Appuyée contre l'encadrement de la porte, je sentais chacun de mes muscles d'une faiblesse effrayante. Je n'avais rien de la danseuse que je suis habituellement, épuisée au maximum physiquement. Je n'arrivais pas à me résoudre à dormir, parce que j'avais peur que durant mon sommeil, on ne s'en prenne à moi. Ça pouvait paraître absolument dingue, insensé, mais quand on a vécu en vingt ans tout ce que j'ai pu vivre, croyez moi, on comprend rapidement que je ne me sente en sécurité nulle part... Néanmoins, les paroles douces de Jude, et son étreinte, me calmèrent peu à peu. Après un certain temps passé ici, je me décidais enfin à quitter les lieux, soutenue par Jude qui encercla ma taille de ses bras. Arrivés près de la fenêtre, je la regardais en fronçant les sourcils. « T’arrivera à sortir par là… ? » me demanda Jude doucement, alors que je hochais la tête à l'affirmative. « Je ... Oui... Je pense. » Je m'appuyais contre une table, le temps que Jude sorte le premier, avant de le rejoindre. Le soleil naissant m'éblouis, je n'avais pas vu de lumière depuis tellement longtemps. Après avoir légèrement vacillé à nouveau, Jude me rattrapa par la taille, et nous allâmes doucement jusqu'à la voiture. Sur le moment, je pensais à ma propre voiture, qui était je ne sais même plus ou dans le coin. Tant pis.

Tentant comme je le pouvais de ne pas m'endormir - je luttais encore - je dirigeais Jude jusqu'à la bonne sortie de la ville, ou je savais qu'il y avait un hôtel pas trop dégueu et pas trop cher. Je dus me résoudre à le laisser payer, je n'avais absolument rien sur moi. Fort heureusement il y avait un ascenseur, la chambre se trouvant au deuxième étage, et je ne me sentais absolument pas le courage de monter autant de marches. J'aurais sérieusement préféré retrouver Jude dans un hôtel dans d'autres circonstances que celles ci ... Il ouvrit la porte, et j'entrais avant de m'assoir sur le lit. Je fermais les yeux, ravie de m'assoir sur autre chose que le sol cette fois ci. Néanmoins, je n'étais pas rassurée. Je me relevais pour me diriger vers la fenêtre, à travers de laquelle je regardais la rue avec inquiétude. Je tirais rapidement les rideaux, tandis que je me retournais vers Jude qui dit « J’t’ai rapporter des vêtements pour que tu puisses te changer… » il avait disposé sur le lit quelques vêtements à moi, et je le regardais, bouche bée. « Comment tu.. » Je me rappelais alors que vu le nombre de fois ou j'ai été chez Jude avec des sacs de fringues que j'oubliais, il devait avoir pioché dedans. Demeurant muette, je m'approchais de lui et du lit, pendant qu'il sortait une armoire à pharmacie. Je grimaçais, ça sentait les pansements et le désinfectant qui allait me faire mal. « Avant, tu vas aller sous la douche et j’vais te faire tes pansements d’accord ? » Je hochais la tête, incapable de lui dire non pour quoi que ce soit. Je regardais mon futur médecin de petit ami, avant de filer dans la salle de bain. M'enfermant dans la pièce, je me débarrassais non sans mal de ma robe bleue, je serrais les dents lorsque le tissu effleura mes blessures. Je me dirigeais alors vers la douche, et m'arrêtais devant mon miroir; avant de vite accélérer, ne supportant pas mon reflet. La douche fut loin d'être agréable, et je gémis à chaque fois que je passais le jet d'eau sur une ouverture. Mais en même temps, j'avais la sensation de me laver de ces deux jours horribles que je venais de passer. Enroulant une serviette autour de moi, je me décidais enfin à sortir de la salle de bain, retournant dans la chambre. Jude m'attendait, désinfectant et pansements en mains. Je grimaçais. « Je suppose que j'ai pas le choix... » Dis je doucement, en baissant le regard sur mon épaule la plus blessée.

Jamais je n’avais vu Roxanna dans cet état-là : même si en début de semaine, elle allait plutôt mal, ça n’avait pas été aussi extrême car là, elle n’était pas épuisée que moralement, mais physiquement aussi. J’essayais de garder mon sang froid au maximum, car c’était ce qu’on nous apprenait, à mes cours en médecine : en tant que médecin, il faut toujours garder son sang-froid et ne pas montrer au patient la gravité de la situation. C’était une règle importante mais également la plus difficile et pour l’instant, j’avais complètement échoué avec Roxanna : ma voix tremblante et mon regard inquiet n’avait pas dû la rassurer, mais j’avais réussis à la convaincre de sortir d’ici et de me laisser m’occuper d’elle. De toute manière, elle devait bien savoir, que jamais je ne l’aurais laisser toute seule, que jamais je n’aurais pu faire demi-tour et retourner à ma vie d’avant comme si de rien était. Car je n’avais pas de vie, avant elle, ou une vie pleine de débauche et vraiment triste. Aujourd’hui, elle faisait partie intégrale de ma vie alors il était hors de question que je la laisse tomber, jamais. « Comment tu.. » Je lui lançais un léger sourire en haussant les épaules : elle avait souvent oublier quelques affaires dans ma chambre, alors j’en avais profité de pouvoir lui prendre un jean et un petit haut ainsi que des sous-vêtements. Peut-être que ça n’aurait pas servie, mais peut-être que si : d’après Billie, Roxanna s’était enfuie de l’hôpital après leur agression alors je m’étais douté qu’elle n’était pas rentrée bredouille dans sa chambre pour se changer comme si de rien était si elle avait voulu prendre la fuite.

