J’avais besoin de me changer les idées. Dernièrement, tout allait bien trop vite pour moi. Mon enlèvement, la fausse-couche, mon mec (ex- ?)amnésique qui m’avait annoncé qu’il était papa, mes économies qui fondaient comme neige au soleil, mon besoin criant de drogue,… J’avais donc décidé d’aller au parc : pas cher et ressourçant. Je me garai sur le parking et sortis de la voiture. J’inspirai un grand coup, si bien que j’eus l’impression que mon nez gelait. La température tournait quand même autour de 10°C mais il fallait croire que j’étais un peu frileuse.

Je marchai sur le chemin, les yeux fixés sur mes chaussures, le nez enfoui dans mon écharpe et les poings enfoncés dans les poches. Je me remémorai mes derniers mois à Harvard. J’étais passé par tant de phases, de joie, de tristesse, de désespoir, d’abandon, ou encore euphorisant… Mais si je faisais le ratio, je n’avais pas vraiment gagné au change en revenant après la naissance d’Aliénor. J’avais gravité autour d’Andrew pendant un temps, mais maintenant, je ne le voyais plus. Je m’étais mise en couple avec Angel et j’avais vécu des moments très forts avec lui. Est-ce que ç’avait été une bonne chose ou une erreur ? J’en venais à tout remettre en question.

En relevant les yeux, je voyais des joggeurs qui couraient, des familles qui promenaient leurs enfants, des enfants qui baladaient leurs parents aussi, d’un bout à l’autre du parc. Je ne pus m’empêcher de sourire devant ce tableau. Quoi qu’il ait pu se passer, la vie continuait, et c’était à la fois terrifiant de se dire qu’on n’était rien, mais aussi très réconfortant de voir que certaines choses étaient immuables.

Je remarquai alors une tête connue, non loin. La tête d’un beau brun issu de la maison que j’avais quitté en début d’année. La dernière fois que nous nous étions vu, Alejandro et moi, c’était un peu parti en live, mais on avait aussi vécu de bons moments. Je ne savais pas s’il voulait me voir, aussi m’étais figée sur le chemin. Je le fixai le temps de prendre ma décision. Je me mordis la lèvre inférieure, comme j’avais eu l’habitude de le faire avant. Oh et puis merde, s’il ne voulait pas me voir, le connaissant, il me le ferait vite comprendre. J’enfonçai mon bonnet à pompon sur la tête et soupirai, créant un petit nuage de vapeur à travers mon écharpe. Je mis un masque de sympathie, que je n’avais pas revêtit depuis bien longtemps. Un sourire très faux sur les lèvres (parce que je n’y étais plus habituée), je m’avançai vers Alejandro. J’avais une irrépressible envie de faire demi-tour, mais lorsque je cédai, il était trop tard : j’étais déjà à portée de vue et de voix, et d’ailleurs cette dernière avait jaillit de mes lèvres sans y être invitée.

-Salut Alejandro, comment ça va depuis tout ce temps ?

Une défaite, c'est toujours difficile à avaler. Une deuxième dans la même matière, c'est encore pire. La première fois, on peut se dire que c'est sa première fois, donc le fait d'être un débutant joue, mais la deuxième... Et en prime, il avait perdu face à un candidat qu'il considérait nettement inférieur. Oui, Alejandro avait perdu pour la deuxième fois à des élections pour la Eliot House. En public, il était resté calme et serein, félicitant le gagnant, appelant à l'unité de la maison. Dès qu'il avait eu un moment seul, il avait appelé Leslie pour cracher du poison sur ces maudites élections et maintenant, il prenait une balade dans un parc, transportant son sac avec ses affaires d'école dedans, habillé selon le temps qu'il fait, en ce début de tempête sur la côte est. Suffit de suivre les nouvelles pour le savoir... La tempête à New-York va remonter vers Boston, c'est clair.

