Enchanted night || ft Haiwee

Son premier et dernier bal d’étudiant l’attend dans quelques jours Anders. Un événement particulier, unique, auquel cette année, il avait décidé de participer. Trois années à le fuir, à trouver des prétextes plus ou moins honnêtes pour l’éviter, mais cette année les choses étaient différentes. Différentes car il n’y en aurait plus d'autres pour lui. Dans quelques semaines, il serait diplômé. Diplômé d’Harvard, diplômé d’une grande université. Sa vie d’étudiant prendrait fin, pour de bon. Plus de cours, plus de confrérie, plus de bal. Il ne peut nier que cela provoque en lui une mélancolie particulière. Une vie s’arrête, une autre commence, mais il a du mal à appréhender ce changement aussi facilement que les fois précédentes. Ce n’est pas tout à fait un nouveau départ comme celui qu’il avait prit en s’engageant dans l’armée, ou quand il était venu à Boston. Cette fois, il ne quitterait pas la ville, resterait dans son appartement du centre ville avec sa fille, il continuerait sûrement à voir bon nombre de ses amis et pourtant, plus rien ne serait comme avant non ?

Adossé contre un mur, il regarde le changement perpétuel opéré dans les rues alors que les gens vont et viennent créant un paysage unique à tout instant auquel il ne s’attache pourtant pas. Cette rue pouvait changer toutes les secondes, minutes, heures, années que cela le laisserait stoïque. Pourquoi était-ce si difficile avec le reste ? La réponse, il le devine, réside dans l’attachement qu’il porte à certaines personnes. Parfois malgré lui, il a ouvert son coeur Anders, et il a peur de devoir faire quelques adieux. La brune dont il guette la venue au milieu des passants en fait partie, de ces personnes à qui il ne veut pas dire adieu, de ces pertes qu’il redoute voir arriver. Alors il profite des occasions qu’il lui reste, l’air de rien, pour la voir, pour lui proposer de sortir, même si le motif de leur sortie ne l’inspire que peu. Récupérer la robe de la belle et se trouver un costume. Une activité qui l’enchante peu mais nécessaire s’il veut malgré tout être présent pour le bal dans quelques jours. Et puis encore une fois, avec Haiwee, l’activité comptait bien peu tant elle savait l'adoucir.

On pourrait presque croire qu’il a toujours vécu ici Anders, croire qu’il est originaire du pays de l’oncle Sam tant il s’est s’y bien acclimaté à cette vie, ici, à Boston. Lui, le danois de naissance, l’anglais de coeur, finalement faisait doucement le choix d’un troisième pays pour le futur. Celui, malgré ses défauts, dans lequel il s’était décidé à grandir, celui qui, par le sol, avait offert à sa fille le droit de tout citoyen américain, celui que désormais, il n’envisageait plus de quitter avant bien longtemps. Il s’était progressivement plié à leurs coutumes, avait célébré Thanksgiving, le superbowl comme n’importe qui dans le pays, lui, à qui tout cela ne parlait pas vraiment. Il n’est même pas certain de connaître les règles du football américain, et pourtant, l’illusion était parfaite. Intégré sur tous les plans, il s’était laissé tenter par toutes les festivités dignes de toute série ou de tout film qui se passerait aux Etats-Unis. Toute sauf une, pour laquelle il cédait enfin : Le bal de fin d’année. Il n’y place pas grande attente, se contentera d’une simple soirée en toute tranquillité avec des amis et camarades qu’il apprécie. Une soirée sans grande ambition, et pourtant, on lui avait bien fait comprendre qu’il ne pourrait pas venir habillé n’importe comment. Raison qui le poussait donc à explorer les boutiques de la ville pour trouver le costume adéquat, non sans compagnie.