La jeune femme s’exécuta sans même protester, de toute façon, maintenant qu’elle était ici, elle devait me faire confiance et faire ce que je lui demandais. Je n’allais pas lui faire un pansement alors qu’elle n’était pas propre, il fallait d’abord qu’elle nettoie un peu sa peau, et ça ne pourrait lui faire que du bien de prendre une douche. Je savais déjà que le contact du jet sur ses blessures lui ferait un peu mal, mais c’était le prix à payer pour aller mieux. J’avais pris aussi quelques médicaments : antidouleurs et anti-inflammatoires au cas où elle aurait trop mal ou qu’elle aurait un peu de fièvre. Je la regardais aller s’enfermer dans la salle de bain et j’en profitais pour appeler le room-service et commander de quoi manger d’ici une petite heure, le temps qu’elle se lave et que je puisse lui faire ses pansements. J’eus le temps de passer commande et de préparer mes pansements avant qu’elle ne ressorte de la salle de bain, la serviette autour de son corps. « Je suppose que j'ai pas le choix... » J’hochais la tête négativement, bien sûr qu’elle n’avait pas le choix, je n’allais pas la laisser avec une blessure par balle à l’air comme ça. Je lui fis signe de s’asseoir au bord du lit près de moi et j’enfilais des gants en caoutchouc. Je m’occupais d’abord de sa blessure à l’épaule : je versais un peu de désinfectant pour nettoyer la blessure sur une compresse stérile… « J’te préviens…ça va piquer un peu.. », murmurais-je avant de tapoter doucement la blessure avec la compresse, essayant de faire abstraction de la réaction de Roxanna. Et dire que j’avais fait la même chose à Billie il y a quelques jours…finalement, faire des études de médecine n’était pas si con que ça. Une fois fini, je plaçais plusieurs compresses sur la blessure, je demandais à Roxanna de les tenir le temps que j’attrape du scotch médicalisé afin de faire tenir les compresses : c’était la première fois que je faisais un pansement à l’épaule et on voyait que je n’avais peut-être pas l’habitude, mais il était plutôt correct.

« Ça va… ? », demandais-je à la jeune femme une fois fini. « J’m’occupe de ton bras et ça sera fini.. », continuais-je calmement avant de prendre son bras délicatement entre mes doigts. La grande cicatrice était un peu rougeâtre, en même temps, avec toute la poussière qu’il y avait dans cette salle de danse...c’était vraiment de la folie de rester là-bas. Je pris une nouvelle compresse pour désinfecter la plaie et j’enroulais son avant-bras d’un bandage, sans trop le serrer, juste histoire de protéger la plaie des microbes extérieur. Une fois fini, je retirais mes gants, « Voilà.. » Je lui lançais un léger sourire puis je rangeais toutes les affaires médicales dans un sachet plastique que je rangeais dans le sac que j’avais amené. Je m’asseyais à nouveau à côté d’elle au bord du lit, posant mes mains sur mes genoux, ne sachant étrangement pas…quoi faire ou comment agir. « Je nous ai commandé à manger…si tu as mal, dis le moi j’ai apporté des médicaments, au cas où… »

