- Oh, tu sais, les secouristes ne sont pas des super-héros, annonça Read de manière tout à fait modeste.

Mais si les secouristes n’étaient pas des superhéros, comme il le disait si bien, qu’étaient-ils alors ? Après tout, ils sauvaient des vies tous les jours, comme les superhéros. Et ils venaient lorsqu’on les appelait, comme les superhéros. Alors, comment devait-on les définir ? Peut-être juste comme des héros, parce qu’il était évident qu’ils ne possédaient pas de superpouvoirs comme pouvait en avoir Superman ou Spiderman. Bien que l’on plaçait aisément Batman dans la catégorie des superhéros, alors qu’il n’avait aucune particularité paranormale. Juste un costume et des gadgets dont beaucoup rêverait d’avoir et une homosexualité clairement affiché, mais dont peu de gens n’y croyait à cause de cette homophobie constante qui touchait notre pays. Et non, je n’étais pas le genre de gay à penser que tous les hommes que je croisais étaient du même bord que moi. Seulement, je n’étais ni aveugle, ni borné, et cela sautait aux yeux que Robin n’était pas seulement le gentil petit acolyte de Batman.

- Eh bien, écoute, commença-t-il, un simple sourire amical aux lèvres. Si tu veux, je pourrais t'expliquer comment faire un bouche-à-bouche parfait, ça peut toujours servir et sauver des vies. Je pense que plus de monde aurait intérêt à apprendre les gestes qui sauvent. Comme ça, j'aurais moins de travail ! finit-il, et quelques têtes mécontentes se tournèrent vers nous à cause du bruit – pas si fort que ça – que nous faisions en discutant.

Si son innocence n’était pas aussi mignonne, je lui en aurais sûrement foutu une dans le seul et unique but de lui remettre les yeux en face des trous. Après tout, j’étais clairement en train de le draguer avec mes sourires et clins d’œil aguicheurs, je faisais même des sous-entendus pas si sous-entendus que ça, et il trouvait encore le moyen de ne pas comprendre mon petit jeu de séduction. Cela ne m’était encore jamais arrivé et je devais bien avoué que je ne savais pas trop comment agir face à cette candeur. Devais-je carrément lui avouer mon intention de le mettre dans mon lit, au risque de le faire fuir, ou devais-je continuer sur ma lancée sans perdre espoir, qu’un moment ou un autre, il comprenne enfin ce que j’étais clairement en train de faire ? J’allais sûrement rester sur la deuxième option, ne souhaitant pas vraiment lui faire peur alors qu’il me paraissait tout de même très sympathique.

- Je ne suis pas contre l’idée que tu m’apprennes à sauver des vies, déclarai-je alors. Comme ça, moi aussi, je pourrais te sauver si un jour tu faisais un malaise, ajoutai-je avec un énième clin d’œil – il allait croire que j’avais un problème avec mon œil à force… Et à la fin de ce cours, je recevrai mon attestation de formation aux premiers secours ? Ça pourrait m’être très utile si je veux avoir une preuve qui m’autorise à embrasser tous les beaux garçons qui passe mon chemin, ris-je.

Spoiler:

