Enfin un peu de soleil ! Ça faisait beaucoup de bien. Nous avions eu un hiver assez rude à Cambridge, et je n’étais pas habituée à ce genre de temps. Enfin.. au bout de trois ans d’études ici, je commençais à m’y faire, mais ce genre de température restait assez bizarre pour moi. J’avais grandi et vécue dans le Colorado pendant près de dix huit ans de ma vie. Là où il fait toujours chaud et où les températures ne tombent jamais bien bas, même l’hiver (sauf exceptions). En parlant de Denver, la ville commençait à me manquer alors j’avais parlé avec mes parents, et ma mère avait décidé de me payer un billet d’avion pour passer le week-end avec eux après le Spring Break. Ça allait me faire du bien, car j’avais un peu le mal du pays. J’avais donc décidé de profiter du soleil qui chauffait pas mal en allant m’installer sur la pelouse en face de la fac. Un livre d’histoire en main, je me callais contre un arbre pour commencer ma lecture. J’arrivais à me étendre, au soleil. Ça ne pouvait pas me faire de mal après les péripéties mouvementées dans ma vie ces dernières semaines.

Le soleil brillait et les températures étaient douces, un temps idéal pour aller se promener un peu. Jackie enfila un gilet par-dessus son t-shirt en enfourcha sa bicyclette en direction du parc. La demoiselle n’avait pas le permis de conduire, mais quand bien même, le vélo c’était mieux ! Ca fait faire du sport, mais c’est aussi un bon geste pour la planète. Le combo.
Les odeurs des fleurs étaient agréables, ce qui l’était beaucoup moins c’était ces petites bestioles qui volaient par-dessus… quelle horreur ! Des papillons. Jackie en avait une peur bleue. Là, ils étaient suffisamment loin pour être tranquille, mais toujours aux aguets si l’un d’eux tentaient de s’approcher un peu trop. Jackie descendit de son vélo et le posa par terre. C’est contre un arbre qu’elle décida de s’assoir. De son sac elle sortie un carnet et une petite boîte métallique contenant des crayons et autres stylos. Scrutant des yeux le paysage en quête d’une scène à dessiner, elle ne mit pas longtemps à trouver l’inspiration. Non loin d’elle, une jeune femme était aussi assise le long d’un arbre en train de lire un livre. C’est cette scène que Jackie commença à dessiner.

J’avais décidé de ne plus me prendre la tête. Avery ne voulait plus de moi ? Bien. Il ne voulait pas m’expliquer pourquoi il avait rompu aussi brutalement ? Bien. J’allais me battre pour lui prouver qu’il avait eu tord. J’allais lui faire regretter son choix. Le Spring Break allait être le moment idéal puisqu’il allait y avoir des fêtes, et des tonnes de garçons que j’allais pouvoir draguer sous ses yeux. J’avais besoin de voir s’il avait encore des sentiments pour moi, ou s’il avait rompu parce que justement, il n’en avait plus. En attendant, c’était zéro prise de tête. Il fallait que j’arrête de penser à toute cette histoire sous peine de devenir complètement tarée. Lire un bon livre au pied d’un arbre sous un beau soleil était le moment rêvé pour se changer les idées. Alors que j’étais plongée dans ma lecture, je sentis quelque chose autour de moi. Je relevais le regard et je souris en voyant une lignée de papillons voler au travers de la pelouse. Ça donnait une sorte d’arc en ciel en mouvement, c’était juste magnifique.