Face à Jude, je grimaçais en resserrant l’étreinte de mes doigts autour de ma serviette. Je savais à l’avance qu’il allait dire que je n’aurais pas le choix que de me faire panser mes blessures, mais je savais également que ça ne serait vraiment pas une partie de plaisir. Jude hocha la tête de gauche à droite en réponse à ma question, et je trainais des pieds pour aller m’asseoir au bord du lit, tête baissée. Je relâchais doucement la serviette pour laisser mon épaule totalement à l’air, afin que Jude puisse s’en occuper, mais je tournais mon regard ailleurs, ne préférant pas regarder ça. Je l’entendais faire je ne sais quoi, quand tout à coup il me dit « J’te préviens…ça va piquer un peu.. » je me pinçais les lèvres, hochant doucement la tête avant de serrer les dents lorsque le désinfectant entra en contact avec mon épaule. J’en avais les larmes aux yeux. Je soufflais un bon coup pour tenter de rester stoïque lorsqu’il me demanda de tenir la compresse contre ma blessure. Je m’exécutais, bien que mourrant d’envie de lâcher cette chose qui me faisait mal, je savais que Jude savait ce qu’il faisait. Bien rapidement, mon épaule fut pansée, et je pus lâcher tout. « Ça va… ? » me demanda ensuite Jude, remarquant sans nul doute que j’avais douillé pendant toute la désinfection. J’essuyais d’un geste bref une larme au coin de mon œil, et hochais la tête. « Ca va oui ... » murmurais-je alors en déglutissant. « J’m’occupe de ton bras et ça sera fini.. » poursuivit Jude calmement, alors que je levais déjà mon autre bras pour lui tendre, pressée d'en finir. Encore un coup de désinfectant, un nouveau bandage, et enfin, la libération : Jude lâcha mon bras et je l'entendis retirer ses gants, tournant la tête pour constater que mes blessures étaient maintenant entièrement recouvertes de bandages. « Voilà.. » Je relevais mon regard vers lui, et me pinçais la lèvre inférieure. « Merci .. » dis-je simplement, étirant mes lèvres pour faire un léger sourire. J'avais la gorge nouée, je ne savais même pas quoi faire. Je me reculais sur le lit, regroupant mes genoux contre moi. C'était décidément une position que j'avais adoptée. Après avoir rangé ses affaires dans son sac, Jude revint à mes côtés. « Je nous ai commandé à manger…si tu as mal, dis le moi j’ai apporté des médicaments, au cas où… » Je hochais la tête, assimilant le flux d'informations que Jude me donnait, avant de me lever pour enfiler un tee shirt qu'il m'avait rapporté, ainsi qu'une culotte, pour la nuit. J'oscillais entre un côté de la chambre et l'autre, comme un lion en cage, avant de retourner m'assoir contre la tête du lit en enfonçant mes pieds sous la couette. « Jude ... » commençais-je alors, la gorge nouée. Je me redressais sur mes genoux, et tendais la main pour attraper la sienne entre les miennes, encore légèrement tremblantes. Je m'avançais d'avantage, et posais ma tête contre son épaule en fermant les yeux. « Merci ... Pour tout ... Je .. J'suis tellement désolée ... » J'avais la gorge serrée par les larmes qui s'accumulaient de nouveau et que je voulais contraindre de rester au bord de mes yeux sans couler. Je me redressais alors, gardant sa main dans la sienne, songeant à un nouveau détail : « Et ... Et Billie ...? Elle va bien ? C'est ... C'est elle qui t'as dit que j'étais là ? » J'avais songé à protéger ma meilleure amie avant tout avant de m'enfuir, et je n'avais cessé de penser à elle, de me demander comment elle allait, si elle se remettait de ses blessures, du fait d'avoir retrouvé l'assassin de son père. Je baissais à nouveau le regard sur les draps, silencieuse.

Je n’avais rien pu faire pour sauver ma mère, rien pu faire pour sauver mon fils ou encore mon père, Aurore mais aujourd’hui, aujourd’hui je pouvais faire quelque chose pour sauver Roxanna. Pour ne pas qu’elle baisse les bras, pour ne pas qu’elle finisse rongée par les remords ou par les regrets. Je voulais la faire sourire comme elle m’avait fait sourire alors que j’étais désespéré. Je voulais la faire rire, lui donner un peu d’espoir et lui rappeler que quoi que l’on ai pu faire, quoi que l’on a dû subir dans la vie, il fallait avancer la tête haute et ne jamais se retourner vers son passé, ne jamais laisser celui-ci empiéter sur nos décisions présentes. C’était quelque chose que Roxanna m’avait appris, dès notre premier rendez-vous, elle avait été mon exemple, mon espoir qui me donnait envie de changer et de devenir quelqu’un de bien, quelqu’un qui ne prend pas comme excuse qu’il fait des trucs nuls parce qu’il a eu un passé difficile. C’était tellement étrange, de voir ma petite amie dans cet état-là. Je l’avais tellement toujours connue souriante et pleine de vie : bien sûr, elle avait des périodes difficiles où elle déprimait un peu, mais en général, j’arrivais toujours à la faire un peu sourire. Cette fois, c’était différent : elle avait l’air vraiment rongée par ce qui s’était passé cette nuit-là, avec Billie. Au point qu’elle s’était enfuie à des milliers de kilomètres de chez elle, au point d’être prête à rester toute seule dans cette salle de danse, à se laisser mourir. Qu’aurait-elle fait vraiment si je n’avais pas été là ? Si je ne l’aurais pas connu et que, un jour, j’aurais eu vent à la fac qu’une fille en étude de danse se serait enfuie et aurait peut-être été retrouvée morte dans une vieille salle de danse en Arizona, après avoir succombée à l’infection des blessures qu’elle avait. Rien qu’à cette pensée, j’en avais des frissons.

