« Mademoiselle Malcolm, ça y est. » Sans le voir venir, j’ai eu la nausée, au lieu de me voir de joie, exploser. « Votre père nous a intimé de tout boucler. » Ce qui signifie qu’ils l’ont fait, et ce dans la matinée, je le savais. Faut croire que ça commençait à être mal vu de savoir sa petite fille fiancée sous le même toit qu'un homme ne possédant qu'une chambre à coucher.

Je suis d’abord restée assise sur le canapé, comme une idiote, sonnée. Ouais, j’ai mis un temps à réaliser ce que ce mec venait de m’annoncer au téléphone, juste avant de m’entendre raccrocher. Je ne sais pas ce que je m’imaginais, après tout, à la base, ce n’était pas fait pour durer. Mais ma volonté de faire trainer les choses avait laissé place à un je-ne-sais-quoi auquel j’étais habituée, je ne mentirai pas, tant que ce n'est pas fait à son visage, je n'en vois pas l'intérêt. J’y étais bien chez lui, même avec l’histoire Amy …

Et là, tous ses sentiments, je les vomis. Putain, faut franchement que je me tire d’ici.

J’ignore pourquoi je me dépêche afin de récupérer un de mes sacs, fourrer à l’intérieur tout ce que je peux, tout ce qu’ici j’ai pu amener, tout ce qui par sa faute n’a pas brûlé. Je sens comme un truc dans ma poitrine qui bat trop fort, et qui pour le coup me dévore, si je dis ne pas deviner pourquoi je suis en train de me grouiller afin de me tirer, la vérité est tout autre, je le sais. Je veux en profiter, le temps qu’il n’est pas dans les parages, le petit Clay. Mais comme ce mec a tout en lui pour me faire chier faut que j’entende dans la serrure le bruit de ses clefs. Ca me surprend, dans mon élan, j’en laisse tomber ce que j’avais en main, en poussant un petit cri des plus féminins. Me retournant pour me heurter de mes prunelles aux siennes qui ne vont pas tarder à se montrer intriguées. « Tu peux pas prévenir quand tu fais ton entrée ?! » Je lui crache au visage avant de rattraper mon sac et le tissus qui m’a échappé, continuant ma valise afin de tout arrêter. C’est aussi dégueulasse qu’une rupture et par avance, me fait chier.

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Annalynne & Clay / Octobre 2015

" Je sais bien, je te l'ai promis. Mais une autre fois, pas maintenant. " J'attendis qu'elle soit la première à raccrocher pour glisser le téléphone dans la poche arrière de mon jeans, emmerdé à l'idée de devoir aller la voir répéter alors que je n'aspirais qu'à une seule et unique chose: me vautrer devant la télé et qu'on me foute la paix. Mais la voiture d'Annalynne garée dans la ruelle en contrebas laissait présager qu'elle soit encore là à errer chez moi. Voilà que mes espérances s’estompèrent au fil des secondes me rapprochant peu à peu de mon palier, pouvant tirer un trait sur mon petit plaisir de fin de semaine dénommé Heineken. Parce que même si j'avais du mal à l'admettre, elle n'avait pas tort sur un point: j'avais la descente un peu trop facile depuis quelques temps et le fait de surveiller Amy n'était pas pour adoucir ce vice.
Remontant le couloir, le courrier à la main, je fis voler mes clefs entre mes doigts pour finalement ouvrir ma porte d'entrée. Fermée à double tour comme je l'avais quittée très tôt dans la matinée. La jeune femme n'avait pas donc pas bougé de la journée. Étonnant. Annalynne n'avait pas ce coté psychotique et le même sens des réalités, se foutant bien de la valeur des choses puisque, contrairement au commun des mortels, Madame pouvait d'un simple claquement de doigt tout remplacer. La trouver dans le salon ne fut donc pas une surprise tout comme sa réflexion lorsqu'elle pivota sur elle même m'ayant entendu arriver. « Tu peux pas prévenir quand tu fais ton entrée ?! ». Je fronçai les sourcils tout en passant à coté sans rien remarquer, juste ses affaires dans quelques sacs, répliquant à son agression verbale l'air renfrogné: " J'suis encore chez moi à ce que je sache. " Ma main vint claquer les clefs sur le plan de travail pour pouvoir étudier chacune des enveloppes avant de marmonner de mon coté " Enfin. Elle se décide à un peu moins s'étaler...". Mais un détail moins anodin me fait me retourner, un cliquetis particulier et dévisage ce qu'elle vient de refermer. Une valise que je n'avais pas encore repérée... Alors prenant une pomme - pour changer - et la portant à hauteur du visage, flanqué contre un mur, je lui demande l'air faussement désintéressé avant de mordre dedans:  " Tu pars en week-end ? "