Dans sa tête et marchant d'un bon pas, il ressassait tous les scénarios, les erreurs qu'il a pu faire et ce qu'il ferait maintenant. Il avait besoin de prendre ses distances de la maison. La quitter? Il y songeait, sérieusement. Tellement on prit cette décision dernièrement, cela ne peut qu'être la bonne. Son pas ralenti, plongé dans ses pensées, il ne remarquait pas la belle grande blonde qui venait à sa rencontre. Du coup, quand il s'adressa à lui, il sursauta et fronça des sourcils en regardant la demoiselle, ne semblant pas la reconnaître.Puis, ces yeux s'écarquillèrent. Evanna, cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vu!

-Evanna? Excuses-moi, je... je suis surpris de te voir, enfin, je veux dire, cela fait longtemps! Ça va, ça va... Et toi? Tu as bonne mine on dirait.

Toujours chaleureux, il fit la bise à la demoiselle et un petit câlin aussi, en mémoire du bon vieux temps qui sait. Après, il la gratifiait de son sourire charmant, plein d'attention, son regard fixé sur elle. Oui, il était à nouveau les deux pieds sur terre et aucune trace de sa défaite, ou presque...

"Tenue:

Ça fait plaisir à voir ! pensai-je ironiquement. Le beau brun avait l’air encore plus paumé que moi. Je ne lui souhaitais pas ça, bien entendu, et c’était sans doute mesquin, mais le voir dans un tel état, marchant vite et tête basse, me fit me sentir moins mal. Il s’était arrêté, dos à moi. J’étais devenue assez sensible au fil des mois pour reconnaître une personne triste. Il était tellement perturbé qu’il ne me vit même pas approcher. C’était assez étrange, surtout venant de sa part, lui qui irradiait d’habitude comme un soleil.

D’une petite voix, je l’avais accosté. Il avait sursauté avant de se retourner et je l’avais vu froncer les sourcils. Automatiquement, j’ai essayé d’afficher mon plus beau sourire pour le rassurer : ce n’était que moi. Mais il mit un temps avant de percuter et de savoir à qui il avait à faire. Néanmoins, un vrai sourire étira mes lèvres lorsqu’il écarquilla les yeux : quelle situation cocasse ! D’habitude, c’était plutôt moi qui faisait ce genre de tête.

Il s’excusa et s’embrouilla dans ce qu’il disait. Autre indice qu’effectivement, il n’allait pas fort, bien qu’il me dise le contraire. Par contre, le « tu as bonne mine », je le lui aurais bien fait démentir, mais ce n’était absolument pas le moment, et je n’avais aucune envie de me complaire dans mon malheur mais plutôt de l’aider. Chaleureux, il me fit a bise à la française et me serra rapidement dans ses bras. En redressant la tête, le Alejandro hagard que j’avais vu avait disparu, il était redevenu celui que j’avais connu, charmant et irradiant de lumière. Je fronçais les sourcils. Il ne me la ferait pas à l’envers !

-Si j’ai bonne mine c’est que tout va bien !

J’hasitais un instant sur la marche à suivre : lui rentrer dedans comme une brute épaisse ou alors déployer des trésors de diplomaties pour l’amener à me dire ce qui clochait ? J’optais pour la seconde solution : même si je n’étais pas très fine, parler à demi-mot me permettrai de retourner ma veste s’il ne voulait parler de rien.

-Alors, quoi de beau de ton côté ? Toujours chez les Eliot ?

J’avais failli ajouter que je l’avais quitté en début d’année, mais je n’étais pas nombriliste, je ne voulais ramener la conversation à moi ou je ne saurais jamais ce qui clochait. J’espérais avoir commencé comme une discussion assez banale pour qu’il ne me sente pas venir.