Mais je la connaissais, et j’étais venu la chercher, coute que coute, j’étais bien décidé à la ramener à Cambridge dans le meilleur état possible, que ça soit physique ou psychologique. J’étais beaucoup plus doué pour soulager les douleurs physiques que les douleurs psychologique, même si c’était un aspect de mon futur métier que je ne devrais pas négliger. Mais comment faire aller les gens autour de nous bien, quand on se sent soi-même mal ? Même si aujourd’hui, et grâce à Roxanna, je me sentais beaucoup mieux que deux mois auparavant. La jeune femme me remercia et je lui lançais un léger sourire, elle n’avait pas à me remercier, elle savait que j’aurais fait n’importe quoi pour elle, n’importe quoi. Rangeant les affaires dans mon sac, que j’avais blindé d’affaires avant de venir ici, je regardais du coin de l’œil la demoiselle s’habiller rapidement, juste histoire de porter autre chose qu’une serviette de toilette, puis se rasseoir près de moi, avant de s’enfoncer jusque la tête de lit, se glissant à moitié sous les draps. « Jude ... », murmura-t-elle doucement. Je tournais la tête vers elle, et je retirais mes chaussures rapidement pour embarquer sur le lit, m’asseyant sur les genoux face à elle alors que j’attrapais sa main. Je la regardais s’approcher de moi, et la laissais poser son front sur mon épaule, caressant le dos de sa main avec mon pouce doucement. « Merci ... Pour tout ... Je .. J'suis tellement désolée ... »

J’hochais la tête négativement et je me reculais un peu alors qu’elle se redressait un peu, plongeant son regard bleu dans le mien. Je remarquais directement ses yeux brillants et mon cœur se sera à nouveau. Qu’est-ce que je haïssais la voir pleurer. « Ne t’excuse pas… J’suis content d’être là et de t’avoir trouvée…et j’vais m’occuper de toi, t’en fais pas… », murmurais-je d’un ton assez déterminé, moins hésitant que tout à l’heure dans cette salle poussiéreuse. « Et ... Et Billie ...? Elle va bien ? C'est ... C'est elle qui t'as dit que j'étais là ? » J’hochais la tête positivement et je posais rapidement mon index sur ses lèvres pour la faire taire, il ne fallait pas qu’elle recommence à paniquer ni qu’elle me pose trop de questions à la fois. Au bout de quelques secondes, je retirais mon doigt et je lui souris un peu, gardant toujours ma main entrelacée dans la sienne. « Billie va bien…enfin, physiquement en tout cas…Julian s’occupe d’elle, elle est entre de bonnes mains », soufflais-je avant de passer mes doigts dans ses cheveux blonds pour les ranger correctement derrière son oreille afin qu’ils ne tombent pas sur son visage. « C’est elle qui m’a dit que tu serais peut-être ici oui… si tu savais comme je me suis inquiété pendant deux jours...j’avais même passé ma nuit de mardi à mercredi à faire des muffins à la framboise pour toi, tu sais, la recette de William ? » Je ris légèrement, espérant la faire un peu sourire. Le plus dur était derrière nous à présent. Il fallait qu’elle arrête de penser au passé, et qu’elle aille de l’avant. Et pour ça, il fallait que je l’aide à se changer un peu les idées, quitte à lui parler de muffins à la framboise.

Des millions de questions me brûlaient les lèvres, les unes après les autres, inlassablement. Maintenant que je ne me trouvais plus dans cette salle de danse obscure et poussiéreuse, seule, je revenais à ma dure réalité : Mardi soir, il n’y avait pas que moi qui en avait vu de toutes les couleurs, mais également Billie. Ma Billie … La pauvre avait du faire face à bien pire que moi : L’assassin de son propre père, revenu spécialement pour se débarrasser d’elle. En y repensant, je ne savais plus comment je devais la nommer … Billie, ou Ashlee ? Peu m’importe, puisque dans le fond, elle restait ma meilleure amie. Des milliers d’images repassaient en désordre dans mon esprit. Je revoyais les larmes de Billie, me regardant avec dans le regard la conviction que nous ne nous en sortirions pas vivantes ce soir là. Le regard qu’elle m’avait lancé au moment ou elle tenait l’arme retournée contre Hannigan…Un frisson me parcourut, et je revenais à la réalité de la situation lorsque Jude attrapa ma main dans la sienne. Un filet de larmes recouvrait à nouveau mon regard azuré, mais je le retenais de couler à nouveau, tant bien que mal, priant pour que ça s’estompe. Je m’excusais alors, sachant pertinemment que j’avais du lui faire une peur bleue en disparaissant comme ça sans prévenir. « Ne t’excuse pas… J’suis content d’être là et de t’avoir trouvée…et j’vais m’occuper de toi, t’en fais pas… » me murmura-t-il, alors que je repensais à la salle justement ou il m’avait trouvée. Cette salle qui était mon repère, et ça, seule Billie le savait. Je redressais immédiatement mon regard bleuté dans celui, plus sombre, de Jude, inquiète, abordant le sujet « Billie ». A peine avais-je vu Jude hocher la tête positivement que j’avais déjà une nouvelle série de questions dans la tête : Ses blessures avaient-elles été soignées correctement ? Avait-elle parlé à la police ? Que lui avait elle raconté exactement … ? J’entrouvrais mes lèvres, inspirant pour me préparer à parler, mais Jude posa son index sur mes lèvres, me faisant taire immédiatement, docilement. Au bout de quelques secondes, la tension redescendit et je me calmais, embrassant son doigt avant qu’il ne le retire de devant mes lèvres. « Billie va bien…enfin, physiquement en tout cas…Julian s’occupe d’elle, elle est entre de bonnes mains » me murmura Jude calmement en passant sa main dans mes cheveux blonds pour dégager mon visage. Je soupirais de soulagement, Billie était entre de bonnes mains, je faisais confiance à Julian qui semblait la connaître aussi bien que moi. « C’est elle qui m’a dit que tu serais peut-être ici oui… si tu savais comme je me suis inquiété pendant deux jours...j’avais même passé ma nuit de mardi à mercredi à faire des muffins à la framboise pour toi, tu sais, la recette de William ? » J'esquissais un léger sourire, j'en avais complètement oublié que normalement, mercredi j'aurais du goûter les muffins que Jude devait tenter de faire ... Bonjour le changement total de plan. « A la place on fera simple, on se fera des crêpes... » Soufflais-je en riant légèrement. J'étais prête à manger n'importe quoi maintenant en fait... Doucement, j'attrapais la deuxième main de Jude dans la mienne, et blottissais mon visage dans le creux de son épaule, calmement. C'est fou ce que ça me faisait du bien, juste de le sentir contre moi. Rien que cette sensation me donnait l'impression de ne plus être en danger. Je sursautais quand on frappait à la porte. Jude se redressa, et mon instinct de survie repris le dessus. « Attends ! » Je sautais du lit et courais a la porte avant lui, pour regarder par l'oeil de la porte de qui il s'agissait. Une femme qui apportait à manger. Je m'éloignais, en soupirant, et retournais m'enfoncer sous la couette. « C'est bon ... Tu peux ouvrir, pardon. » Je recouvrais mon corps entièrement du drap, honteuse d'avoir encore réagis avec paranoïa. Je perdais totalement l'esprit décidément.

