieux qu’une meuf, elle a le tout en un et avec elle, j’me sens pire que bien. En plus, j’aime bien nos jeux taquins, nos railleries de gamins, c’est simple, facile, on ne se prend pas la tête parce que de toute façon, il n’y aura jamais rien. C’est physiquement impossible. Et comme dans ma tête l’idée qu’elle soit lesbienne et mon pote de surcroit, est ancré, j’pourrais jamais, j’crois, penser à elle avec désir. J’sais pas si c’est mal ou bien, j’réfléchis pas, c’est juste naturel entre elle et moi et elle est de loin, une des meilleures personnes que j’ai rencontré depuis beaucoup, beaucoup d’années. On s’calle au bar, elle derrière son comptoir, mes oreilles brouillées par la musique, mes yeux qui se baladent tantôt sur la blonde, tantôt sur les gens, surtout sur elle. J’esquisse un rire, surenchérissant presque lourd : « Tu te bats ? Ce n’est pas un mythe alors ? Les lesbiennes se battent vraiment comme des gars ? ». J’attrape mon verre, grimaçant à sa remarque sur le whisky. Elle ne m’enlèvera jamais de la tête l’idée que ce soit le meilleur alcool qui existe. J’suis peut-être vieux jeu, sans doute démodé, mais j’vois ça comme un compliment, j’sais encore apprécier ce qui est bon. Et putain ce que c’est bon. J’repose mon verre sur le comptoir après avoir vu, posant mes avants bras dessus, me penchant plus vers Noé avec cet air espiègle et taquin, la provoquant d’un haussement de sourcil : « On n’a qu’à en baiser une à deux, on verra bien lequel elle préfère ». Et j’insiste du regard, plus, beaucoup plus, quelques secondes dans ses yeux sans la lâcher. J’sais pas si j’pense vraiment ce que j’dis, où si c’est juste pour la déstabiliser. Elle coupe le contact visuel en attrapant mon verre et quand je la vois jouer avec sa langue, je me mords la lèvre en la regardant. Et puis j’sens la femme, j’sens la pute, j’le sais. J’me renifle sans grande classe avant de reprendre place face à elle : « J’suis en manque de virilité là, un peu plus et j’me mets à pisser assis ». Je fais mine d’ouvrir la bouche en signe de désapprobation quand elle refuse de boire et finit par esquisser le plus large des sourires quand elle acquiesce : « Ah, ça c’est mon copain ! ». J’la regarde secouer sa vodka, c’est vrai qu’elle est plutôt habile de ses doigts, elle respire une certaine classe que peu de gens ont et j’peux pas m’empêcher de sourire niaisement en l’observant. J’attrape mon shooter, trinque avec elle avant de le boire cul sec et de l’enfoncer sur le bar. Putain, c’est fort, la vodka est toujours mal passée chez moi. Mais je retiens la grimace qui tente de m’échapper, question de fierté. Surtout que Noé a l’air d’enquiller comme un chef. J’tente de reprendre mes esprits tandis qu’elle me parle de mon génie : « T’es pas sérieuse ?! Genre t’as bouffé avec Thom Yorke et tu l’appelle par son prénom ? », j’suis aux anges, comme un gamin le matin de noël : « Bien sure que j’veux ! », dis-je en ouvrant les bras comme si c’était le plus beau cadeau de ma vie. Et je les repose sur le comptoir : « Mais t’as pas un truc potable dans ta boite d’objet trouvé ? Genre une chemise, un tee-shirt propre ? ça me fait chier de rencontrer mon héro en sentant la femme ». Et je tends mon bras par-dessus le bar, poussant légèrement son menton de mes deux doigts, comme un enfant taquin : « J’suis pas une groupie oh ! ». J’me replace, et faisant mine de réfléchir, en toute autodérision, j’ajoute : « Quoi que s’il veut me faire un autographe sur les fesses, j’le prends avec plaisir ». Et j’ai envie de boire, j’ai envie de m’amuser, j’en ai rien à branler qu’elle soit entrain de bosser. J’sors un nouveau billet de ma poche et le pose devant elle : « On se refroidit, deux autres, et cette fois du whisky ! »

