J’avais passé un spring break plus arrosé qu’il ne faut, certains disaient que j'étais pitoyable, un vrai alcoolo comme relaté dans CS, d’autres disaient que j’étais simplement malheureux. Moi, je n’avais juste pas envie de me justifier sur la manière dont je gérais la fin de ma relation avec Talya. J’avais levé un peu le pied en rentrant à Cambridge, ou plutôt j’avais ralenti les levés de coudes, mais là, après que mon ex petite amie ait décidé de choisir Matthéo, j’avais plus que jamais besoin d’un remontant. Je n’étais pas de garde le lendemain alors autant en profiter. Poussant les portes d’un des bars de la ville, j’avançais jusqu’au comptoir pour commander un whisky sans glace. Mon regard balaya l’endroit pour y chercher une tête connue. Boire accompagné c’était toujours mieux vu que de le faire seul. Mes yeux s’arrêtèrent un instant sur une rouquine accoudée un peu plus loin. Son visage m’était familier : je l’avais croisée au poste de police, quelques mois auparavant, alors que je venais raconter une énième fois aux agents de police l’agression de Milena à laquelle j’avais assisté et que j’avais essayé de stopper. « Hey ! » la saluai-je en m’avançant vers elle. « On s’est déjà croisés sur le campus je crois… » fis-je subtilement remarquer. Je voulais pas parler d’emblée du commissariat, je préférais lui laisser le choix ou non d’aborder ce sujet. « Je m’appelle Priape et je recherche désespérément quelqu’un pour m’accompagner à boire ce verre histoire de faire taire les mauvaises langues. » expliquai-je en levant le whisky que le barman m’avait servi.

J’aurai aimé passer un Spring break, normal, calme, en m’amusant mais il avait fallu que cela ne soit pas de l’ordre du jour. Sérieusement, c’était possible que j’ai, je sais pas pour une fois une vie normale? Je ne vais pas mentir mais je commençais de plus en plus d’avoir hâte de partir à Tokyo pour mon semestre la-bas. J’avais déjà prépare l’hébergement, et aussi mes tickets pour aller là-bas, donc je n’avais plus qu’a faire mes valises. J’allais prendre Gaia et Hermes avec moi, vu qu’Elios n’avait pas le temps où je ne sais pas trop quoi. Enfin, je m’en fichais un peu, si il ne voulait plus prendre son rôle de père au sérieux, ce n’était pas mon problème. Ma vie ne prenait que des mauvaises tournures en ce moment, surtout après ce que Briony, ma supposée meilleure amie m’avait balancé a la figure a la fin du Spring Break. J’avais beaucoup de fierté, mais j’étais capable de la descendre un peu, sauf pour Andy. Quelle personne saine irait aller faire ami-ami avec le mec qui avait essayé de la tuer? Je veux dire, j’aurais pas dis non a essayer de faire un effort si il n’y avait pas toute cette histoire. Je n’allais pas non plus enlever l’ordonnance de restriction parce que j’avais encore peur pour ma vie. Cette histoire devenait juste ridicule et j’avais besoin de décompresser ce soir. J’avais laissé les jumeaux avec la nounou et je m’étais rendue à la Bukowski Tavern. J’étais assise au bar en sirotant mon verre de je ne sais même pas quoi. Je crois que je reprenais doucement mes anciennes habitudes. Complètement perdue dans mes pensées, je sursautais quand quelqu’un m’approchait. Je me retournai pour voir de qui il s’agissait. Je reconnaissais le jeune homme. On s’était croisé au commissariat quand j’étais venue faire déposer ma plainte et mes témoignages. Je ne voulais plus spécialement repenser a cette période de ma vie. Apres l’avortement, j’y avais mis un trait. C’était fini. “Possible ouais.” Lui répondais-je. Il se présentait alors et me demandait plus ou moins si il pouvait se joindre a moi. “Enchantée, moi c’est Feldt. Et vas-y, je t’en prie.” Lui dis-je en montrant la chaise libre a cote de moi. “Une raison pour les mauvaises langues?” Demandais-je. Je n’étais pas spécialement curieuse mais fallait bien engager la conversation.

La jeune femme fut prise d’un petit sursaut lorsque je m’étais approché : elle était sur la défensive. Surement à cause de ce que je supposais qu’elle avait traversé… Oui, pour moi sa présence au commissariat lors de la série d’agressions signifiait qu’elle avait été victime, ou bien témoin de l’une d’elles… Un peu normal qu’elle soit méfiante devant moi donc. Sa réponse me fit comprendre que cet épisode n’était pas à aborder. Faire comme si on s’était simplement déjà vu à la fac, c’était tout à fait dans mes cordes. Elle s’appelait Feldt et accepta de me sauver de ma solitude. Je m’assis près d’elle alors qu’elle me demandait de lui expliquer les –mauvaises langues- Un sourire s’afficha alors sur mon visage : « J’aime que tu me poses cette question parce que ça veut dire que tu fais pas partie des lecteurs assidus de ce cher Cambridge's Secrets… » Et c’était une bonne chose, parler avec quelqu’un de complètement neutre ça ne pouvait que me faire du bien. « Tu sais ce que c’est, un mec tombe amoureux d’une fille, la fille le trompe, CS en parle dans ses articles et tout le campus est au courant… » résumai-je sur une voix lassée avant de préciser, répondant ainsi à sa question : « Et le pire c’est surement quand on vous juge sur la manière un peu abusive dont vous gérez les choses… » expliquai-je en attrapant mon verre pour en boire une gorgée. Oui, je buvais surement un peu trop ces derniers temps, mais j’en avais plus qu’assez qu’on me le reproche sans cesse. « Et toi ? Une raison pour être installée devant un verre à cette heure ? » Peut être qu’elle attendait quelqu’un ? Je ne voulais pas non plus lui imposer ma présence alors bon, il valait mieux demander.