Alejandro était surpris de voir Evanna. Depuis qu'elle avait quitté la Eliot House, il l'avait pas mal perdu de vue, mais de toute façon, il ne considérait pas cette fille comme faisant parti de son cercle d'amis, alors il n'avait pas cherché à garder contact avec elle. De toute façon, il avait un sale boulot à faire pour Andrew et moins il la voyait, mieux c'était.

Cela ne voulait pas dire pour autant qu'il n'était pas heureux de la voir maintenant. Le jeune homme, si parfait d'habitude, avait mis un moment cette fois à trouver ces repères, mais de son côté, il se disait que cela ne devait pas paraître pour autant, sa mauvaise humeur et tout. C'était sans doute sous-estimer Evanna que de le penser.

-J'espère en tout cas.

Oui, il faut espérer que les choses aillent bien. Était-elle toujours avec Dante, enfin, Angel... Il se posait la question. La belle blonde lui retournait ensuite la question, en quelque sorte et elle mentionna la Eliot House. Une ombre dut passer dans son regard à ce commentaire. La Eliot... une bande de bon à rien qui ne savent plus quoi faire et qui croit que seul des mots et des mascottes leurs permettront de retrouver le prestige passé. Son sourire s'estompa quelque peu et il haussa des épaules.

-Oui, toujours chez les Eliots, enfin, je crois... Et toi, tu as rejoint une maison depuis?

La mode est maintenant de ne pas être membre d'une maison. Alejandro de son côté voulait être non seulement membre d'une maison, mais en devenir le président et pour cela, il était prêt à tout. Il devenait de plus en plus évident qu'il n'arriverait pas à le faire au sein de la Eliot. Tandis qu'il parlait, il s'écartait du sentier, question de ne pas être dans le chemin de personne. Les accidents sont si vite arrivés.

Lorsque je mentionnais la Eliot House, je vis une étrange lueur passer dans le regard d’Alejandro, une lumière que je ne connaissais pas d’ordinaire sur son visage. Il me semblait que c’était du dégoût, ou de la colère, ou quelque chose dans ce goût-là. Mais ce fut trop rapide et trop vite maîtrisé pour que je puisse mettre le doigt dessus –rien qu’une ombre fugace sur son visage. Cependant, son sourire perdit en éclat. Quelque chose c’était passé, et j’étais presque persuadée que ça avait à voir avec la maison, ou au que ça avait un rapport plus ou moins proche. Peut-être une dispute au sein des élitistes ? Sa réponse plus qu’évasive et à moitié tourné en demi-vérité me le confirma. On ne pouvait pas « croire » ou non que l’on était dans une maison. On y était ou pas. Ce qui voulait dire qu’il avait probablement eu un problème avec la hiérarchie, s’il doutait de sa place. Ou alors un problème de fric, mais j’en doutais connaissant Alejandro.

Et puis le sujet tourna sur moi. Je baissai les yeux, cherchant une réponse qui pourrait satisfaire tout le monde. Nous nous éloignâmes un peu du sentier et je vins m’adosser contre un banc, les bras autour de ma poitrine.

-Je n’ai pas vraiment envie de parler de moi, Alejandro… Disons que ça me fait plus de bien d’aider les autres dans leurs problèmes du quotidien… Mais bon, pour répondre à ta question, non, je me suis fait refouler avant la rentrée. Je suis Student, et pas par choix, et ça m’exaspère un peu. Mais de toute façon, je n’ai plus le profil pour la EH. Disons que…

…que je vis en ermite…

-… que je ne sors plus beaucoup et que je ne participe plus du tout à la vie étudiante. Je ne sais plus rien de ce qui se passe sur le campus. Je continue à suivre des cours parce que je le dois, mais sans support amical.

En réalité, il me restait bien Dante, mais j’avais peur de le perdre à cause de cette histoire de gosse qu’il a avec Bee. Il allait probablement me quitter pour fonder la famille à laquelle il aspire tant. Mais petit à petit, j’essayais de me blinder pour ne pas fondre en larmes quand il m’annoncerait la nouvelle.