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Être pote avec Noah, c'est la chose la plus cool qui me soit arrivée dans ce pays. En fait, j'angoissais un peu en débarquant au summer camp de la prestigieuse université d'Harvard. J'me disais que j'allais débarqué chez les boutonneux, les geeks et les intellos mais en fait non. Et moi, avec mon air aimable et mes tatouages partout sur le corps, ça aurait pu être un peu compliqué. Mais il y a même peut-être plus de fêtard ici qu'à l'université de St Petersbourg. Même si nous, on tient la vodka bien mieux que les Amerlocs ! Enfin, tout ça pour dire qu'il est franchement l'un des meilleurs potes que j'ai jamais eu. Avec ceux de l'équipe de hockey sur glace. Et alors que l'équipe cherchait désespérément à me faire changer de bord, Noah ne le fait pas. Les uns me faisaient chier en voulant me chopper, l'autre me fait chier à ne pas le vouloir. Décidément, je ne suis jamais contente. Oui allez, on va dire ça ! Les images de sport en Russie me reviennent en tête. « Je t'emmènerai à un match de hockey, tu verras comment je me bats. » Mon surnom TNT n'est vraiment pas anodin, et même les mecs des équipes adverses flippaient en me voyant arriver. Et avec tout l'attirail, ce n'était qu'à la fin du match qu'ils se rendaient compte que j'étais une nana. Et souvent, ils se faisaient chambrer par mes coéquipiers. Des bons souvenirs en tout cas. Et sa provocation me fait rire jaune. Plusieurs répliques passent dans ma tête : « Ouais, mais toi aussi tu me préféreras » ou encore « Rêve, j'vais la virer rapidement d'mon plumard, j'te veux que pour moi. » Et l'idée fait monter en moi une bouffée de chaleur que je refuse totalement. « Je la ferai tellement jouir qu'elle s'endormira avant que tu ne lui passes dessus ! » Nous buvons ensemble avant que je ne lui propose mon plan de la soirée. Je ne vais pas lui dire que je sais qu'il l'adore, et même que j'ai parlé de lui au chanteur pendant qu'on mangeait une pizza. Mais quand je vois son regard d'enfant, cela me fait extrêmement plaisir. « Ben tu veux que je l'appelle comment ?! Sinon, j'dois avoir un t-shirt dans mon casier, avec ton gabarie de crevette, il devrait t'aller !» Grand sourire. « Et j'pense pas qu'il ait envie de voir ton cul... ». Et en même temps que je lui parle, je sers les clients du bar. Je trinque contre son verre de whisky et boit une gorgée dans le mien. C'est certain que celui là, je vais le boire bien plus doucement que l'autre, ou alors en s'cret, je balancerai le contenu dans l'évier. « Va t'installer devant la scène si tu veux, je te rejoins dès que j'ai cinq minutes. Et fais pas la gueule comme ça, y'a deux bouteilles qui t'attendent sur la table que j'ai réservée pour toi ! »

S' il se passe un truc moche, on boit pour essayer d' oublier. S' il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter. Et s' il ne se passe rien, on boit pour qu' il se passe quelque chose.