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Annalynne & Clay / Octobre 2015

Dans mon esprit, il y a comme cet épais brouillard qui me donnerait presque le cafard. Je bats des paupières quand je réalise tout ce qu’ici j’ai laissé trainer, ne sachant même plus dans quel ordre il me faut ranger. " J'suis encore chez moi à ce que je sache. " C’est vrai. Encore plus vrai aujourd’hui que je m’en vais. Je secoue le visage, face à la réalité. Je n’ai absolument plus rien à faire ici, n’y suis pas chez moi, ne l’ai jamais été. Alors je me tourne vers lui, le regarde un instant faire, poser ses clefs, en marmonnant comme un insupportable vieux aigris. " Enfin. Elle se décide à un peu moins s'étaler..." Et là je soupire en me demandant comment j’ai pu envisager que ce mec aurait pu me manquer, j’aurai du me tirer avant de le voir rentrer,  je plaide la folie passagère, il est clair que je serai mieux sans lui, je ne saurai même pas dire ce qui m’a pris, je me désespère.

Sur cette révélation intérieure, j’hausse les épaules, grinçant des dents, avant de redoubler d’efforts afin de terminer cette fichue valise. Mais sous le tissus, je me fais honnête, je m’enlise. J’attrape un ou deux t-shirt de plus, avant de m’abaisser et dans un mouvement sonore, la refermer. Je me redresse quand je sens son regard sur moi se poser, prunelles que dans l’instant, j’évite, consciemment. " Tu pars en week-end ? " Je cherche toujours autour de moi ce qu’il me manque, et passe ma main dans mes cheveux en lui répondant sans franchement y penser. « Non. » Sans plus de précision, et me dirige vers la salle de bain, un nouveau sac à la main. Ravalant de mon simple mot, tout son dédain. En weekend ou pour toujours, après tout, qu’est-ce qu’on s’en fout.

Je ne sais pas ce que j’espère, et je me surprends à me regarder dans le miroir, quelques minutes bien trop longues à mon gout, et cet air dépité qui traverse mon expression, je le hais, je l’avoue. Je n’aime pas cette idée, de faire une crise existentielle juste parce que je retourne vivre de l’autre côté du palier. Et mes doigts machinalement attrapent mes produits de beauté, que je mets dans le sac prévu à cet effet, je réitère plusieurs fois l’action, avant de revenir vers le salon. Et je me force à sourire, quand je lui offre un nouveau délire. « Aujourd’hui tes rêves sont devenus réalité. » Piquante, mes bras vont se croiser sur mon ventre, acte incontrôlé, qui je l’assure, ne prouve en rien que la solitude déjà à mon intérieur murmure. « Les travaux sont terminés. » On se rend nos libertés mutuelles, on se sort de ce quotidien irréel.  

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Annalynne & Clay / Octobre 2015

« Non. » Son regard s’égare sur les alentours et comme préoccupée par autre chose, elle se révèle très peu encline à satisfaire ma curiosité sur les raisons de sa soudaine agitation. Soit. J’observe, néanmoins anxieux, cette valise à présent close sur le divan et la vois finalement détaler en direction de la salle d’eau sans dire le moindre mot. Mes yeux roulent dans la même direction mais mes pieds, eux, restent cloués tout comme mes lèvres. Statique je suis et le resterais tant qu’elle ne me donnera pas plus d’amples informations. A quelques mètres, des bruits de fioles ne font que renforcer un peu plus mon appréhension car ce n'est pas pour simplement dépoussiérer les étagères qu'elle empoigne tous les flacons.