Plus la discussion s'étalait, plus Read voyait quelque chose d'étrange dans le comportement de son interlocuteur. Beaucoup de sourires, de clin d'oeil complices. Il prenait cela pour de la gentillesse profonde... C'est d'ailleurs pour cela qu'il lui proposait sérieusement des cours gratuits de secourisme. Ce n'était pas une mauvaise idée, cela dit, il en avait déjà donné au sein d'une association. Cela avait été une expérience fort sympathique et pleine . Encore un clin d'oeil. Est-ce que cela lui était vraiment adressé ou Tyler avait-il tout bonnement une sorte de tic qui commençait à dégénérer sous le stress de papoter au lieu d'étudier.
« Oui, y a toujours une sorte d'attestation quand on fait les cours dans les règles de l'art... » dit-il pour répondre à la question du jeune homme.
Read n'avait tout d'abord pas fait attention aux paroles de son interlocuteur, souriant simplement, de la manière candide avec laquelle il avait toujours eu l'habitude de sourire, avant de ne finalement en saisir le sens. Son cœur fit un drôle de bond dans poitrine. Tyler était homosexuel ? Cela ne le gênait nullement, puisqu'il était très tolérant, c'était dans sa nature et dans son éducation, bien que religieuse. Mais l'idée lui vînt à l'esprit que...Tyler pouvait bien être en train de le draguer. Sinon pourquoi lui aurait-il donc parlé de baisers ? Il fronça les sourcils, se demandant s'il n'avait pas un peu l'esprit pervers pour penser de telles choses...
« Embrasser ? » demanda-t-il doucement. Il ne savait pas quoi dire, en vérité. Il hésitait à poser une question claire et directe... Mais après tout...Ce ne serait peut-être pas autant la honte que ça, si ? « Tu aimes les garçons ? » finit-il par lâcher tous bas. Il ne voulait pas que les gens autour ne l'entendent...Pourtant, Tyler avait l'air totalement serein avec cette hygiène de vie et avait l'air de s'en foutre des qu'on dira-t-on. Sinon, il ne l'aurait peut-être pas abordé.
« Dis...Moi, t'aurais envie de m'embrasser ? Enfin... Je veux dire... Si tu t'es mis là, c'est parce que je te plais ? »finit-il par demander carrément. C'était comme une douche froide, comme un réveil. Il se demandait s'il n'était pas en train de fabuler. Si cela se trouvait, l'autre allait carrément le prendre pour une sorte de pervers. Il se mordit la langue, se demandant si une réponse positive de la part de son interlocuteur devait le flatter ou le faire s'enfuir à toutes jambes. C'était un ignare en ce qui concernait les relations amoureuses... Et sexuelles.

- Oui, y’a toujours une sorte d'attestation quand on fait les cours dans les règles de l'art... me répondit-il.

Mais son comportement était tout à coup devenu un peu bizarre depuis que j’avais ouvertement plaisanté sur mon homosexualité – bien que je ne lui avais pas clairement spécifié ce fait. Il aurait été tout de même très étrange que je lui dise sans crier gare que j’étais gay, même si cela ne cessait de me démanger depuis que mes clins d’œil et sourires aguicheurs en tout genre ne semblaient pas lui mettre la puce à l’oreille sur mes réelles intentions vis-à-vis de lui. Au moins, là, j’avais glissé une légère allusion à ma gaytitude dans ma phrase, et s’il n’avait toujours pas compris le message que j’essayais de lui transmettre – en vain –, il ne me serait resté plus qu’une seule chose à faire : me jeter par la fenêtre du rez-de-chaussée de la bibliothèque.

Heureusement pour moi (et mon beau corps pour le moment intact), Read parut comprendre l’allusion – en même temps, le fait que je déclare pouvoir embrasser des beaux garçons à ma guise avec l’attestation de formation aux premiers secours était plus qu’explicite – et je me fis un plaisir un peu sadique, je devais bien l’admettre, d’admirer l’effet que cette nouvelle pouvait produire sur lui et les muscles de son visage.

- Embrasser ? demanda-t-il de manière hésitante, sa voix n’étant presque qu’un souffle. Tu aimes les garçons ? reprit-il encore plus bas – en tout cas, c’était l’impression que j’avais.

C’était comme s’il refusait que de possibles oreilles indiscrètes qui traîneraient ici par hasard entendent ses mots. Et je me demandai bien pourquoi. Après tout, ce n’était pas une question déplacée à laquelle en résultait une réponse honteuse. Bien que je n’adhérais pas à ce concept de « Gay et fier de l’être » – après tout, il n’y avait aucune fierté à être homosexuel, tout comme il n’y avait aucune fierté à être hétérosexuel ; on était ce que l’on était, un point c’est tout, et je ne voyais pas ce que la fierté avait à voir là-dedans –, je n’avais aucune honte à être ce que j’étais. J’avais vécu trop longtemps dans cette gêne instiguée par la société en général, et mes parents en particulier, et je n’avais plus envie de vivre de la sorte. A présent, je ne me cachais plus et les gens devraient faire avec, qu’ils soient d’accord ou non.

- Dis... Moi, t'aurais envie de m'embrasser ? m’interrogea-t-il, et sa question m’étonna sincèrement.