Elle me fait marrer Noé, elle n’est pas compliquée. J’me sens léger quand j’traine avec elle, puis j’la trouve stylé. J’devrais pas être le genre de gars à aimer les tatouages et les filles un tantinet viril, mais ça m’plait. Elle est différente, elle se remarque, et moi je l’ai remarqué et elle m’a marqué. J’sais même pas comment on pourrait s’embrouiller tout les deux, j’nous vois pas nous prendre la tête ou arrêter de se parler. Noé c’est le genre de pote avec lesquels tu sais d’avance qu’il n’y aura pas de sale coup ou de fourberies. J’lui fais confiance parce que ce n’est pas donné à tout le monde de me faire rire, et quand elle me parle, j’sens bien que c’est naturel, qu’elle ne se force pas. Même moi, je ne me force pas à jouer le rôle que j’adosse tout le temps, j’me libère des conventions sociales et j’suis juste là triste et content : « Ouuuuuh, un match de hockey, sexyyyy. J’te vois bien patiner comme un gros bibendum et mettre des coups de crosse à l’arbitre parce qu’il ne t’accorde pas le point », dis-je amusé, en riant légèrement, j’la taquine, mais sans me moquer. Je n’ai jamais vu de match de hockey, ça me plairait bien, ça a l’air marrant. Le combat des égos s’enclenche et je la provoque d’un hypothétique plan à trois pour tester notre pouvoir d’attraction à l’un et à l’autre. Après tout, c’est elle qu’a commencé, surtout quand elle a fait son truc avec la langue là qui m’a un peu fait tiquer : « L’idée de te regarder la faire jouir ne me déplait pas vraiment … », cette image est excitante. Bien sûre qu’elle l’est, je n’en reste pas moins un pervers qu’aime bien se délecter des belles choses : « Mais, ce n’est pas très fairplay, entre potes, on partage ! », dis-je, faisant mine d’être offusqué avant de prendre une moue faussement boudeuse : « Fais-moi penser à ne jamais faire de plan à trois avec toi ! », bah ouai, j’serais quand même frustré de ne pas participer. Cul sec de vodka, dieu que ça brûle, et elle là, elle ne grimace même pas. J’ai presque un peu honte d’avoir du mal à l’avaler. Et j’suis comme un enfant à Noël quand je l’écoute me dire qu’elle a mangé avec Thom Yorke et que je pourrais le rencontrer. Mes yeux lui hurle « tu n’imagine pas le cadeau de fou que t’es entrain de me faire Noé ». J’suis tout excité, j’crois que ça va être de loin, la meilleure soirée de toute mon existence : « Comment ça mon gabarit de crevette ? », dis-je en baissant les yeux sur mon torses. Puis j’relève la tête en haussant un sourcil : « C’est la chemise qui fait cet effet ! ». Clairement pas, c’est vrai que j’suis plutôt maigre. Pire encore depuis cette été, j’ai dû perdre une dizaine de kilos, et n’en déplaisent aux féministes, un garçon aussi peu complexer sur son corps : « TOUT LE MONDE rêve de voir mon cul », repris-je en me marrant doucement avant de poser des billets sur la table. Une tournée, encore une, allez, j’ai envie de m’amuser avec Noé moi. J’bois mon verre cul sec, mais elle le boit doucement. Je la regarde en la jugeant des yeux ouvertement : « Tu fais quoi là ? Finis ton verre ». J’vois qu’elle s’active derrière son bar, les clients sont de plus en plus nombreux, et faudrait pas que je l’a ralentisse dans son boulot. Elle m’invite à aller devant la scène : « T’es géniale ! », dis-je en me relevant du tabouret et lui tapotant l’épaule quand elle me dit qu’il y a une table et deux bouteilles à mon nom : « Tardes pas, j’ai envie de vivre ce moment historique avec toi », petit clin d’œil complice, et je m’éclipse à la table indiqué. M’installant bien confortablement, j’attends mon breuvage, tandis que mes yeux se baladent sur la scène qu’est entrain d’être installé. Ah ouai, ça va être monstrueux !