Je pensais avoir fait le tour des questions et des réponses sur ma vie de ces derniers mois. C’était maigre mais en même temps, le reste était trop dur à avouer. Maintenant, le sujet était clos, mais je ne savais plus sous quel angle attaquer pour qu’Alejandro me révèle ce qui lui pesait sur le cœur.

-Toujours avec Sheyanne ? lançai-je négligemment.

Sheyanne, Shayanne, je ne savais même plus son nom… Ca remontait à si vieux. Honnêtement, je préfèrerais entendre une réponse négative, puisqu’il m’avait dit lui-même qu’il ne l’aimait pas. Il s’était mis en couple « pour faire bien », ce qui se comprenait dans un sens.

Alejandro ne désirait pas s'attarder plus longtemps sur sa maison ingrate. Bien sûr, il est amer de sa défaite, mais cette défaite s'inscrit dans une courte liste de choses bien désagréables. En tout cas, la question qu'il envoyait à Evanna pour changer de sujet fonctionna, même si la belle blonde avouait d'emblée ne pas avoir envie de parler d'elle. Hey bien, voilà qui complique les choses. Le jeune homme écoutait avec l'attention qu'on lui connait, mais il doit avouer aussi, une certaine indifférence. Evanna est le genre de fille qui semble perpétuellement nager dans le malheur et qui se laisse s'y noyer. Alejandro a du mal à compatir pour ce genre de personnes. Au moins, elle aidait les autres maintenant.

-Je vois, ce n'est pas très joyeux tout cela.

Qu'elle fut recalée d'une maison n'est pas étonnant dans la mesure où elle ne peut pas être présente un minimum pour celle-ci. Bien dommage pour elle, sans doute. Une maison pourrait lui changer les idées et tout. D'ailleurs, vivement le Spring Break. Puis, il était question de son ex' et il esquissa un sourire amusé en entendant le prénom un brin massacré de celle-ci.

-Shayanes... Non, nous avons rompu cet été. Non, je suis en couple maintenant avec Leslie Weaver, une amie d'Espagne que j'ai retrouvé ici. Cela ne fait que quelques jours en fait qu'on sort ensemble.

Il a été célibataire du milieu de l'été jusqu'à la mi-janvier 2015, un petit miracle, ou un petit malheur, dont dépend des points de vue. Alejandro n'a pas détesté son célibat, mais il avait à nouveau hâte d'être en couple. Le jeune homme ajustait un brin la brette de son sac, la soulevant de contre son épaule un instant avant de la lâcher.

-Toujours avec Dante? Enfin, Angel... je ne sais plus trop comment l'appeler.

Même si elle n'avait pas envie de parler d'elle, Alejandro considérait qu'il pouvait lui retourner les questions qu'elle lui pose. Sinon, ce serait injuste de se permettre de les poser!

Il avait voulu prendre des nouvelles, il était servi. Il semblait écouter attentivement, mais ma voix plus que morne devait le laisser de glace, à moins qu’il soit masochiste. Il affirma peu après que ma situation n’était pas des plus joyeux. Je m’empressai de le détromper.

-Tu peux le penser, mais à moi elle me va, ma vie. C’est peut-être pas la plus parfaite, mais ce n’est qu’un passage difficile. La roue tourne. Peut-être que l’an prochain je pourrai revenir en force dans une maison et m’impliquer un peu plus, mais pour l’instant, mon statut en retrait me fait du bien. Je suis bien plus libre qu’avant, et je ne dois plus de compte à personne.

Je le pensais sincèrement. J’espérais avoir changé après les épreuves de début d’année, et être plus sûre de moi. Ou du bien, réussir cette année scolaire. J’avais bien loupé la précédente, et j’étais passé de justesse. Pour l’instant, je faisais une croix sur les beuveries et les mecs à droite et à gauche. Mais peut-être la situation changerait-elle à nouveau.

