"Bordel, mais qu'est-ce que tu fous ?"
Agacée, je massacrai le bouton de verrouillage de mon téléphone après avoir envoyé le SMS à Roxanna. Ça faisait à peu près quatre jours que je tentais de la joindre sur son téléphone, à sa porte, sur le campus. Rien. Elle m'ignorait, c'était aussi simple que ça. Rox et moi nous connaissions depuis presque un an et c'était une relation déroutante pour moi. Depuis que j'avais changé de vie, je n'avais laissé personne m'approcher autant que Rox le faisait. Le pire, c'est que ça s'était fait naturellement. Elle s'était immiscée dans ma vie, sans même se rendre compte à quel point c'était une étape importante à mes yeux. Alors cette éviction passagère me peinait plus qu'elle m'agaçait. Je parcourais les couloirs de la fac, la démarche brusque. À peine sortie de mon cours de techniques de graphisme, j'avais foncé tête baissée à travers les allées du campus, cherchant à rejoindre le plus rapidement possible les fraternités. Près de sa porte, je frappai trois faibles coups. Quand je me trouvais confrontée à nouveau au silence, je tapai plus fort. Deux minutes plus tard, je tambourinai sa porte en grondant. « ROX ! Tu m'ouvres ! » Je patientai une minute, puis poussant un grognement rageur, je m'agenouillai devant sa porte et sortis l'une de mes cartes de crédit. Quand on vit dans la rue pendant un certain temps, on apprend rapidement ce genre de techniques. Après quelques bidouillages, la serrure sauta et j'arrachai la porte avec impatience, me précipitant dans la pièce à la luminosité lugubre. Au premier regard, je n'aperçus pas Roxanna, alors je l'appelai doucement. Timidement. Comme si je ne venais pas tout juste de quasiment défoncer sa porte de chambre.

"Bordel, mais qu'est-ce que tu fous ?"
Un jour d'avril 2011, enfermée dans ma chambre dans la Eliot House, je restais recroquevillée près de ma fenêtre, comme j'avais pu le faire si souvent à Phoenix.. Ou même à Boston, dans cet appartement minable que je m'étais payé avant de prendre connaissance de ma fortune. Une fortune que je ne méritais pas dans le fond... Non ? Après tout, j'avais tué mon père, d'une façon détournée, mais je l'avais fait. Je me souvenais de la satisfaction que j'avais éprouvée, moi, cette gamine de 16 ans, avant de prendre la route pour Boston. Alice était morte là bas aussi. Mais Roxanna n'en menait pas large. Je n'en menait pas large. J'inspirais profondément, fermant les yeux. En cette période de l'année, c'était d'autant plus pénible de dormir la nuit. Toujours les mêmes cauchemars qui revenaient, et souvent, je me réveillais en hurlant, une main plaquée sur mon bras, non loin de mon épaule, ou se trouvait la cicatrice encore bien marquée de la blessure que m'avait infligé mon paternel. Depuis des jours, Billie me harcelait, sans réponse de ma part. Et quelque part, je me doutais que la demoiselle au tempérament de feu ne me laisserait pas me taire bien longtemps. J'éteignais mon téléphone, mais bien vite, on tambourina contre ma porte. « ROX ! Tu m'ouvres ! » Silence de ma part. Une minute, deux minutes. J'enfonçais ma tête entre mes épaules, mes longs cheveux blonds masquant mon visage rougit par les larmes et cerné par manque de sommeil quand j'entendis un cliquetis, puis ma porte s'ouvrir. Sacrée Billie, souvent je me demandais comment elle avait appris tout ça. Doucement, elle m'appelait. Mais je ne répondais pas. Toujours pas... Bien que sachant qu'à force de tourner en rond dans cette petite chambre d'Eliot, elle finirait bien par me trouver.