© charney for ilh

Je ne pensais pas à ça en venant à Harvard. Je pensais fuir mes connaissances en Russie, pour éviter de revivre mes mauvaises expériences là bas. Mais il a fallu que je tombe sur Noah, et qu'il m'arrache ce putain de cœur sans s'en rendre compte. Je ne veux plus vivre ça, je ne veux plus souffrir à cause d'un putain de mec. Ouais vous avez bien compris, j'veux finir ma vie seule, entourée d'une trentaine de chats, dans une petite maison face à la mer. C'est tout. J'aurais eu un belle carrière sportive, des très bons amis. Rien de plus. Mais c'était sans compter sur ce petit con. Et merde, je me mets à sérieusement trop rêvasser. Et ce petit délire de plan à trois commence à me mettre mal à l'aise. J'ai vraiment peur de griller ma couverture. Vite clôturer le débat, c'est à présent ma priorité. Parce que le plan à trois, franchement, je n'espère pas en arriver là. Il est certain que si je le vois avec une autre meuf, dans un lit, je ne vais pas être capable de tenir bien longtemps. « J'y penserai, pas de plan à trois ! » Et le clin d’œil final qui semble lui dire : « T'as trop peur que j'sois meilleure en baise que toi, ça s'voit ! ». Et nous parlons de Thom et de sa taille de moustique. Il me fait marrer à dire que tout le monde veut voir son cul. J'ai devant moi un gars qui ne semble réellement pas ressembler aux Eliots, comme j'ai pu en entendre parler. Il n'a jamais pété plus haut que son cul, ni montrer son pognon à tout va avec moi. Il est juste drôle, avec beaucoup d'auto-dérision. Et quand sa remarque fuse sur ma vitesse lente de descente de verre, je tire la gueule d'un air offusqué et finit ce whisky dégueulasse. « Je sais que j'suis la meilleure, dégage maintenant ! » Je le laisse partir vers sa table sans avoir l'occasion de l'observer à cause de nombre de client. Il y en a un d'ailleurs, un peu trop collant avec ma jolie collègue Milie qui m'appelle au secours du regard. Mais qu'est ce qu'elle fait de l'autre côté du comptoir ? Je me rapproche d'elle juste à temps pour arrêter la main qui empoigne le joli petit cul de Milie, qu'il a réussi à coincer dans un coin. Le réflexe ne se fait pas attendre, Milie hèle le videur alors que mon poing atterri dans la gueule de ce connard. Il est furieux et me saute dessus. J'esquive sa main gauche mais il m'attrape les cheveux de la main droite et me tape la tête contre le comptoir. Petit joueur. Milie m'attrape au moment où je veux lui en remettre une. Elle me serre fortement contre elle et le videur sort le gars juste après que le patron lui ait décollé un coup de poing. Ma collègue me pose une bouteille de bière froide sur la joue. J'vais juste avoir un bel hématome. 'No, le concert va commencer, j'te laisse 15 minutes, je te remplace. Et merci' Le meilleur patron du monde, beaucoup m'aurait virée sur le champs, mais ici, la politique est de ne pas toucher aux femmes. Enfin, surtout à Milie, c'est la fille du patron. Je dépose un énorme baiser sur le front de ma collègue et attrape les deux bouteilles, vodka et whisky, et rejoint Noah juste devant la scène. Je m'assois en vitesse, pose les alcools, et lui tends un verre. « Léger contre temps désolée. » Et je lui montre de l'index ma blessure de guerre en riant. Il m'a fait mal ce con sérieux. Je sens que l'hématome gonfle sur ma joue. « On ne touche pas les meufs sans leur consentement... je déteste ça. Mais bref, tu as gagné 15 minutes de toute mon attention !» Je ne sais pas s'il a assisté à la scène, et après tout, je m'en fiche. Il n'y a que dans ce genre de moment que je pourrais balancer mon secret, la raison de cacher ma vraie sexualité... « N'envoie pas ton caleçon à Thom, sinon j'vais me taper la honte ! »

S' il se passe un truc moche, on boit pour essayer d' oublier. S' il se passe un truc chouette, on boit pour le fêter. Et s' il ne se passe rien, on boit pour qu' il se passe quelque chose.  