Je voulais vraiment plus repenser a ce qui m’était arrivée en décembre. J’avais déjà assez de cauchemar comme cela. Je dormais toujours avec au moins une lampe allumée. J’avais peur du noir, de l’inconnu et je sursautais au moindre bruit. C’est pour cela que j’avais eu un peu peur quand le jeune homme était venu m’accoster. C’était une réaction normale. Enfin je pense. J’avais parfois du mal encore a savoir ce qui était normal et ce qui ne l’était pas. Je l’avais vu au commissariat de police et si je me rappelle bien, c’est lui qui était venu en aide a Milena alors qu’elle aussi avait été victime d’un des agresseurs. Elle avait eu de la chance, quelqu’un était venu. Pour moi, j’avais du endurer jusqu’a la fin alors que cet homme avait pris avantage de ma faiblesse. Je n’avais rien pu faire jusqu’a ce que la sécurité du campus me trouve. Si seulement, je pouvais revenir en arrière et ne pas prendre le raccourcis a travers les hall de résidence. Tout cela ne me serait pas arrivée. Cependant, il était impossible de revenir en arrière. Nous n’étions pas dans un jeu, ou dans un film. C’était la vraie vie. Priape m’expliquait sa situation. Cambridge Secret, ouais je connais que trop bien, mais j’avais arrêté de lire les articles. J’en avais rien a faire des potins stupides que ce blog déballait. Ca servait juste a nous ruiner la vie. Je savais très bien ce que c’était que d’être trompé, de se retrouver cocu dans une relation. Les actions de Wyatt ne parlaient que trop bien, et bien que nous étions amis à nouveau, il y avait des choses que je n’oubliais pas. Et si je n’avais pas été enceinte à ce moment-là, j’aurais très certainement aussi été me réfugier dans l’alcool. “Tu devrais t’en foutre de ce que les gens pensent sur ta manière de gérer les choses. Ils ont pas juste inventé l’alcool pour qu’on s’amuse. Faut bien quelque chose pour nous faire oublier nos peines.” L’alcool, c’était genre mon meilleur ami quand cela n’allait pas bien. Apres mon accouchement, j’y avais complètement sombré et même aujourd’hui, j’y sombrais encore parce que damn, quand ce liquide chaud brulait le long de mon système digestif, je me sentais quand même bien mieux. “Je suis apparemment une pute égoïste sans coeur qui fait sa victime sans cesse, donc j’vais continuer de me lamenter sur ma triste vie en buvant.” Merci Briony de continuer de m’enfoncer encore plus dans ma vie déjà assez misérable. Et c’était sensée s’appeler une meilleure amie.

Pas de jugement de la part de la rouquine, j’appréciais. Et c’est donc avec un petit sourire que j’écoutais son conseil : ignorer les autres et continuer de faire les choses à ma façon. La remarque qu’elle ajouta quand au rôle de l’alcool m’arracha un petit sourire. « Le remède à toutes les peines… » acquiesçai-je avant de justement lever mon verre pour boire une gorgée supplémentaire de ma potion de l’oubli dont Feldt semblait bien connaître les vertus. Quand je l’avais interrogée sur les raisons qui elle, l’avaient poussée à se retrouver dans ce bar toute seule devant un verre, c’était aussi en partie pour être sûr qu’elle n’attendait personne et que je ne lui imposais pas ma présence. « Je refuse que tu t’auto qualifies d’égoïste sans cœur alors même que tu viens de me sauver généreusement des futures mauvaises langues qui auraient surement jaser en me voyant au comptoir tout seul… Moi tu m'as tout l'air d'une personne bien. » la contredis-je avec un petit sourire, conscient que si elle utilisait ces termes pour se qualifier c’était que quelqu’un avait du la blesser avec. L’avis d’un inconnu n’allait surement pas peser dans la balance mais la perte d’estime de soit je connaissais alors je n'allais pas la laisser se déprécier en restant les bras croisés. Et puis, histoire d’éviter la phase lamentation, je lui proposais un petit jeu : « Je te mets une raclée aux billards si tu veux, ça te tente ? » Y'avait une table un peu plus loin dans le bar.

