Je n’aimais pas étudier à la bibliothèque du campus. C’était beaucoup trop silencieux à mon goût et, c’était très certainement étrange, le silence me déconcentrait plus qu’autre chose. Beaucoup trop d’étudiants y venaient pour étudier – ce qui était le but d’un tel endroit – et le rouage incessant de leur cerveau en ébullition m’empêchait de me concentrer sur les nombreux devoirs que j’avais à rendre. Voilà pourquoi je n’y venais jamais. Enfin, presque jamais. Car si j’étudiais principalement à la résidence des Winthrop ou au Lord Hobo (célèbre bar chez les Harvardiens se situant à deux pas de l’université), il était difficile de trouver dans ces lieux des livres pouvant m’aider à étoffer telle ou telle dissertation. C’était donc pour cela que j’étais actuellement à la Widener Library, en train de chercher une table qui pourrait être passablement libre pour accueillir mes jolies petites fesses.

Et j’en trouvai une, assez isolée – ce qui était parfait pour ma tranquillité intellectuelle –, mais malheureusement déjà occupée par quelqu’un. Quoique, finalement, je n’allais pas m’en plaindre, parce que je venais à peine de remarquer que ce « quelqu’un » était non seulement un homme, mais en plus, il était canon ! J’allais pouvoir m’amuser un peu (même si le but était tout de même de travailler, mais l’un n’empêchait pas l’autre, pas vrai ?).

- Salut beau gosse ! l’abordai-je de manière pas très subtile, mais la subtilité n’avait jamais été mon fort. Je peux te tenir compagnie ? Ça doit pas être drôle d’être assis tout seul dans ton coin.

Lorsque Read en avait besoin, il passait des heures à la bibliothèque afin d'approfondir son cours. Il lui en fallait du courage, mais au fond, il ne savait pas vraiment quoi faire de lui-même lorsqu'il ne révisait pas ou ne travaillait pas. C'était un drogué au travail, quoi qu'on en dise, mais c'était avant tout un garçon battant et courageux. Il désirait aller au bout de ses rêves et c'était évidemment ce qu'il comptait parvenir à faire. Pour un secouriste, certaines personnes disaient qu'il ne prenait pas assez soin de sa propre santé et Read leur répondait qu'il connaissait ses propres limites. Mensonge ou vérité ? Personne ne l'avait vu encore faiblir, ce qui signifiait qu'il devait franchement être très endurant.
Arrivé à la bibliothèque ce jour-là, il dénicha une table au calme, près de la fenêtre. C'était rare d'avoir autant d'espace libre à une heure pareille et le jeune homme ne put s'empêcher de se sourire à lui-même. Il s'installa confortablement, étalant ses affaires. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour se plonger dans son travail, qui consistait ce jour-là à préparer des fiches de révisions pour une matière particulière. Celle où il avait pris le plus de retard... Il redoutait vraiment cet examen, si bien qu'il se prit même à stresser. Son cerveau bouillonnait car cela faisait près de deux heures qu'il n'avait pas bougé de son siège et le pauvre avait la sensation qu'il allait bientôt s'y enraciner. Mais il manquait de temps, alors il devait prendre tout son temps libre pour s'avancer au maximum...
Soudain, une voix masculine le sortit de sa torpeur. Interloqué, il leva ses yeux azurés sur son interlocuteur. C'était un étudiant, et il demandait s'il pouvait s'installer à ses côtés. Read lui offrit un magnifique sourire, sans même relever le « beau gosse » par lequel l'autre l'avait interpellé. En même temps, ce n'était qu'un surnom de plus, il n'y voyait aucune arrière pensée...

« Bonjour. Je t'en prie... » fit-il simplement, en écartant ses livres, repliant en véritable hâte ceux qui étaient encore ouverts alors qu'il ne les lisait plus. « Désolé, j'ai tendance à un peu trop m'étaler... » ajouta-t-il ensuite en rougissant. Il aurait dû d'avantage penser aux autres avant de prendre toute la place. Si cela se trouvait, d'autres personnes avaient désiré s'asseoir dans cet endroit, mais n'avaient pas osé le sortir de ses révisions afin de lui demander de décaler ses affaires.

- Bonjour, me répondit le jeune homme aux yeux d’un bleu si translucide que j’avais beaucoup de mal à en détacher mon regard. Je t'en prie...

Et il commença à débarrasser la table de tout un tas de livre en tout genre encore ouvert à une page spécifique, mais dont il ne semblait plus avoir le besoin pour le moment, dans le but très louable de me faire un peu de place pour que je puisse installer mes propres affaires.