« Pas de plan à trois », je répète une troisième fois, mes yeux dans les siens. Mais son clin d’œil m’arrache un rire nerveux, elle me provoque, c’est trop facile de me provoquer, et moi je rentre dedans comme un gros niais : « Arrête ça tout de suite ». Je la regarde avec plus d’insistance encore, commençant à me marrer dans ma barbe, et reprends : « Arrête ça, je t’ai dis ! ». Ton regard là qui me dit que tu ne me pense pas à la hauteur, que tu te crois meilleure que moi. Et j’bois cette putain de vodka. Quoique, j’avoue, ça me donnerait chaud. Rien que de l’avoir vu danser avec cette blonde toute à l’heure dans la cage, j’ai sentis un léger frisson. Qui vient de la blonde hein, entendons-nous bien, j’peux pas m’imaginer être sexuellement attirée par mon pote qui, de surcroit, est lesbienne. J’peux pas, j’peux pas. Si mes autres potes me voyaient ici, à trainer avec elle, ils n’en croiraient pas leurs yeux je pense. Il est loin le Noah crispé, à l’étroit dans son costume et dans ses sourires hypocrites figés. Il est loin celui qu’a déçu plus qu’il n’a surpris, qui ne sait pas parler autrement qu’avec des sarcasmes. Et pourtant là, ce Noah là, je l’oublie. J’me surprends même à blaguer, à faire de l’autodérision, chose dont je pense tout Harvard me pense absolument incapable. J’souris en la taquinant à son dégage, j’aime bien la voir franche et brute comme ça. Et je me barre à la table indiquée, m’installant confort dans le petit fauteuil lounge. Les techniciens préparent la scène, mes yeux se baladent sur les gens présent dans la fausse. De tout âge, de tout bord. Radiohead met tout le monde d’accord. Et je ripe sur une brune, plutôt mignonne, plutôt sexy, type espagnol, le genre fausse timide avec son rouge à lèvre pétant rouge pour se donner de l’assurance. Alors je la fixe, comme je fais toujours. Jusqu’à ce que j’ai l’ascendant, jusqu’à ce qu’elle se sente déstabilisée. Je la fixe, me redresse, de toute ma hauteur, lui fait comprendre que c’est elle que je regarde. Un sourire en coin, un léger mouvement de tête, je l’invite à me rejoindre. Elle ne réagit pas, j’insiste plus fort, et voilà qu’elle fait quelques pas vers moi. Je me lève pour l’accueillir : « Tu seras mieux ici que là bas pour regarder le concert, non ? » ; Elle acquiesce, ne parle pas beaucoup, me regarde avec ses grands yeux en amande : « Tu es toute seule ? », « Mon ami est ingénieur du son, il est dans la cabine », je tourne la tête et l’aperçoit dans son bocal avant de reposer mes yeux sur la jeune fille : « Ton ami ? », elle sourit, « Juste un ami … », « Juste un ami », je reprends en la regardant dans les yeux. Et y a ce truc qui se passe quand deux inconnus se rencontrent. Ce truc qui veut dire « on se voit déjà entrain de baiser, mais par pudeur, on va faire semblant de s’intéresser à ce qu’on a à raconter ». Je tends le bras pour lui indiquer un fauteuil : « Alors, il ne m’en voudra pas de te garder avec moi ». Et je m’installe sans attendre sa réponse, pensant que de toute façon, elle ne pouvait qu’accepter. Ce qu’elle fait. Léger silence. Je regarde la fausse, et puis elle, et puis la scène, et elle encore. Et je fais ce truc que je fais tout le temps, sans gêne, plein d’assurance, du mec qui sait qu’il a le monde à ses pieds : « Tu as envie de parler ? », non qu’elle me fait de la tête en me regardant, « Moi non plus. » Temps de silence, tout petit. Et j’approche doucement mon visage du sien avant de poser délicatement sur ses lèvres les miennes. Je recule de quelques centimètres, comme si je lui demandais la permission de continuer. Et c’est elle cette fois qui pose sa main sur ma joue et m’attire. Le baiser est doux, bon, maladroit par moment comme on ne se connait pas. Mais agréable. Ce n’est que quand j’entends la voix de Noé derrière moi que je me redresse. Je me tourne vers elle, un peu choqué : « Qu’est ce qu’il t’est arrivé ? », remarquant les marques sur son visage, un peu inquiet. J’attrape le verre, et ce qu’elle dit m’arrache une pulsion violente que je tais aussitôt. Avec le viol de Sage, je perds patience dès que j’entends ce genre de propos : « Qui t’as touché ?! », prêt à dégainer. Je ne ris pas à sa remarque, parce que je n’y arrive pas. Il me faut quelques secondes pour arrêter de remuer ma bile : « Au fait », je m’adosse à mon siège de manière à laisser Noé et l’espagnole se rencontrer : « Je te présente … », je tourne la tête vers elle, je ne connais pas son prénom : « Maria », elle enchaine. Et d’un coup elle se relève. Peut-être qu’elle se sent mal à l’aise, peut-être qu’en voyant le visage de Noé elle s’est dit qu’elle ferait mieux de partir : « A toute à l’heure ». Je la regarde sans la retenir, ce n’est pas mon genre. Et tout doucement je tourne la tête vers Noé : « J’ai perdu mon dîner à cause de toi », la taquinant clairement.

© charney for ilh