" J’espère que vous imaginez l’avenir monsieur Eastwood. "
ft. ANNALYNNE & CLAY

« Donc ? » Comme si elle ne voulait voir où j'veux en venir... « On devient parents, on aura quand même le droit de sortir à deux.  Et dans une belle voiture. » J'sais que t'as toujours eu des envies de grandeurs mais reviens un peu sur Terre... Plus vraiment parce que faudra le veiller, le changer, le nourrir, l'endormir et lorsqu'il nous foutra enfin la paix et que le silence remplacera ses pleurs, ce sera à nous de nous reposer pour mieux recommencer et cela jusqu'à son premier anniversaire.  Mais c'est un débat stérile puisque la chose est bien amorcée alors autant changer de sujet.

A la boutade sur les carapaces d'insectes écrasées, elle se retourne brusquement et de ses yeux m'assassine avant de s'insurger. « Pardon ? » Quand même, elle ne me fera avaler qu'elle ne le savait pas, parce que toute femme un peu portée sur son alimentation connait les colorants et les conservateurs sur le bouts de doigts. " T'as bien entendu..." Et pour contrer son regard j'en déporte mon attention sur les différents emballages présents sur le rayon lorsqu'elle tente de se justifier. « Il y a une différence entre un steak et une boisson. » Bonduel, Cassegrain... un sourire nait timidement sur mes traits parce qu'elle usera de n'importe quoi pour elle même se rassurer de ses choix. Anna voyons... Qu'est-ce qui est le plus sain pour la santé? Un bon steak de provenance certifiée ou une boisson chimique à base de cochenilles laminées? Soyons honnête, le chic sera la perte de la race humaine. « Puis ça ne devrait pas te choquer, j'ai pour habitude d'écraser les insectes. » Alors là, soyons clairs à ce sujet, je ne fais pas partie des cafards dont elle devise même si je suis souvent dans les parages à la suivre et que depuis que nous nous sommes à ce point rapprochés, je ne suis plus aussi mauvais envers elle. Mais j'ai remarqué néanmoins qu'Amy n'ose plus m'approcher ne serait-ce que pour me balancer une saloperie ou deux lorsque nous nous retrouvons tous les trois au Nirvana, elle qui pourtant faisait partie des plus audacieuses danseuses de cette boite... Les choses ont bien changé.

De deux-trois pas elle se rapproche de moi, non du caddy sur lequel elle pose les doigts et le remorque délicatement, me fait comprendre qu'elle en a terminé pour les entrées. Il est donc temps d'y aller, de changer de rayonnage en faveur de... J'en sais trop rien en réalité mais je continue de la suivre, scrutant par intermittence ce qui se trouve à l'intérieur du chariot. « Tu te mets à contrôler mon alimentation ? » La tienne, celle dont tu lui fais involontairement profiter. Je me vautre sur le caddy pour agripper l'une des boites au pif et la monte à bonne hauteur, pour lui persifler: " Ça serait bien un peu de protéines aussi " , que ce ne soit pas un mal-formé ou un anémié, et rejette le paquet dans le fond du caddy grillagé. Combien de fois elle s'est réveillée le cœur nauséeux, en proie à des vertiges qu'elle a fait passer en mangeant un peu? Avec quelques grammes de viande par jour, pas un steak mais juste une ou deux bouchées, elle pourrait et j'en suis certain reprendre du poil de la bête. " Un deal. " Et couché de nouveau sur le caddy, nous pénétrons dans le rayon de la charcuterie qui précède celui des légumes frais." C'est une tranche de dinde... " parce que je peux comprendre que la vue du sang la répugne un peu, " ou une annonce pour la bagnole " , ce qui n'engagera à rien tant que je ne signerais l'accord de vente.