Alors La pomme portée à mes lèvres, je la détaille qui revient un autre sac remplit à la main et comprends avant même que son  « Aujourd’hui tes rêves sont devenus réalité » ne s'échappe des siennes qu'il me sera difficile à présent de la faire de nouveau mienne. Chose surprenante, le fruit entre mes dents vient de perdre toute saveur. Il est vrai qu'au début, c'était ce que j'avais souhaité: qu'elle me rende au plus vite ma tranquillité. Mais à présent, les choses en sont autrement même si je la sais d'un milieu différent. Sa présence ici - même si cela me coute de l'admettre - me manquera j'en suis conscient. J'avais parfois l'impression d'être bien d'avantage qu'un simple flic de quartier en l'ayant sous mon toit, me sentant bien plus important que je ne le suis réellement et tout çà au détriment de ses propres besoins. « Les travaux sont terminés. » Précisions inutiles, je m'en doutais déjà. " Bien " , ma plus grosse connerie est enfin effacée et avec elle les traces de mon passage dans son existence. Car dès demain, je sais pertinemment que strass et paillettes rythmeront à nouveau son quotidien avec tous ses amis branchés qu'elle pourra à nouveau inviter. Je me retourne pour visualiser les nombreuses enveloppes déjà examinées, n'ayant rien trouvé de mieux à scruter, et me contiens quelques secondes avant de lui cracher, blasé par mes réflexions,  " Fais en sorte de ne rien oublier ". Tellement aigri par son annonce, je ne calcule même plus la portée de mes mots et ne souhaite qu'une chose: qu'elle abrège au plus vite son départ et me soulage de l'embarras dans lequel me plonge cette situation. " Et n'emporte pas de souvenir cette fois-ci. Ca m'déplairait de venir les rechercher ". Et malgré tout je souris à la pensée des premiers jours où, dans son petit bordel, j'ai mis main basse sur sa dentelle. J'espère qu'à mes mots, elle a bien capté que je ne l'aiderais en rien. Elle est assez grande et c'est en quelque sorte sa décision de nous quitter, moi et ces murs dans lesquels elle a évolué. La pomme vient rouler sur le plan de la cuisine, n'ayant plus du tout cet attrait particulier et fais abstraction de ce qu'elle peut faire puis qu’après tout ce ne sont plus mes affaires.

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Annalynne & Clay / Octobre 2015

Mes iris cherchent les siens, lui offrent bien trop ma vulnérabilité que depuis des années je tente d’éradiquer. Je reste, quelques secondes, sans mot dire, patientant pour entendre ce qu’a ma grande révélation il pourrait ajouter. " Bien " Je pince mes lèvres, grimace un peu, lorsque je secoue le visage positivement afin d’approuver le simple mot qu’il a bien voulu me donner. Une fois encore, je me dis que je suis stupide que je ne sais pas ce que j’attendais, non pas des larmes, mais peut-être quelque chose pouvant me signifier, que je pourrai lui manquer. J’avais tort, et je me fais à l’idée, on  rien a foutre sous le même toit et chacun des pores de ma peau me hurle de me tirer d’ici. Que les grands adieux, ça n’en vaut pas la peine, que de toutes les façons ce n’est pas comme si notre relation n’était pas pleine de haine. Oui, c’est ça, on se supporte pas, lui et moi, alors à quoi ça sert de rester les bras croisés en attendant de le voir s’animer. Un ricanement s’échappe de mes lèvres, furtif, et jaune, je me retourne et reprends mon ancienne besogne. Prendre mes affaires et fuir son chez lui. Retrouver mon chez moi, au bon vouloir de papa. " Fais en sorte de ne rien oublier " Encore je ricane, et je reste muette quand en réalité j’envisage de lui dire qu’il n’y  absolument aucun risque que ce soit le cas. Pour rien au monde je ne remettrai les pieds ici, qu’on se le dise.

