J'introduis la clé dans la serrure et ouvre la porte de l'appartement à la recherche de Charlie. J'aurais pu la rejoindre directement suite à la prise d'otage, mais lorsque tout ceci fut fini, j'ai éprouvé le besoin de prendre l'air, de souffler un coup, de faire le point. J'avais donc fait la route jusqu'à la Charles River, qui est probablement mon endroit favoris ici, afin de retrouver le calme. J'y étais allé avec mes vêtements toujours couverts de sang, ayant presque oublié qu'ils étaient tâchés. Malheureusement pour moi, à peine étais-je arrivé à bon port que les messages de Maxime m'avaient fait prendre le chemin de l'hôpital afin de le retrouver. Bien que je n'ai pas eu le loisir de me retrouver seule avec moi-même, ce moment passé avec les jumeaux m'avaient permis de lâcher prise. C'est seulement après un long moment passé avec lui et Isaac que j'avais décidé de rentrer à l'appartement pour voir Charlie. J'avais quelque chose à lui dire, quelque chose de grave et de complètement déboussolant. En entrant dans l'appartement je referme la porte derrière moi puis m'avance dans le salon. Sort de ta couverture, il faut que l'on discute. dis-je le plus sérieusement du monde. Je ne sais pas comment je vais m'y prendre, ni même ce que je vais lui dire. Ce que je sais par contre, c'est qu'elle sera dévastée et que je devrais faire de mon mieux pour la rassurer, la consoler et lui redonner confiance. Cela ne risque pas d'être facile, mais je n'ai pas d'autre choix ; je préfère qu'elle l'apprenne de ma bouche.  

En sortant du McDonald j'avais directement été amener à l'hôpital et j'avais du passer au moins une heure à parler à un psychologue, qui, à la fin de la séance, m'avait donné un autre rendez-vous, affirmant qu'il allait me falloir plusieurs séances. En sortant de son bureau alors que j'étais sur le moins d'appeler Augustus pour prendre de ses nouvelles, des policiers m’interpellèrent et m'interrogèrent sur la prise d'otage, me forçant une nouvelle fois à me remémorer ces heures de paniques que j'aimerais oublier au plus vite. Une fois libre de partir, je pressais le pas vers la sortie, envoyant un texto à Gus, avant d'appeler un taxi pour rentrer à la maison. Durant le trajet je reçu un appel de mon père, surprenant sachant qu'il ne m'appelait que rarement depuis que javais rejoins la Quincy. Il avait la voix noué par les sanglots, je ne l'avais jamais entendu comme ça. Il m'expliqua qu'il avait vu les infos et qu'il c'était inquiété. Je dû une nouvelle fois raconter les événements, ne rentrant pas trop dans les détails, les larmes aux yeux. Le fait que je pleure au téléphone ne semblait pas le rassurer. Et même quand je lui annonçais que j'avais  sauvé la vie d'une autre étudiante durant la prise d'otage, il ne semblait pas satisfait, me demandant de rentrer à New-York. Je coupais court à la conversation en lui disant que je passerais certainement le voir pour les vacances.
A peine arrivée à l'appartement, je partie me laver, retirant mes vêtements couverts de sang avant de les jeter sur le sol de la salle de bain. Sous la douche je perdais la notion du temps, observant l'eau rincer les dernières traces de sang qui recouvraient mes mains. Une fois propre j'en filais  un short et un t-shirt avant d’attraper ma couverture pour la traîner jusqu'au salon, m'enroulant dedans en me laissant tomber sur le canapé. J'aurais voulu dormir mais chaque fois que je fermais les yeux je revoyais Avalon tirer sur Charlie, Max, Vanille et les autres. J'allais certainement faire de nombreuses nuits blanches avant de m'en remettre. Puis j'entendis la porte s'ouvrir et je me redressais lentement pour découvrir Amen, couverte de sang, le regard vide, l'air grave. Je sortais de sous ma couverture pour lui faire une place sur le canapé, plus inquiète que jamais. A la voir, on croirait que quelqu'un était mort...