" J’espère que vous imaginez l’avenir monsieur Eastwood. "
ft. ANNALYNNE & CLAY

Je me sais avoir maltraité cet enfant depuis l'instant même où j'ai apprit sa conception. Et le fait que Clay en prenne soin alors qu'il est encore et toujours dans mon ventre, me rappelle sans cesse que je suis en passe de devenir une mauvaise mère. Cependant je n'en démords pas, même lui, je me damnerai plutôt que de le savoir à ce point capable de me contrôler. Mon alimentation c'est entre moi et moi-même qu'elle est déterminée, bien que cet enfant prenne un malin plaisir pour me faire gerber la majorité des choses que je peux ingurgiter. A moitié à l'intérieur du chariot, il choppe encore une fois l'une des boites choisies pour me faire part de l'une de ses pensées. " Ça serait bien un peu de protéines aussi " J'entends ma langue persifler en amont alors que je détourne le regard. Je ne suis pas la végétarienne la plus assidue au monde, soit, mais son côté têtu est légèrement en train de m'agacer. Il balance la salade et dans ses prunelles bleutées j'en devine une lueur de défi, semblant d'idée de génie. " Un deal. " Une œillade à son égard alors qu'on poursuit le fait d'arpenter les rayonnages. " C'est une tranche de dinde... " J'arque les sourcils, parce que c'est énorme comme je le vois venir. Un plan fait pour me contrarier, que forcément, je ne pourrai me permettre de refuser. Alors déjà, je réfléchis aux arguments contre que je pourrai bien lui envoyer. " ou une annonce pour la bagnole " Sans pouvoir le retenir, un rire nerveux s'échappe de mes lèvres pour toute réaction première.

Cette fichue voiture, il n'a pas comprit que ce n'est pas juste une poignée d'argent balancée au vent, mais bel et bien l'un des seuls cadeaux que j'ai su lui faire pour lui démontrer toute mon affection … C'est dingue d'en faire toute une obsession. J'en croise les bras sur mon ventre, tandis que je m'arrête de marcher. Ne feignant plus de me concentrer sur les articles, ni même sur le caddy, je me rends à l'honnêteté pour ne le contempler plus que lui. « Clayton. » Je prononce avec dureté, prénom utilisé dans son entièreté pour accentuer de l'instant la fausse sévérité. « Si t'arrête de manger de la viande. » Après tout, ça compensera celle que je vais devoir me taper moi. « On a un deal. » Paupières plissées pour jauger de son expression, quand finalement je me permets une réflexion. « Mais je note de ne plus jamais t'offrir quoi que ce soit. » Et ce n'est pas la peine de me préciser le fait que de toutes les manières, à présent reniée par mon père, c'est une chose que je ne peux plus aussi aisément faire.

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ft. ANNALYNNE & CLAY

Cela la laisse sans voix mais ca ne durera pas car déjà elle ose me provoquer par l'emploi de ce prénom que profondément je hais. « Clayton. » Alors l'instant légèreté est bel et bien terminé et les choses sérieuses vont pouvoir commencer. Mais là n'est pas la chute de sa phrase puisqu'elle ose continuer tandis que je l'observe, toujours enjoué même si soudainement mon sourire niais va changer. « Si t'arrête de manger de la viande. » Les traits renfrognés, cherchant du regard au hasard sur les étalages où j'ai pu lui laisser penser qu'elle aurait le droit de me foutre à l'amende, j'abrège son ignoble chantage d'une tentative qu'elle va s'empresser d'avorter. " Mais, c'est moi qui... " pose les conditions du marché... Enfin je le croyais, d'autant plus qu'entre elle et moi ce n'est pas comparable. Je ne lui ai demandé qu'une tranche, pas d'en faire son menu journalier. C'est un retournement de situation auquel je ne m'attendais et direct, sans pouvoir argumenter, elle clôture la discussion comme si j'avais accepté les closes du contrat. « On a un deal. » De toute manière, je pourrais toujours éluder ce qu'elle a insidieusement rajouté en allant le midi dans l'un des nombreux resto que dessert le quartier, alors soit...  « Mais je note de ne plus jamais t'offrir quoi que ce soit. » Non, parce que c'est tout de même à moi d'assumer financièrement pour nous trois et des cadeaux, je n'en veux pas particulièrement même venant de sa part. D'affectueuses attentions, c'est tout ce que je lui demande, çà et de prendre soin d'elle et de ce qui grandit en elle jusqu'au fatidique neuvième mois.

