A la minute même où je constatais qu’Alejandro s’avançait dans notre direction, à mon client et moi, je savais qu’il allait tenter quelque chose de complètement insensé. Mon cœur en battait même à une vitesse, et je stressais à l’idée de savoir qu’est-ce qu’il allait bien pouvoir raconter. C’est alors qu’il demanda à mon client s’il était bien mon fiancé. Mon cœur en loupa un battement. Je tentais alors de m’interposer mais je fus prise de court par mon pseudo fiancé qui confirma les dires de l’espagnol et lui demanda par la même occasion qui il était. Alejandro se présenta : nom et prénom. Mais je savais qu’il n’en resterait pas là alors je décidais de m’interposer pour l’éloigner au plus loin de mon fiancé. Je le tirais avec moi en dehors de la salle de réception et lui demandais des explications.

J’écoutais attentivement ses explications alors qu’il prétendait vouloir faire connaissance avec mon fiancé, qu’il se demandait si celui-ci me connaissait aussi bien que lui. D’ailleurs qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire que mon client connaisse mon passé ou non. En l’occurrence ce n’était pas le cas, je pense qu’avec Alejandro, la seule personne qui connaissait tout c’était mon meilleur ami. Les autres ne savaient que ce que je voulais bien leur montrer. Au fur et à mesure qu’il s’expliquait, je l’écoutais tantôt levant les yeux au ciel. Rancunière ? Okay. Ingrate ? S’il le voulait. Cependant mon cœur se brisa lorsqu’il prononça les mots « femme de ménage ». Ce fut un terrible retour à la réalité. Je ne sais pas si j’étais énervée ou triste. C’était mitigé. A cet instant même Alejandro venait de lâcher une bombe. Non je n’avais pas oublié d’où je venais, c’est d’ailleurs ces souvenirs de souffrance qui me motivaient à vouloir devenir une femme du grand monde. Je ne voulais pas que les gens me regardent comme une simple femme de ménage.

« Une femme de ménage… C’est donc tout ce que j’étais à tes yeux… » disais-je avec une voix d’un calme effrayant mais qui montrait bien ma tristesse et ma déception, alors que je baissais les yeux pour fuir son regard.

Je ne savais que dire d’autre. La volcanique Ruby avait disparu. Je n’avais même pas la force de le remettre à sa place. Il venait de toucher un point sensible, LE point sensible. Je sentis alors une goutte s’écouler sur ma joue, puis une autre, que j’essuyais d’un revers de la main. Je ne devais pas pleurer, en tout cas pas devant lui.

« Je crois que je vais y aller… » dis-je entre deux sanglots.

Je tournais alors les talons et m’apprêtait à quitter Alejandro.

Alejandro n’était plus l’homme que j’avais connu. Il avait complètement changé. Il me parlait comme si j’étais une inconnue comme s’il n’y avait jamais rien eu entre nous et je parle seulement d’amitié. Il était froid, distant. Il me blessait mais semblant n’en avoir rien à faire de la souffrance que je pouvais ressentir à ce moment précis. Je ne le reconnaissais pas, non ce n’était pas pour cet homme que j’avais ressenti un quelconque sentiment. Impossible. Malgré le fait qu’il m’avait blessée au point que j’en avais les larmes qui coulaient, il restait insensible. Il enfonçait le clou me rappelant que « femme de ménage » c’est bien ce que j’avais été. C’était comme s’il voulait bien me faire comprendre que jamais je ne ferais partie de son monde et ce, même si j’essayais. Il me sermonnait aussi sur le fait que je devais lui être reconnaissante à lui et sa famille et sur ce point il avait raison.

« Ecoute, je sais que je ne pourrais jamais rendre à ta famille tout ce qu’elle a pu faire pour moi. Oui, je vous suis reconnaissante et je n’ai jamais manqué de le faire savoir à tes parents même quand je les ai quittés. Seulement… »

Seulement, je n’avais pas besoin qu’on me rappelle tous les jours mon passé, surtout dans le but de m’humilier. Ma fierté m’empêchant de pleurer devant Alejandro, je décidais de le laisser et de m’en aller. Cependant, Alejandro en avait décidé autrement. Je sentis sa main me saisir le bras d’une manière assez ferme. Je tentais de me dégager sans succès. Il me retourna face à lui et plantant son regard dans le mien, il me demanda si mon fiancé était au courant.

« Non il n’est pas au courant et à mon humble avis, il n’a pas besoin de le savoir. Mais il semblait que tu te faisais une joie de vouloir le lui annoncer, alors vas-y, je t’en prie… »

J’avais en face de moi un homme totalement différent de celui que j’avais connu. Je ne sais pas ce qu’il s’était passé dans sa vie, ni même quelles épreuves l’avaient endurci de la sorte, mais je ne le reconnaissais pas. Cependant tout ce qu’il avait dit était vraie et même si je ne voulais pas le reconnaître, il est vrai que j’avais été une domestique dans sa famille et que je leur devais beaucoup, notamment sur le fait qu’ils m’aient gardé à leur service après la mort de ma mère, et qu’ils avaient été là pour moi dans cette période difficile. Alors que je voulus m’en aller, il m’en empêcha me demandant si mon client était au courant de mon passé de domestique. Je lui répondis par la négative et lui laissais même l’honneur de le lui annoncer s’il le voulait. Mais contre toute attente, il m’assura que mon secret serait bien gardé avec lui, et en profita pour me demander d’oublier le passé, faisant référence à ce qui avait pu se passer entre nous.

« Marché conclu…Merci Alejandro » lui dis-je dans un demi sourire.

De toute façon, à l’heure actuelle, je n’étais pas en position de refuser quoique ce soit. Il suffisait d’un seul faux pas et il serait capable de lâcher la bombe. Et puis je n’avais pas envie non plus de rester fâchée avec le jeune héritier, je veux dire que comme tout le monde il avait droit à l’erreur. Il s’était mal comporté par le passé certes, mais je n’étais pas blanche non plus.

« Et puis, excuse-moi pour tout à l’heure. Je n’avais pas à te parler comme ça, je suis désolée… Mais bon, tu me connais assez pour savoir que c’est mon impulsivité qui a parlé…Sur ce, je te souhaite une très bonne fin de soirée, il faut que j’aille rejoindre mon fiancé qui doit s’impatienter. J’espère te revoir très vite… »

Avant de le quitter, je pris soin de prendre son numéro de téléphone, histoire de garder le contact. Enfin, je tournais les talons afin de retourner dans la salle de réception. J’espérais juste qu’Alejandro tiendrait parole.