Après avoir été si naïf et candide tout au long de notre conversation, voilà qu’il devenait franc et direct et je devais bien avouer que cela me mettait légèrement mal à l’aise. Je ne savais plus sur quel pied danser avec lui. La seule chose qui restait inchangé était sa gêne de jeune homme innocent qui n’osait pas parler de ce genre de choses, que ce soit en public ou en privé. Il allait vraiment falloir que je le désinhibe celui-là.

- Enfin... Je veux dire... Si tu t'es mis là, c'est parce que je te plais ?

- Oui et… oui, avouai-je alors dans un sourire plus rassurant qu’aguicheur, cette fois. Je ne peux pas nier que tu es un très bel homme et que, si je n’étais pas un gentleman – kof kof –, je t’aurais très certainement déjà embrassé, déclarai-je tout ce qu’il y a de plus sincère, en m’attendant de le voir s’enfuir à toutes jambes à tout moment. Ça t’embête ?

« Je ne peux pas nier que tu es un très bel homme et que, si je n’étais pas un gentleman, je t’aurais très certainement déjà embrassé. » Ces aveux-là laissèrent Read sur les fesses et c'était peu de le dire. En même temps, c'était ce qu'il attendait de son interlocuteur : une réponse sincère et directe. Et pour être franc, il avait été franc. Read pensa donc un instant qu'il avait de la chance, du coup, que ce soit un gentleman, comme il se complaisait à le dire. Il aurait été vraiment gêné qu'un inconnu ne lui vole un baiser en plein milieu de la bibliothèque, que ce soit un homme ou une femme. Le jeune ambulancier regardait Tyler en se demandant s'il ne devait pas, par hasard, fuir à toutes jambes. Mais cela ne se faisait pas, c'était totalement malpoli, surtout que maintenant, son interlocuteur avait certifié l'intérêt qu'il lui portait.
« Oh non.... Enfin, je ne sais pas. » répondit-il finalement. Il baissa le regard, timidement. Ses joues rougirent sans même qu'il ne puisse rien y faire. Il fit mine de rouvrir son livre, ne sachant vraiment plus où se mettre et que dire. Après tout, le garçon en face de lui s'attachait à son apparence. C'était tout. Il n'y avait pas à en faire un plat. Le seul hic, c'était que Read ne savait pas si cela le flattait, qu'un homme s'intéresse à lui, ou, au contraire, si cela l'effrayait. Cette dernière possibilité ne devait pas être vraie sans quoi il aurait déjà fui. Peut-être que Tyler était en train de le pousser à se remettre en question, à se connaître lui-même. Etonnant, c'était un inconnu et il lui retournait l'esprit vis-à-vis de question de sexualité. Après tout, Read n'avait encore vécu aucune histoire d'amour, il ne pouvait donc pas être à cent pour cent certain d'être hétérosexuel. Mais être homosexuel, était-ce quelque chose de normal ? La façon avec laquelle il avait été éduqué le poussait à se poser ce type de questions... C'était une idée de mœurs et de morale.
Levant de nouveau le regard vers Tyler, il lui envoya un simple sourire.
« Je pense que... j'aurais été gêné. Tu sais, je.. j'ai jamais fait l'expérience avec qui que ce soit. » finit-il par affirmer simplement.

- Je pense que... j'aurais été gêné, m’avoua-t-il avec justement un petit sourire embarrassé. Tu sais, je… j'ai jamais fait l'expérience avec qui que ce soit.

Un silence de mort suivit cette révélation. A vrai dire, je ne savais pas trop quoi répondre face à cet aveu plutôt troublant. Après tout, il venait tout de même de me révéler qu’il était encore puceau, et je ne savais pas quel âge avait Read exactement, mais, bien que ce n’en soit nullement une honte, cela me surprenait grandement, voire me choquait un peu.

Read était un jeune homme tout ce qu’il y avait de sexy et, pour ceux qui s’intéressait plus à ce qu’une personne possédait à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur, le peu de temps que j’avais passé à parler avec lui aujourd’hui me permettait de dire avec plus ou moins de certitude qu’il était également quelqu’un de gentil et très certainement d’attentionné envers son prochain. J’avais donc un peu de mal à comprendre ce qu’il lui avait empêché de conclure jusqu’à maintenant.

- Jamais, jamais ? demandai-je inutilement puisqu’il venait de me l’expliquer de manière clair et concise.

