Ce qui ne me tue pas me rend plus... bizarre.
 

Zoïa & Clay / Déc 2015

Danseur, je suis mauvais, assurément. Alors lorsqu'elle dégaine malgré une marque de politesse que jamais ô grand Dieu elle ne tenterait l'expérience, j'ai un sursaut de surprise. « Sans offense, mais autant danser avec un gorille. » Etre comparé à un tel primate n'est pas sans animer un peu plus mon égo puisqu'elle aurait pu viser bien plus bas et me prétendre seulement affublé de deux pieds gauches. Elle détaille rapidement mes traits et je devine son visage se plonger un peu plus en aval avant d'aviser d'une autre parole qui a le don de me faire ingurgiter de travers  « J'aurais pu demander une lap dance ceci dit. » Pardon?? J'ai...souvent... eu l'occasion de me payer quelques strip privés dans les showroom du Nirvana. Mais de là à me donner en spectacle, je ne sais si j'en serais capable. Et pourtant... de cette curieuse expérience, je pourrais certainement en ressortir meilleur qu'avant. « Mais disons plutôt que vous ne me refuserez pas un service lorsque j'en aurais besoin et quel qu'il soit, ça m'ira aussi très bien. » Cela me convient parfaitement et j'acquiesce, bouche pleine, d'un hochement de tête lorsqu'il s'agit de donner mon approbation. Mais à une condition seulement. Alors après avoir avalé péniblement, j'ose m'aventurer sur un terrain glissant, thème qu'il n'est pas aisé d'aborder en particulier avec une femme au travail, d'une baguette levée. « Rien de sexuel » , pas entre collègues. J'ai déjà une fois donné et l'ai amèrement regretté jusqu'à ce qu'elle ne soit mutée.  

Ce qui ne me tue pas me rend plus... bizarre.
 

Zoïa & Clay / Déc 2015

« Evidemment. »  Je ne sais si c'est sur un fond de moquerie à peine dissimulée ou par sincérité amusée qu'elle esquisse sur ses lèvres un simulacre sourire. « Je ne mélange pas travail et plaisir charnel, bien que je sois particulièrement douée dans ces deux domaines. » Ah!... Elle aiguise soudainement ma curiosité en seulement quelques mots et là, pour le coup, alors que je ne doute pas un seul instant de ses compétences dont elle fait preuve dans le sous-sol chaque jour que le bon Dieu fait, j'aimerais bien la voir à l'œuvre dans le second, histoire de la croire en en ayant la preuve. Terrain glissant ai-je dit précédemment et pourtant j'ai un mouvement de recul pour la détailler un peu plus amplement et tente, lubrique, de remplacer les pousses de soja qu'elle glisse entre ses lèvres nacrées par autre chose de plus....consistant. « Et quand et où avez-vous donc besoin de moi exactement? »« Pardon? » J'ai bien entendu mais l'information met un certain temps à effacer ce que mon esprit étriqué s'est laissé suggérer. Alors mon regard fuyant le sien subitement pour aller se terrer dans le fond de la boite où je pioche frénétiquement, je réponds tout bêtement à ses attentes: « Le 13 du mois prochain au Myung Dong. C'est un restaurant coréen, » mais inutile de le préciser. Cela dit je préfère, vu qu'elle semble encline à m'accorder ce que je souhaite, insister sur un certain point qui posera problème au moment de l'addition. « Mais cet homme... Comme tout autre friqué, a certaines exigences et ne connait plus les limites de l'intégrité, » puisqu'il peut tout simplement tout se payer d'un coup de plume sur son chéquier. « S'il est seul, je crains qu'il ne veuille bien plus qu'un dessert pour terminer la soirée. Aussi....» Et là vient le moment le plus délicat de cette conversation où mes yeux viennent chercher les siens: « Et je dis bien s'il est seul, vous faire passer pour....ma petite amie. Pour votre propre sécurité. »

Ce qui ne me tue pas me rend plus... bizarre.
 

