L'éventualité de rester enfermé à tout jamais dans cette petite pièce avec Joan présentait beaucoup d'avantages. Peu d'occupation donc ils devraient se montrer créatifs pour ne pas succomber à l'ennui et croyez-moi ou non, de l'imagination, ils en avaient. Malheureusement, la désillusion fut rapide et fatale quant à tous les espoirs d'ermite que Cody avait commencé à échafauder dans son petit cerveau d'économiste. « Non … On ne peut pas vivre comme ça ... » fit-il en baissant la tête, resserrant davantage sa main dans celle de l'orange. Ils ne pouvaient pas, it's bad, bad, very bad (trip). Il murmura, la voix hantée par la déception de l'impossibilité d'une colocation dans l'infirmerie avec son ex ; « À part quelques bonbons à la menthe, on n'aura rien pour se nourrir. Il y a peut-être quelques seringues pour s'injecter des résines nutritives dans le bras mais même si j'ai très envie de rester avec toi, je ne rêve pas spécialement de vivre d'amour et de perfusion. » Quoique ce serait un nouveau concept, mais dans Grey's Anatomy. Ils ne l'avaient pas encore fait, tiens, il faudrait que je le souffle à Shonda, la scénariste. Wesh, je l'appelle Shonda, c'est ma pote, j'ai des relations dans le monde du Showbiz, vous croyez quoi. Bleeker avait tellement peur de voir Joan lui filer une nouvelle fois entre les doigts. Mais s'il avait appris une chose des statuts cucu de Facebook, c'est que quand on aime quelqu'un, il faut savoir le laisser partir. Dès lors, s'il ne revient pas, c'est que dès le début ils n'étaient pas faits pour être ensemble. Donc voilà, comme dirait Snow à Charming ou Charming à Snow ; 'I will always find you'. Au fond, rien ne pouvait vraiment séparer Bleeker de Lindley. Voyez Maggie. Elle s'y était risquée et, aujourd'hui, ils s'étaient retrouvés. Certes, ils n'étaient pas ensemble, certes, il ne se passait rien de concret entre eux mais cette ambiguïté et cette totale incohérence entre leurs faits et leurs dires fondaient l'identité même de Joady. Toutefois, le plan de Joan laissait le jeune homme légèrement perplexe. Il parlait limite dans sa barbe de trois jours, penchant son menton sur l'épaule de Joan. « On se revoit quand j'ai récupéré ma fille et toi quand tu ne seras plus avec Pluton. Manière originale de se dire adieu. » Pessimiste ? Oui, un peu. En plus, il ne voulait pas qu'elle parte. Pas un mois. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Il s'inquiétait de l'avenir de leur non-relation, de leur non-couple, de leur non-nom. Il se redressa.  « Tu vas où ? Voyage humanitaire, un truc de Quincy c'est ça ? » Merde. Pourquoi avait-il été accepté chez les Lowell déjà ? Ah, oui. Le mauve lui allait bien au teint.

Que Joan ne se fatigue pas ; il n'y avait aucune solution pour régler le problème de l'infirmerie-bunker. Ils ne pourraient pas vivre comme ça, seuls au fond de leur lit, seuls au fond de la nuit. Tant de fois ils ont tenté d'aller toucher les étoiles que souvent, tombant, ils se sont faits mal. Ah merde, je chante du Garou là, enfin bref, ça fait du bien de chanter la seule chanson que Garou a faite dans sa vie. Enfin il en a fait d'autres mais on ne va pas se mentir, c'est un peu de la merde. C'était ouf à quel point Cody ne croyait pas à leur histoire. Il le voulait, sincèrement, mais tellement de facteurs étaient à prendre en compte qu'il aurait préféré réciter la théorie des avantages comparatifs de Ricardo qui lui semblait bieeeeeeeeen moins compliqué que l'avenir de Joady. Madame Irma est demandée à la barre, on a besoin d'une boule de cristal pour voir s'ils avaient une chance. Ou alors, ne pouvait-on pas lire dans les étoiles ? À moins que ce soit uniquement possible dans le Roi Lion ? Fuck les Disney, ils vendent des rêves dans un monde injuste. « Je veux être qu'avec toi. J'ai l'impression que si quelqu'un s'immisce dans notre vie, ce sera le début de la fin. Parce qu'on sera dépendants de lui et on ne sera plus jamais seuls. » Et il refusait. Il ne voulait dépendre que de Joan. Même si ça faisait mal, même si ça le briserait une seconde fois. La première fois avait été dévastatrice, il est vrai qu'il craignait donc de replonger nu dans le bain pour se manger des Joannhas dans les orteils. Ou dans le cœur. Ces vilaines créatures attaquaient le cœur, comme le cholestérol. Par chance, Cody n'était pas encore concerné par ça, contrairement aux Joannhas qui le boufferaient tout cru comme du surimi à la mayonnaise. D'un bon, il descendit du lit d'hôpital et marcha dans la pièce, faisant dos à Joan la conquérante de son cœur ; « Ou dans trois ans, quatre ans, cinq ans. Gatsby a attendu cinq ans avec de revenir vers Daisy. Ceci dit, il aurait jamais dû. C'est une garce. Je veux pas être Gatsby et je veux surtout pas que tu sois Daisy. » Il baissa la tête, repensant au seul film au monde où il s'est indigné autant à la fin. Il avait envie de faire comme Balavoine, il voulait tout casser oh oh il fallait pas qu'elle s'en aille ! C'est Daisy sa bataille ! Bref. Toujours de dos, il trouva le moyen de pouffer de rire quand Lindley évoqua ses projets pour le mois à venir, a priori un stage qu'elle aurait la chance d'effectuer à la NASA. La classe, la grande classe. Il tourna la tête, l'observant par-dessus son épaule ; « C'est malheureusement pas sur mon percolateur que tu vas appuyer pendant un mois. » Tristouille, hein. Au moins, ça le faisait un peu sourire.