Puis, l’étonnement et le choc passés, je repris enfin le côté charmeur de ma personnalité et sauta sur l’occasion d’avoir peut-être la chance de lui apprendre les plaisirs du sexe.

- Tu sais… commençai-je incertain de la réaction qu’il aurait face à cette proposition. Je me ferais un plaisir de combler tes lacunes dans ce domaine, si tu le souhaites. Toi, tu serais mon professeur de secourisme, quant à moi, je serais celui des plaisirs de la vie, lui souris-je de manière lubrique.

Tyler sembla presque offusqué par la révélation de Read. Ce dernier lui lança un regard étonné en réponse à sa surprise. Il avait dit quelque chose de mal ? Il avait eu l'air ridicule ? C'était si gênant que cela d'attendre la bonne personne ne serait-ce que pour la toute première embrassade, le tout premier baiser ? Read se demandait vraiment s'il était une créature étrange, mais, pourtant, il ne faisait que suivre pleinement ses croyances. Et sa foi le poussait à ne pas se laisser aller à la débauche. Il était ce genre de garçons, toujours prêt à aider, toujours là pour les autres, sacrifiant parfois même sa propre existence. A force de suivre ses cours de médecine, de travailler dans le service des secouristes des hôpitaux de la ville et d'aider dans diverses associations, il n'avait pas eu le temps de se chercher une épouse. Mais il n'y avait même jamais pensé. Il se disait que si le Seigneur voulait le voir former une famille, cela arriverait assez tôt. Dieu aidait les justes. Evidemment, sa mère s'était souvent impatienté, rêvant d'avoir ses premiers petits enfants, Read étant l’aîné de la famille et sa petite sœur ayant déjà un mari. Pasteur lui aussi.
Un petit sourire gêné apparut sur le visage du jeune homme et il ne put s'empêcher de rougir de nouveau. Par contre, la proposition de Tyler le fit quasiment pâlir. Comment ?! Il était choqué. Oui, réellement. Et il avait presque envie de fuir. Fuir parce qu'il n'aimait pas la tournure des événements. Il ne voulait pas paraître blasé et fermé d'esprit, mais cela... C'était comme de la prostitution à ses yeux. Ce n'était pas bien.
« Je euh.... » bafouilla-t-il. « Ecoute, je veux bien te donner des cours de secourisme, mais... » Il cherchait ses mots, afin de ne pas heurter son interlocuteur. Il était tolérant et même si le mode de vie de son interlocuteur ne lui plaisait pas, il n'était pas près de lui balancer des mots violents en pleine face. Trop respectueux pour cela, il retournait sept fois sa langue dans sa bouche.
« Je... Disons que mon éducation et mes croyances me poussent à me réserver pour la bonne personne. Je ne me vois pas donner mon corps comme ça, au premier venu. J'ai besoin d'amour. Y a que l'amour qui puisse justifier, à mes yeux, l'acte charnel. » expliqua-t-il finalement, en souriant timidement, rougissant de plus en plus. Il n'était pas habitué à parler de sexe. « Pour moi, se donner tout entier, laisser son corps à l'autre, c'est juste la plus grande preuve d'amour qui soit... Puisqu'il s'agit en vérité de concevoir la vie, si le Seigneur le veut bien. Je peux paraître un peu en retard sur les mœurs des jeunes de notre époque, mais rien y fera, je déteste la banalisation qu'on fait des relations sexuelles en ce moment, à la télé comme partout ailleurs... »
Un nouveau sourire timide. Puis Read feuilleta de nouveau le livre se trouvant non loin de lui, posé sur la table, baissant le regard. Il était tellement gêné qu'il en pleurerait presque.

Oh-oh. Je crois que je venais de faire une énorme boulette en lui faisant une proposition aussi obscène, alors qu’il m’avait parfaitement démontré tout au long de notre conversation qu’il était un jeune homme naïf et innocent. Pourquoi avait-il alors fallu que je lui propose mes services au lit ? Eh bien, peut-être parce que cela était dans ma nature d’utiliser mon corps à des fins pas forcément très louables et que j’y prenais un malin plaisir. J’étais comme ça, et je n’allais très certainement pas changer de sitôt. Pas même pour un très séduisant jeune homme qui faisait bouillir mon sperme d’impatience tellement son innocence était absolument adorable.