Pour alimenter la conversation, je lui demandais s’il était toujours avec la fille qu’il n’aimait pas et dont je ne me souvenais plus exactement du nom. J’appris qu’il avait été libre une bonne partie du début d’année. Zut, je revenais trop tard ! Je ne pus m’empêcher de sourire. Une amie d’Espagne ? C’était du sérieux alors !

-Eh bien je te souhaite que tu sois heureux en amour ! lançai-je, amusée.

Le sourire retrouvé, je m’asseyais sur le bord du banc et lançai pendre mes jambes dans le vide. Je leur donnais de temps en en temps une petite impulsion. Alejandro amoureux ? Une affaire à suivre ! Seulement, lorsqu’il reprit la parole, mes jambes se figèrent à nouveau. Il n’avait pas compris que je ne voulais pas parler de moi ? Et surtout pas de ma relation amoureuse avec Dante. Si je l’avais abordé, c’était justement pour parler de banalités et me le sortir de la tête. Il allait encore trouver que j’avais une vie lugubre… Bon, je devais bien admettre qu’effectivement, l’horizon n’était pas tout rose de ce côté-là mais bon…

-Comme si ça t’intéressai… soufflai-je plus pour moi-même que pour lui.

De nouveau, je fixai le sol et remis mes jambes en mouvement. Je soupirai. Il allait falloir que j’attaque sur un autre terrain… Celui des questions réponses devenait glissant.

-C’est Angel. Et disons pour faire court que ça devient compliqué.

Je fermai brièvement les yeux et chassai le visage d’Angel de ma tête. Ce n’était pas le moment.

-Tu as quelque chose à faire ou on peut aller boire un verre ensemble ?

Machinalement, je tâtais mes poches. Deux petits renflements dans la poche de mon jean m’indiquaient la présence de deux petits sachets, mais pas d’argent. Je fouillai dans la poche de ma veste : mon porte-monnaie s’y trouvait.

-C’est ma tournée ! m’exclamai-je en reposant les deux pieds au sol.

Malgré le fait que la vie d'Evanna semblait plus ombragée que sous la lumière, celle-ci ne s'en plaignait pas, ou du moins, prétendait aimer sa vie. Dépression d'ici un an à l'horizon, mais Alejandro gardait cette pensée pour lui. Elle philosopha ensuite sur le fait que la vie est une roue qui tourne. L'Espagnol restait sceptique. Aucune roue ne tourne d'elle-même, il faut y appliquer une certaine force. Autrement dit, si elle ne se prend pas en main, si elle ne prend pas sa vie en main, elle pourrait attendre longtemps avant de voir les choses changer.

Ceci dit, Alejandro ne comptait pas émettre de jugement à voix haute. Puis, de toute façon, il était plutôt d'accord avec Evanna pour dire qu'être en dehors d'une maison ne présente pas que des inconvénients. S'il s'écoutait, Alejandro claquerait la porte de la Eliot, mais il a une sorte de sens de l'honneur qui le pousse à ne pas lâcher, du moins, pas avant la fin de la session. Il choisit de répondre avec humour en tout cas.

-Comme si Evanna Xander devait des comptes à qui que ce soit.

Il fut ensuite question de la situation du jeune espagnol, à nouveau en couple, à la déception de plusieurs filles sans doute, mais voilà, il ne comptait pas rester célibataire toute sa vie non plus. Ceci dit, Evanna est sans doute bien placée pour savoir qu'Alejandro et fidélité, cela peut faire parti de deux équations différentes. Toute gentille, la blonde lui souhaitait d'être heureux, ce qui anima un sourire amusé chez lui.

-Gracias! C'est ce que je te souhaite aussi, enfin, si tu ne l'es pas déjà.