Des muffins à la framboise. Encore quelque chose que je n’aurais jamais fait si ça n’aurait pas été pour Roxanna. Je n’étais pas très doué en cuisine, ce qui était assez bizarre puisque la cuisine, c’est un peu comme la chimie non ? Il suffit d’ajouter les ingrédients dans le bon ordre et puis voilà. Pourtant, j’étais bon en chimie, je ne faisais pas des études scientifiques pour rien après tout. Mais pour la cuisine, c’était juste impossible : je l’étais entrainé, et plus d’une fois, surtout quand Kyle était vivant. Combien d’heures avais-je passé dans la cuisine de ma mère, tous les week-end avec mon fils, à essayer de faire des gâteaux, ou des trucs basiques ? Beaucoup, d’ailleurs mon inaptitude à faire à manger désespérait complètement ma mère, mais faisait beaucoup rire Kyle qui disait qu’on avait beau être intelligent et vouloir faire des études de médecine, ça ne voulait pas dire qu’on était parfait. C’était quelque chose qui m’avait beaucoup fait rire d’ailleurs. Néanmoins, j’avais finalement réussis à faire ses foutus muffins, même si j’y avais passé une bonne partie de la nuit et toutes les courses à pâtisseries que j’avais fait pour la maison : mais j’avais de quoi être fier, j’en avais gouté un, et ils étaient réussis ! Dommage que au final, ce soit les Mather qui en aient profités et pas Roxanna. Tant pis, ça nous donnera une occasion de se voir et de lui changer les idées, lui montrer à quel point j’étais une quiche en pâtisserie. Je réussis à la faire sourire, et je souris à mon tour, c’était un peu comme une victoire de la voir sourire après l’état dans lequel je l’avais vu une petite heure plus tôt, toute seule dans cette horrible sale de danse abandonnée. Ses blessures étaient maintenant soignées, elle était partie se laver et ses yeux étaient un peu moins gonflés et ses joues moins rougies par les pleurs. Plus question qu’elle ne verse aucune larme, pas en ma présence en tout cas, je ferais tout pour que ça n’arrive pas.

« A la place on fera simple, on se fera des crêpes... » Je ris avec elle. Des crêpes ? Je ne savais pas faire ça non plus, mais elle pourrait m’apprendre. J’adorais ça, et c’était quelque chose que Kyle adorait aussi, quand il était encore là, même si il faisait toujours la tête quand je demandais à ma mère de mettre un peu de rhum dans la pâte, chose qu’elle ne faisait jamais, d’ailleurs. J’hochais la tête, elle devait certainement avoir très faim, depuis quand n’avait-elle pas mangée ? Aux vues de sa petite mine et de son teint pâle, quelques jours, c’était certains. Je la regardais prendre ma deuxième main dans la sienne, alors qu’elle s’approchait pour cacher son visage dans mon cou, calmement. Je fermais les yeux, profitant de la sentir contre moi : j’avais eu tellement peur de ne plus jamais pouvoir ressentir ça. Nous restions silencieux quelques minutes, et le sursaut de la jeune femme en réaction au tambourinement à la porte me fit immédiatement ouvrir les yeux. « Attends ! », souffla-t-elle avant de se reculer pour bondir du lit, ne me laissant même pas le temps de réagir vraiment. Je me levais du lit, la regardant qui essayait de voir qui était derrière la porte à travail le petit œil qui donnait sur le couloir. J’attendais qu’elle dise quelque chose, mais la jeune femme fit demi-tour pour retourner sous la couette, certainement rassurée de savoir que ça ne devait être que le repas que j’avais commandé quand elle était sous la douche. « C'est bon ... Tu peux ouvrir, pardon. » Je lui souris légèrement et j’allais ouvrir la porte. La dame fit glisser le chariot avec notre repas à l’intérieur de la chambre, je lui tendais quelques billets en la remerciant d’avoir été aussi rapide et je refermais la porte derrière elle. La pièce était déjà imprégnée de l’odeur du petit plat que j’avais commandé. Je fis rouler le chariot jusqu’au pied du lit et je m’asseyais au bord de celui-ci, me tournant vers Roxanna en souriant. « Allez agent 007, viens manger quelque chose », lançais-je en la taquinant un peu. Je me penchais pour attraper sa main et la tirer vers moi, puis je retournais son verre et lui versait un grand verre d’eau que je lui tendait, « Tiens, tu dois mourir de soif ». Je retournais les cloches au-dessus de notre assiette, humant l’odeur qui était encore plus présente à présent. J’attrapais ma fourchette et mon couteau, « Bon appétit ! », lançais-je avant de commencer à manger silencieusement…