- Désolé, j'ai tendance à un peu trop m'étaler... s’excusa-t-il tout en rougissant.

Et je devais bien avouer que le rouge apparaissant sur ses joues lui donnait l’air tout à fait adorable du garçon timide et innocent, ce qui n’était pas pour me déplaire. J’étais peut-être bizarre ou fou – en tout cas, on me le disait souvent –, mais j’aimais beaucoup voir l’innocence chez un mec, car cela voulait soit dire que le mec en question était timide – ce qui avait son charme, mais pouvait devenir ennuyeux à la longue –, soit qu’il était encore ignorant quant aux plaisirs de la vie, j’ai nommé le sexe, et là, ça devenait beaucoup plus intéressant. Je n’avais bien sûr aucune sorte de fantasme bizarre et inavouable concernant les puceaux, mais je trouvais parfois cela plus intéressant d’essayer de m’en faire un plutôt que de draguer un mec qui était déjà passé dans le lit de plusieurs personnes avant moi. Après tout, j’avais une responsabilité non négligeable lors d’une relation sexuelle avec l’un d’entre eux : je les éduquais. Et on savait tous qu’un mauvais éducateur faisait un mauvais baiseur.

Malheureusement, je ne pouvais pas encore affirmer que ce garçon était puceau, je n’en savais absolument rien. Tout ce que j’avais pu remarquer pour le moment, c’était qu’il était plutôt timide et qu’il avait complètement ignoré mon « beau gosse » qui lui était pourtant destiné. L’avait-il fait exprès ou était-ce normal pour lui qu’un total inconnu le surnomme ainsi ? C’était la question à laquelle je devais absolument répondre.

- Ca ne fait rien, dis-je en prenant place en face de lui. Tu peux t’étaler sur moi quand tu veux, ajoutai-je avec un petit clin d’œil taquin. Je m’appelle Tyler, me présentai-je après un petit silence, en tendant ma main droite pour qu’il la serre.

Read n'avait pas regardé attentivement son interlocuteur, tout transis qu'il était et tentant tant bien que mal de mettre un peu d'ordre sur cette fichue table de bibliothèque. Il savait juste que c'était un étudiant nécessitant une petite place pour travailler et qui devait certainement aussi vouloir un peu de compagnie, sans quoi il ne l'aurait pas abordé d'une façon si familière. Enfin, c'était dans ce genre de catégories que réfléchissait Read, qui, innocent n'avait aucunement ressenti de la drague derrière les remarques du jeune homme debout à côté de sa table. Finalement, il lui offrit un sourire en s'asseyant, face à lui, que le secouriste lui rendit avec plaisir. Cependant le reste des paroles de son interlocuteur l'étonna. Il ne comprenait pas vraiment ce que cela signifiait, et rougit de nouveau devant le clin d'oeil taquin qu'on lui offrait. Il plissa légèrement les sourcils, avant de ne finalement sourire de nouveau, ne voulant pas paraître abruti. Il n'osa donc pas demander ce que l'étudiant sous-entendait par-là, préférant serrer la main qu'on lui tendait, simplement. Fermement, il la secoua, gardant le sourire.

« Enchanté. Moi, c'est Read. »déclara-t-il ensuite, se présentant comme il en était la coutume dans ce genre de situations. Il lui envoya un autre sourire, sincère, de ceux que seul le jeune secouriste savait adresser au monde entier, avant de ne se décider à reprendre la parole. Il ne parlait pas bien fort, étant donné les lieux, mais se faisait assez entendre par celui qui était assis face à lui. De plus, dans le coin de la salle où ils se trouvaient tous deux, il ne risquait pas de gêner grand monde et heureusement, cela aurait encore donné d'autres sources de remords à notre jeune innocent. « Tu étudies quel domaine ? » Autant faire un peu connaissance. Tyler semblait vouloir parler et il n'était pas dans les plans de notre cher fils de pasteur de le décevoir. Des fois, les gens préfèrent parler de leur vie à des inconnus et Read avait toujours été une oreille attentive pour ceux-là. Comme pour tout le monde d'ailleurs.

Il sortit ensuite un taille-crayon de la petite trousse qu'il traînait toujours à la fac, afin de tailler son crayon à papier dont il venait de casser la mine peu de temps auparavant. Il s 'attela à la tâche sans pour autant avoir l'impolitesse de quitter son interlocuteur du regard.