Ce qui lui permettait justement d'enchaîner sur la question qu'il posait ensuite à la belle étudiante, à savoir si elle était toujours en couple avec Angel. Ce dernier étant de la Eliot, il lui semblait bien que oui aux dernières nouvelles. Du reste, il parait que son ancien ami voudrait lui aussi quitter la Eliot House. Evanna l'accusa alors de ne pas vraiment s'intéresser à son couple.

-Ne te sens pas obligée de répondre si la question te gêne.

Lançait-il. Alejandro devinait d'emblée que les choses n'étaient pas au beau fixe de ce côté aussi, le couple angélique devait battre de l'aile. Évasive, la belle blonde se limita à dire que c'était compliqué, ce qui en disait suffisamment, Alejandro ne comptait pas se montrer plus curieux.

-Tous les couples traversent des périodes compliquées.

Pour le coup, il était un brin philosophe. Puis comme ça, sans crier gare, Evanna l'invitait à aller prendre un verre. Pour le coup, Alejandro devait admettre qu'il n'avait rien de mieux à faire. Une main glissa quand même contre sa nuque, tandis que son regard hésitait un brin.

-Non, j'ai fini les cours pour la journée, je faisais que me balader, alors si, on peut aller prendre un verre.

La blonde semble possédée d'une nouvelle énergie, ce qui était plus agréable à voir que cet air et ce ton mélancolique qu'elle avait quelques instants plus avant. Un verre ne lui ferait pas de tord, c'est certain.

-D'accord! J'avoue que je suis surpris, je ne pensais pas que tu me proposerais un verre.

Ajoutait-il en rigolant un brin. Il était donc près à la suivre dans un bar. Il devait avouer ne pas bien connaître Cambridge encore, surtout pas à pied, il y circule presque toujours en voiture.

Alejandro choisit de répondre avec humour à ma dernière phrase. C’était bien l’une des premières fois qu’il en faisait avec moi ! Décidément, ce jour était à marquer d’une pierre blanche.

-Hum… fis je feignant de réfléchir, un index sur le menton et les yeux au ciel, non, tu as raison, je n’ai de compte à rendre à personne ! Je n’ai plus de nounou depuis longtemps.

Un sourire étira les lèvres d’Alejandro quand je lui souhaitais tout le bonheur du monde. Malgré moi, il me semblait que je le cherchais un peu. Il fallait dire qu’il faisait pas mal d’effet quand même, le beau brun. Mais je repoussai bien vite cette pensée, vestige d’un passé que j’espérais révolu. Il n’était pas question que je me fasse un mec, Alejandro qui plus est ! Il me remercia, et cela semblait sincère et chaleureux. En même temps, à chaque fois qu’il sortait un mot d’espagnol, la langue parmi les plus mélodieuses du monde me paraissait comme du miel, doux et sucré. Contre ma volonté, je sentis le sang me monter aux joues.

Cependant, la tension remonta bien vite lorsque l’on aborda le sujet de mon couple. Nous avions nos problèmes, et Alejandro s’en foutait ans doute royalement, d’où ma réponse évasive. Il y avait quelques mois, j’aurais pu tout lui dire, étant donné qu’il était hypothétiquement concerné, mais la situation avait changé et je ne lui devais aucune information. Alejandro ne se montra pas insistant, et je l’en remerciai en mon fort intérieur. Cependant, il ne put s’empêcher d’ajouter une phrase qui se voulait sans doute innocente mais qui me resta en travers de la gorge. Il ne pouvait pas savoir.

Décidant de changer de sujet, je lui proposai à boire s’il était disponible. Il passa une main sur sa nuque et je pensais qu’il allait refuser. Je me préparais à encaisser le refus, mais il accepta l’invitation. Je ne pus m’empêcher de sourire de plus belle. Je devais avoir l’air un peu cruche, mais j’étais heureuse d’avoir un peu de compagnie, il fallait dire ce qui était.