Les couleurs printanières s’étalaient sur le papier, on sentait que le printemps arrivait. Le jean bleu de la jeune femme, la couverture jaune du livre, l’herbe verte et les fleurs roses. La page allait être parfaite. Le dessin touchait à sa fin, il ne manquait plus que… la signature de l’artiste. Jackie afficha un sourire satisfait. Ses yeux se portèrent à nouveau sur la jeune femme qui lisait quand soudain, elle aperçu une envolée de papillons.. se dirigeant tout droit vers elle ! AAAAAAAH ! Prise de panique, elle envoya la première chose qu’elle avait sous la main dans le flot de papillons. Sa trousse. Ouverte. Les crayons et feutres volèrent et s’écrasèrent tous sur la pelouse.  Elle se leva et se mis à courir en regardant derrière elle si les papillons ne la suivaient pas. OH NON ! ILS ME SUIVENT ! AU SECOUUUUUUUURS ! Jackie avait le cœur qui battait fort, et vite. Elle continuait de courir autour de l’arbre qu’elle s’était approprié pour l’après midi.

C’était calme autour de la fac. En même temps, tous les étudiants avaient cours pour la plupart, mais il y avait peu de personnes sur la pelouse à se prélasser au soleil. J’avais quant à moi cours en fin d’après-midi : j’avais donc des heures de libre grâce à mon emploi du temps qui n’était pas très commun parfois. Je préférais avoir des cours en fin d’après-midi que pendant la journée, comme ça ça me laissait du temps libre. Enfin.. la silence ne dura pas longtemps, puisque j’entendis tout à coup quelqu’un crier. AAAAAAAH ! Je relevais la tête et je vis la jeune femme qui avait crié et qui avait.. balancé sa trousse dans le vide ? Mais pourquoi elle criait comme ça ? OH NON ! ILS ME SUIVENT ! AU SECOUUUUUUUURS ! Je fronçais les sourcils et je souris en comprenant que c’était des papillons qu’elle avait peur. Elle courrait même autour de l’arbre quoi. Je me levais et je m’approchais d’elle, « Eh.. excuses moi.. ? », demandais-je en riant doucement. « Tu sais que des papillons, ça ne mord pas ? », ajoutais-je sur un ton un peu moqueur, mais pas méchamment.

Les papillons ça mord pas ? Les papillons ça MORD PAS ? Bein non, ça Jackie le savait ! Fallait être une patate sortie tout droit du Krousti Crab de Bob l’éponge pour ne pas savoir ça ! Mais même s’ils ne mordaient pas…ils avaient une sale tête et elle en avait peur, plus que n’importe quoi. Elle avait peur que ces choses se posent sur elle et que.. ah, rien que d’y penser, c’était affolant ! La jeune femme que Jackie avait précédemment dessinée riait doucement. Non mais.. j’suis sûre que c’est à cause de mon parfum qu’ils m’ont suivi ! La horde des papillons avait suivi son chemin à travers le parc, loin de Jackie.
Mais d’où lui venait donc cette peur ? C’était il y a bien longtemps. La petite fille n’avait que 5 ans et jouait dans la cours de la maison de ses parents. Elle jouait au xylophone la chanson de son Disney préféré, la petite sirène. Une envolée de papillon était arrivée dans le jardin et  Rox, le chien de la famille en avait avalé un.. Celui-ci lui resta coincé dans la gorge et le pauvre chien mourut étouffé. Depuis ce jour là, Jackie en a peur.
La jeune femme ramassa les crayons qui étaient à ses pieds. J’ai l’air folle hein.. La tête penchée sur le côté, Jackie haussa les épaules.

C’était assez marrant de voir parfois les phobies des gens. Je n’avais pas de grande phobie quant à moi. Enfin, je n’aimais pas trop le noir, parce que je regardais certainement beaucoup trop de films d’horreurs. Moi, parano ? Rien qu’un peu ! Mais j’aimais aussi ça, dans un sens, avoir peur. Quoi qu’il en soit, constater qu’une jeune femme a peur de papillons, c’était assez amusant. Et ça n’était pas qu’une petite peur en plus, parce qu’elle s’était carrément mise à crier et à courir autour d’un arbre hein. Non mais.. j’suis sûre que c’est à cause de mon parfum qu’ils m’ont suivi ! Je fronçais un peu les sourcils, tournant la tête pour voir les papillons qui étaient un peu plus loin dans le parc devant la fac. « Mais eh.. tu sais qu’ils ne te poursuivaient pas ? », demandais-je en regardant les papillons plus loin. Je tournais le regard vers la demoiselle qui ramassait ses crayons. J’ai l’air folle hein.. J’haussais les épaules et je me mis à croupie pour l’aider à ramasser le contenue de sa trousse, « Bah… en fait, ça dépend de ta définition de fo- » Je m’arrêtais en voyant le dessin posé à terre. « Wow.. » Je prenais la feuille en admirant son travail, « C’est toi qui a fait ça.. ? C’est magnifique.. »

