Tate avait gagné en confiance depuis son arrivée à la Eliot House, cela tient de l'évidence. Le nouveau vice-président était presque certain de pouvoir lui fournir les appuis nécessaires pour garantir une victoire. Toute cette bonté parce qu'ils sont proches, mais aussi et surtout, parce que sans Alejandro, le jeune Suisse ne serait peut-être pas le sucess story qu'il est devenu au sein de la Eliot. Le jeune Espagnol eut un petit hochement de tête en guise d'accord et son sourire ne cachait pas qu'il était heureux d'entendre ce qu'il entendait.

Puis, quand il fut question de la sœur de Phoenix, Alejandro ne cachait pas son amusement. Disons que lui aussi a bien connu Leevy a une certaine époque. Leurs premières aventures remontent à avant Harvard, mais ils ont gardé contact, même si la belle blonde s'est plutôt assagie, d'après ce qu'il a pu constaté.

-Tiens donc... Tu m'en diras tant.

Si le séjour de Tate lui avait donné confiance et lui avait permis de gravir les échelons, Alejandro ne pouvait pas en dire autant de son histoire. Deux défaites électorales, cela laissent des traces et même l'inébranlable peut être ébranlé. Le plan de Tate était simple: écarter Phoenix, faire en sorte qu'il devienne son nouveau VP, puis échangé les rôles à l'automne. L'Espagnol serait bien idiot de dire non. C'est à se demander où est le "catch", le piège.

-Bien, franchement, je me vois mal te dire non. C'est certain que d'ici à l'automne, les choses peuvent changer. Si tu veux faire de moi ton bras droit d'ici à la fin de la session, je suis partant.

Il ne voyait aucune raison de refuser et le fait est qu'il a besoin d'allié s'il veut arriver à ces fins. Du reste, si Tate ne veut pas endosser trop de responsabilités pour ne pas se priver de plaisirs, c'est à lui de voir. Alejandro est un garçon un peu plus sérieux, en apparence du moins. Au niveau de la commande, l'Espagnol y allait pour un filet mignon saignant avec une sauce au porto. Voilà qui devrait faire l'affaire.

-J'en ai toute une collection. D'ailleurs, certaines me manquent, mais l'hiver s'y prête mal et puis, je ne pouvais pas toutes les emmener en Amérique. Une Audi, c'est classe, classique même, fiable, on peut toujours compter sur elle et elle ne nous laisse pas tomber. On ne peut pas en dire autant de tout le monde.

Alejandro préférait ne pas dire directement à Tate que lui aussi a bien connu Leevy et à moins que celui-ci ne lise dans les pensées ou que la belle Britannique lui ait dit qu'elle le connait, il ne devrait pas deviner. En tout cas, son camarade eliot connait la belle blonde depuis plus longtemps que lui, c'est certain. Un brin mystérieux, Alejandro se contenta d'hausser les épaules, vague quant au reste.

-Je l'ai seulement rencontré à un match de polo amical. On s'était fait une équipe espagnole contre des Anglais et elle était spectatrice. On s'est recroisé à Harvard et nous avons gardé contact, mais il y a déjà un bon bout de temps que je n'ai pas eu de nouvelles.

Avouait-il, la preuve qu'ils ne sont pas particulièrement proches. C'était entendu donc, Tate et lui allaient faire une sorte d'alliance pour le bénéfice de la maison Eliot bien sûr. Si Phoenix vient à partir, l'Espagnol fera un pas en avant et tentera, encore une fois, d'être vice-président de la maison. Pour la suite, on verra. Quand il entendit le bienvenue à bord, Alejandro se mit à rire.

-Si, si, je vois. Juste "bienvenue à bord", cela aurait été parfait! Merci en tout cas de me prendre à votre bord, capitaine.

À ces propos, il levait son bord, trinquait, puis en prenait une bonne gorgée. On verra bien ce que la suite leur réserve. En attendant, ils pouvaient manger un brin. Alejandro avait l'habitude de manger un peu plus tard, mais cela aurait été malpoli de partir une fois qu'il a eu ce qu'il voulait.