Bon, tout d’abord, l’avantage était que je n’étais pas tombé sur un gros beauf d’homophobe comme il en existait malheureusement encore aujourd’hui, sinon, je me serais très certainement retrouvé par terre, le nez en sang, depuis longtemps. Cela ne m’était encore jamais arrivé, mais j’avais bien sûr déjà rencontré des mecs très peu tolérants face à mon homosexualité. A vrai dire, il y en avait beaucoup plus que ce que l’on pouvait croire et si leur étroitesse d’esprit me faisait plus rire qu’autre chose, je finissais par me sentir un peu déçu du fait que les choses ne changeront finalement jamais dans ce pays. C’était d’ailleurs un miracle que Brokeback Mountain ait eu autant de succès au vu du nombre incroyable d’homophobes qu’il y avait au mètre carré. Ceux qui me faisaient le plus rire étaient les religieux arguant le fait que l’homosexualité était contre-nature. Savaient-ils au moins qu’il existait des animaux gays ? (à moins qu’ils ne considèrent pas les animaux comme faisant parti de la nature…) Et j’étais sûr que si les plantes et les arbres pouvaient être séparés en genre, il y en aurait aussi.

Enfin, heureusement aussi qu’il existait des gens tolérants, comme semblait l’être ce gars. Quoiqu’il semblait plus ignorant que tolérant car, une fois encore, il rougit à ma remarque, mais n’en fit aucune en retour. Etait-il au moins au courant que j’étais en train de le draguer ? Telle était la question.

- Enchanté. Moi, c'est Read, se présenta-t-il en acceptant de serrant ma main (encore heureux, parce que je me serais senti un peu con sur ce coup). Tu étudies quel domaine ? me demanda-t-il ensuite, sa voix étant à peine plus élevé qu’un chuchotement.

Et pour répondre à sa question, je sortis l’un de mes livres de japonais – une sorte de dictionnaire répertoriant la majorité des kanjis les plus importants – et le mis à bonne hauteur pour qu’il jette un coup d’œil sur la couverture.

- Le japonais, précisai-je tout de même, car il pouvait facilement confondre avec le chinois.

Après tout, le mot « kanji » lui-même signifiait « caractère chinois » puisque c’était justement de Chine qu’ils provenaient et étaient d’ailleurs toujours utilisés.

- Mais je ne l’étudie seulement qu’en mineur. Mon domaine majeur est les relations internationales. Et toi ?

Notre jeune secouriste ne redoutait pas les gens, il n'avait pas peur d'aller vers eux, sans quoi jamais il n'aurait décidé de devenir médecin ou même ambulancier paramédical. Ce fut sans doute pour cela qu'il ne rejeta pas la compagnie de Tyler, au contraire. Loin de se douter des idées et pensées malsaines que pouvait avoir son interlocuteur à son sujet, il se montrait fort agréable et plus loquace qu'il n'aurait certainement dû l'être. Si Read avait su que pour le jeune étudiant se tenant face à lui, il était « canon, sexy et potentiellement baisable », il aurait certainement pris ses jambes à son cou, mais la naïveté restait trop profondément ancrée en lui pour qu'il ne se doute de quoi que ce soit pour l'instant. Lui offrant un nouveau sourire, il attendit sa réponse.

Tyler sortit un livre et Read plissa les yeux afin d'en lire la couverture. Il ne fut pas mécontent qu'on lui précisa qu'il s'agissait de japonais et non de chinois. Un nouveau sourire. Les relations internationales, un domaine bien intéressant sans aucun doute...

« Oh moi, je suis en médecine...C'est ce que j'ai toujours voulu faire, mais la dose de travail se fait sentir... » fit-il en riant légèrement, toujours en parlant très bas, afin de ne pas attirer l'attention sur eux ou de déranger qui que ce soit étudiant dans cette somptueuse bibliothèque de l'Université de Harvard. Read avait la vocation d'aider les autres, de les soigner. Dans ses gestes en tant que secouriste, on pouvait voir de l'inné, du certain parmi l'acquis, comme si tout était évident dans son esprit.
« Et toi...Le japonais, c'est une passion ? »
Read se doutait bien qu'il fallait vraiment avoir quelques affinités avec cette langue pour se lancer dans des études pareilles. Lui, par exemple, n'aurait jamais tenté, bien qu'il soit certain que ce devait être vraiment fantastique de parler une si belle langue étrangère.

- Oh moi, je suis en médecine... me renseigna-t-il à son tour. C'est ce que j'ai toujours voulu faire, mais la dose de travail se fait sentir...