J'hausse des épaules, acquiesce silencieusement tout en sachant pertinemment que je vais dans mon cas ne pas honorer ledit pacte, les noms des nombreux restaurants que j'irais visiter déjà en tête. Alors nous faisons encore quelques pas, elle guidant le caddy et moi suivant derrière lui, jusqu'à nous retrouver devant le rayon des blancs de poulet découpés. Sans lui demander son approbation puisqu'elle me l'a donné il y a quelques secondes, mes doigts tirent la porte vitrée de la baie frigorifiée et empoigne un paquet judicieusement choisi parmi l'étage selon sa date de péremption. Je sais qu'Anna prendra tout son temps, peut-être résignée là mais pas totalement décidée, alors inutile de le perdre bêtement. " Adjugé, " vendu. Le paquet trouve place en compagnie des trois barquettes de crudités préparées, balancé sans plus grande précaution au fond de notre "panier" qui ne contient que des condiments dont je ne pourrais jamais personnellement me contenter.

Et continuant de scruter ce que recèle notre caddy, j'exprime le fond de ma pensée d'une question clairement établie: " C'est tout? " Tout ce dont elle a besoin? On peut y aller? Parce que pour ma part à présent, j'ai une toute autre idée que je vais m'empresser de réaliser puisque de cette voiture elle ne veut se séparer. Un présent contre un autre, telle est ma logique du moment, même si elle ne m'en offrira plus dorénavant.

" J’espère que vous imaginez l’avenir monsieur Eastwood. "
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La bataille semble presque trop facile à gagner, et je sonde ses mouvements, ce petit haussement d'épaules qui prouve que j'en ressors victorieuse de notre semble de combat. Et je sais, dans le fond, qu'il y a quelque chose qui cloche, qu'il abdique sans rechigner alors que la viande fait partie de ses presque mignons, péchés. Puis … Au fil de ces jours, de ces mois passé à ses côtés, je commence à – de son attitude – en connaître les secrets, sauf qu'en remettre une couche signifierait juste revenir sur le sujet de la voiture, et là, par contre, je suis encore totalement intransigeante, on ne la vendra pas. De fait, lorsque tout fier il attrape un de ces paquets de blanc de poulet, je me contente de lui lancer un regard noir et de l'écouter trancher de son ; " Adjugé, " qui me donne autant la nausée que cet animal en tranches découpées. Je soupire lorsqu'il le lâche dans le panier, et je commence même à me préparer mentalement afin d'affronter du mieux que je le peux ces futurs repas où la viande régnera. Me répétant déjà une nouvelle rengaine, si ça peut lui faire plaisir, et à Micro teub, lui servir. Dans l'espoir de parvenir à trouver une quelconque motivation. Puis être en couple, c'est aussi cela, n'est ce pas ? Essayer de faire des concessions, de compromis pour ne pas se faire perdre mutuellement la raison.

" C'est tout? " Oui, à la vérité, je pense que c'est largement assez. Parce qu'en un sens… Faut avouer que c'est une bataille qu'il a gagné. Ca fait des années que je n'ai pas mangé de viande de mon plein grès. Et ma mère s'en arrachait des cheveux, à me dire – comme toi – que ma décision n'était pas pour le mieux. Souvent elle m'a forcée, et j'en ai vomit presque même à m'en forcer. Tu le savais ? Je secoue le visage, chassant cette pensée, ce retour dans un passé que je peine à effacer. Étiquetée certainement pour toujours et à jamais. Alors qu'il est toujours affalé sur le caddy, je me rapproche de lui, sans y penser réellement, ni même le calculer, d'ailleurs ça ne me perturbe même pas tant c'est fait naturellement. C'est peut-être l'effet de m'être plongée une seconde dans les méandres de mon passé qui me pousse à savourer le fait que maintenant tout est presque .. parfait. Ma main se glisse avec délicatesse dans son bras, l'étreint d'une faible pression quand je l'invite muettement à nous diriger vers les caisses tout en lui murmurant. « T'es content, hein ? » Fier de toi, de m'avoir faite céder, sans trop forcer, pour une fois. Malignement, je lui décoche un regard amusé, avant de lui dire tout de même « N'en prends pas l'habitude. » Parce que tu me connais, ça me coûte de me montrer aussi docile que cela. Même si je t'aime plus que jamais tu ne l'entendras ...

Et déjà, suite à quelques pas, on se retrouve dans la file d'attente de l'une des nombreuses caisses, bercés par les bips incessants de ces articles passés sous capteur, bruits criant à mes tympans … le mot argent.