" Et n'emporte pas de souvenir cette fois-ci. Ca m'déplairait de venir les rechercher " Mon regard le cherche encore quand le sien m’évite, soit, je n’emporterai rien de plus rien de moins que ce qui m’appartient. Je m’apprête à choisir à nouveau le silence, cependant c’est plus fort que moi, je ne peux pas empêcher ma langue de fourcher et de lui lancer. « Comme si je pouvais avoir envie de te revoir. » Mon assurance est impassible et surtout contrôle en tous points le mensonge que je viens de lui sortir. Si le voir sortir de ma vie était mon but premier lors de notre rencontre, aujourd’hui la vérité est tout autre, mais sa fierté autant que la mienne assujetti chacune de mes veines, attise un tant soit peu ma haine. M’enfin ma concentration sur mon but se penche encore une fois, je réfléchis quelques secondes, calcule si j’ai tout empaqueté, et je me dis qu’au pire, le reste, il n’aura qu’a le jeter. Ensuite j’attrape ma valise, mon sac de produits, un autre sac bien rempli, que j’amène vers l’entrée. Avant de me diriger vers Clay, obligée de faire une dernière chose avant de voir le chapitre de notre collocation se refermer. De la poche arrière de mon jean, je sors mon trousseau de clefs, sur lesquelles se trouve le double de sa porte d’entrée. Je la détache un sourire aux lèvres, plantée devant lui avant de lui dire à demi sérieuse, mais surtout, à moitié emmerdée. « Tu pourras dire à Amy que ça y est t'es prêt à l’accueillir chez toi. » Plus de cafard envahissant possédant un égo bien trop grand. Bordel, je suis forcée de constater que ça me donne toujours autant la gerbe de savoir qu’il fait semblant de s’être rangé avec elle. Je lui sers un clin d’œil, au moment où j’attrape sa main pour poser la clef dans le creux de cette dernière. « On va s’épargner les grands adieux. » On est bien trop cons pour ça, tous les deux.

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Annalynne & Clay / Octobre 2015

Nul besoin de la regarder s’enfuir, je l’entends  très bien empoigner quelque chose dans mon dos et m’imagine de ce qu’il doit s’agir. Chaque bruit m’intrigue malgré moi, suscite ma curiosité maladive et c’est avec peine que je ne me retourne pas pour en déterminer l’origine. « Comme si je pouvais avoir envie de te revoir. » Putain de fierté qui me laisse de marbre lorsque ma langue voudrait la retenir.  Non, je ne la regarderai ni ne lui répondrai, ce serait lui faire trop plaisir et affirmer une faiblesse que je ne veux plus voir m'assujettir. Et pourtant mon poing vient frapper le marbre de l’évier, blessé qu’après des mois à cohabiter sous le même toit, elle ne partage pas le même sentiment. «  Bien sûr » que je marmonne les dents serrées, exaspéré par le ton condescendant que ses lèvres ont emprunté. Ce n’est que lorsqu’elle dépose ses sacs à l’entrée que la pression se fait soudainement plus accablante, nous rapprochant inexorablement de ce foutu moment que j’appréhende. Celui où elle quittera ce lieu pour ne plus jamais y revenir. Alors j’endure les quelques secondes restantes pour entendre ses talons marteler de nouveau dans ma direction. Mes yeux se ferment, cherchant un quelconque apaisement dans la pénombre et commence à entrevoir ce qu’elle a traversé le jour où je n’ai voulu quitter son appartement après avoir dormi sur son sofa complètement bourré. A ceci près que moi, j'en ai joué. Cette fois-ci je me retourne pour entrevoir dans ses mains quelque chose d’argenté et que je reconnais avec regret : c’est bien cette clef, celle que je lui avais prêtée. J’hésite un instant à la récupérer et sonde son regard. Mais rien. Seulement cette habituelle malice dont elle sait faire preuve même dans les moments les plus inappropriés.

