Assassin's Tango
 

Leo, Grimm & Clay

Tout au long du trajet, j’avais espéré que l’effet de surprise puisse pardonner mon retard auprès des différents résidents du chalet…. Tu parles,  la surprise avait été de taille, mais pour moi. Non seulement j’avais appris durant le diner que ma sœur s’était de nouveau amourachée de cet enfoiré qui l’avait trompée, mais en plus je n’avais pu me préparer émotionnellement à revoir Léo. La belle non plus ne devait s’y attendre d’ailleurs. Je ne suis pas prêt d’oublier la tronche qu’elle a  tirée lorsque Cléa a cru bon de nous présenter.

Bref, après çà difficile de conserver notre bonne humeur bien qu’après quelques verres, l’ambiance s’était un peu plus allégée autour de la table malgré quelques réflexions balancées entre nous deux histoires de nous chambrer discrètement. Passé vingt-trois heures, il devenait difficile pour tout le monde de rester éveillé et je profitai d’une dernière clope pour les laisser prendre leurs quartiers. " Dernier arrivé, dernier servi!" qu’on m’avait gentiment balancé. Soit. Après quelques minutes à reluquer les étoiles et autres détails, je compris vite qu’une certaine brune avait retrouvé le contenant argenté dans les rocailles car il était de nouveau à sa place et prêt à l’emploi. Mes lèvres s'arquèrent à l'idée de la pourrir à nouveau. Ce serait con de provoquer un départ de feu…je jetai donc mon mégot dedans, c’était plus prudent.

Une fois de nouveau à l’intérieur, mes yeux se posèrent sur le salon déserté. J’avais enfin pour moi la tranquillité lorsque des grommellements s’élevèrent à ma droite. C’était son  chien, molosse aux crocs acérés, les globes exorbités, vautré sur le canapé et me qui me toisait l’air de rien.  Un autre détail attira mon attention néanmoins : le cuir où il avait pris position. Depuis le début de la soirée, je soupçonnais une certaine rivalité entre nous mais de là à recouvrir mon odeur… futé l’clébard. J’allais pour récupérer mon bien lorsqu’il se mit à grogner de plus belle. Je fis quelques pas en arrière tout en marmonnant un truc du genre sous l'effet de la colère " Très bien saloperie, c'est toi qui vois ". D’un pas déterminé, j’entrepris d’aller chercher du côté cuisine de quoi chasser le nuisible, puis revins une main fermement agrippée au manche à balais " Tu vas dégager, crois-moi ". La bestiole me voyant arriver redressa la tête et aboya frénétiquement. Je ne sais si c’est par crainte d’être pris en flag' ou pour calmer le jeu mais j’en jetai mon arme avant qu'on ne puisse me voir, abdiquant face à l’adversité du corniaud.

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Saloperie de clébard... Le manche percuta à mon grand regret la table basse du salon tout juste au moment où un autre objet contondant me cingla la nuque, d'un coup bien ciblé entre les deux étiquettes. De Dieu, le choc fut si violent et la douleur si virulente que je m’abattis par terre, les deux mains clouées au sol, la tête la première dans un râle de douleur qui incita mon agresseur à rallumer la lumière. " Euh... Clay... Qu'est-ce que tu fous encore ? ! " Je reconnu aussitôt la voix de Lockhart malgré les bourdonnements incessants. " A TON AVIS! J'me branlais! " * Et des questions connes comme çà t'en as d'autres Lockhart? * Me redressant, une main portée à ma nuque pour me masser et faire passer la douloureuse, je ne pus m’empêcher de continuer de grogner mon mécontentement les yeux fixés sur son sac à puces: " J'dors là. Dès que ton chien aura dégagé..." C'est presque au même instant que je me permis une œillade sur ses sous-vêtements pour au final en rester scotché. Merde... J'en détaillai les motifs avec étonnement. " Oh put..le tue l'amour. C'est quoi çà? " me foutant d'elle avec cynisme en pointant du doigt la face de souris sur son top. Inquiet un instant, j'abaissai les yeux sur le mien, me rassurant sur la nature de mon imprimé, noir, sobre, d'une déconcertante banalité. Ce n'était en rien comparable au sien et silencieusement m'auto-félicitai d'avoir opté pour la simplicité ce matin.

