Plantage en beauté numéro 1 : check ! Pas de café… J’en prenais bonne note. Effectivement, je ne connaissais vraiment rien à Alejandro. Il fallait dire qu’en dehors de certaines nuits assez courtes, je ne l’avais pas énormément connu, et surtout, je ne m’étais pas intéressé au côté purement « humain » du beau brun. Je regrettais un peu mon comportement passé, à sauter sur certains mecs comme sur des morceaux de viandes sans les avoir connus plus en profondeur, sans mauvais jeu de mot.

Du coup, j’avais l’impression de l’avoir un peu désarçonné, et je ne savais même pas pourquoi. J’avais encore fait un pas de travers sans m’en rendre compte. Tant pis, je finirai bien par me rattraper !

-Tu sais, si tu ne veux ni thé ni café, je peux demander autre chose. Je suis l’une des rares à connaître la réserve, et on peut y trouver toutes sortes de boissons. Un soir, j’étais restée tard après la fermeture, je discutai avec une des serveuses et on a fini la soirée, avec les propriétaires, vodka à la main. Si je leur demande, je suis sûre qu’il auront de quoi étancher ta soif !

Je ne voulais pas faire d’insinuation quelconque, mais j’espérais qu’en proposant plus de choix que ce qu’indiquait le nom, je rattraperai la boulette que j’avais fait quelques secondes plus tôt. La Luna Caffe n’était effectivement pas réputé pour ses cocktails, mais comme dans tout bon commerce de boissons, ils devaient faire face à la demande, tant que ça ne débordait pas. En plus, ils en faisaient d’excellents !

Je lui proposai de me suivre, mais sans lui laisser le temps de répondre je le pris par le coude et l’entraînai derrière moi. Je l’entendis rire discrètement, et avant même qu’il ait laissé échapper un mot, je savais qu’il me suivrait de bonne grâce. Sinon, il se serait déjà dégagé. Ma main glissa de son coude à son poignet, que je ne lâchai pas. C’était la première fois depuis longtemps que je me sentais aussi guillerette. Un large sourire aux lèvres, guidant Alejandro jusqu’à ma voiture, je me sentais un peu comme une enfant qui fait une surprise à son meilleur ami. Sauf que je n’étais plus une petite fille et je n’étais pas sûre que « meilleurs amis » soit le qualificatif le plus adapté à notre relation, à Alejandro et moi.

En chemin, il me demanda si j’allais participer au Spring Break en Nouvelle-Zélande. J’eus une hésitation dans la démarche, mais je ne départis pas de mon sourire.

-Comme je te l’ai dit, je ne suis absolument plus les actualités d’Harvard. Je n’étais pas au courant qu’il y avait le Spring Break, personne ne m’en avait encore parlé. Je ne sais pas encore si je vais pouvoir y aller, j’ai… plusieurs choses à régler avant. Et toi, je suppose que tu y vas ?

Rien n’était moins sûr pour ma part. J’étais loin d’avoir le budget pour un Spring Break. Au fond, ça me rendait un peu triste de savoir, à peine la nouvelle annoncée, que je ne pourrai pas m’y rendre. Mais les choses étaient ainsi. Peut-être que d’ici là j’aurais pu économiser assez pour partir m’éclater un bon coup. Sauf que j’avais tellement honte de parler de mes problèmes que je m’enlisai un peu plus tous les jours. J’avais bien essayé de trouver du travail, mais je n’avais songé à le faire, et me salir les mains me répugnait. J’étais une Lady !

On arriva à hauteur de ma Lamborghini. Je m’emparai de mes clés dans ma poche et ouvris la voiture. Je lâchai alors le poignet d’Alejandro que je tenais toujours et lui ouvris la portière avant de me fondre côté conducteur. Je mis la clé sur le contact et démarrai. Je riais intérieurement, et cela devait se voir sur mon visage car j’avais du mal à contrôler le mouvement de mes lèvres. Si je m’étais attendue à voir Alejandro assis à côté de moi, dans une Lamborghini certes, mais jaune de surcroit, et lui assis côté passager. Je trouvais ça drôle, je l’imaginais plutôt en conducteur que comme passager.

-Hum… Tu veux pas conduire en fait ?

Je coulai un regard dans sa direction. Je voulais éviter qu’un malaise s’installe.