Le pressentiment qui me prenait aux tripes depuis que j'avais passé le pas de la porte grandissait à mesure que j'avançais dans la pièce. En même temps, le fait qu'elle ait cherché à m'éviter depuis plusieurs jours était déjà une grosse alerte en soi. Roxanna cherchait à me cacher quelque chose de majeur ; malheureusement pour elle, je ne comptais pas lâcher le morceau aussi facilement. À peine entrée dans sa chambre, je plissai les yeux pour adapter ma vision à la faible luminosité. Mon regard traîna dans tous les recoins et pendant un moment, je déchantai, pensant qu'elle n'était réellement pas ici. Je soupirai, deux doigts pinçant l'arête de mon nez et m'apprêtai à partir quand un mouvement presque imperceptible attira mon attention du côté de la fenêtre. Elle était là et mon cœur se contorsionna. Sa position était défaitiste, abattue, ses épaules affaissées, sa posture recroquevillée sur elle-même. Je savais qu'elle m'avait forcément entendue entrer, je n'avais pas été très discrète. Pourtant, elle ne fit pas le moindre mouvement pour me montrer qu'elle savait que j'étais dans la pièce avec elle. « Roxy .. ? » Ma voix était fébrile alors que j'avançais d'un pas mal assuré vers elle. Je me laissai tomber lourdement à ses côtés, mais son visage ne m'apparaissait toujours pas. Une nouvelle fois, elle ne fit rien pour me remarquer. Agacée autant que paniquée, je passai mes doigts le plus délicatement bien qu'avec fermeté sous son menton et la forçait à tourner son visage vers moi. L'acier de ses yeux rencontra la nuance caramel des miens avec une telle lueur de tristesse que je me mordis la lèvre, tentant laborieusement de contenir mes larmes. « Qu'est-ce que tu as .. ? » Jamais, je ne l'avais encore vue comme ça. Elle était loin de la gaieté à laquelle elle m'avait habituée.

Peut-être ... Peut-être qu'avec un peu de chance, elle ne me verrait pas. Peut-être qu'elle allait souffler, dépitée, puis quitter ma chambre sans même remarquer ma présence, recroquevillée dans ce recoin sombre de ma chambre. Néanmoins, bien qu'ayant la tête baissée, je devinais que Billie m'avait trouvée dès que je l'entendis cesser tout mouvement. Elle devait être tout prêt lorsque j'entendais sa voix percer le silence environnant la pièce. « Roxy .. ? » Aucune réaction de ma part, je gardais la tête baissée, les genoux serrés contre ma poitrine, mes bras englobant ceux ci. On aurait pu entendre mon souffle, mais celui-ci même semblait presque inexistant tant je respirais doucement. Billie s'installa près de moi, et je tressaillis en sentant ses doigts passer sous mon menton pour tourner mon visage vers elle. Comme une vulgaire poupée, je me laissais faire, dévoilant mon visage presque tuméfié par les larmes. Quelque chose dans mes yeux la suppliait de rebrousser chemin, mais je savais que ça équivaudrait à lui demander la lune. « Qu'est-ce que tu as .. ? » Je lisais la surprise dans son expression. Il faut dire que j'étais bien loin de la jeune femme de 19 ans à laquelle elle était habituée. Je déglutis, la gorge sèche. Je n'avais pas parlé depuis des jours, et je dus rassembler toutes mes forces pour lui répondre « Rien.. Retournes dans ta chambre, Bill'.. » Je l'implorais presque, essuyant brièvement mes yeux d'un revers de la manche, avant de reposer instinctivement ma main sur ma cicatrice, comme un pansement à la vue de Billie.