Cette fois-ci elle me prend carrément la main pour l’y déposer après avoir ajouté « Tu pourras dire à Amy que ça y est t'es prêt à l’accueillir chez toi. » Mes doigts se referment crispés sur le bout de métal. * Au moins elle, elle se laisse se faire sauter...* Son petit clin d’œil se veut taquin je le sais bien mais à ce stade, s’en est presque vexant de s’entendre dire ce que je dois faire ou non. Si j’en avais eu l’intention, Annalynne aurait jarté depuis bien longtemps. Mais me caser avec une prostituée…pardon, une danseuse exotique n’est pas vraiment dans mes intentions. J'aspire à une retraite posée, une vie rangée avec une femme aimante à mes cotés et pas la première pute rencontrée dans un troquet. « On va s’épargner les grands adieux. » Certes, «  T’as raison ». La clef vient vite trouver sa place dans ma poche et je me dirige alors vers la porte d’entrée, prends deux sacs - les deux premiers à ma portée - parmi ceux qui y sont entassés et ouvre sans perdre de temps pour les déposer sans ménagement sur le palier avant de la fixer. Le procédé est le même pour les suivants jusqu’à ce que mes doigts viennent enfin empoigner le plus encombrant: sa valise. Mais à défaut de la foutre dans le couloir comme tous les autres, je bloque un bref instant sur tout ce qu'elle représente. Cependant je ne vais pas reculer, plus maintenant et finalement elle rejoint ses homologues sur le palier. Une fois redressé, je retourne me flanquer contre le frigo ma pomme et ma fierté retrouvées  " Madame est servie, j'te retiens pas. ".

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Annalynne & Clay / Octobre 2015

Ignorant totalement ce que j’attends, je me laisse submerger par ce qui ressemble de plus en plus à n’importe quoi, j’ai horreur, de ce jeu là. J’ai ce truc au fond de la gorge, aigre et dégueulasse qui prouve que mes mensonges, pour une fois, je ne les aime pas. Mais je m’enlise dans ces derniers, parce qu’ils ont toujours été présents, c’est toujours simple de faire semblant, encore plus quand je crache au vent, que le revoir serait complétement dément. Incapable de lui dire quelque chose d’autre, tout simplement. Et si sa réaction ne se laisse pas attendre longtemps, le fait est qu’elle me déplait. «  Bien sûr » Soit. Grand bien nous fasse à tous les deux, ce départ. Et je tais les autres commentaires que je pourrai faire à son égard. Tandis que je m’enfonce un peu plus dans cet état que je ne contrôle et surtout ne comprends pas, je m’avance vers lui pour lui rendre qu’encore peut nous lier. Dernier acte, signant la finalité de notre collocation obligée, de cette relation qui aujourd’hui me rend aliénée. Mes prunelles observent ses doigts se refermer sur l’objet métallique, et j’amorce un soupir que j’arrête avant sa véritable naissance, n’ayant pas envie de lui laisser le choix de déceler une once de faiblesse dans ma volonté de le quitter. Ce serait bien trop lui donner, quand lui semble enclin à me laisser filer sans même rechigner. Je m’achève seule lorsque je lui parle d’Amy, lorsque je laisse entendre que je ne vais pas lui manquer, que ces jours et ses nuits vont être bien occupées … Et je me demande si je ne vais pas réellement vomir sur le sol avant de me tirer. Mais j’efface la nausée poursuivant mes manières, éviter les adieux, invente le fait que c’est mon seul et unique vœux, espère c’est vrai, le faire réagir, un peu. Parce qu’il ne réalise surement pas, que c’est mon égo plus que mon cœur qui est touché à ce moment là. Je me sais vipère, seulement, je pensais que sur ce point, lui et moi, on allait de pair. Et m’être autant trompé, ça m’exaspère. «  T’as raison » Parfait, à jamais c’est ça ?
Prise de court, j’observe ses prochains mouvements sans broncher. Peut-être … Ouais certainement blessée par ce qu’il est en train d’effectuer. Ca me torture de l’intérieur, et je fulmine parce que tous les jours, tous les instants que j’ai pu passer ici, je les rumine. Je les regrette presque. Quand enfin il achève mon tourment en déposant le dernier sac sur le palier, je me mords les lèvres, complétement dépassée. Ses pas le ramènent vers son point de départ, sans même un autre regard. " Madame est servie, j'te retiens pas. " Et mon inférieure toujours maltraitée par mes incisives, je hoche le visage à plusieurs reprises de façon positive. Mes iris quelques secondes restent braqués sur le sol, et je suis forcée de constater que je ne suis pas capable d’ajouter quoi que ce soit à tout ça. Les pensées se bousculent dans ma tête, les envies, aussi, je ne pourrai me le cacher, pas à moi-même en tous les cas … Mon père, l’appartement de Clay, le mien qui n’est plus brûlé, cette nuit que je croyais vouloir oublier, et Amy, ma foutue pointe de jalousie. J’envisage, j’essaie, d’articuler d’autres mots, de lui dire que mine de rien, dans cette situation, il y a un peu tout qui me fait chier. Mais quand je relève le regard vers le sien, je n’y trouve – je crois – que ce qui fait qu’il est hautain. « Ok. » Voilà tout ce que j’arrive à dire. Voilà ce que je me contente de faire, les choses à ma manière. « Tu veux peut être un dédommagement ? Pour le déménagement ? » Je crache un peu plus fort, et cette fois, j’espère bien que c’est lui que ça emmerde ma phrase, parce que chacun son tour. En inspirant, je le regarde avec dégout, et me détourne finalement, afin de rentrer chez moi, non sans ajouter un « Va te faire voir. » J’aurai pu l’aimer, ton côté connard.