La journée n'a pas été facile. Tout s'annonçait pourtant très bien. J'avais vu Jake la veille, nous avions eu une longue discussion à notre façon et retrouver mon meilleur ami après presque un mois sans lui m'avait vraiment fait beaucoup de bien. J'avais également bien avancé dans ma nouvelle compo et j'avais fini la soirée à rire avec ma petite Charlie. Le lendemain ne pouvait donc que bien s'annoncer et pourtant.. Je trouve ça incroyable, étrange et fascinant le fait que nous n'ayons presque aucune emprise sur le cours de notre vie. Certains diront que nous décidons de tout, que nous sommes les maîtres de notre destin. Moi, je ne pense pas. Pour être tout à fait honnête j'ai eu de longue réflexions sur le sujet. J'en suis même venu à me demander si nous avions réellement un libre arbitre ou si ce n'était que de doux mots donner pour conforter l'illusion de liberté. J'en suis venue à la conclusion que, oui nous sommes maîtres de nous-mêmes, mais en partie seulement. Nous ne décidons pas de tout. Beaucoup de choses sont totalement indépendante de nous et pourtant agissent sur nos choix et sur nous-mêmes. Je crois que dans la vie, tout est question de dosage, la liberté comprise. Au fond, si les choses arrivent, c'est qu'elles devaient arriver. En rentrant dans le salon, je ne sais pas trop quoi faire, quoi dire. Je sais que je dois éclairer Charlie, mais ça me parait tellement difficile à dire. J'ai la tête froide, je sais ce que je dois faire, mais je crois que je ne réalise même pas ce que je vais dire. Tu sais Chacha, parfois on fait des trucs un peu idiots. Des trucs qui ne nous ressemblent pas vraiment, parce qu'on est pas bien ou qu'on s'est fait monter la tête. dis-je d'une voix grave en me posant sur la table basse. Enfin, tu sais, il y a tout un tas de raisons de faire des choses idiotes et cruelles. Tu vois ce que je veux dire ? Parce que c'est très important, il faut que tu comprennes tout ça. continuais-je, la voix tremblante. Comment lui dire ? Comment la rassurer ?

Elle prenait cet air grave qui ne me rassurât pas du tout, elle n 'avait encore rien dit que j'avais déjà une boule dans le ventre. « Tu sais Chacha, parfois on fait des trucs un peu idiots. Des trucs qui ne nous ressemblent pas vraiment, parce qu'on est pas bien ou qu'on s'est fait monter la tête. » Je fronçais un peu les sourcils, la regardant s’asseoir sur la table basse. Où voulait-elle en venir ? Elle poursuivit en m'expliquant qu'il pouvait y avoir tout un tas de raisons de faire des choses idiotes et cruelles. Elle me faisait peur, pourquoi me disait-elle tout ça ? Elle préparait clairement le terrain pour m'annoncer un truc, mais quoi ? « Qu'est ce que tu veux dire par là ?  »  Lui demandais-je à mi-voix. Je commençais à me faire des tas de films. Je ne comprenais plus rien. Qu'est ce qu'elle savait que je ne savais pas ? Qu'est ce qu'elle voulais me dire ? Pourquoi prenait-elle des pincettes comme ça ?

Le psychisme humain est quelque chose de fascinant. Si j'avais eu conscience que je n'aurais pas trop de problèmes avec mes études de littérature en m'inscrivant à Harvard j'aurais probablement décidé de me tourner vers un second cursus, à savoir la psychologie. L'homme est une étrange énigme que j'ai toujours eu envie de comprendre. J'ai fait quelque recherche, lu deux-trois trucs sur le fonctionnement du psychisme de l'être humain, je suis donc loin d'être incollable sur le sujet, mais je pense tout de même savoir bien assez de choses pour expliquer la situation à Charlie. Je n'ai pas envie de lui jeter les faits en pleine figure, je pense que cela ne ferait qu'empirer sa réaction. Une approche plus douce me semble plus approprier. J'ai eu nombre de mauvaises nouvelles à annoncer dans ma vie, mais je dois dire que celle-ci est surement la pire. Parfois les gens que l'on croit connaitre par coeur font des choses complètements stupides. Impardonnable même. Ce que je veux dire, c'est que tous nos actes démontrent qui nous sommes. Ce n'est pas un acte qui va décider de si oui ou non nous sommes des gens bien. Tu vois ? J'ai l'impression de la perdre un peu plus à chaque mot. C'est l'ensemble. Demain, tu pourrais péter un plombs parce qu'on t'a monté la tête ou que tu es dépressive, un truc comme ça, et tuer trois personnes qu'au fond tu resterais quelqu'un de bien. Enfin, c'est comme ça que je vois les choses. Je ne dis pas que je te pardonnerais si tu faisais quelque chose de la sorte, mais au vu de circonstances atténuantes je continuerais de penser que tu es quelqu'un de bien. Pas toi ? demandais-je, cherchant toujours comment lui avouer les actes de Gus, l'homme dont elle est amoureuse. Je ne veux pas lui faire du mal, je ne veux pas la voir pleurer.