Surtout, ne pas paniquer. Extrêmement facile à dire, impossible à faire. Je n'avais pas l'habitude de gérer des situations de crises qui touchaient une autre personne que moi. Jamais auparavant,  je n'avais eu d'amie comme Roxanna. Pour être honnête, je n'avais même jamais considéré qui que ce soit comme mon ami avant de la rencontrer. Par conséquent, je n'avais pas la moindre expérience dans le domaine du réconfort. Je ne savais pas quels comportements montraient des signes alertants, à quel moment me taire, à quel moment parler. Quand apporter de simples gestes de tendresse pour conforter l'autre personne que vous étiez présente pour elle. Rien de tout ça ne me venait naturellement ; j'apprenais au fur et à mesure avec elle.  Elle était comme un coach qui apprivoisait mon caractère sauvage avec le temps. Alors la voir si désarmée sous mes yeux, me laissait légèrement abasourdie. Cette fois, c'était à moi de réagir. « Rien .. Retournes dans ta chambre, Bill' .. »  C'est qu'elle était têtue. Secouant la tête, je vins me placer dans son dos et enroulai mes bras autour de son buste doucement, le menton posé sur son épaule. Je ne pourrais jamais me résoudre à la laisser dans sa misère, aussi effrayante que puisse être cette situation pour moi, il fallait que j'en fasse abstraction. « Arrête tes conneries, comme si j'allais laisser ma meilleure amie en plan. » Je me crispai un peu ; ce genre d'aveu avait le même impact sur ma nervosité que pouvait avoir celui d'avouer son amour à quelqu'un, pour une personne normalement constituée. Mes yeux dérivèrent jusqu'à sa main, qui recouvrait religieusement son épaule. Je savais qu'à cet endroit, elle portait une cicatrice. « Tu ne m'as jamais dit comment tu avais eu ça .. » dis-je doucement, évitant toute brusquerie dans mon ton, créée par la curiosité.

Je déglutis juste avant de prononcer quelques mots, difficilement, dans le but d'éloigner Billie de moi. Peut-être que dans le fond, je savais que ça aurait l'effet inverse, puisqu'au lieu de m'écouter, la jeune femme s'opposa fermement à l'idée même de repartir comme si de rien n'était. « Arrête tes conneries, comme si j'allais laisser ma meilleure amie en plan. » Je déglutis à nouveau, surprise de l'entendre me dire ça. Je connaissais Billie par coeur depuis un an, et si elle pouvait se révéler extravertie.. Elle exprimait très difficilement ses sentiments, même à mon égard. Je ne fit donc aucun geste brusque lorsque je la sentis se caler dans mon dos, entourant mon buste de ses bras avec douceur pour poser sa tête sur mon épaule. Je sursautais légèrement à ce contact, mais ne réagis pas, baissant brièvement la tête de nouveau en serrant mes doigts autour de ma cicatrice. Billie la connaissait. Difficile de masquer son bras, surtout quand il fait chaud. « Tu ne m'as jamais dit comment tu avais eu ça .. » Demanda-t-elle alors doucement. Je baissais les yeux, à la foi rongée par la culpabilité, et l'envie de tout lui expliquer. A ce jour, elle était ma meilleure amie, mais également la seule en qui j'avais une confiance totale et aveugle. « Je... » Commençais-je, cherchant mes mots, avant de me raviser. Si je parlais de ça, j'allais finir par devoir expliquer pourquoi mon père n'était plus là. Et ça, c'était la partie la plus désagréable, celle ou je devais avouer l'avoir - accidentellement, mais quand même - tuer. Je soufflais en retirant mes doigts de la cicatrice, enfonçant à nouveau ma tête entre mes genoux pour souffler : « C'est mon pater.. père.. Qui m'a fait ça. » Je ne l'appelais jamais "père", et encore moins papa. Il avait fauté à ce rôle bien trop souvent pour mériter l'honneur de ce titre.