Evanna était assez perspicace pour se rendre compte que de lui proposer un café n'était pas le meilleur moyen de l’appâter, pour ainsi dire. En revanche, il n'avait rien contre le thé, même aux USA, mais la blonde se lança quand même dans un petit monologue, racontant comment elle connaissait bien les serveurs du Luna, lui donnant accès à la réserve. Information intéressante quand même! C'était un peu une VIP quoi.

-Tu es une VIP du Luna Café si je comprends bien?

Demandait-il avec un sourire amusé. Puis, il enchaînait:

-Je verrai une fois sur place.

Il avait du temps pour se décider et puis il ira selon ce qu'Evanna va prendre aussi. Boire tout seul, très peu pour lui. En chemin, il apprit que l'étudiante était réellement déconnectée de la vie du campus. Pour preuve, elle ne savait pas qu'un voyage s'organisait pour la Nouvelle-Zélande. Étonnant quand même, beaucoup en parlent, mais il devra la prendre aux mots on dirait.

-Le Spring Break est la première semaine de mars, comme à toutes les années... Je crois bien que je vais y aller. Un tour au pays des Maori, cela ne se refuse pas!

Ou difficilement en tout cas. Puis quitter la côte est américaine froide et pluvieuse pour un paradis terrestre ne sera pas de refus. Une fois dans le parking, Alejandro repéra vite la Lamborghini d'Evanna. Pas le meilleur véhicule en hiver, franchement, mais il gardait ce commentaire pour lui. Alejandro alla s'asseoir côté passager, quand la blonde lui proposa de conduire. Il eut un léger rire et s'assoit quand même sur le siège inoccupée.

-Je t'en pris, c'est ta voiture et puis, nous sommes en Amérique ici, c'est le nouveau monde et non pas l'ancien.

Puis bon, il pourra voir comment s'en sort Evanna au pilotage. Il lâcha ensuite un commentaire complétement hors sujet:

-Joli bonnet en passant.

C'était assez comique, avec le pompon et tout.

Une VIP du Luna Caffe ! Je ne pus retenir un grand éclat de rire. Il avait dit ça avec tellement de naturel, comme si c’était la chose la plus banale au monde. Ça faisait bien longtemps que je n’avais pas ri ainsi, et franchement, ça faisait du bien ! Ça m’aurait presque donné envie de renouer tout de suite avec tout le campus sur le champ, mais je savais que nerveusement, je n’y serais pas arrivée.

-Oui, on peut dire ça, une VIP si tu veux ! m’exclamai-je après ma crise de fou rire.

Après, nous parlâmes du Spring Break. Je me sentais totalement out. Alejandro eut la gentillesse de me rappeler la date, mais je la connaissais déjà. C’était toutes les années pareilles. Mais là, j’avais franchement loupé un épisode. Ça m’était sorti de la tête, et comme je faisais rarement attention à ce que les autres étudiants racontaient, je ne m’étais rendue compte de rien. Mais je risquai de ne pas pouvoir venir.

-C’est sûr, ça ne peut pas se refuser ! fis-je avec un sourire.

Nous arrivâmes sur le parking. Ma Lambo nous attendait sagement dans le froid. Je l’avais laissé s’installer côté passager avant de lui proposer de prendre le volant, mais il déclina poliment. Toutes ses fioritures alors qu’il pouvait simplement dire non ! Je ne le comprendrais décidément jamais.

Je passai la marche arrière et il me fit alors un compliment pour le moins inattendu sur mon bonnet. Ma conduite n’en subi aucun à-coup mais je me sentis rougir. J’avais presque l’impression qu’il se moquait. Je l’aimais bien, moi, mon bonnet !

-Merci, c’est gentil ! fis-je avec un rapide regard dans sa direction.

Sortie de la case, je repassai la première et m’avançais dans les rues bondées. Quoi qu’on en dise, avoir une voiture de sport c’était bien, mais sur les circuits c’était mieux. Arrêté tous les dix mètres par un feu tricolore, un piéton qui ne fais pas attention ou des automobilistes un peu fou, il y avait de quoi rapidement s’énerver. Néanmoins, je restais calme et gardais une conduite souple, et seuls mes doigts jouant sur le volant trahissaient mon agacement. Heureusement, en dix minutes, nous avions rejoint le café.

Je coupai le contact après m’être garée. J’aurais eu envie de faire une course folle sur des routes désertes en cet instant précis, sentir la vitesse et voir l’aiguille qui fait un angle à plus de 120° ! Je sortis et serrai ma veste autour de mes épaules. De nouveau, je créais de petits nuages de fumée à travers mon écharpe. Et de nouveau, j’enfonçai mon bonnet sur ma tête pour couvrir mes oreilles.