Dernière tentative pour faire dégager le parasite, la bestiole me happa presque le bras lorsque je tentai d'attraper le plaid où il avait trouvé refuge. " Ok " Alors totalement contrarié, je pris mon jeans à coté et me rhabillai rapidement, ramassai mes clefs trainant sur la table, ayant opté pour la facilité en allant me prendre une chambre au motel du coin. Dormir dans une tente, très peu pour moi, je tenais encore à mon petit confort et à avoir un toit au-dessus de moi.  

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Elle avait beau lui gueuler dessus dans sa langue Cherokee, la bestiole se montrait toujours peu encline à me rendre mes affaires, à commencer par mon blouson qu'elle traina jusque dans son coussin, le vidant au passage de tout ce qu'il contenait. Putain le portefeuilles... Je fis demi-tour et le ramassai quand elle me proposa une alternative à notre p'tit problème.  " Ok, je te propose un marché ! Tu me laisses dix minutes pour me changer et refaire le lit que j'ai démoli et je dors sur le canapé. Si tu ne veux pas, bah... Tu peux partir. Mais penses à Clea, c'est elle qui t'a invité. Je n'ai pas envie que tu partes à cause de ce que mon chien et moi avions fait..Au pire, je prends mon chien et je dégage d'ici. " Hors sujet, totalement...Je n'étais pas prévu à la base dans le scénar de leur petite escapade, c'était donc à moi de dégager.

Mais quand elle mentionna Clea, je me figeai. Ce n'était pas comme si je n'allai pas revenir dans la matinée... Ceci dit pour une fois qu'elle faisait preuve de faiblesse et de pitié, j'aurai été vraiment con de ne pas en profiter. " Laisse tomber les draps, tant que t'as pas tes... " * Non Cooper, surtout pas. La miss n'a en rien l'humour vaseux de tes collègues avec qui tu peux parler de chaleurs œstrales pour déconner. Quoique vu l'humeur de Lockhart, c'est à se demander si elle n'a pas ses ours tous les jours du mois. * Une fois briquet et paquet de clopes mis hors de portée de la mâchoire écumante, je pris sur moi de la regarder droit dans les yeux sans rire malgré son accoutrement. " Soit ." Après une dizaine de minutes, la brunette refit son apparition, ayant délaissé le Mickey au détriment de quelque chose de plus ordinaire, de plus saillant, et tout en me dirigeant vers la chambre je lui soufflai au passage " Alors bonne nuit ". Fais de doux rêves calée sur le flanc, les ressorts plantés dans la hanche.
Une fois à l'intérieur, j'avais devant moi une pièce sans vie, un lit soigneusement plissé, beaucoup plus présentable que ce que j'avais coutume de laisser derrière moi chaque matin au levé. Les draps furent d'un geste de la main très rapidement froissés. * J'avais dit pas la peine *. Puis mes yeux se posèrent sur un sac éventré aux pieds du pieu, ouvert sur la moitié de sa longueur d'où s'échappaient quelques fringues colorées.  * Intéressant * D'une œillade discrète, je cru un bref instant entrevoir de la dentelle noire aux reflets geais. Plutôt affriolant comme sous-vêtement la sachant si peu féminine.

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Voilà deux bonnes heures que je tentais de trouver le sommeil, bien trop loin de mon petit bordel habituel pour me reposer sereinement. J'avais , vautré au dessus des draps, l'impression de jouer à mon insu dans l'une de ces émissions télé qui consiste à vous faire perdre vos repères en terres inconnues. Tous les éléments étaient rassemblés pour en recréer l'atmosphère pesante, de la faune enragée en passant par les autochtones dérangés, le tout gravitant dans un décors qui m'était totalement étranger. Au bout de trente minutes seulement, je m'étais lancé dans le visionnage d'un bon vieux péplum que j'avais presque aussitôt abandonné. A cet instant précis je ne regrettais qu'une seule chose: d'avoir laissé ma collection de documentaires sur la mécanique des corps à la merci de Malcolm. J'étais quasi sûr de ne plus les retrouver à mon retour, pourtant bien rangés sous une pile de fringues dépliées. En quelques semaines, Annalynne avait  appris à me cerner et nul doute qu'elle aura pris un malin plaisir à rayer chaque dvd.