C'était bizarre comme situation, tout simplement parce que j'avais l'impression que les rôles étaient en train de s'inverser pour la première fois. Certes, j'avais des traits de caractère très accentués ; j'étais téméraire, orgueilleuse, je-m’en-foutiste, tout ce que vous voulez. Mais à côté de ça, en dehors du fait que ma personnalité crée quelques vagues sur son passage, j'avais tendance à me laisser abattre par n'importe quoi. J'avais vécu tellement d'épreuves dramatiques dans ma jeune vie qu'au lieu de me renforcer, ça m'avait poussée à craindre la moindre petite broutille. À l'inverse, Roxanna était plus timide, plus introvertie, plus douce. Pourtant, jusqu'à maintenant, rien n'avait jamais semblé l'accabler. C'était comme si elle avait un bouclier protecteur qui lui évitait de se sentir atteinte par n'importe quelle bosse sur son chemin. Elle se chargeait depuis le début de me remettre dans le droit chemin chaque fois que je dérapais. J'aurais pu prétendre que c'était dû à la différence d'âge, mais je me mentirais. Combien de fois m'avait-elle empêchée de replonger dans la drogue, depuis que nous nous connaissions ? J'avais cessé de compter. Aujourd'hui, c'était elle qui avait besoin que je joue le rôle de la maturité et je ne savais pas si j'en étais capable. « Je... » Elle flancha, se sortit de mon étreinte pour se replier sur elle-même et enfouir sa tête dans ses genoux. Impuissante, je me contentai de m'appuyer contre son dos, ma joue accolée à sa nuque. D'un geste délicat, je caressai son avant-bras pour l'aider à se calmer. « C'est mon pater.. père.. Qui m'a fait ça. » Ma main se figea sur son bras, comme l'ensemble de mon corps d'ailleurs. J'ouvris grands les yeux et déjà, des centaines d'hypothèses tournaient dans mon crâne. « Ton père ? » Je peinai à déglutir, mon étreinte se resserrant sur elle. « Pourquoi est-ce qu'il t'aurait fait ça .. ? » Ma gorge se serrait, à l'instar de mon cœur ; je savais que j'allais haïr cette histoire.

Jamais je n'avais parlé de mon père à qui que ce soit, ni même de ma vie d'avant. Avant que je ne quitte Phoenix, laissant Alice derrière moi. J'avais l'impression de devoir rassembler tous les efforts du monde pour parvenir à dire à Billie qui m'avait fait cette cicatrice. J'avais presque la sensation qu'elle me brulait de nouveau, rien qu'à évoquer le responsable de cette blessure... Et de tant d'autres moins visibles. Je sentis immédiatement la jeune femme se figer en entendant ma réponse, puis elle répéta: « Ton père ? » Je soufflais, rassurée néanmoins par son étreinte se resserrant autour de moi. Je cherchais encore mes mots, parce que je savais que maintenant que j'avais avoué qui était à l'origine de cette blessure, je ne pourrais plus retourner en arrière. C'est tout, ou rien. « Pourquoi est-ce qu'il t'aurait fait ça .. ? » Demanda-t-elle enfin, comme je m'y attendais. Mes bras se resserrèrent autour de mes genoux, et je me tendis, murmurant honteuse : « Je n'étais pas vraiment une "fifille à papa".. Il était .. Alcoolique. Et violent. » Je soupirais, continuant de chercher mes mots, avant d'expliquer toujours à voix basse, comme si j'avais peur qu'un Eliot soit derrière ma porte en train de m'écouter: « Ma mère est.. Morte à ma naissance. Il me l'a jamais pardonné. » Une boule en travers de la gorge, l'estomac noué, je sentais des larmes qui affluaient à nouveau dans mes yeux. Je hoquetais, tentant de réprimer un sanglot à l'évocation du souvenir de mon père, qui m'a haït de ma naissance à sa mort. Je craignais la réaction de Billie, après tout, elle ne savait rien de moi, dans le fond, et je me confiais à elle pour la première fois de ma vie.. Du moins, aussi personnellement.