Où voulait-elle en venir avec tout ce blabla ? Plus ça allait et plus elle me perdrait. « Ce que je veux dire, c'est que tous nos actes démontrent qui nous sommes. Ce n'est pas un acte qui va décider de si oui ou non nous sommes des gens bien.  » Je hochais la tête, j’étais totalement d'accord avec elle. Le nombre de célébrités qui étaient mortes d'overdose, et catégorisées comme droguées, alors qu'elles avaient fait tant d'autre chose dans leurs vies, fut le premier exemple qui me vint à l’esprit. Amen elle avait un autre exemple, bien différent du mieux : le meurtre. Si je tuais trois personnes demain elle me considéreraient toujours comme quelqu'un de bien. Je relevais un sourcil, perplexe. Où allait-elle chercher tout ça ? « Euuuuh.... j'sais pas. Tuer quelqu'un ça reste grave quand même Amen...»  Dis-je dans un soupire. Plus elle me parlait, plus je me demandais si ce n'était pas cette histoire de  prises d'otages qui l'avait bouleversé et qui lui faisait réfléchir au sens de la vie comme ça. « T'es bizarre, tu devrais te reposer un peu.. » Ajoutais-je légèrement  inquiète de la voir dans cet état. Ça devait être le choque qui la faisait réfléchir autant. Chaque personne réagissait différemment à ce genre d’événement. Personnellement, à par l'envie de m'enrouler dans ma couverture et de vomir : je n'avais pas vraiment envie de débattre sur un sujet comme ça. En faite je n'avais pas vraiment envie de parler de cette journée.

En sortant de l'amphithéâtre pour trouver les secours, j'ai eu la chance d'esquiver les policiers et toutes leurs questions sur la prise d'otage. Concrètement, je déteste parler aux forces de l'ordre. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Je les admires pour leur courage et le sens du sacrifice dont ils font preuve, mais j'ai horreur de me retrouver face à eux. Je n'aime pas toutes les questions qu'ils posent, je n'aime pas de les entendre demander plus de détails. Mais, même si je leur aie échappé à eux, je vais devoir tout expliquer maintenant. J'essaie de me concentrer, de tenir un discours plus ou moins cohérents à ma colocataire. Je sais que je vais devoir clairement lui dire tout ce qui a pu se passer, mais je n'ai pas envie qu'elle s'en veuille par rapport à tout ça étant donné qu'elle était en couple avec l'un des agresseurs. Je la vois perplexe annonçant que tuer quelqu'un est un acte grave. Elle a totalement raison sur ce point, nul n'a le droit d'ôter la vie qu'importe la raison qui pousse à cet acte, mais je pense tout même que lorsqu'il y a des circonstances atténuantes les choses sont différentes. Je sais que, qu'importe la motivation de Gus et ses amis les vies qu'ils ont prises, comme celle de Lou, ne serons jamais rendue, que rien n'apaisera la peine des proches, mais quand même. Oui, c'est grave, je suis totalement d'accord, mais avec des circonstances atténuantes je trouve que c'est différent. dis-je la regardant de mon air le plus sérieux. J'ai probablement l'air d'une folle qui divague puisqu'elle me conseille d'aller dormir. Dormir, je ne sais pas si un jour je serais capable de fermer les yeux sans voir Lou tomber au sol, Maxime se vider de son sang ou Gus mettre l'arme dans sa bouche. Je.. j'divague pas Charlie. J'essaie juste de te dire que.. Tu n'auras plus jamais de nouvelle de Gus, Charlie. dis-je la voix tremblante, les larmes me montant aux yeux.