J’émis un sifflement admiratif, impressionné par ce choix d’études qui était peut-être, certes, assez populaire, mais tellement difficile. Il en fallait du courage pour se lancer dans ce genre de filière, car c’était des années et des années de travail intense à fournir au quotidien, et si les résultats n’étaient pas au rendez-vous, c’était le redoublement immédiat sans possibilité de faire appel ou quoique ce soit d’autre. Il fallait dire aussi que c’était les futurs médecins du pays que l’on formait, ils n’avaient donc pas le droit à l’erreur.

En tout cas, la médecine était loin d’être une filière faite pour moi. Tout d’abord, parce qu’il fallait être très motivé pour résister à toute cette pression et à cette compétition acharnée à laquelle les étudiants en médecine faisaient face chaque jour, et que je ne l’étais pas du tout – en même temps, mon rêve n’était pas de devenir médecin. Ensuite, parce que je n’étais pas du tout prêt à louper des centaines et des centaines de fêtes en tout genre tout cela parce que j’aurais passé mes nuits le nez dans mes bouquins dans le but de rattraper le travail accumulé. Je ne pouvais pas dire que j’étais un mauvais élève qui ne travaillait jamais, mais je savais gérer mon temps de travail pour me laisser des occasions de faire la fête. Est-ce que Read avait vraiment le temps de s’amuser ? J’en doutais fortement…

- Et toi... Le japonais, c'est une passion ?

Je réfléchis un instant. Pouvais-je vraiment dire que le japonais était une passion ? Le mot était peut-être un peu fort, tout de même. C’était seulement une langue et une culture avec laquelle j’avais toujours eu beaucoup d’affinités.

- Une passion… Je ne pense pas, répondis-je enfin. Mais j’aime beaucoup le Japon et sa culture et j’aimerais travailler en étroite collaboration avec ce pays plus tard. J’ai donc privilégié le japonais au chinois, qui est peut-être la langue du futur, mais semble être beaucoup plus compliqué !

Et puis, le chinois n’allait devenir qu’une langue de marketing, et moi, j’avais choisi la politique, c’était donc quelque peu différent.

- Qu’est-ce que tu veux faire exactement ? Médecin dans un hôpital ? Généraliste ? Ou une spécialité totalement différente ?

Read sourit simplement face à l'admiration que semblait lui vouer son interlocuteur. Faire des études de médecine n'avait rien de sorcier, il fallait juste beaucoup travailler afin d'être certain de ne pas perdre l'argent que l'on avait placé pour ses études. Il fallait avouer que l'Université d'Harvard n'était pas donnée... Les frais d'inscription étaient extrêmement chers ce qui poussaient les étudiants à prendre des prêts ou à travailler ensuite bien des années pour les rembourser. Levant de nouveau les yeux de son bouquin, Read écouta attentivement ce que Tyler lui racontait. Il savait qu'il ne serait sans doute jamais allé en langues quant à lui, il avait beau être doué dans tout ce qu'il entreprenait, il n'avait pas assez d'oreille pour avoir un parfait accent. D'ailleurs certaines personnes lui avaient affirmé jadis qu'il parlait étrangement anglais...Et il s 'était souvent amusé à dire qu'il avait pris l'accent mexicain à Santa Fe. Que de bêtises !
Il envoya un sourire à son interlocuteur lorsque celui-ci eut fini de parler. C'était bien de suivre des études qui nous tenaient à cœur...Même des études bien originales.

« Ah je comprends... Tu comptes donc te rendre au Japon ou en Chine plus tard ? » Les voyages. Read n'était jamais vraiment parti en vacances à ce qu'il s'en souvienne. Il fallait avouer que vivre dans une famille de treize enfants rendait cela quasiment impossible, d'autant plus que son père était pasteur et préférait rester à l'église. Il disait qu'on en fermait jamais une église, même avec un remplaçant. Et Read n'avait jamais eu la foi de se rendre quelque part tout seul... Ce n'était sans doute pas son trip. Autant dire qu'il ne connaissait le monde que par les livres de géographie...
Les questions que lui posa Tyler le firent surtout. Il en posait vraiment beaucoup, c'était limite impressionnant ! Read ne s'attendait vraiment pas à éveiller autant de questions ou d'admiration ou de... il ne savait comment qualifier l'enthousiasme du jeune homme assis en face de lui.