- Je, euh... débuta-t-il, maladroit, ne semblant pas vraiment savoir par où commencer. Ecoute, je veux bien te donner des cours de secourisme, mais... Je... Disons que mon éducation et mes croyances me poussent à me réserver pour la bonne personne.

Oh, c’est pas vrai… Sur tous les étudiants masculins de l’université, mignon comme tout – au sens enfantin et plus adulte du terme –, et potentiellement baisable dans le sens où il pouvait peut-être être amené à coucher avec des hommes, il avait fallu que je tombe sur le chrétien pratiquant qui louait la toute-puissance de son Seigneur et ne jurait que par sa parole – qui n’existait pas, puisqu’il n’avait encore jamais parlé (sinon, cela ferait longtemps que je me serais converti).

- Je ne me vois pas donner mon corps comme ça, au premier venu, continua-t-il, alors que je perdais peu à peu pied devant ce discours trop religieux à mon goût. J'ai besoin d'amour. Y’a que l'amour qui puisse justifier, à mes yeux, l'acte charnel. Pour moi, se donner tout entier, laisser son corps à l'autre, c'est juste la plus grande preuve d'amour qui soit... Puisqu'il s'agit en vérité de concevoir la vie, si le Seigneur le veut bien. Je peux paraître un peu en retard sur les mœurs des jeunes de notre époque, mais rien y fera, je déteste la banalisation qu'on fait des relations sexuelles en ce moment, à la télé comme partout ailleurs...

Okay… Eh bien, au moins, cela m’éclairait sur une chose : je n’allais pas baiser ce soir – du moins, pas avec lui. Je trouvais d’ailleurs cela étonnant qu’il ne m’ait pas encore fait la morale sur le fait que l’homosexualité était un pêché et que je devrais avoir honte d’être encore sur cette Terre à profiter des plaisirs charnels que certains corps masculins m’offraient. Après tout, c’était quand même LA grande plaie pour la religion. Et pas seulement le christianisme, malheureusement. D’ailleurs, s’il y avait bien une chose sur laquelle les trois grandes religions – composées du christianisme, du judaïsme et de l’islam – étaient d’accord, c’était bien l’homosexualité…

- Ok, ok ! m’empressai-je de le rassurer. Je suis désolé de t’avoir fait une telle proposition, je n’aurais pas dû. C’était très déplacé de ma part et je m’en excuse – et j’étais sincère, pour une fois… Tu as tes propres convictions, bien que je n’y adhère pas, et je les respecte, mais… Tu vas vraiment attendre de te marier pour consommer ? Enfin, je veux dire, c’est bien ce que vous faites, chez vous, non ? demandai-je de manière un peu désinvolte.

Read observait Tyler en rougissant. Il avait cherché ses mots longuement, question de ne pas heurter son interlocuteur qui avait eu la très gentille initiative de lui rendre service. Du moins, si l'on pouvait faire entrer sa proposition dans la catégorie « rendre service » car elle n'était pas très louable à première vue. Le jeune ambulancier feuilletait nerveusement le livre devant lui et reposa le regard sur son interlocuteur lorsque celui-ci formula des excuses. Rougissant de plus bel, il lui offrit un simple signe de la tête.
« Ne t'inquiètes pas, je ne t'en veux pas... Tu pouvais pas savoir que j'étais de ceux qui … euh... » Comment pouvait-il se décrire. Il n'allait tout de même pas dire quelque chose comme quoi il n'était pas de ceux qui baisent avec le premier venu. Ce ne serait vraiment pas respectueux pour son interlocuteur. Qui plus est, Tyler choisissait certainement ses … amis avec soin ! Read n'en doutait pas. Un petit sourire apparut sur son visage pâle alors que l'étudiant en japonais reprenait la parole. La question qu'il venait de lui poser l'étonna et le gêna. Il voulait encore parler de sexe. Cette fois-ci, il avait l'air bine plus désinvolte que quelques instants plus tôt, mais tout de même...
« Je pense bien, oui. Je ne vois pas le plaisir que pourrait me donner le fait de faire l'amour avec quelqu'un dont je ne suis pas sûr de partager la vie. » fit simplement Read. Évidemment, c'était ainsi qu'il voyait les choses afin de respecter au plus sa morale et de préserver sa vertu. Mais il savait aussi qu'il était un homme et que s'il tombait amoureux, la question des relations sexuelles tomberait sur le tapis, forcément. Il n'échappait pas à ses hormones. Il en avait honte, mais comme tous les jeunes hommes, il lui était arrivé de se masturber. Ce n'était pas bon de gâcher le liquide de vie, tout comme il était mauvais de gaspiller l'eau, mais il fallait bien trouver un moyen de se détendre le slip comme dirait certains ! Il en rougissait, mais malgré sa naïveté et son innocence, il n'était plus un enfant !
« Mon père est pasteur, j'ai vécu mon enfance dans sa paroisse, comme tous mes frères et sœurs. On nous a donné une éducation précise. Je t'avoue que parfois, c'était un peu l'armée, mais avec treize enfants, faut bien trouver un moyen de faire respecter l'autorité. Même si le petit dernier est arrivé quand j'étais déjà aux études ! » ajouta ensuite Read, comme pour se justifier davantage. Les valeurs qu'on lui avait inculquées étaient sacrées. La famille, l'amour de son prochain, la compréhension, la tolérance. Il ne comprenait pas les gens qui se disait pratiquants, mais dénigrait les homosexuels ou d'autres personnes dites « marginales », chaque être était différent et chaque être était une création du Seigneur, alors chaque être méritait le respect. Même lorsque l'on avait du mal à le comprendre.