-Viens, que je te présente !

J’entrais dans le café. A cette heure-ci, l’endroit était bondé. J’adressai un sourire à l’une des serveuses, une jolie brune discrète qui s’appelait Maya, et elle me répondit en montrant la porte de service du doigt. Je louvoyai entre les tables quand un enfant renversa son verre… droit sur mon jean ! Je sentais le chocolat chaud… L’enfant s’excusa et je le gratifiai d’un sourire. La mère vola à son secours, proposant quelque chose en échange, mais je refusais poliment. Maya vint à ma rescousse, une nouvelle tasse pleine sur son plateau en équilibre. Elle le servit au jeune garçon et m’indiqua de la suivre. Je vérifiai d’un coup d’œil qu’Alejandro était toujours derrière moi et je suivis Maya. Derrière la porte se trouvait un couloir avec de quatre portes autour : les vestiaires, le bureau et la salle de repos. Au fond se trouvait l’escalier qui menait soit au premier, soit à la réserve en dessous.

-Désolée pour ton jean Eva, s’excusa Maya.

-Pas la peine de t’excuser, tu n’y es pour rien et de toute façon je fais ma lessive ce soir.

-Allons dans la salle de repos, ce sera plus calme. Par contre, je ne pourrai pas rester.

Je hochais la tête et la suivi. Elle avait le pas vif et léger d’une jeune fille qui faisait régulièrement la course entre les tables pour satisfaire les clients. Dans la salle, il y avait des fauteuils, des tables basses, un canapé d’aspect confortable, une télévision écran plat, un énorme pouf dans un coin et un grand bar en face de nous.

-Tu connais la maison ! A toute, je file, je reviens à ma pause !

Elle m’embrassa sur la joue et déguerpi tel un papillon, saluant de la tête Alejandro au passage.

-Elle t’apprécie ! fis-je avec un demi-sourire.

Je pris place derrière le bar et m’agenouillai, farfouillant dans les bouteilles.

-D’habitude je viens plus tard, je ne suis jamais restée seule ici… Tu veux boire quoi ? J’ai compris : pas de café. Tant mieux, je ne sais pas où sont les dosettes… ou les capsules… Je ne sais même pas comment marche la machine ! Sinon y’a de quoi se faire des sodas, des bières, de quoi se faire des cocktails, avec ou sans alcool d’ailleurs, ou… Ahah ! Euréka !

Je sortis une bouteille d’eau et un torchon. J’ouvris la bouteille, la renversai en pressant le tissu contre le goulot pour l’imbiber. Je frottais ensuite la tâche sur mon jean.

-Au fait, rien ne nous oblige à rester isolé si tu préfère qu'on se mêle à la foule.

La situation risquait de devenir ambiguë pour quelqu'un d'extérieur... Et je ne voulais pas le mettre mal à l'aise.

Spoiler:

Alejandro arrivait encore à faire rire Evanna assez facilement et aux éclats en prime. Sourire en coin, il la laissait rire. Elle était d'accord avec son choix de mots qui l'amusait assez. Le beau brun ne comprit pas trop pourquoi elle avait ri à ce point n'empêche, m'enfin, une jolie femme qui rit, c'est toujours agréable à provoquer et à regarder.

Le jeune homme apprit à l'Anglaise la destination des vacances du Spring Break de cette année. Elle n'était pas certaine d'y aller pour autant, mais ne contestait pas que c'était une destination tentante. La belle blonde lui offrait ensuite de conduire sa Lambo'. Belle marque de confiance sans doute, mais l'Espagnol décline poliment, à sa manière, comme toujours et fit bientôt un compliment à la blonde, un peu une blague en même temps. Comme elle le remerciait, il eut un petit sourire en coin et ajouta simplement:

-De nada.

Alejandro fit comme il pensait, il observait la conduite d'Evanna, un brin nerveuse, mais ça allait. La lamborghini était en bon ordre en tout cas et arriva à rouler sur la neige, un petit miracle. Une fois garé, il pouvait sortir et déployer ces jambes, car soyons franc, grand comme il est, il était à l'étroit! Il laissa son sac dans la voiture et ils prirent le chemin du café, à quelques pas seulement. La belle blonde comptait les présenter en arrivant.

-Mh d'accord!