Elle était devenue une amie et un repère dans cette vie souvent tourmenté l’amérindienne. Un être de douceur, capable d’apaiser bien des maux par sa bienveillance et sa nature, solaire. Une confidente de choix et de confiance, sans parler d’un soutien sans faille, dans les moments les plus difficiles. Alors naturellement, il sourit en l’apercevant, ne se formalise pas de son contact pour le saluer. Toujours juste, jamais déplacé. Aucune ambiguïté entre eux, rien de plus qu’une amitié profonde et sincère. « Très bien et toi ? » Il ne peut en être autrement, malgré pourtant la dernière ligne droite avant l’obtention du diplôme. « Pas vraiment. Il faut dire que je ne suis pas vraiment familier avec le thème. Je me suis porté volontaire pour aider à tout préparer  pour le jour-j, mais je ne sais pas bien à quoi ça fait référence. J’ai dis que je ferais ce qu’on me dirait de faire, mais pour ce qui est de la tenue… J’ai juste cru comprendre que mes costumes actuels ne feraient pas l’affaire. Alors si tu as une idée, toutes seront bien reçues. » Ce n’est pas toujours le cas avec le danois, mais cette fois, il ne jugerait rien de ce qu’elle pourrait proposer, lui même perdu face à ce thème pour lequel il n’a aucune affinité. « Et toi ? Tu as tout ce qu’il te faut ? Je suppose que tu as déjà également trouvé ton cavalier. » Son sourire se fait taquin. Elle ne se cache plus Haiwee sur les sentiments qu’elle éprouve envers un autre Adams, ou en tout cas, pour Anders, c’était désormais plus évident que jamais.

Il tente de déceler le vrai du faux dans les mots de la brune. Il le sait, le printemps a été cruel avec elle, de la pire des manières et il se demande Anders, si elle s’en remet vraiment - bien qu’il comprenne qu’elle ne s’en remettra peut-être jamais totalement - ou si elle ne fait que donner le change pour éviter les questions indélicates. Quoiqu’il en soit, il n’insiste pas plus, ne creuse pas. Elle le sait la brune qu’il est là pour elle si elle en ressent le besoin de parler, d’être écoutée, de jour comme de nuit, sans qu’il ait à insister. Si elle affirmait bien se porter, il n’avait pas à remettre ses mots en question. Alors, il craque un sourire, intérieurement rassuré par ce sourire en demi ton qu’elle lui adresse et qui le laisse penser qu’elle n’a pas perdu sa joie de vivre malgré tout.

Il ne s’attarde donc pas sur une discussion visant à évaluer son état mais plus sur le thème de leur journée, évoquant l'approche du bal, l’évènement incontournable de chaque fin d’année, et pourtant, le premier pour lui danois en quatre années à Harvard. Une décision prise à la dernière minute, raison pour laquelle contrairement à l’amérindienne, lui n’avait aucune tenue. Pourtant il avait largement eu le temps de se familiariser avec le thème, ayant proposé son aide pour les préparatifs qui envahiraient la salle le soir venu. Il savait donc à quoi s’attendre, mais ça ne l’inspirait pas pour autant. Ni même son cavalier qui lui aussi semblait un peu perdu dans ce thème. « C’est moi, ou il n’est pas très démonstratif ? » Demande-t-il à propos de celui de Haiwee, Sheng, lui aussi étudiant à la Adams et qui semblait parfois très distant pour quelqu’un qui partageait la vie de l’amérindienne. « Mais s’il ne te fait pas danser, promis moi je le ferai. » Parce que ça serait peut-être la seule occasion qu’ils auraient pour, parce que des bals pour le danois, il n’y en aurait pas d’autres et qu’il espérait que son amie passe une bonne soirée, que ce soit au bras de son petit-ami, ou de n’importe qui d’autre si ce dernier n’était pas apte à assumer son rôle. « Je m’y prends vraiment si tard que ça ? » Demande t-il un peu amusé alors que la brune évoque une autre session shopping avec l’une de leur camarade. Il faut dire qu’il n’avait pas été très prévoyant sur ce coup là le Wellington. « Je pourrais voir ce que tu as choisi ? Ou il y a une superstition aussi là-dessus. » Bien évidemment, il pense à celle qui entoure les robes des mariées et l’interdiction pour les futurs mariés de la voir avant le jour j. « Peut-être. Au moins pour des accessoires. Pour la veste, je pourrais peut-être demander à quelqu’un de travailler sur un de mes blousons de moto. Ca se rapproche un peu du style non ? » De ce qu’il en avait vu en tout cas, ça semblait mieux s’associer au décor que ses habituels costumes trois pièces.