Il ne me refusait rien. Du moins il répondait à chaque question sans pour autant se forcer et c'était assez sympa. Faut dire que notre conversation a vite changer de ton et je préfère mille fois cette version que celle dont j'ai dû user au tout début lorsque je l'ai croisé à cette table. Dire qu'à la base je suis venue pour étudier, m'avancer dans mes cours et surtout me changer les idées. J'évitais pas mal de monde et pourtant je ne devrais pas. Faut croire que j'ai besoin de ce moment de solitude pour me retrouver avec moi-même, mais le destin en a décidé autrement sinon je ne serais pas assise en face de ce jeune homme que j'ai rencontré rapidement lors d'une soirée. « Tu me diras, la famille c'est ce qu'il y a de plus important. Sans elle, on ne peut pas construire quelque chose. Enfin, tu as ta famille qui te pousse vers la voie que tu souhaite et je trouve ça vraiment sympa de leur part. Au moins, quand ce sera à ton tour de reprendre l'entreprise, tu seras prêt » c'est fou, mais j'ai toujours eu cette manie de tout savoir, de mettre mon nez un peu partout. Trop curieuse selon mes amis de Brooklyn et pourtant je n'ai pas changé pour un sous. J'ai peut-être un nom de famille différent, ce n'est pour autant que toute cette vie va me changer, me faire devenir cette fille dont tout le monde rêve. « À ma place ? Je ne sais pas trop... Débarqué dans une ville que tu connais pas, une famille dont tu ignorais l’existence jusqu'à il y a quelques mois ? Je crois que ça va prendre pas mal de temps, surtout avec mes parents. Les voir alors que leur fille est morte, tu vois c'est un peu étrange comme situation. » sur le coup, je me confiais à lui et pourtant ça sortait naturellement « Tu sais, ce sont mes parents qui ont l'argent, ce n'est pas pour autant que je vais me tourner dans ce milieu. J'ai toujours dû me débrouiller seule, sans argent et je n'ai pas vraiment envie de devenir une personne que je ne suis pas, de devenir le contraire de ce que ma mère m'a appris. » Beaucoup de personnes pensent que c'est simple d'arriver comme ça et d'avoir de l'argent, mais non, c'est juste un titre comme un autre « J'veux pas être méchante, mais ce genre de milieu, je ne suis pas très à l'aise, tous ses gens friqué ça doit être d'un ennuie... Enfin, je peux toujours accepter pour découvrir ce monde, mais je ne changerais pas mon mode de vie juste pour un nom »

Alejandro est assez à l'aise pour parler, peut-être pas des choses les plus intimes qui soit, mais s'il sent que la personne écoute, qu'elle est ouverte d'esprit et attentive, alors il peut parler sans trop garder de secret, d'autant qu'il sentait que Jales lui confiait certaines choses aussi. Ils parlaient donc famille depuis un moment. Pour l'Espagnol, c'était tout simple, pour l'Américaine, c'était un peu plus compliquée. Il fit un beau sourire à ce que la Cabot lui dit et répondit juste en retour:

-On ne peut qu'espérer!

Si Alejandro disait que Jales devait se sentir à sa place, celle-ci n'était pas tout à fait d'accord. Le jeune homme écoutait toujours avec attention, ses livres étaient écartés depuis un bon moment déjà. Comment se fait-il qu'elle ne se sentait pas à sa place? Il faudrait sans doute un certain temps, mais elle ferait mieux de s'y faire, à sa nouvelle famille. Il répondit juste une petite remarque, pleine de compréhension.

-J'imagine, oui.

Jales allait plus loin. D'après la belle blonde, ce milieu, celui des gens riches, ce n'était pas le sien. Cette fois-ci, Alejandro n'arrivait pas à la comprendre, ni à être d'accord avec elle. Être riche ne signifie pas pour autant renier ce qu'on est. Au contraire, l'argent nous donne les moyens d'être quelqu'un, d'avoir un nom. C'est du moins ce qu'Alejandro croit, à tord ou à raison. Les pauvres sont les oubliés de ce monde. Est-ce qu'on connait les Rockfeller?

-Je ne crois pas que le fait que tu sois riches maintenant soit incompatible avec ta vie passée ou les valeurs que ta mère t'as transmises. Mon grand-père était le fils d'un ouvrier de chemin de fer, il a commencé comme garçon chez un tailleur, il mesurait les messieurs, c'est tout. L'argent n'a pas changé son passé, ni qui il était, mais elle lui a donné les moyens d'accomplir ses ambitions. La question maintenant, c'est ce que tu feras des moyens qui te sont donnés. Si tu as peur que l'argent te change, si tu t'obstines à ne pas vouloir jouer le jeu auquel tout le monde se livre ici, tôt ou tard, tu vas frapper un mur.

Et elle se demandera: mais pourquoi?! Alejandro ne voulait pas faire le prophète de malheur, mais lui aussi, il a eu une petite période où il remettait en question la richesse, le milieu dans lequel il grandissait. Il était pris de... honte peut-être? Un été chez son grand-père et il a compris certaines choses. Alors Alejandro faisait une proposition qui était accueillie de manière tiède par Jales, tiède, froide même. Le jeune homme quant à lui tentait d'être convaincant.

-Bien ce sera encore plus ennuyant pour moi si j'y vais seul. Tôt ou tard, il faudra bien que tu te prêtes au jeu un peu. Je parie qu'en robe, tu éblouiras la galerie. Cette idée te déplait à ce point? Et puis, une soirée en ma compagnie, c'est pas si mal, si?

Ce sera sans doute différent de celle en boîte, mais bon. Alejandro lui serait bien heureux d'être accompagné par Jales, mais si elle n'en a pas envie, il ne peut pas la forcer non plus. Comme on dit, la balle est dans son camp. Le beau brun jette un coup d’œil à sa montre. Oula, commence à se faire tard.