Malgré le fait que Jude soit parvenu à me convaincre de quitter cette petite salle de danse au fin fond de Phoenix, je demeurais tétanisée à l'idée qu'il ne nous arrive quelque chose. Je venais de passer deux jours à redouter qu'il n'arrive le pire, ce n'est pas en une heure que quelque chose allait changer. C'est d'instinct que j'ai sauté de mon lit pour me jeter sur la porte avant que Jude ne puisse l'ouvrir. Les mains tremblantes, je me suis appuyée contre la porte avant de placer mon oeil dans l'endroit approprié. Je sentis comme un pincement au niveau de mon coeur en voyant qu'il ne s'agissait que d'une femme qui apportait à manger sur un plateau. Immédiatement, je me rendais compte du ridicule de la situation. En dehors de Billie qui avait renseigné Jude, qui au monde pourrait bien savoir que je suis dans cet hôtel, dans cet Etat même ?Mais c'était plus fort que moi ... Instinct de survie. Laissant tomber mes bras le long de mon corps de façon grossière et déprimée, je retournais dans le lit, me cachant sous la couette. J'avais vraiment froid, et je ne m'en rendais compte qu'une fois recouverte par le drap. Ce n'était vraiment pas suffisant, j'attrapais donc la couette plus épaisse au pied du lit pour la mettre au dessus de mes jambes, alors que Jude avait été ouvrir à la femme de service de l'hôtel pour la remercier et payer. Me pinçant la lèvre, j'esquissais un bref sourire à l'adresse de la femme, me cachant sous ma couette pour qu'elle ne voie pas mes blessures et mon état pitoyable. Quand j'entendis enfin la porte se refermer, je me redressais, attirée par l'odeur qui planait dans la chambre. Mon ventre se mit immédiatement à gargouiller, criant famine. Sachant que la dernière fois que j'avais mangé, c'était mardi soir ... C'était plus que compréhensible.

Toujours recroquevillée au niveau de la tête du lit, Jude finit par se retourner vers moi après s'être assis à l'autre extrémité du matelas. « Allez agent 007, viens manger quelque chose » me dit-il d'un air taquin, avant de se pencher pour saisir doucement ma main. Je me laissais attirer vers lui, me redressant sur mes genoux pour le rejoindre calmement. M'asseyant en tailleur tout près de lui, toujours aussi silencieuse, il me tendit un verre d'eau que j'attrapais délicatement entre mes doigts. « Tiens, tu dois mourir de soif » Je hochais la tête, il avait raison, j'étais morte de soif, à tel point que sous la douche tout à l'heure j'étais limite prête à ouvrir la bouche sous l'eau. Je portais le verre à mes lèvres après avoir bafouillé un vague remerciement, et j'observais mon petit ami qui, aux petits soins, préparait nos assiettes. Je me pinçais les lèvres et esquissais un vague sourire : Quand on le voyait avec moi, difficile de croire qu'il est le président des Mathers. Je tendais les bras pour attraper mon assiette et une fourchette, retournant à ma place initiale. J'étais morte de faim. « Bon appétit ! » me lança Jude avant de se mettre à manger. « Merci .. Bon appétit » répondis-je simplement avant de me mettre à manger. En moins de deux minutes, j'avais totalement vidé mon assiette, et me penchais pour la remettre sur le chariot. Je retournais m'allonger passant le bout de mon index le long du bandage qui couvrait ma large cicatrice. Je la regardais d'un air soucieux, me plongeant à nouveau dans ces souvenirs douloureux. Combien de temps allais-je pouvoir supporter ça ? La vérité c'est que c'était égoïste que d'avoir voulu me laisser mourir. L'image de ma meilleure amie me traversa de nouveau l'esprit. « Je ... Veux retourner à Cambridge ... » murmurais-je à l'attention de Jude sans pour autant détacher mon regard de ma blessure. Je l'entendis reposer son assiette et venir s'allonger doucement près de moi. Je relevais enfin mon regard bleu dans sa direction. « J'ai été égoïste de ... De vouloir partir ... Laisser tout le monde, te laisser ... » Je fronçais les sourcils, et déglutissais en songeant à la folie qui m'avait prise. Je m'enfonçais dans le lit, tête baissée, ne sachant plus quoi ajouter.