Il n'était pas tout à fait d'humeur, mais garda cela pour lui. Socialiser avec Evanna, d'accord, mais il n'avait pas envie de connaître tous les serveurs... De toute façon, un incident vint interrompre un peu tous les plans. Un garçon échappa son verre sur Eva' et cela les conduisit à l'arrière, dans une sorte de salle de repos pour les employés, pas mal d'ailleurs. Il était d'ailleurs en train de jeter un œil à la pièce lorsque la blonde le sortit de son attention pour lui dire que la serveuse l'appréciait. Il eut un petit air surpris.

-Ah?

Il n'avait pas dit un mot ou presque, il avait juste souri ou jeté un regard désapprobateur au gamin. Faut regarder où on marche dans la vie, cela évite bien des désagréments... Être tranquille dans cette pièce à l'écart, ce n'était pas plus mal en tout cas. Il ne risquait pas de croiser un étudiant de la Eliot. Pour le reste, il regardait Evanna frotter sur son jeans.

-Si c'est taché, tu devrais prendre de l'eau gazéifiée. Tu devrais peut-être enlevé ton jeans aussi, frotter serait plus facile.

Il donnait juste son opinion. En attendant, il avait défait son manteau, mais le portait encore, ouvert tout simplement, dévoilant sa chemise bleue. Il s'assoit ensuite sur le canapé et reporta son attention sur Evanna.

-Au contraire, ça me plait ici. Il y a la télé, des fauteuils confortables, de quoi boire, il ne m'en faut pas plus.

Alejandro ne s'inquiétait apparemment pas du tout d'éventuelle ambiguïté. Franchement, sa réputation était le cadet de ses soucis aujourd'hui et du reste, Leslie a au moins autant confiance en lui qu'il a confiance en elle.

-Pour boire, je vais prendre la même chose que toi tiens. Qu'est-ce que tu vas boire?

Juste pour s'assurer que c'est un truc buvable, genre pas le café par exemple. Il optera pour autre chose sinon, du reste, il est bien capable de se lever et d'aller prendre ce qu'il veut, même si Alejandro doit admettre qu'il est habitué de se faire servir.

Nous nous étions retrouvés dans la salle de repos des employés de La Luna Caffe, chaleureuse et confortable. Maya venait de nous laisser, adressant un léger signe de tête à Alejandro.

-Elle t’aurait royalement ignoré sinon ! fis-je en souriant.

Effectivement, le tempérament naturellement supérieur d’Alejandro devait l’avoir perturber. C’était peut-être de la pure politesse en fait… Je n’en savais trop rien, je connaissais trop peu la serveuse sur ce plan là. En revanche, je savais qu’elle l’aurait fait sortir si elle ne le jugeait pas de confiance. Bref, je m’égarais e me perdais dans mon propre raisonnement.

J’étais absorbée à frotter la tâche de chocolat chaud sur mon jean. Heureusement qu’il avait commencé à refroidir dans la tasse du gamin, ou j’aurais été rouge pendant quelques heures. Ma peau marquait vite.

Alejandro me conseilla de prendre de l’eau gazeuse, et d’enlever mon jean pour frotter plus facilement. Je farfouillais dans les placards en quête « d’eau gazéifiée » tout en répondant :

-Si je l’enlève, l’eau va traverser et il sera encore plus humide.

Et puis frotter ma cuisse ne m’était pas difficile comme il semblait le penser. Je n’étais pas obligé de me contorsionner. Je trouvai une bouteille et l’ouvrit délicatement. Plein de petites bulles remontèrent le long des parois jusqu’au goulot. J’aimais bien regarder ça, c’était comme la danse des flammes d’une cheminée, assez hypnotique. Ces bulles cherchaient à atteindre la surface dès que l’occasion leur en était donnée. Je frottais de nouveau en lui proposant d’aller dans la salle surpeuplée s’il préférait, mais il déclina à nouveau. Tant mieux, je me voyais mal jouer les sardines en boîte… La tâche partait, remplacée par une autre, plus grande, d’eau. En relâchant le torchon, je vis mes mains trembler. J’allais avoir besoin d’un remontant…

Je lui avais proposé à boire, et il me retourna la question. Je haussais un sourcil et le regardai. Haussant les épaules, je retournai farfouiller dans les placards. Je fis plusieurs allers-retours, apportant diverses boissons, du jus d’orange à la vodka en passant par le coca. Je remettrais tout en place après. Je vins m’asseoir à côté de lui, me débarrassant de ma veste que je lançais sur le fauteuil d’en face. J’enlevai aussi mon bonnet, dévoilant mes cheveux rendus électriques. Je passai la main dedans pour les faire retomber et regardai les bouteilles. Il y avait de tout et de rien, jusqu’au jus de citron !