-Une Jaguar? Elles sont jolies, mais leurs qualités s'arrêtent à cela. Je ne suis pas un grand fan je t'avoue.

Le jeune homme lançait ensuite un nouveau sujet.

-Dis Tate, je ne crois pas que tu m'en aies déjà parlé... As-tu une activité philanthropique bien à toi? Utiliser ton argent pour le bienfait de la collectivité, ce genre de choses. Et non, la Eliot House ne compte pas.

Ajoutait-il avec un certain amusement.

Tate se montrait bien curieux vis à vis Leevy. En même temps, c'était normal, puisqu'il découvrait que sa charmante meilleure amie connait l'Espagnol. Ceci dit, Alejandro aimait bien à garder un brin de mystère.

-L'Espagne, mais c'était serré. Ils ont leur revanche l'année suivante... Aucun soucis, j'imagine qu'elle est très occupée. She is a busy woman.

C'est une femme en demande quoi. L'alliance était donc scellée et entendu pour ainsi dire, les contours du plan étaient tracés. Ceci dit, Alejandro sait bien que la route est longue et qu'il risque d'y avoir quelques embûches. Ces années à la Eliot ne lui ont pas fait que des amis.

Sur les voitures en revanche, les deux amis n'arrivaient pas tout à fait d'accord. Après, c'était vraiment un détail et puisque Tate relativisait, le jeune homme décidait de parler d'autre chose, qui sembla surprendre d'ailleurs le Suisse, qui ne voyait pas trop où il voulait en venir. Il se lança alors dans un monologue qu'Ortega écouta attentivement jusqu'à la fin.

-Ce serait étonnant, en effet, surtout de la part d'un homme qui a dit que l'abondance n'est pas d'avoir encore plus de ce qu'on possède déjà, mais de donner assez à ceux qui ont si peu... Mon grand-père a toujours refusé que notre nom soit directement associé à une fondation, mais on s'est beaucoup impliqué dans les anciens combattants et blessés de guerre. Les handicapés aussi, surtout ceux victime de paralysie infantile, puisque mon père en souffre.

Alejandro prenait une gorgée de vin à cet instant, puis se raclait un peu la gorge.

-En revanche, je n'ai pas de millions à donner, pas encore. Je peux parler pour ma famille. Là où je voulais en venir, c'est que la philanthropie est un moyen de redorer le blason de la maison Eliot. Quelques événements pour des bonnes causes, quelques chèques à des organisations étudiantes et je suis certain que notre cote montera à la hausse. Il y a un proverbe en Galice qui dit: si tu veux acheter à un berger son troupeau, montres-lui que tu es le plus généreux des hommes. Montrons à Harvard notre générosité.

Une générosité que nul ne peut égaler.

Occupée et mystérieuse, c'est tout Leevy oui.

-Mystérieuse, si, c'est le bon mot.

Les plats arrivés, Alejandro souhaitait bon appétit à son complice au sein de la Eliot House et quel complice qui plus est! et l'écoutait ensuite répondre à tout ce qu'il venait de dire sur les habitudes philanthropiques de sa famille, surtout son grand-père, véritable pater familias des Ortega. À savoir si son père se portait bien, l'Espagnol hochait brièvement de la tête, avant de parler d'autre chose.

-Je dois t'avouer que je ne savais pas que les Murray et les Ortega avaient brassé quelques affaires ensemble.

Il est loin d'être au courant de l'ensemble des activités, contrats et ententes du consortium que son grand-père possède. Il a déjà du mal à suivre rien que les activités en Amérique du Nord. Alejandro énonçait ensuite une des idées qu'il avait comme futur potentiel VP. Tate trouvait l'idée bonne. Un point pour lui!

-Il y a bien un club d'aide humanitaire je crois? Nous devrions peut-être les contacter et voir avec eux. En tout cas, il faut briser notre mentalité isolationniste et se mêler aux autres étudiants. On n'est supérieur à personne en restant dans notre coin.

Même si Alejandro lui-même admet ne pas beaucoup aimer se mêler à la plèbe, ce sera peut-être un mal nécessaire.