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Annalynne & Clay / Octobre 2015

Il est vrai que j'ai été plutôt vache dans mes paroles mais n'en regrette pas encore la teneur. Si j'ai bien appris quelque chose durant ces mois de "labeur", c'est qu'il ne faut jamais montrer une once de faiblesse à cette femme sans quoi, l'issue peut vous être fatale. La pomme reprend petit à petit de toute sa saveur et j'en déduis donc que j'ai fait le bon choix quant à l'aider à dégager de chez moi. La bête regarde silencieusement le sol. Elle est là ma victoire. Mais cela ne dure que quelques secondes seulement, le gout fugace du triomphe s'envolant au détriment d'un autre sentiment... « Ok. Tu veux peut être un dédommagement ? Pour le déménagement ?» Ce ne serait pas de refus mais là encore je ne sais quoi lui demander, outre ce qui me vient directement à l'esprit, c'est-à-dire qu'elle fasse un peu preuve pour une fois d'humilité et avouer que son séjour ici elle l'a apprécié.  Prenant le temps de mastiquer, j'étire mon bras pour observer sérieusement la montre à mon poignet et aussi cyniquement que je puisse l'être, détache " Oui, ce que tu m'as fait le 21 aout à 2h36 précisément du matin" . Même sans se remémorer ce qu'il s'est passé à cette date précise, il est évident que ce que je demande n'est pas anodin. « Va te faire voir. » Deuxième victoire par refus. Décidément, je deviens de plus en plus fort à ce jeu sans même prendre du recul quant à la raison de son rapide abandon. D'ordinaire, nos rixes - même si de plus en plus rares - durent beaucoup plus longtemps mais elle doit être si réjouie à l'idée de regagner ses appartements qu'elle se refuse même à un dernier affrontement.