Je pris un shooter devant moi et le rempli d’un tiers de vodka, d’un tiers de tequila et d’un tiers de curaçao bleu. En y pensant, Alejandro était peut-être plus bon vin qu’alcool, mais pour le coup, ça n’existait pas ici. Le mélange bleu électrique me rappelait des souvenirs. Je ne lui avais pas répondu quand il m’avait demandé ce que je voulais boire. Avec un grand sourire, je lui montrais mon petit mélange.

-Cocaïne liquide ! Bon, ça fait un peu plus boîte de nuit que salon de thé, je te l’accorde, mais j’ai aidé à faire les stocks !

Je m’assis dans le fond du canapé et lui tendis le verre. Libre à lui de refuser s’il préférait autre chose.

Apparemment, Maya aimait bien Alejandro. Le jeune homme ne pensait pas avoir fait bonne impression et s'en étonnait, mais Evanna expliquait que s'il en avait été autrement, la serveuse l'aurait "royalement ignoré", qualificatif qui le fit sourire.

-Ahah, d'accord!

La pauvre Evanna avait l'air de se battre contre son jeans, quoiqu'Alejandro exagère peut-être un brin. D'ailleurs, elle déclinait gentiment ses idées, mais après, c'était juste des conseils qu'il lançait. Il eut donc un petit hochement de tête, n'insistant pas plus, après tout, c'est elle qui sait le mieux. Finalement, sur ce qu'il voulait boire, l'Espagnol ne fit pas de choix particulier et préférait laisser décider la jeune femme à sa place. Après tout, ce qu'elle compte ne devrait pas être poison. Il la vit préparer un petit cocktail ou shooter plutôt qu'elle baptisa "cocaïne liquide". Drôle de nom, mais il eut un sourire amusé en voyant le résultat final. et le prit sans plus d'hésitation.

-Salud!

Alejandro enfila d'une traite le contenu du shooter et se mit à toussoter après. Oh, il supporte quand même bien l'alcool, mais il n'a pas l'habitude de tel mélange, c'est certain.

-Oula, ça frappe quand même. Où t'as appris à faire ce cocktail?

Alejandro s’empara du shooter bleu ciel sans aucune hésitation, le sourire aux lèvres. Je m’en fis un à mon tour. C’était drôle, mais je le voyais d’avantage avec un verre de vin rouge à la main. Un vin à la robe brune, au bouquet subtile, parfumé et élégant, un vin qui ferait tourner la tête. Un vin à son image, puissant et raffiné. Je secouai la tête pour chasser l’idée de mon esprit. Je n’avais pas encore bu et je divaguais déjà ! Ca promettait !

Il prononça un mot que je ne compris pas mais qu’il me semblait avoir déjà entendu de sa bouche… Le vin, « salud »,… Soudain, le souvenir me revenait, et pas des plus agréables. Je rouis légèrement, me cachant derrière mon verre que je bus d’une traite, comme Alejandro. Sauf qu’à la différence de lui, je ne toussais pas. J’avais été habituée à pire l’an dernier ! Il fit remarquer que le cocktail était quand même costaud, et je hochais vigoureusement la tête, fière de moi. Quand il me demanda où j’avais appris à le faire, je lui lançais un regard plein de malice.

-Tu demanderais à un magicien le secret de ses tours ? Attends, je vais essayer autre chose !

Je m’emparai du shaker tout neuf. Je sélectionnais différentes bouteilles : la tequila, le rhum blanc, le jus d’ananas et celui de pamplemousse. Je mettais une dose de chaque alcool pour deux doses de jus de fruit, ajoutai des glaçons, secouai énergiquement (je regrettais d’ailleurs de ne pas avoir un soutien-gorge plus enveloppant) et je versai le tout dans deux verres plus grands que les précédents. Cette fois ci, pas de cul sec ! Le liquide orange avait une bonne tête !

-Ca c’est un… un… Aca-machinchose golden !

Je ne me souvenais aps du nom exact, amis je sais que j’avais apprécié quand j’en avais gouté.

-Tu m'en diras des nouvelles! Tchin!

