Je secouais la tête en répondant : « Non jamais… » J’avais clairement un esprit de baroudeur mais avec un porte feuille troué. Alors impossible pour moi d’assouvir toutes mes envies d’ailleurs. « Je vais découvrir par procuration à travers tout ce que tu me raconteras… » ajoutai-je. « Mais oui peut être qu’un jour j’irai… » En tout cas, c’était une super opportunité pour l’étudiante alors j’espérais pour elle que ça allait lui faire du bien. Lorsqu’elle me confia que son chauffeur allait me ramener à la DH, je fus un peu impressionné. Feldt était sympa de premier abord, rien à voir avec certains snobinards du campus, mais si elle avait les moyens de partir tout un semestre à l’autre bout du monde, de se payer un chauffeur, c’était clairement qu’on ne venait pas du même milieu. Mais j’étais loin d’être quelqu’un qui laissait l’argent mettre des barrières. Ce ne fut donc pas la découverte du milieu social de la rouquine qui jeta un froid, mais plutôt ma tentative de tricherie. Je sentis que ma présence dans son dos la crispa sur le coup. Je m’excusais, repensant à ce que Feldt avait probablement vécu. Ce n’était pas très malin de ma part. Je ne fis pas plus de remarques, histoire de ne pas accentuer son malaise. La mather enchaina deux verres avant de me faire savoir que c’était à mon tour. « Attention, tu vas découvrir la star en puissance. » Ou pas… J’attrapai la queue et le carré bleu que j’appliquais en le tournant à l’extrémité, tel un professionnel. Je reposais ensuite la poudre colorée. Ma main gauche sur la table, ma main droite tira alors, faisant s’entrechoquer la queue et la boule et j’observais ensuite la trajectoire de cette dernière. Au pire, si je me ratais, j’avais l’excuse des culs secs que je venais de m’enfiler.

Je faisais partie de cette population qui avait de la chance. J’ai toujours su qu’au niveau financier j’aurai pas de problème. Quand mes parents étaient encore en vie, je vivais au Japon et faisaient partie des ingénieurs les plus reconnus dans leur domaines. J’avais bien entendu le testament à la mort que j’allais recevoir tout leurs argents à 18 ans. C’était une somme monstre et à cet âge la, je pouvais pas imaginer ce que cela représentait. Certes, mon expérience a l’orphelinat ne reflétait pas cette somme mais avec mon tuteur, tout avait changé. J’avais de la chance, je le savais et bien que je reçois des pensions d’Elios pour les jumeaux, cet argent, j’aurais pu m’en passer. J’avais pas de problèmes avec l’argent alors que la plupart des étudiants a Harvard allaient ressortir avec une dette monstre. « C’est un pays magnifique. » C’était quand même mon pays natale et je savais que j’allais apprendre beaucoup en partant. J’allais surement aussi pouvoir oublier ce qu’il m’était arrivée, de passer à autres choses. Je croyais que c’était déjà le cas mais visiblement ce n’était pas le cas. J’étais quelque peu inconfortable et mal a l’aise, a présent. Alors que je laissais Priape jouer et marquer. « Pas mal. » Dis-je en descendant un autre shot.

Je regardais la boule rouler sur le tapis vert et finir sa course dans l’un des trous de la table. Finalement, j’étais peut être plus doué avec un coup dans le nez. Je me tournais avec un sourire fier vers Feldt qui se contenta d’un petit –pas mal- avant de s’enfiler un nouveau verre. « Pas mal c’est tout ? Attends tu vas voir… » fis-je en attrapant à nouveau la queue pour rejouer. Bon, il ne fallait pas trop que je fasse le malin. La rouquine avait quand même enchaîné 3 succès avant d’échouer, et c’était surement parce que je l’avais déconcentrée d’ailleurs. Je saisis le carré bleu pour répéter exactement les mêmes gestes que lors de mon tir précédemment. Sait-on jamais que cela me porterait chance. Superstition quand tu nous tiens. Je me mettai ensuite en position et recommençai une nouvelle fois.  

Nous laissions la discussion sur mon semestre à l’étranger de cote pour nous concentrer sur le jeu. Je regardais Priape se mettre en place pour tirer une nouvelle fois et rater. Je ne pouvais pas m’empêcher de rigoler. C’était en mode méchant, ou pour me foutre de sa gueule. C’était juste vraiment drôle après qu’il m’ait dit que j’allais voir. Le tension en moi se relâchait doucement. Priape allait pas me faire du mal et cela avait été involontaire de me faire peur tout a l’heure. « Tu disais…? » Taquinais-je en prenant la queue pour me remettre a jouer. « Mais je vais te laisser dire que c’est la faute des verres que tu as enfilé avant. » Je me mettais en position pour tirer, laissant la queue résonner contre la boule blanche.