Néanmoins pas totalement satisfait, je la regarde prendre la direction de la porte quand une autre idée me traverse l'esprit. " OH ". La blesser devient un jeu si passionnant qu'il m'est difficile d'en apercevoir limites.  " Amy va avoir besoin d'un congé pour demain, si tu pouvais la remplacer. J'ai peur qu'elle ne puisse pas danser.... " vu ce qu'elle va se prendre ce soir si vous me suivez... Je n'attends aucune réponse de sa part, sachant pertinemment qu'elles n'ont pas le même travail, mais juste un regard noir. Et pour être certain qu'elle comprenne le sous-entendu libidineux, j'accompagne mes mots d'un clin d'oeil explicite. La porte est entre-ouverte mais qu'importe si la vieille puritaine d'en face m'entend blasphémer sur mes habitudes de fins de soirées. La vieille bigote a déjà à de maintes reprises croisé mes concubines, alors voir au travers de son judas qu'une femme quitte mon appartement avec des valises va la réjouir, m'imaginant à tord un peu plus assagit.  

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Annalynne & Clay / Octobre 2015

" Oui, ce que tu m'as fait le 21 aout à 2h36 précisément du matin" Sur fond de bâtard, je lui réponds presque directement d’aller se faire voir. Si avant je regrettais d’avoir couché avec lui, une chose est certaine c’est qu’aujourd’hui, cet acte je le maudis. Me demande une nouvelle fois ce que cette fameuse nuit, il m’a pris. Mais peu importe, je n’ajoute rien d’autre, si ce n’est à son égard, un dernier regard noir. Prête à mettre un terme à cette mascarade qui n’était pas désirée, depuis le départ. Mon égo en bandoulière, je m’avance vers la porte que je suis bien décidée à prendre pour la dernière fois, sans aucun regret, et je me persuade autant de fois nécessaire que cette pensée est on ne peut plus vraie. Après tout, quel remord je pourrai avoir à le quitter ?

" OH " A croire que je ne pourrai pas me tirer tant que monsieur n’aura pas ma peau. Je mets tout de même un temps à me retourner, pour ne pas lui offrir le plaisir de trop vite lui obéir. " Amy va avoir besoin d'un congé pour demain, si tu pouvais la remplacer. J'ai peur qu'elle ne puisse pas danser.... " Furtivement l’envie de m’avancer vers lui pour lui foutre une baffe traverse mon esprit. Mais j’essaie de définir d’abord s’il tente d’attiser – de ma part – une certaine jalousie. Je ne vois d’ailleurs que ça en étant même forcée de constater que ça fonctionne presque un peu trop sur moi et je me retourne à ce moment là, mauvaise comme rarement je l’ai été avec lui, le gratifiant toujours de mon côté joueuse à défaut des autres traits de mon caractère merdique à souhait. Finalement je choisis une toute autre option à cracher à son visage de pauvre con. Je souris, dans un premier temps, tiraillant mes zygomatiques de force alors qu’aucune envie de le faire en moi n’ait présente. Quand je commence à rire, m’enfonçant dans mon mensonge si bien que moi-même je commence à le trouver vrai, puisqu’il prend naissance dans mon esprit heurté, je prononce difficilement. « Tu parles. » Et mon rire se fait grand, moqueur, et emplit d’une putain de candeur. « Dans les vestiaires, elle racontait comment elle était douée pour simuler. » Sous-entendu avec lui. Et j’ose espérer être capable avec ça, de le blesser. Et je ris encore un peu, avant de hausser les épaules, encline à partir, dorénavant, en étant certaine de ne pas me retourner. Ma main sur la poignée de la porte va se poser et je pourrai partir maintenant, évidemment que je pourrai, laisser sur moi la porte se refermer, mais bordel, je ne peux pas m’empêcher de rajouter «  Sur ce, à jamais. » Et jamais non, je n’avouerai, que l’agent Cooper, va me manquer. Derrière moi se ferme la porte, constatant avec horreur, qu’il me semble bien vide ce palier.