Joan n'est pas Daisy, Daisy n'est pas Joan. Voilà une information intéressante, utile, nécessaire si jamais Cody rêvait un jour de constituer un avenir avec elle, puisque Daisy était clairement une personne sur qui l'on ne pouvait pas compter. Puis elle était vénale, Cody radin et pauvre, même son Bic Mac il se sentait obligé de le mendier à ses potes dès lors qu'ils allaient au Mcdo. Vous voyez le niveau de désespoir du mec ? Et honnêtement, il était le genre de mec à fantasmer sur une lumière verte à l'autre bout du quai. Peut-être qu'il n'était pas autant transi d'amour que Gatsby pour Daisy mais, légèrement ivre, il pouvait passer des heures à faire jour-nuit avec les interrupteurs, avec toutefois plus de classe que Jacquouille la Fripouille dans les visiteurs. Important de préciser quand même. « Pas sûr, je suis un voisin très discret. » pouffa-t-il de rire. Pauvres voisins quand on y pense ; combien de fois avait-il subi les frasques de Cody sous l'emprise de l'alcool, peu après que Joan l'ait largué comme le dernier des Mohicans ? Je sais pas comment il a été largué, ni même s'il a été largué mais je pense qu'un peu de culture dans mon RP ne fait pas de mal. D'un œil malicieux, il observa Joan couchée sur le lit, elle qui gisait maintenant à sa précédente place. Oui, gisait, on aurait dit un phoque échoué sur une plage des Galápagos.  « Si j'étais le genre à t'oublier quand t'es loin de moi, crois-moi, on n'en serait pas là aujourd'hui. » Certes, il ne l'avait pas appelé pendant un an, n'avait pas cherché à la revoir, tout bonnement car il ne se sentait plus désiré par Joan. Donc vous le connaissez, pas du genre à se mouiller, du moins, pas avec les filles. Les mains dans les poches, il revint vers Joan, s'approchant du petit lit qui fut jadis sa couchette. Il savait qu'il n'avait moralement pas le droit de la toucher, toutefois, en tout bien tout honneur, il fit trottiner ses doigts le long de sa jambe. Oui c'était innocent. Il aurait pu le faire sur un buffet ou une commode mais il avait choisi Joan. Ce qui l'intrigua en revanche, c'était son service. LE genre de phrase qui faisait peur car en plus, Lindley savait que Cody ne savait pas dire non, pour rien, même quand il le pensait fort il était totalement incapable de refuser. Alors il demanda ; « Qu'est-ce qu'il y a ? » Wesh qu'est-ce que tu veux grosse.

Peut-être avaient-ils atterri dans une faille trans-dimensionnelle et peut-être allaient-ils bouleverser le cours des choses, toujours est-il que Cody préférait se languir dans cette infirmerie plutôt que de retrouver la réalité. La réalité faisait mal. Dans la réalité, Joan était avec un autre mec et Cody se battait avec son ex pour récupérer ses droits sur sa fille. Qui voudrait retrouver ce train-train pourri de quotidien ? Pas lui. Pas elle. Ils étaient bien dans leur faille temporelle, dans ce bug dans la matrice, hors du système, hors de tout. Cody resta tout de même assez sceptique face au service qu'allait lui demander Joan, il s'attendait au pire, des trucs du style ; 'attends-moi toute ta vie, promets-moi que si je tarde, tu ne perdras pas espoir', bref, tout le blabla que l'on entendait dans les contes de fée ou tout simplement dans Once Upon A Time. Finalement, elle ne demandait pas la lune (dommage, j'aurais pu vous chanter Indochine), juste un câlin. Ça va, ça entrait largement dans les compétences de Cody, il avait eu un BTS CBPSA (câlins, bisous, plus si affinité) et il préparait sa thèse actuellement. Bien sûr, il lui fallait un cobaye et Joan semblait remplir tous les critères. « Je pense que je vais juste te serrer dans mes bras pour te donner un avant-goût de ce qu'on aura toi et moi plus tard. Oui, parce qu'il y aura un plus tard, j'ai envie de me montrer un petit peu optimiste. » Wow, un éclair de positivité traversait donc l'esprit de Cody ? C'était comme une comète, ça arrivait genre une fois tous les cent ans et il fallait le fêter comme il se doit. Il referma ses bras tout contre Joan, inspirant une dernière fois les délicieux effluves qu'elle laissa promener dans ses narines. Quelques minutes plus tard, peut-être trois, il murmura sans se détacher d'elle ; « Besoin d'autre chose ? » On sait jamais, tant qu'il était en mode l'abbé Pierre il valait mieux qu'elle profite.