Zoïa & Clay / Déc 2015

« Les friqués, j'ai l'habitude. » Il est vrai que je ne me suis jamais penché sur la vie privée de la jeune femme, préférant entretenir à tout point de vue le coté professionnel de cette relation bien que forcé de constater, j'ai la fâcheuse tendance à irrémédiablement ressentir le besoin de venir la chercher quand je la sais dans les sous-sols à pratiquer. Pourquoi? Sans doute parce qu'elle me ressemble de caractère et comme je n'ai pas souvent l'habitude d'être accosté par les sous-gradés vu ma réputation d'être froid et colérique, je me dois de côtoyer seulement le peu de mes congénères officiers lorsqu'ils ne sont pas voués à leurs enquêtes et dossiers. « Ça me semble possible. » A la bonne heure, elle ne semble pas contre l'idée de s'afficher en ma compagnie et de tenir ce rôle pour le moins insolite qu'elle feintera - j'en suis certain - à la perfection aux vues de ses prédispositions d'actrice. Mais lorsqu'elle poursuit suite à son accord déjà donné : « Et puis ma sécurité sera plus facile à assurer en sachant que je ne suis pas la vraie n'est-ce pas? », j'ai un bref mouvement de recul, distrait par le sous-entendu. « La? » comme si une femme m'attendait chaque soir, ce qui est un peu le cas sans vraiment l’être. Mais qu'en sait-elle, elle? Si je ne parle pas aux sous-fifres d'ordinaire, c'est justement parce que leurs sujets de conversations ô combien rébarbatifs sont toujours les mêmes... t'en as tiré une ce week-end? Bonne, baisable, passable... Chose que je n'accepte pas dans un tel milieu puisque nous nous voulons garants de certaines valeurs. Qu'ils en parlent, mais hors de ma présence. Et pourtant je me suis surpris il n'y a pas quelques secondes encore à dépasser ces limites que je m'étais moi-même imposées. Mais seulement par pensées.

Que Zoïa soit la vraie ou pas, elle aura toute mon attention ce soir là si d'aventure cet homme d'affaires souhaite s'offrir bien plus que mon nom et ma réputation. « Au fait » , ce n'est pas que je doute des gouts vestimentaires de la jeune femme mais ne l'ayant toujours vue qu'en blouse, ce détail m'échappe. « Avez-vous de quoi vous....apprêter? » la question est délicate à poser sans vouloir la vexer.

Ce qui ne me tue pas me rend plus... bizarre.
 

Zoïa & Clay / Déc 2015

« Si il y en a une bien sûr, mais ce n'est pas important. » Bien sûr que si ça l'est et elle dit vrai quand elle prétend que j'aurais tendance à m'emporter bien trop rapidement s'il s'agissait d'Annalynne. Mais avouer certaines choses ne sont pas non plus dans les prérogatives de cette entrevue. Je ne tiens pas à faire circuler le fait que je sois le jouet d'une femme qui, la bague au doigt déjà, se verra contrainte d'en épouser un autre dans quelques mois. « Naturellement. Il aime quoi votre homme? Gucci, Prada, Versace?» Ah. Des noms qui me parlent vaguement pour les avoir vu brièvement estampillés sur les sacs que Malcolm à tendance à bien trop souvent ramener, encombrant de ce fait les couloirs et le canapé. Il est vrai que je suis plutôt intéressé par Charmel, Chantelle, Victoria's secret... Autant de dessous que je prends toujours le temps d'apprécier à leur juste valeur. « Je n'aime pas Armani, je suis désolée. » Pourquoi? Quelle est la différence? Que fait-il de moins celui-là? J'ai beau chercher dans mes souvenirs, de ce que ma "plus que voisine" à pu sortir de ses paquets mais rien n'y fait, je ne saurais dire quel style lui associer. Mais on va faire comme si cela m'était égal, comme si je n'étais pas un novice dans ce monde là et lève une baguette machinalement, terminant d'avaler ce que je m'efforce de mastiquer. «  Je pense que quelque chose de sobre et élégant fera l'affaire n'est-ce pas? » Le porc au caramel une fois passé, je prends le temps de boire avant de lui rétorquer « Tout à fait. » Classique et élégant, c'est tout ce que je demandais à la base. Je ne cherchais nullement à partir dans l'extrême car après tout, ce n'est quand même pas un gala de charité que nous allons nous présenter. Mais soit. Sa malice se reporte à nouveau sur mes traits lorsqu'elle s'entiche d'un intérêt quant à ma future tenue. « Et vous? ». Voilà LA question qui va me demander un temps de réflexion car mis à part ce costard trois pièces très seyant que je ne sors qu'en de grandes occasions, ma panoplie ne se résume qu'à quelques blousons et trenchs qui ne se veulent qu'ordinaires et discrets. « J'ai le temps de voir venir, »  maintenant que je sais à quoi m'en tenir pour replonger le nez dans la boite de carton-pâte et finalement grogner «   Pas besoin de m'habiller en je ne sais quoi.... un simple costume suffira » ou pas.... Voilà. Elle est maintenant au courant que je ne partage pas les même points de vue qu'elle sur le prêt-à-porter. Mais pour mettre toutes les chances de mon coté, j'irais sans doute dans l'une de ces boutiques hors de prix pour en acquérir un dès demain bien que cette idée me rebute déjà. Je m'y vois déjà, harcelé par des vendeuses dont les conseils sont si souvent biaisés par l'étiquette épinglée: plus c'est cher, mieux c'est.