- Ne t'inquiètes pas, je ne t'en veux pas... Tu pouvais pas savoir que j'étais de ceux qui… euh...

Qui attendent de vivre en enfer pour prendre du plaisir ? Il pouvait le dire. Quoique, s’il embrassait avec autant de conviction sa foi en Dieu et qu’il était prêt à attendre que l’Amour avec un grand « A » – qui était un concept tout aussi chimérique que la divinité – pointe le bout de son nez avant de pouvoir enfin goûter aux nombreux plaisirs du sexe, cela ne devait donc très certainement pas le déranger d’attendre l’enfer – c’est-à-dire, se marier. Car oui, pour moi, le mariage était synonyme d’enfer, tout comme le fait d’être en couple, les papiers en plus. Et puis, je n’arrivais pas à comprendre l’intérêt qu’il y avait dans le fait de se marier – à part récupérer toute la fortune du type au moment du divorce. On portait une alliance, et après ? De toute façon, il faudrait déjà que j’arrive à croire en l’amour – ce qui est loin d’être le cas –, avant de pouvoir croire au mariage (sauf les mariages d’intérêt où, là, l’enjeu était tout de suite plus clair).

- Je pense bien, oui, répondit-il à ma question, et j’eus réellement pitié de ce pauvre gars dont on avait sûrement monté la tête avec ces innombrables préceptes qu’évoquait la Bible. Je ne vois pas le plaisir que pourrait me donner le fait de faire l'amour avec quelqu'un dont je ne suis pas sûr de partager la vie.

- Il y a de nombreux avantages, au contraire, affirmai-je avec une petite moue convaincue. Et puis, comment peux-tu être sûr que tu te maries avec la bonne personne si tu l’as pas « essayée » avant.

Il fallait vraiment que je me taise, moi… Mais j’étais quelqu’un de peu tolérant – oui, un homosexuel qui a subi l’homophobie de la société actuelle durant toute son adolescence osait être peu tolérant avec les personnes un tant soit peu différentes, c’était un comble, je le sais – en ce qui concernait beaucoup de choses, et le fait qu’il soit si attaché aux valeurs bibliques me poussait forcément au débat. Mais j’appréciais beaucoup ce type que je venais à peine de rencontrer et je ne voulais pas ni le choquer, ni le vexer. C’était pour cela qu’il fallait que je ferme ma grande bouche et que j’accepte ses convictions sans chercher à imposer mes propres idées.

- Mon père est pasteur, j'ai vécu mon enfance dans sa paroisse, comme tous mes frères et sœurs, m’expliqua-t-il et je me forçais à l’écouter attentivement sans émettre d’objections. On nous a donné une éducation précise. Je t'avoue que parfois, c'était un peu l'armée, mais avec treize enfants, faut bien trouver un moyen de faire respecter l'autorité. Même si le petit dernier est arrivé quand j'étais déjà aux études !