Les papillons ne la suivaient pas… Mais si ! Jackie avait tourné trois fois autour de l’arbre, les papillons aussi ! Ils ont manqué de peu de gagner cette fois, mais OUF, ce n’était pas arrivé ! Jackie ne répondit pas, elle devait paraître bien assez bizarre, pas la peine d’en rajouter. La jeune illustratrice continua de ramasser ses crayons sur le sol, aidée par la jeune femme qui s’arrêta au beau millieu d’une phrase en constatant le dessin que Jackie avait réalisé avant… l’attaque. Oui, c’est moi. Elle regarda le dessin, on aurait dit qu’il était tout droit sorti d’un livre pour enfant, des traits épais, arrondis. C’était le style de Jackie, c’était ce qu’elle adorait faire : donner une tournure enfantine à une scène totalement banale. Merci beaucoup. Tu peux le garder, c’est toi dessus. Si Jackie venait de passer pour une dingue à avoir peur des papillons, elle le passerait peut être d’autant plus à dessiner des inconnues et leur offrir l’illustration. Mais Jackie aimait ça. Une seule fois elle était tombée sur une personne peu sympathique. Une femme, jalouse vraisemblablement. La scène était superbe, un papa jouant à la balançoire avec son fils. Quand Jackie eu donné la feuille au couple, la femme prise de jalousie déchira le dessin et le jeta par terre en criant sur la demoiselle. Comment osez-vous draguer mon mari ? Sous mes yeux en plus ? Et oui, la générosité ne fait pas plaisir à tout le monde.

Chacun ses phobies j’ai envie de dire ! Je ne jugeais pas. Mais c’est vrai que c’était peu commun d’avoir autant peur des papillons. En tout cas, je l’avais taquiné, mais je ne m’étais pas moquée d’elle, loin de moi cette idée. Moi aussi j’avais peur de certaines choses et je n’aurais pas aimé qu’une inconnue se foute de la gueule. Sauf qu’en me penchant pour l’aider à ramasser les crayons qui lui avait servie d’arme contre les papillons, je repérais un dessin qu’elle avait fait. Un dessin qui me ressemblait fortement. Oui, c’est moi. Je souris en regardant le dessin. Il était vraiment très beau. J’étais toujours impressionnée par les gens qui savaient aussi bien dessiner. Si j’arrivais à dessiner un cœur correctement, j’étais contente. Merci beaucoup. Tu peux le garder, c’est toi dessus. Je regardais la jeune femme en souriant, « Oh.. tu es sûre ? Peut-être que tu gardes tes dessins ? » Je souris, « J’m’appelle Holly. Enchantée ! », lançais-je en tendant ma main afin de serrer la sienne.

Jackie avait pris l’habitude de dessiner des scènes qui lui plaisait un peu n’importe où. Lorsqu’il s’agissait d’un paysage, elle gardait son dessin et le rangeait dans une pochette consacrée à ça. Au contraire, lorsqu’elle dessinait des personnes, elle leur donnait le dessin. C’était comme ça et elle aimait à penser que les gens auraient un peu de Jackie chez eux. Oui, certaine. Garde le, il est pour toi. Un grand sourire se dessina sur ses lèvres. La demoiselle lui tendit sa main en se présentant. Jackie empoigna la main qui lui était tendue. Enchantée Holly. Moi c’est Jackie.