Heureusement que mon compte en banque c’était un peu plus rempli, sinon je n’aurais même pas eu l’argent pour l’essence et venir jusqu’ici. Même si je me serais démerdé pour venir, ça aurait pu prendre plus de temps. Et si j’étais arrivé trop tard ? Est-ce qu’elle se serait vraiment laissée mourir dans cet endroit ? Toute seule, et de cette manière si…brutale. Rien que cette pensée me donnait le tournis. Bon, c’est sûr que ça n’était pas un hôtel trois étoiles, mais ça ferait l’affaire pour aujourd’hui en tout cas : je ne savais pas combien de temps nous allions rester ici, mais j’étais prêt à rester jusqu’à ce qu’elle se sente prête à retourner à Cambridge et affronter tout ça. « Merci .. Bon appétit » Je lui souris et je retournais à mon assiette, mangeant à une allure plutôt…lente comparé à Roxanna qui, en un temps record, avait déjà tout fini et j’en venais à me dire que j’aurais peut-être dû prévoir encore autre chose à manger, car elle devait avoir vraiment très faim. Je restais quant à moi sur mon assiette, voyant la jeune femme du coin de l’œil se recoucher sous la couette, silencieuse. « Je ... Veux retourner à Cambridge ... », murmura-t-elle après un petit moment de silence. Je fronçais un peu les sourcils, surpris de ce soudain retournement de situation et je m’essuyais rapidement la bouche avant de lâcher mon assiette et mes couverts pour venir m’allonger près d’elle, me glissant moi aussi sous la couette pour la regarder.

« J'ai été égoïste de ... De vouloir partir ... Laisser tout le monde, te laisser ... », dit-elle en baissant la tête, certainement honteuse ou quelque chose comme ça. Je fronçais les sourcils et je m’approchais un peu plus d’elle, glissant mes doigts sur son menton pour lui redressais le visage afin de me regarder. Je lui lançais un petit sourire, elle n’avait pas besoin de s’excuser, au fond, je comprenais qu’elle ait voulu fuir même si j’étais un peu déçu qu’elle ne soit pas venu me parler, plutôt que de partir toute seule sans rien dire à personne. « Mais non…t’a eu peur, et t’étais perdue… », murmurais-je calmement sans quitter mon regard du sien. Je soupirais un peu, « Tu sais, t’aurais pu venir me voir…plutôt que venir à l’autre bout du pays mais… » Je posais mon front contre le sien et je me pinçais la lèvre, « ..plus la peine d’y penser…c’est derrière toi d’accord ? » Je lui lançais à nouveau un petit sourire, voulant la rassurer un peu, une fois de plus et j’approchais doucement mes lèvres des siennes pour l’embrasser tendrement. Au bout de quelques secondes, je séparais nos lèvres, les gardant près des siennes, « On va rester ici un peu pour se reposer, j’ai besoin de dormir j’ai conduit toute la nuit…et on rentrera demain, ça te va ? » J’ouvrais les yeux pour la regarder et je caressais sa joue, j’étais complètement exténué et je ne me voyais pas du tout reprendre le volant tout de suite. J’avais deux nuits blanches dans les pattes et je m’étais fait un sang d’encre aussi, ce qui n’avait pas aidé.

