café et lecture ? (zorah)

Holden buvait son café, les yeux à moitié fermés. Il n'était pas tôt, mais il avait eu du mal à dormir cette nuit à cause des bruits que faisaient ses voisins et leur enfant. Il s'était déjà plaint plusieurs fois auprès d'eux, mais pas hier soir. Il en avait assez de passer pour le Grinch et de devoir se justifier alors qu'il n'était pas en tort.

Il était 10 heures. Il n'avait rien à faire aujourd'hui et s'était enfui de son appartement, même s'il était désormais silencieux. Ici, ce n'était pas non plus un havre de paix. Ce café chic et populaire était plutôt bondé, surtout aujourd'hui, étant samedi. Les conversations animées et les rires résonnaient autour de lui, créant un bourdonnement constant. Le décor élégant, avec ses murs en briques apparentes et ses luminaires en cuivre, ajoutait une touche chaleureuse à l'atmosphère.

Il prenait toujours la même chose : un café au lait avec si peu de lait qu'on aurait dit qu'il n'y en avait pas. Il avait l'habitude des nuits courtes avec ses études en médecine, mais celle-ci l'avait notablement affecté : on voyait les cernes sous ses yeux.

Alors qu'il balayait le café du regard, il remarqua une table qui n'était pas débarrassée : deux chaises, de la vaisselle, et... un carnet ? Avant même qu'il n'y réfléchisse, sa curiosité l'avait déjà poussé à ouvrir le carnet, essayant de déchiffrer les messages cryptiques qu'il contenait.

Les pages étaient remplies de gribouillis, de dessins et de phrases énigmatiques. Les mots semblaient flotter sur le papier, comme des fragments de pensées éparpillées. L'encre noire contrastait vivement avec le papier crème, créant une allure presque artistique. Holden se sentait étrangement captivé, chaque mot, chaque image semblant raconter une histoire inachevée. Le bruit ambiant du café s'estompait peu à peu, laissant place à un silence intérieur, où seules les pensées mystérieuses du carnet résonnaient.

Holden était perdu dans ses pensées, aventuré parmi les pages du carnet. Il en avait oublié son café qui refroidissait à sa table, mais surtout, il avait oublié que ce carnet appartenait à quelqu'un qui n'aimerait pas qu'on le lise. Oublié ou volontairement ignoré ? Non pas que la culpabilité puisse ronger son cœur endurci, mais il savait cependant se conformer à certaines normes de bienséance. Mais alors qu'une voix intérieure commençait à lui murmurer de simplement fermer ce cahier et de le donner au barista, il était déjà trop tard. Des yeux étaient braqués sur lui : une toute petite femme à la voix chaude l'assassinait de son regard.

Elle attendait sûrement qu'il s'excuse, gêné, ou qu'il tente de se justifier, mais ce n'était pas vraiment son genre. Il pencha la tête sur le côté, comme s'il observait un petit chiot enragé, incapable de blesser qui que ce soit. "Je ne sais pas encore si ça me plaît, tu ne m'as pas laissé finir", dit-il avec un sourire narquois et un regard plein d'impudence.

Il n'aimait pas du tout la façon dont elle lui parlait. Son air condescendant et suffisant lui faisait oublier que, dans le fond, c'était lui qui était en tort. Mais dès qu'il fallait trouver une excuse pour être méchant, Holden la trouvait. Il l'observa de haut en bas : elle devait avoir 23 ans, 26 maximum. Qu'est-ce qui pourrait énerver une femme de son âge ? L'insulter ? Non. La rabaisser ? Trop simple. Il allait faire ce que toute femme de sa génération redoutait, la raison pour laquelle la plupart d'entre elles luttaient. La réduire à un simple corps, ne pas la voir comme une égale. Alors, il teinta son regard de séduction et attira de nouveau le carnet près de lui. "Merci de te préoccuper de mes nuits, mon ange." Sa voix dégageait une insolence à peine masquée par son jeu de séduction. "Peut-être que je passerais de meilleures nuits avec toi." Un sourire cruel se dessina sur ses lèvres. "Ton numéro, et je te rends ton carnet." Il plongea ses yeux dans les siens, un éclat de défiance dans le regard. L'atmosphère du café, déjà bruyante et animée, semblait se figer autour d'eux. La tension entre leurs regards était palpable, chaque mot prononcé ajoutant une couche de provocation. Holden jouait son rôle à la perfection, transformant chaque inflexion de sa voix en une arme, chaque mouvement en une menace voilée.

Holden, audacieux mais loin d'être stupide, anticipait le rejet imminent. Peu lui importait d'obtenir son numéro. Son seul désir était de la mettre mal à l'aise, de lui infliger une insolence pure. "Tu n'as aucune idée de ce que tu manques en refusant," lâcha-t-il, s'effondrant dans un coin du café, son carnet en main. Cette fois-ci, il le rouvrit sous ses yeux, ignorant ostensiblement sa présence. La peur ne faisait pas partie de son vocabulaire. Même si elle était une championne de judo et qu'elle le corrigeait, au moins aurait-il obtenu une réaction. Holden s'accrochait à cette image que les autres avaient de lui : un homme ingrat, indifférent aux sentiments des autres. Dès qu'il pouvait prouver sa méchanceté, il le faisait avec un plaisir sadique. Comme une plante, sa réputation avait besoin d'être arrosée. Il s'arrêta sur une page contenant un texte et se mit à le lire à haute voix pour que tout le monde puisse l'entendre. Il observa autour de lui, remarquant que certaines personnes suivaient la scène avec une curiosité palpable. "C'est elle qui a tout écrit..." lança-t-il à l'un des curieux, un sourire fier étirant ses lèvres, avant de reporter son regard sur elle. "Je continue?"

C'était de cela que ses gardiens, les Beaumont, avaient peur : de cette envie tenace et inlassable de crier au monde à quel point son cœur était mort. Ils étaient convaincus que ce comportement le mènerait à sa perte. C'est pourquoi ils rivalisaient de douceur pour lui montrer que des gens pouvaient l'aimer, que l'affection existait encore.
Mais Holden rejetait toute tentative, toute opportunité de se comporter comme quelqu'un d'honnête. À quoi bon être poli et aimable ? Quelle satisfaction cela lui aurait-il apportée ? Là, il avait l'occasion de faire un spectacle devant tout le café, et il ne la laissa pas passer. La haine brûlait en elle, et l'émotion que cela suscitait en lui faisait naître un sourire sur ses lèvres et chatouillait son estomac.
Il s'approcha dangereusement d'elle, l'air défiant, et elle attrapa son poignet sans ménagement. Elle avait un tempérament brûlant, et cela lui plaisait. Il pouvait presque sentir à quel point le pouls de la jeune femme s'emballait. La colère lui allait si bien au visage qu'il aurait aimé caresser sa joue, savourer cette intensité.
Peut-être était-il temps d'arrêter de jouer avec le feu ? "Peut-être que j'aime attirer l'attention," murmura-t-il, se défaisant doucement de l'emprise qu'elle avait sur son poignet. "Mais au moins, je n'ai pas besoin de coucher des mots sur du papier pour me sentir exister."