- Treize enfants ! m’exclamai-je sincèrement choqué. Mais… c’était voulu ou bien…

Ou bien, comme Monsieur le Pape refusait l’utilisation des capotes – et de la pilule ? J’avoue que j’avais un doute sur ça –, les familles chrétiennes étaient donc forcément toujours très nombreuses. Encore quelque chose que je n’arrivais pas à comprendre. Surtout qu’au vu du nombre de personnes vivant sur cette planète, il allait falloir arrêter de concevoir à tout va, sinon, on allait plus tenir à force ! Bref, voilà pourquoi je n’avais pas voulu continuer ma phrase, laissant celle-ci en suspens dans le but qu’il comprenne de lui-même ce que j’insinuais. Mes idées étaient beaucoup trop carrées et ma façon de dire les choses beaucoup trop brusques pour que je puisse discuter de ce genre de sujet avec quelqu’un d’aussi gentil que lui sans qu’il ne me bannisse à jamais de ses fréquentations. J’irai en Enfer, je le savais déjà…

Les questions de Tyler était pertinente pour un athée. Il voulait savoir comment Rea faisait pour vivre sans sexe, mais voilà, notre jeune homme ne s'était jamais vraiment posé la question car c'était quelque chose d'on ne peut plus évident en ce qui le concernait. La façon dont Tyler formula sa question le choqua. Essayer ? Comment cela, on essayait les personnes ? Ce n'était pas des jouets ou des ordinateurs satisfaits ou remboursés !!! Read hocha la tête de droite à gauche avec virulence. Ce n'était vraiment pas la bonne manière pour parler des femmes ou des hommes... C'était basé sur le sexe, et en rien sur les sentiments.
« Je saurais que c'est la bonne parce qu'il y aura un lien entre nous. Un lien étroit, une douceur extrême... Bref, de l'amour... Et si jamais je dois passer ma vie aux côtés de cette personne sans avoir de relations sexuelles, c'est la même chose, je saurais qu'elle est la bonne, celle pour qui mon cœur bat le plus. Celle pour qui mon cœur a été marqué. Tu verras, toi aussi un jour tu rencontreras une personne comme cela... Et là, même si elle se refusera d'avoir des rapports sexuels, tu l'aimeras... Le sexe pour le plaisir, ça n'a rien à voir... » tenta d'expliquer tant bien que mal notre jeune ambulancier. Il avait beaucoup de mal parce qu'il ne voulait pas non plus juger son interlocuteur et jouait aux convaincants. Ce n'était pas son but de le convertir, ni même de le faire changer de point de vue en ce qui concernait le thème de leur discussion. Tout ce qu'il voulait, 'était donner son point de vue. Il reposa ensuite de nouveau les yeux sur la table, rougissant. Il n'avait jamais autant entendu et dit le mot « sexe » de toute sa vie. Ce n'était pas un sujet tabou pour lui, mais, disons que personne n'en parlait dans sa famille. Du moins, directement.
Il ne put s'empêcher ensuite de se justifier de par la profession de son père et sa grande famille. Tout le monde était toujours étonné d'apprendre qu'il avait douze frères et sœurs, il fallait avouer que ce n'était pas commun dans ce pays. La plupart des familles étaient composées de un à trois enfants. Relevant les yeux, il remarqua que Tyler ne dérogeait pas à la règle. D'ailleurs, il ne s'empêcha pas de poser une nouvelle question. Là encore Read en resta béa. Le jeune homme lui demandait simplement et purement s'il avait été un enfant désiré ou un simple accident assumé. Déglutissant bruyamment, car il était un peu énervé et voulait changé de sujet, il se résolut cependant à donner une réponse.
« Chaque enfant est un présent de Dieu. Un enfant, c'est la vie ! Cela ne se refuse pas, il est... toujours voulu d'une certaine manière. » affirma-t-il en souriant, timidement, rougissant toujours et chuchotant afin de ne pas déranger leurs voisins. Et si Tyler pensait que les gens n'étaient pas assez intelligent pour se mettre au courant de la période d'ovulation et tout ce genre de choses, afin de ne pas avoir un enfant qui naîtrait dans la difficulté, il avait tord !