« Oh, je ne sais pas vraiment... Je n'ai pas encore décidé, je ne suis qu'en deuxième année après tout... Mais je pense que je continuerais à travailler à l'hôpital. Je suis secouriste paramédical alors c'est assez mon domaine, j'y suis vraiment habitué. Les sirènes, les urgences tout ça... je pense que je pourrais être utile là-bas. » Il envoya un nouveau sourire, avant de ne sortir une feuille blanche de son sac. Il serait peut-être temps de se mettre à bosser, bien que son interlocuteur l'intrigue grandement et qu'il ait vraiment envie de le connaître davantage.

- Ah, je comprends... Tu comptes donc te rendre au Japon ou en Chine plus tard ? me demanda-t-il, toujours aussi curieux sur mes projets d’avenir, ce qui bizarrement ne me dérangeait pas plus que ça – très certainement parce qu’il était mignon et que je me le ferais bien.

Mais bon… Lorsqu’on ne savait pas exactement soi-même ce que l’on voulait faire de son futur, que pouvait-on répondre à ce genre de questions ? J’étais du genre à vivre au jour le jour, mes projets d’avenir se limitant à la semaine d’après, voire au mois prochain grand maximum, puisque je savais pertinemment que ça ne servait absolument à rien de constamment tout planifier à l’avance étant donné que le futur était toujours incertain et que, pour la très grande majorité d’entre nous, nos projets ne se passaient jamais comme on l’avait prévu.

- Seulement pour des voyages d’affaires. Je me vois mal vivre là-bas. Trop de Japonais… plaisantai-je avec un petit sourire.

Bon, quoi de plus normal qu’il y ait beaucoup de Japonais au Japon, me direz-vous. Mais ce que je voulais dire, c’était qu’en tant qu’étranger non-asiatique, je serais forcément repérable dans le lot. J’étais déjà un gay totalement timbré, pas besoin de me démarquer encore plus.

- Oh, je ne sais pas vraiment... commença-t-il à répondre à mes questions. Je n'ai pas encore décidé, je ne suis qu'en deuxième année après tout... Mais je pense que je continuerais à travailler à l'hôpital. Je suis secouriste paramédical, alors c'est assez mon domaine, j'y suis vraiment habitué. Les sirènes, les urgences, tout ça... je pense que je pourrais être utile là-bas.

- Wow ! J’ignorais que j’étais en présence d’un secouriste ! m’exclamai-je, impressionné. Au moins, si je fais un malaise, je sais que tu seras là pour me sauver. Et puis, si tu as besoin de quelqu’un pour t’entraîner au bouche-à-bouche, je veux bien me porter volontaire, finis-je avec un clin d’œil coquin.

Raconter sa vie plutôt que d'étudier ne gênait pas vraiment Read, au contraire, il avait très envie de papoter et de connaître davantage le jeune homme assis face à lui. Celui-ci avait l'air e faire très attention au jeune ambulancier, comme s'il l'intéressait. Et tout le monde apprécie lorsque l'on s'intéresse à lui, Read n'échappe pas à la règle. De plus, Tyler paraissait être quelqu'un de sympathique et de très ouvert. Il fallait avoir une certaine envie d'aller vers les autres pour décider d'étudier des langues étrangères, sans quoi cela ne servirait à rien.
Le jeune ambulancier offrit un magnifique sourire, un peu moins timide que les précédents à son interlocuteur lorsque celui-ci affirma qu'il y avait trop de japonais au Japon. C'était amusant comme raison de rester aux États-Unis, ou plus précisément dans le Massachusetts.

« Oh tu sais, les secouristes ne sont pas des super-héros. » annonça finalement Read face à ce qui semblait être une forme d'excitation de la part de Tyler. Il rit légèrement en y pensant. Combien de fois n'avait-il rien pu faire face à un mourant ? Combien de fois avait-il dû baisser les bras face à un arrêt cardiaque ? Read n'avait pas relevé le clin d'oeil coquin qu'on lui avait adressé, tout simplement parce qu'il voulait fuir l'idée que son interlocuteur était susceptible de lui faire du gringue. De toute manière, lui, garçon très sage et encore dans l'incompétence totale en ce qui concernait l'amour et le sexe, ne pensait pas dans ce genre de catégories. Il préférait croire que c'était des taquineries entre copains.
« Et bien, écoute, si tu veux, je pourrais t'expliquer comment faire un bouche-à-bouche parfait, ça peut toujours servir et sauver des vies. Je pense que plus de monde aurait intérêt à apprendre les gestes qui sauvent. » fit-il en souriant, simplement, en toute bonne foi. « Comme ça, j'aurais moins de travail ! » ajouta-t-il à la volée, en riant de plus bel. Mais, il finit par baisser d'un ton. Après tout, ils étaient à la bibliothèque.