Je ne pouvais pas juger Priape sur sa manière de gérer les choses, car je n’étais pas beaucoup mieux. J’avais été trompé, et ça m’avait tellement fait mal. J’avais juste envie de disparaitre, de m’enfoncer sous terre et ne plus jamais avoir a affronter ses personnes qui m’avaient fait du mal. Je ne pouvais que trop bien connaitre ses peines. Puis après, il y avait toute cette histoire avec Wyatt et Elios l’année passée, qui avait fini sur Cambridge Secret. On était plus ensemble, mais bon ça avait fait toute une histoire que j’avais encore perdu Elios. Je crois vraiment qu’on était pas fait pour être ensemble, et ça me brisait encore le coeur, bien que je m’y étais fait à présent a cette idée. Qui voudrait bien être avec un monstre comme moi? Personne je crois. Je trouvais cela sympa qu’il me dise de pas m’auto-qualifier d’égoïste. C’était cependant la vérité. “J’ai gagné la razzie de la plus égoïste au bal l’année passée. Je crois que l’avis de tout le campus a parlé pour moi.” Répondais-je en prenant une autre gorgée de mon verre qui se vidait de plus en plus. J’appelais le barman pour qu’il me verse un nouveau verre. J’en avais vraiment besoin ce soir de ce remède. “Je ne suis vraiment pas la meilleure à ce jeu, donc qu’importe ce qui va se passer. Tu vas gagner.” Rigolais-je un peu. Moi et le billiards? Non, on était pas très amis.

Feldt me remémora alors le razzie qu’elle avait remporté l’an passé. J’hochais les épaules, loin de me laisser convaincre par un stupide award probablement fruit des frustrations et jalousies accumulées par les autres étudiants : « Tu sais mon meilleur pote a gagné le prix du plus infidèle, ces prix sont bidons ! » Voilà, c’était dit, j’accordais aussi peu d’importance à ces récompenses de la honte qu’aux articles de CS. Même si j’avais été content d’être nommé meilleur dunster, je voyais pas l’intérêt des razzies sinon humilier un certain nombre d’étudiants qui n’avaient rien demandé. Mon interlocutrice fit signe au serveur de la reservir. Je finis mon verre pour le lui tendre également avant d’entrainer la rouquine vers le billard, ma boisson à la main, bien que l’idée ne semble pas l’enthousiasmer. « Tu sais tu vas peut être avoir la chance du débutant avec toi… » rigolai-je en installant les boules sur le dessus de la table à l’intérieur du triangle prévu à cet effet avant d’ajouter : « En fait non tu vas perdre t’as raison, parce que moi c’est sûr que je vais avoir la chance du cocu de mon côté. » plaisantai-je avec autodérision. Je plaçais la boule blanche devant les autres et j’attrapais une queue que je tendis à Feldt : « Aux dames l’honneur… »

Je l’avais quand même assez mal pris d’avoir gagné le prix de la plus égoïste, sachant que sérieusement j’avais sacrifié pas mal de choses pour mes amis. J’imaginais que peut-être que c’était m’importe quoi. J’en savais rien, ça m’avait chier et de toute façon, cette année, je ne serais même pas à Cambridge pour récupérer un prix si j’en gagnais un. J’avais assez hâte de partir pour mon semestre a l’étranger. Je crois ça serait vraiment une bonne chose pour moi. « Peut-être ouais. » Répondais-je à Priape. Je pris une nouvelle gorgée de mon verre. Heureusement que je tenais l’alcool plutôt bien, ce soir, j’avais vraiment besoin de sa compagnie. Priape m’entrainait alors vers la table de billiard libre. Ca allait tellement mal se finir. « On fait une règle alors. A chaque fois qu’un marque, l’autre doit boire. Vu que moi j’ai la chance du débutant et toi de celui du cocu, on devrait s’égaliser. » C’est bien ce que je disais, ça allait mal se terminer. Je me lançais alors. Espérant peut-être marquer du premier coup.

« Tu te rattraperas cette année… » la rassurai-je à propose des awards remis lors du bal. J’ignorais encore que la jolie rouquine ne ferait malheureusement pas partie des convives. J’entrainais ensuite la mather vers une table de billard. On avait tous les deux besoin de se changer les idées alors une petite partie serait idéale. Et mon sourire s’élargit en écoutant la proposition de la jeune femme pour pimenter le jeu. Je constatait qu’on était sur la même longueur d’onde : « Ca marche pour moi. » Et lui laissant l’honneur de commencer, pensant honnêtement avoir l’avantage parce que, quelle fille sait jouer au billard, je vis mon adversaire réussir un premier coup envoyant l’une de ses balles directement dans le mille. « Tu m’as menti en fait t’es une championne olympique de billard c’est ça ? » ricanai-je avant d’attraper, bon joueur, mon verre, pour l’avaler d’une traite. « Je vais finir bourré avant la fin de la partie si tu enchaines les coups comme ça. » fis-je en souriant. Je fis signe au serveur de venir me remplir mon verre. Bon comme Feldt avait réussi, c’était toujours à elle. J’attendis donc, espérant que son prochain coup serait raté sinon mon foie risquait de pas le supporter.