Je tâtai la poche de ma veste et y trouvai mon porte-monnaie. Je me mordis discrètement la lèvre inférieure. Je n’étais pas sûre d’avoir assez pour deux consommations, surtout suivant l’endroit où on allait. Il m’avoua être surpris que je l’invite aussi soudainement. Je me dis que j’avais encore fait une boulette, et un sourire d’excuse traversa mon visage, mais dès qu’il se mit à rire, je compris qu’il plaisantait. Je me trouvais bien longue à la détente aujourd’hui… Sans doute un coup de mou, c’était l’heure du goûter !

-Un café préféré ? Disons que je connais pas mal les restaurants pour les fréquenter assez souvent, mais pas tes goûts... On pourrait aller la Luna Caffe si tu veux, les gens sont sympas ! Ou si tu veux aller ailleurs…

J’avais viré au cramoisi. A cause de ma propre bêtise en plus. J’allais souvent à la Luna Caffe en ce moment, pour diverses raisons, et j’avais sympathisé avec les serveuses et les propriétaires. Ils me connaissaient assez en cas de manque d’argent pour me faire une avance. Je détestais devoir des dettes et ils le savaient. Seul soucis : je n’étais pas sûre qu’Alejandro apprécie : ce n’était pas très BCBG… Lui qui faisait partie des Eliot devait se rendre dans des endroits un peu plus prestigieux. Je me rendis compte que j’étais ridicule à avoir peur de faire le moindre faux-pas en présence d’Alejandro. Pourtant, il n’était pas méchant… Mais il m’impressionnait, et je n’arrivais pas à savoir ce qui chez lui me faisait cet effet. Peut-être son trop plein de confiance en lui et d’orgueil. Il en imposait, c’était vrai.

-Ma voiture est sur le parking si tu veux venir avec moi.

Je l’attrapai par le coude et l’entraînai à ma suite. Je m’attendais presque à ce que, sous la surprise, il fasse de la résistance.

S’il voulait contester la destination, c’était maintenant ou jamais !

En voyant Evanna faire mine de réfléchir, Alejandro eut un sourire en coin. Il se doutait qu'elle répondrait par l'affirmative quand même. Si la blonde était soucieuse au départ de s'intégrer aux Eliots, elle n'a jamais donné l'impression d'y tenir tant que ça ou d'avoir des comptes à rendre à quiconque. Elle se montrait donc d'accord avec lui et le jeune homme hocha de la tête en guise de satisfaction.

La conversation amena la jolie blonde à lui proposer d'aller prendre un verre. Idée qui ne lui déplaisait, un peu d'alcool ferait du bien, car oui, par verre, il a bien pensé qu'il s'agissait ici d'un verre de vin, de bière, qu'importe et non d'un café, car autrement, elle lui aurait proposé un café non? Finalement, c'est de café dont il était question, au Luna.

-Euhm, je ne bois pas vraiment de café, enfin si, mais... Non, un thé, cela ira. Le Luna me va très bien.

Une place en équivaut bien une autre. Par contre, pas question de boire de ce café américain à peine buvable, ah non! À ce niveau, il a assez donné, même par gentillesse. Maintenant, s'il peut éviter... Puis, ce n'est pas une Anglaise qui lui reprochera de boire du thé. Evanna semblait néanmoins soucieuse, tracassée. Pourquoi, il ne saurait dire. Était-elle nerveuse à l'idée de passer plus de temps avec lui? Paradoxal si c'est cela, car c'est elle qui a lancé l'invitation.

Quand la blonde lui demandait s'il voulait la suivre à sa voiture, Alejandro n'eut même pas le temps d'acquiescer qu'elle l'entraînait, lui prenant le coude et le bras, ce qui le fit rire un brin.

-Apparemment, je n'ai pas le choix, mais d'accord!

Pour preuve, il n'avait opposé aucune résistance. En chemin vers la voiture, il demandait juste, un brin curieux:

-Est-ce que tu seras du voyage du Spring Break? Cette année, c'est en Nouvelle-Zélande.