Elle était d'accord avec moi mais insistait sur son histoire de ''circonstances atténuantes''. Mise a par une folie avérée par des médecins, il n'y avait pour moi : aucune circonstances atténuantes possibles. Tuer quelqu'un, ôter la vie à un autre être humain, était, selon moi, l'une des choses les plus inhumaine au monde, juste après la torture. C'était l'acte ultime et il fallait sérieusement être aliéné pour tuer quelqu’un de sang froid. Seul la confirmation d'un médecin que le meurtrier était officiellement déséquilibré pouvait rendre l'acte ''acceptable''... et encore. Mais Amen n'était évidemment pas de cette avis. Elle était tellement pure et semblait voir le bon en chacun, que même sans pardonner un tel acte, elle était prête à  ne pas juger un meurtrier pour ce qu'il avait fait. Je l'admirais pour ça. J'étais certainement trop terre à terre pour penser de la même façon. « Je.. j'divague pas Charlie. J'essaie juste de te dire que.. Tu n'auras plus jamais de nouvelle de Gus, Charlie   » Je restais silencieuse sans la quitter des yeux. Ses yeux se remplirent de larmes alors que je me décomposais. Plus de nouvelles de Gus... est ce que ça voulait dire qu'il était mort ? Qu'il avait été tué par le preneur d'otage de l'amphi où Amen avait passé la mâtiné ? Les lares me montèrent aux yeux. C'était donc pour ça qu'elle tournait autour du pot et qu'elle me parlait de meurtre depuis tout à l'heure ? Elle voulait que je pardonne celui qui avait tuer mon copain ? « Je suis perdue...»  Avouais-je, la voix brisée par des sanglots. « Quelqu'un l'a tué ?»  Demandais-je en ramenant ma couverture sur moi, comme pour me protéger de ce qu'elle était sur le point de me dire.

Je sais bien qu'expliquer à ma colocataire ma façon de voir les choses en ce qui concerne le meurtre ne l'aidera pas. Elle pense bien différemment. C'est peut-être ça son problème à elle. Elle est trop logique, trop rationnelle. C'est le genre de fille qui n'excuserait pas l'acte, même si maladie mentale il y avait. Ou alors, juste en partie. A l'inverse, je vois bien plus l'aspect humain et sociologique de la chose. Je me fiche qu'un psychologue déclare une maladie mentale ou non. A moins que l'homme est l'âme d'une noirceur extrême, je pense qu'il y a toujours un traumatisme sous l'acte, même le plus barbare qui peut, d'une certaine façon, le justifier. C'est bien mon problème. Je suis trop dans l'humain, j'ai trop d'espoir pour l'homme. Quoiqu'il en soit, je pense que Charlie pourrait changer d'avis en apprenant la nouvelle. Lorsqu'une personne qu'on aime est impliqué, souvent tout change, à cause de l'affection qu'on lui porte. Je ne connaissais pas Gus, pas plus qu'au travers les paroles de Charlie, mais il m'avait l'air parfaitement équilibré et très gentil. Pour moi, c'est un facteur sociologique qui lui a fait péter les plombs. Non, personne ne l'a tué. dis-je, me retenant de pleurer. Lorsqu'il nous a retenus en otage, il n'a fait que hurler que tout était perdu pour lui, qu'il n'était qu'un simple numéro. Qu'un mec dans la foule. Un invisible. Il est bel et bien mort Cha, mais personne ne l'a tué.. Il s'est suicidé, sous mes yeux. ma voix et tremblante. Je n'entre pas dans les détails, je sais déjà qu'elle va littéralement s’effondrer.

« Non, personne ne l'a tué » J'échappais un léger soupire de soulagement, bien que je ne le sois pas réellement. Pourquoi m'avait-elle dit que je n'aurais plus de nouvelle de lui, s'il n'était pas mort. L'espace d'un instant j'étais encore plus confuse que quand elle divaguait sur le sens de la vie. Puis rapidement ce qu'elle ajouta me plaqua au fond du canapé. Il c'était suicidé ? Mais pourquoi ? Comment ? C'était impossible. Des larmes se mirent à couler le long de mes joues et j'enfouis aussitôt mon visage dans mes mains, échappant un sanglot. Amen semblait encore sous le choque, ce qui se comprenait. Assister au suicide de quelqu'un n'était certainement pas une chose agréable. Je sanglotais pendant de longues minutes, n'arrivant même plus à réfléchir. Puis je me forçais à me calmer, étouffant mes sanglots tant bien que mal. « Il c'est suicidé pendant la prise d'otage ? » Demandais-je la voix encore brisée par les sanglots. Puis soudain mes yeux s'écarquillèrent, comme si cet instant de calme m'avait permis de réaliser. Je secouais machinalement la tête de droite à gauche l'air choqué. Qui se suicide durant une prise d'otage ? Qui pouvait être assez fou pour se tuer dans ces circonstances mise à par LE preneur d'otage ? « Il a …c'est lui qui.... » Pas moyen de finir cette phrase, je pleurais tellement. Comment avait-il pu faire ça.