Minuit passée à ma montre et dans quelques heures seulement Clea et son boyfriend allaient sonner à coup de clairon le réveil. * Tant que lui ne rentre pas dans ma chambre, tout rira bien *. Finalement je me surpris à réagir comme c'te clébard, cherchant à défendre un territoire qui n'était pas réellement mien. Puis c'est sous la ceinture du boxer que cela me démangea mais ne vous y méprenez pas, rien de pervers à celà. Je me levai et ouvrai doucement la porte de la chambre, butant sur un poids mort qui déguerpit aussitôt et me permit de l'ouvrir entièrement... Encore son corniaud qui me guettait mes allées et venues. Dans la pénombre, il m'était impossible de discerner sa position exacte et je restai là quelques secondes à écouter les signes de respiration. Mais seuls quelques gémissements se firent entendre, ceux de Lockhart dont le sommeil légèrement agité me fit repenser à ses derniers mots * Mauvaise nuit *. J'avoue avoir ressenti à ce moment une joie malsaine et profonde. Mais je ne pus rester là à contempler mon "œuvre" et me dirigeai vers la salle d'eau quand une idée absurde me retint. D'habitude, je ne me serais pas dérangé pour tirer la chasse mais là, dans cet espace exigu avec tous ces occupants et sortir l'amérindienne de ses tourments, faire autant de bruit n'était pas très indiqué.

Je pris donc la sortie, l'air chaud de la nuit tannant mes sens. La température n'avait baissé que de quelques degrés seulement et l'humidité dans l'air quasi absente. Au loin, quelques lumières de portables voletaient comme des lucioles, signe que certains étudiants éméchés jouaient encore aux plus fins. Discrètement, je descendis le perron, mon poids faisant craquer le bois sous mes pas. Après quelques enjambées, un buisson trouva grâce à mes yeux et me soulageai de mon envie pressante, sifflotant pour faire passer l'temps. De retour à l'intérieur, les gémissements s'étaient transformés en jérémiades intrigantes, bien plus fortes que ce qu'il m'avait déjà été permis d'entendre. Alors allant me laver les mains dans la cuisine donnant sur le salon, j'ouvris au max le robinet, le jet s'écrasant violemment au fond de l'évier, en espérant la réveiller.

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 Discrètement elle s'approcha, des bruits de pas étouffés, presque inaudibles puisque recouverts par le chant du ruissellement martelant avec force l'inox détrempé. Jetant un coup d'œil rapide par-dessus mon épaule, je la vis dans la pénombre s'installer et prendre ses aises sur l'une des chaises. Quelques secondes passèrent sans la moindre parole jusqu'à ce qu'elle finisse par briser le silence auquel je m'étais habitué. " Tu l'as mérité le coup de rouleau de pâtisserie... On ne doit jamais me mentir surtout quand on se fait passer pour mort " Nous y voilà donc.... A ce jeu de questions-réponses, je devenais de plus en plus doué bien que je commençais à me perdre dans mon argumentation face aux plus redoutées: A quoi occupes-tu ton temps? Qu'est-ce que tu deviens? Comment gagnes-tu ta vie? Ma main appuya fermement sur le mitigeur, coupant le jet sèchement, les yeux fixés sur un point fictif tandis qu'elle trafiquait je ne sais quoi dans mon dos. Immobile et pensif, je tentais d'en cerner vainement les échos feutrés. Puis elle se leva pour baigner d'une lueur blafarde la pièce en ouvrant la porte du frigo à deux ou trois mètres de moi. Cette soudaine clarté me tira de mon comas éveillé. Alors j'agrippai un torchon posé à coté pour, d'un geste mécanique, méthodiquement m'essuyer. " Pourquoi tu m'as menti au Bukowski quand je t'ai demandé si tu connaissais les Cooper ? Tu croyais que j'étais devenue une balance, sachant que je n'ai rien dis quand tu as brûlé la boite aux lettres de tes voisins ? Tu as une raison de m'avoir menti, alors dis-le moi...Et regardes-moi dans les yeux cette fois... " Absorbé par l'inflexion qu'elle venait d'utiliser, empreinte d'une écœurante pitié que je ne lui connaissais, je restai là le regard absent, les paumes fermement ancrées sur le bout d'étoffe froissée, à contempler le vide me faisant face.* Parce qu'une question en aurait entrainé une autre, que tu m'aurais demandé qu'est-ce que j'ai foutu durant deux ans hors de la tombe. Et qu'il m'est impossible d'y répondre. * Jetant le torchon contre la crédence, je la fixai sans lui donner entière satisfaction, gardant le silence encore quelques instants. Habilement, mes doigts vinrent trouver dans le font d'un tiroir une allumette que j'écorchai en fine écharde pour me la coller entre lèvres et rajoutai au bord du rire nerveux  " Parce que j'trouvais çà amusant. " Visiblement elle non. Mais la voir aussi compatissante à mon égard me dérangeait fortement, moi l'type habituellement confronté à une totale indifférence.