S'il faut mourir ; autant vivre à en crever.

Je ne savais pas pourquoi j'avais cette impression bizarre, désagréable et méprisable de me sentir trahie. Roxanna n'avait absolument rien fait qui mérite de me mettre dans un état pareil. Elle était celle qui tenait à tout prix à me protéger dans notre relation. Elle était l'aînée, elle savait que j'avais fait d'énormes conneries dans mon passé, elle avait donc l'impression que j'avais besoin de quelqu'un pour veiller sur moi et endossait ce rôle à la perfection, sans se plaindre. Pourtant, les plaisirs de la chair était le seul domaine où j'étais plus avancée qu'elle. C'est vrai, j'avais eu une vie tranquille à partir de mes seize ans contrairement à ma meilleure amie, j'avais donc pu vivre ma puberté normalement, découvrant les joies du sexe assez tôt, lorsque je m'étais sentie prête et avec une personne de confiance. Mais Rox n'avait pas eu ce luxe ; jusqu'à il y a encore peu de temps, la confiance qu'elle avait envers les hommes avoisinait le taux zéro. Et je la comprenais totalement. Comment aurait-elle pu leur faire confiance après l'image salace d'eux que lui avaient laissé ses mois de striptease dans une boîte qui vous foutrait des frissons dans le dos dès que vous mettriez un pied dedans ? Puis Jude était arrivé, et j'avais vu ma meilleure amie s'épanouir au fil des jours, lui accorder sa confiance peu à peu. J'avais senti ce moment arriver, comme si j'étais dans sa tête. Mais étrangement, j'avais imaginé qu'on en parlerait avant. Je m'étais imaginé qu'elle me confierait ses craintes et ses appréhensions afin que je puisse la rassurer et pour une fois, jouer le rôle de la grande sœur.

Elle hésita, fuyant mon regard, se sentant mal à l'aise. Je me mordis la lèvre et le sentiment désagréable en moi s'envola pour laisser place à un instinct protecteur. Elle m'avoua enfin qu'elle était passée à l'acte avec Jude hier. J'avais beau avoir des milliers de questions se bousculant dans ma tête ; « vous vous êtes protégés ?! » « c'était où ? » « c'était quand ? », j'en avais une qui restait primordiale et que je m'empressai de poser. « Ça s'est bien passé .. ? » murmurai-je en lâchant finalement ses hanches, mon regard ancré au sien. J'eus la réaction que j'attendais ; elle fut à nouveau intimidée, cherchant à dévier ses prunelles océan des miennes. Je sentis la nervosité émaner d'elle par grandes vagues. Je posai donc une main sur son épaule, et glissai la deuxième contre sa joue en lui offrant un petit sourire rassurant, l'air de dire « hey, ce n'est que moi. Je vais pas te bouffer, et encore moins te juger .. » Elle se calma un peu à mon contact, et j'attendis encore un petit moment avant qu'elle ne finisse par me répondre. Je l'écoutai attentivement, hochant la tête face aux informations qu'elle me délivrait. Bon, je décidai de la laisser tranquille pour ce soir. Après tout, ce n'était jamais agréable de parler de sa première fois pendant des heures. Enfin, je disais ça mais je n'en avais aucune idée. J'avais eu ma première fois avec Julian, qui se trouvait être mon meilleur ami et la seule personne en qui j'avais confiance à l'époque. Alors je n'avais pu parler de la mienne avec personne. Je n'étais pas sûre que je devais m'en plaindre, ceci dit. Doucement j'attrapai sa main et la tirai en direction de l'eau. « Allez viens, on va vérifier la théorie qu'on peut se baigner à n'importe quelle heure à Cancun. »

S'il faut mourir, sur nos stèles je veux graver que nos rires ont berné la mort et le temps

Je ne sais pas pourquoi je ressentais une telle gêne vie à vis de Billie pour lui annoncer que j'avais enfin passer le cap de la première nuit avec Jude. Enfin, pas vraiment première nuit, nous dormions fréquemment ensemble, mais plutôt première nuit ou nous n'avions pas fait que dormir ou juste s'embrasser... Mais plus. Beaucoup plus. Et même si souvent nous nous balancions des remarques salaces avec Billie, pour rigoler, justement, tout n'avait toujours été que plaisanterie. Or, aujourd'hui j'étais on ne peux plus sérieuse lorsque j'annonçais à ma meilleure amie que j'avais couché avec Jude. Je sentais son regard lourd d'interrogations sur moi, une fois que je lui dis ce que j'avais fait la nuit dernière, et je me pinçais à nouveau les lèvres, déviant mon regard vers l'océan, toujours aussi calme. La première question qui vint à la brunette fut alors « Ça s'est bien passé .. ? » Je déglutis, baissant le regard sur le sable, et sur mon pied qui était désormais enterré dans le sable jusqu'aux mollets. La main de la jeune fille vint se poser sur mon épaule pour l'étreindre doucement. Je sentais qu'elle voulait me donner confiance en moi, me pousser à me confier. Billie sait à quel point cette nuit avait quelque chose de symbolique pour moi, qui jusque maintenant avait toujours haït les hommes, les considérant comme des intrus dans mon existence. Avant Jude, en dehors de Soliman, je ne me confiais à aucun homme. Je me voyais bien rester vierge jusqu'à la mort. L'étudiante inaccessible, qui ne ferait que jouer sans aller plus loin. Comme quoi, tomber amoureuse change bien des choses. Je redressais mon regard vers celui, clair, de Billie, puis passais ma langue entre mes lèvres avant d'enfin dire, en bafouillant : « Eh bien .. » Je cherchais mes mots, je n'avais encore jamais cherché à définir la nuit que je venais de passer avec Jude. Différente, électrisante, placée sous le signe de l'amour et de la tendresse. Du désir. Posant la paume de ma main sur ma hanche, des images me revenaient en tête. Doucement, je répondis alors, sereine. « J'appréhendais. Mais j'ai vraiment passé la plus belle nuit de ma vie. Jude a été vraiment ... Attentionné. Comme ... Ben ... Tu sais pourquoi .. » Bien évidemment je faisais référence au fait que j'étais totalement inexpérimentée dans la matière. Billie ne posa pas plus de questions. Sentant le silence s'immiscer entre nous, elle quitta mon épaule pour attraper mes mains dans les siennes, m'attirant doucement vers la plage. « Allez viens, on va vérifier la théorie qu'on peut se baigner à n'importe quelle heure à Cancun. » J'esquissais un sourire, puis avançais avec elle, la suivant vers l'eau. « Bonne idée, on y va. » Laissant nos affaires là ou nous les avions laissées, nous nous sommes alors élancé dans l'eau, y entrant avec une facilité déconcertante au vu de sa chaleur. En une minute à peine j'avais de l'eau jusqu'à la taille, mais décidais de ne pas aller plus loin, peu rassurée par l'obscurité. « J'y crois pas, il faut qu'on ramène la plage à Harvard. Avec le soleil de Cancun. » Dis-je d'un air faussement sérieux à Billie qui s'approchait de moi. J'attrapais de l'eau entre mes mains pour en faire couler sur ma tête, tirant mes cheveux blonds - et accessoirement trempés - en arrière, sans quitter Billie du regard.