Evanna semblait mieux encaisser le shooter que lui. Devait-il en être étonné? Sûrement pas! L'étudiante traînait avec elle une certaine réputation après tout. En tout cas, elle était contente de la force de son shooter, pour ainsi dire. A-t-elle été barmaid? Dans cette vie ou dans une autre? On sait si peu de choses sur les gens au final qu'on est toujours étonné d'eux. En tout cas, à la réplique de l'Anglaise, l'Espagnol eut un léger rire et hocha d'emblée la tête. Pas mal comme façon de ne pas dévoiler ces secrets! Du coup, Evanna préparait un autre mélange. Oula, il se remettait à peine du premier, mais une fois lancé, autant continuer. Cette fois-ci, il s'agissait d'un verre. De quoi, il ne saurait dire, mais en tout cas, il aime le jus d'orange, donc si c'est orange, c'est rassurant, pas vrai? En entendant Evanna le qualifier, il se mit de nouveau à rigoler.

-Un Acha Golden machin-truc... Moi ça me va!

Peu importait le nom, au final, l'important, c'est le goût! D'ailleurs, Alejandro prenait une première gorgée, quand même modeste, au cas-où vous voyez? Puis il ne connait pas la force de ce truc non plus! Pas mal! Déjà, il aime bien les agrumes et les ananas.

-Hmm... Pas mal! Dis donc, tu ne serais pas barmaid dans tes temps libres par hasard?

Je venais de finir un nouveau cocktail. Le nom m’échappait en parti, il y avait si longtemps que je ne les avais pas révisé ! Ça commençait franchement à dater, mais la rencontre avec Alejandro commençait à me remonter le moral, et j’avais à nouveau envie de me sociabiliser. Après tout, j’étais restée enfermée depuis octobre, il était peut-être temps que je casse la carapace et recommence à vivre. Sans doute avec des mecs en moins sur ma liste de plaisirs quotidiens. Alejandro rit une fois encore, avant de dire qu’il se contenterait de ce nom-là. Je lui souris alors qu’il sirotait le contenu de son verre. Il finit même par me faire un compliment. Ce devait être l’alcool qui le rendait si joyeux ! Pourtant, nous n’avions consommé qu’un shooter pour le moment… Ou alors il appréciait vraiment.

-Mes temps libres sont consacrés à bien des choses, mais mes deux mains gauches feraient des ravages dans un bar ! Au sens propre du terme. Je noierai la boîte à moi toute seule, sans jeu de mot !

Je lui pris son verre des mains pour y rajouter une ombrelle tirée d’un petit paquet que j’avais apporté avec les alcools. Je fis de même dans mon verre et sirotai la surface. Rafraîchissante cette boisson !

-Tu as quelque chose de prévu ce soir ?

J'attendis sa réponse avant de me lever.

-Jouons à un jeu! Action ou vérité?

Bon, j'admettais que je risquai de perdre toute considération de sa part, mais je n'avais pas l'intention d'attendre le retour de Maya dans le silence, et comme je n'avais aucune envie de lui poser des questions personnelles sinon il me les aurait retournées, je préférais me lancer à fond dans la connerie.

Fallait se reporter sur la seconde possibilité, à savoir, qu'Alejandro appréciait vraiment le shooter, car de son propre avis, il n'était pas ivre non plus, pas encore du moins. Il a tendance à devenir bavard à satiété quand il est ivre, ou bien étrangement silencieux, le tout peut même se mélanger. Après, il n'a pas l'alcool triste, c'est déjà ça!

-Tes deux mains gauches? C'est une expression américaine?

Il n'était pas certain d'en saisir le sens. C'est que d'où il vient, la main gauche est plutôt associée à la maladresse, la saleté, bref, ce n'est pas positif! Après quoi, Evanna rajoutait un petit détail au cocktail, pour faire plus chic et le jeune homme eut un sourire amusé, mais continua de siroter son verre.

-Euhm... Non, pas vraiment. Je veux dire, rien en dehors de la routine habituelle: étude, sport, un peu de surf sur le net pour se tenir au courant de ce qui se passe ici et ailleurs...

Puis, d'un coup, la blonde se levait, faisant presque faire le saut à l'Espagnol, qui se demandait bien ce qui se passait tout à coup.

-C'est pour les ados en puberté ce jeu non? Puis honnêtement, je pense que tu en sortirais perdante...

Alejandro ne cachait pas que l'idée de ce jeu ne l’enthousiasmait pas. Pour autant, ce serait toujours possible de le convaincre, mais à sa face même, on sent qu'il n'est pas très "jeu" du genre. Ou du moins, il considère avoir passé l'âge.