Je me sentais tellement coupable, d'avoir traversé le pays pour venir jusqu'ici, d'avoir fait endurer tout cela à Jude... Jusqu'à ce qu'il me trouve dans cette petite salle de danse, j'étais tellement obnubilée par l'idée de me laisser mourir, tellement rongée par la culpabilité, que je ne m'étais pas un seul instant posé la question du "Et si Jude cherchait à me retrouver?" ... Chose qu'il avait faite. Oui, il n'avait pas visiblement hésité une seule seconde pour sauter dans sa voiture et venir me chercher en Arizona ... Alors que j'aurais pu ne pas être ici ... Ou pire, il aurait pu y retrouver mon corps inanimé. Cette pensée me donna immédiatement la chair de poule, et je secouais légèrement la tête de gauche à droite pour la chasser de mon esprit. Jude compris mon désarroi, et vint me rejoindre. Il posa doucement ses doigts sous mon menton pour me redresser le visage et me forcer à le regarder. Timidement, j'obéis, redressant mon regard bleu dans la direction de son visage. Il souriait légèrement, se voulant rassurant, mais je demeurais rongée par cette culpabilité. « Mais non…t’a eu peur, et t’étais perdue… » me murmura-t-il doucement, son regard accroché au mien. Je hochais légèrement la tête de haut en bas. Ca pour avoir eu peur, j'avais eu peur, j'étais même tétanisée. Je me pinçais la lèvre en le voyant soupirer. « Tu sais, t’aurais pu venir me voir…plutôt que venir à l’autre bout du pays mais… » mon coeur rata un battement, et un cours instant, mon regard dévia du sien. Mes joues prirent une teinte plus colorée. Bien sur, je savais que j'aurais pu aller le voir, mais j'avais eu trop peur que par ma faute, il ne lui arrive quelque chose si j'allais le voir. Paranoïa, quand tu nous tiens ... Je le regardait de nouveau en le sentant poser son front contre le mien. « ..plus la peine d’y penser…c’est derrière toi d’accord ? » Derrière moi ... Je n'en étais pas si convaincue que ça. Le chemin pour que tout redevienne comme avant était, j'en étais convaincue, encore long, et sans doute douloureux. A commencer par ces blessures qui n'étaient pas prête de cicatriser, quand on parle de douleur. « Je ... Oui . Tu as raison.. » bafouillais-je alors en lui rendant un sourire à peine perceptible, en réponse au sien. Je me serrais d'avantage contre lui, et perdais un instant toute trace de peur lorsqu'il posa ses lèvres sur les miennes. Je l'embrassais à mon tour, délicatement, avant de reculer à peine mon visage du sien. « On va rester ici un peu pour se reposer, j’ai besoin de dormir j’ai conduit toute la nuit…et on rentrera demain, ça te va ? » Je fermais les yeux alors qu'il caressais ma joue, puis les rouvrais doucement. « Oui, bien sur que oui .. Je voulais pas dire maintenant quand j'ai parlé de rentrer ... » Je tendais le bras vers la table de chevet, tournant la tête un court instant pour éteindre la lumière de la chambre, nous plongeant dans la pénombre. « Je suis fatiguée aussi ... » Dis-je alors à mon tour, me resserrant contre lui en remontant les draps sur nous. Je grelotais, peut-être avais-je de la fièvre à être restée dans la salle de danse sans rien faire deux longues journées. Je posais mon front dans le creux de l'épaule de Jude, avant de me risquer à dire en fermant les yeux. « Je peux dormir dans tes bras ...? » Je ne voulais pas me détacher de lui, je me sentais en sécurité tant que je le sentais contre moi. Même juste sentir sa main dans la mienne me suffirait. Deux jours dans la solitude la plus totale, c'est trop.

Comment pourrais-je en vouloir à Roxanna ? C’était tout simplement impossible que je lui en veuille. Qui sait comment j’aurais réagis moi-même à cette situation si j’avais été à sa place ? Et puis, il faut l’avouer, combien de fois avais-je pensé, après la mort de Kyle, de partir très loin d’ici ? Loin des souvenirs, loin de cette ville qui semblait ne pas vouloir mon bonheur vu toutes les merdes qui me tombaient dessus les unes après les autres. J’y avais pensé, et plus d’une fois. Mais le seul problème avait été que je ne connaissais pas d’autre endroits à part cette ville, je n’avais donc nulle part où aller mais si j’avais eu un endroit, si j’avais connu quelque chose en dehors d’ici, c’est certain que j’aurais fait comme elle : j’aurais fuis, et le plus loin possible. Et puis, elle n’avait pas besoin que je lui fasse la gueule, elle avait besoin de moi, besoin de quelqu’un avec elle, d’une épaule sur laquelle pleurer, quelqu’un à qui parler, quelqu’un sur qui elle pouvait compter. Et je voulais être cette personne.

« Oui, bien sur que oui .. Je voulais pas dire maintenant quand j'ai parlé de rentrer ... » Je lui souris et j’hochais la tête : de toute façon, elle n’était pas en état de conduire, et moi non plus donc au fond, nous n’avions pas tellement le choix. Je la regardais tendre le bras vers la petite table de chevet afin d’éteindre la lumière, nous plongeant dans le noir puisque la demoiselle avait tiré les rideaux lorsque nous étions arrivés dans la chambre. « Je suis fatiguée aussi ... », dit-elle calmement en se rapprochant un peu plus de moi en remontant la couverture sur nous. Je passais mes deux bras autour d’elle pour la serrer contre moi, elle tremblait de partout, c’était bizarre, elle devait avoir un peu de fièvre, ce qui n’aurait pas été étonnant vu l’état dans lequel je l’avais trouvée. Je fermais les yeux en profitant de cette étreinte, réalisant à quel point j’avais eu la trouille de ne plus jamais pouvoir la sentir contre moi de cette manière : et si j’étais arrivé trop tard ? Et si elle n’avait pas voulu me suivre ? Et si…et si…il y avait trop de questions qui se bousculaient dans la tête : pourquoi est-ce que je pensais au pire alors qu’elle était là, avec moi et qu’elle allait plutôt bien – enfin, physiquement et dans la mesure du possible – , il fallait que j’arrête de trop penser, mais c’était dans ma nature, j’avais toujours eu du mal à ne pas me poser des milliards de questions, certainement mon esprit scientifique qui prenait le dessus. « Je peux dormir dans tes bras ...? » Je souris, caressant doucement son dos alors que je posais délicatement mon menton sur le haut de sa tête, réfugiée dans mon cou. Quelle drôle de question… « Bien sur… », murmurais-je. « J’ai aucune envie de te lâcher… », continuais-je avant de reculer légèrement mon visage pour déposer un baiser sur sa joue. « Dors bien… »



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