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Annalynne & Clay / Octobre 2015

« Tu parles. Dans les vestiaires, elle racontait comment elle était douée pour simuler. » Foutaises. Mes yeux l'assaillent aussitôt, ne croyant pas un instant à ce mensonge de femme lésée. C'est ma virilité qu'elle vient de briser, elle le sait et c'est bien ce qu'elle escomptait lorsque ses lèvres ont commencé à cracher. Si avant l'idée de la voir refoutre un pied dans mon appartement était une éventualité, à présent qu'elle remet en doute mes capacités il en est autrement. Cette possibilité s'est envolée tout comme ma fierté.  «  Sur ce, à jamais. »  Je la regarde attentivement prendre la porte pour cette fois-ci la refermer sur elle définitivement. Une fois hors de mon champ de vision, emporté par la colère, ma main balaye d'un geste vif la pile d'enveloppes à coté, mes traits crispés et petit à petit c'est une tout autre chose qui me dérange: le silence. Pesant et omniprésent, il fait que j'ai l'impression de redécouvrir les lieux, comme étranger au décors qui m'entoure. Rattrapé par le besoin d'en griller une, je viens ramasser - une clope au bec - ma connerie puisque me venger sur des biens m'appartenant ne soulagera en rien ma conscience. Non, j'ai besoin de m'en prendre aux responsables et c'est rapidement que je vais chercher mon téléphone dans la pièce à coté.

Une fois l'objet entre les mains, c'est sur le profil d'Amy que je me concentre et tergiverse sur la façon de lui reprocher ce qui a été dévoilé, si ce n'est effectivement pas une saloperie d'Annalynne dite juste pour m'énerver. Mon doigt hésite un long moment sur le clavier, bloque même sur le premier mot par lequel commencer. Cette fois-ci on peut dire qu'elle m'a véritablement mis à terre. Emmerdé plus que jamais et mettant mes jambes en mouvement, je commence - pas vraiment conscient - à décrire des cercles autour de la table les yeux rivés sur l'écran vierge, fulminant à la fois contre la serveuse et la strip teaseuse. Le Nirvana... Ce club ne m'aura apporté que des emmerdes. Et guidé par un profond ressentiment, mon index frappe jusqu'à ce qu'un dossier précis vienne apparaitre à l'écran. L'enregistrement. Ayant à cœur de l'écouter une dernière fois pour - même si je sais cela impossible - vérifier qu'elle aussi n'a pas simulé son plaisir, mon doigt se fige, possédé par la crainte que ce ne soit vrai. Au final je n'en fais rien et le glisse dans la poche arrière de mon jeans la mâchoire contractée tout en fixant la porte d'entrée, dernière chose que ses doigts ont affecté. " Mal-bai..." Non, les mots se perdent, étranglés face à l'ironie de la situation car les prononcer serait me tirer moi-même une balle dans le pied comme un con.

M’accoutumant peu à peu au calme régnant dans mon appartement, je prie Dieu pour qu'elle n'est fait preuve que de jalousie uniquement et vautré sur le canapé ressasse certains souvenirs les yeux perdus au dehors. Quand soudain une vibration remonte le long de mes reins. Une main glissée et j'extirpe l'Xpéria de sa poche pour apercevoir le nom de ma blonde s'afficher. Ouais...bah non. Là, écœuré pour le coup et doutant d'elle, ce qui au fond revient à dire de moi, je le relâche à coté et la laisse s'exciter seule sur son combiné. Quelques secondes après c'est une nouvelle tentative puis une notification comme quoi elle a bel et bien laissé sa trace sur ma messagerie.
Alors je relativise parce qu'au fond la véritable responsable de tout çà reste encore celle qui brille de part son absence. Et dire qu'on aurait pu tout simplement se "quitter" en bon terme si je n'avais était si con et impulsif. Mais pour quelques noirs dessins dont je nie toujours l'existence, j'ai fait stupidement preuve d'arrogance. Il serait peut-être temps d'accepter l'évidence: cette femme me plait bien plus qu'une autre. Alors après quelques minutes passées à triturer mon téléphone, je me lève déjà anxieux à l'idée de ce qu'il va se passer, quitte mon logement et me dirige vers sa porte d'entrée, hésite une fois sur son palier le poing levé au moment de frapper.