Depuis que nous nous connaissions, Roxanna et moi prenions le plus grand soin de ne jamais évoquer notre passé. Nous avions passé comme un accord silencieux lors de notre rencontre ; moins il était évoqué, mieux nous nous porterions. Nous l'avions rapidement compris quand les sujets étaient rapidement déviés dès qu'une question trop curieuse était posée. Rox savait que mon père était mort quand j'avais quatorze ans, mais maintenant que j'y réfléchissais, elle ne savait pas comment, pourquoi, à cause de qui. De toutes façons, je ne savais pas à cause de qui non plus. Mais je m'égare ; tout ça pour dire qu'au fond, elle n'avait conscience que de ce minuscule détails. Les choses comme savoir où était ma mère, ce que j'avais fait après la mort de mon père, elle ne savait rien de tout ça. Et je n'en savais pas plus sur elle. Nous nous contentions de baigner dans cette relation facile que nous nous étions bâtie. Pour résumer, je savais tout d'elle, sauf ce qui était arrivé avant la date de notre rencontre. Mais j'avais déjà remarqué que certaines choses la faisaient flancher, elle réagissait mal à plusieurs sortes de sujets évoqués et alors, dès que j'essayais de parler de sa cicatrice, elle se transformait en mur de briques. Je n'avais pas de marques visibles de mon passé, mais je pense que si j'étais dans son cas, je réagirais de la même manière. « Je n'étais pas vraiment une "fifille à papa".. Il était .. Alcoolique. Et violent. » Je n'avais pas de miroir à disposition, mais je me sentis très nettement blanchir. Violent .. Ma gorge se serra et une fine couche d'eau salée borda mes paupières. Je retirai mes mains de son corps à la hâte, juste avant que mes mains ne forment deux poings étroits et blancs comme neige. Je savais que son histoire ne me plairait pas. En revanche, je n'avais pas prévu d'éprouver des envies de meurtre. « Ma mère est.. Morte à ma naissance. Il me l'a jamais pardonné. » Alors c'était ça ? Parce qu'il lui mettait le blâme de la mort de sa mère sur le dos ? « Il t'en veut parce que .. Parce que ta mère a pas survécu quand t'es née ? » Pour faire simple, je fulminais. Il n'y avait pas d'autre terme. Je tentai de m'éloigner un peu d'elle pour ne pas lui faire peur avec mes tremblements et priai pour qu'elle ne prenne pas ça pour du rejet. Elle était toujours dos à moi et ne pouvais pas voir les rougeurs qui s'étalaient désormais sur mes joues. « Quel genre de monstre fait ça ? J'espère que tu sais que ça n'était pas de ta faute, Rox .. ? » Le contraire ne m'étonnerait pas. Quand une idée vous est inculquée dans le crâne très jeune, difficile de s'en débarrasser.

J'avais appris à grandir dans l'idée que si aujourd'hui, ma mère n'était pas à mes côtés, c'était par ma faute. Maintes fois mon père m'avait répété que sans ma venue au monde, il serait heureux avec elle, et même si ma grand mère me répétait qu'il ne le pensait pas, j'avais fini par me faire à l'idée qu'il pensait chacun des mots qu'il m'adressait depuis ma plus tendre enfance. Des mots violents, méchants. Je commençais à avoir l'habitude en grandissant de toutes manières. « Il t'en veut parce que .. Parce que ta mère a pas survécu quand t'es née ? » Je sentais toute la tension dans la voix de Billie, et je me tendais également en l'entendant employer le présent. "Il t'en veux." Non, il m'en voulait. Il n'était plus là, et à qui la faute encore ...? De nouvelle larmes forcèrent le passage de mes yeux pour rouler sur mes joues lorsque j'entendis Billie me demander : « Quel genre de monstre fait ça ? J'espère que tu sais que ça n'était pas de ta faute, Rox .. ? » Je fermais les yeux, contenant tant bien que mal un nouveau flux de larmes qui voulait rouler sur mes joues, en vain. Mes paupières me brûlaient à mesure que je les retenais, si bien que j'éclatais en sanglots. « Tu n'en sais rien Billie... » Articulais-je alors avec difficulté, passant une main sur mes joues pour en dégager les larmes une fois de plus. Elle ne connaissait rien de moi en fait, dans le fond, absolument rien, et sans doutes prendrait-elle ses jambes à son cou, si elle connaissait toute l'histoire. « Tu ne me connais pas.. Tu sais rien de ce que j'ai vécu.. De ce que j'ai fait.. » De nouvelles larmes me vinrent, et je me détachais d'elle, me recroquevillant contre le mur. J'avais l'impression d'être redevenue, un bref instant, cette adolescente torturée de quinze ans qui s'enfermait dans sa chambre pour échapper à la réalité... Sauf qu'aujourd'hui, elle me revenait en pleine face, et j'étais encore plus tétanisée, parce que là, je pouvais encore perdre quelqu'un... Mais quelqu'un que j'aimais.