Cela fait quelques semaines que je suis de retour à Boston et j'ai tout doucement repris mes marques. C'est dingue comme on s'habitue vite à autre chose. J'ai quitté la ville pendant seulement deux mois et pourtant, revenir m'a fait extrêmement bizarre. Peut-être parce que je reviens d'une ville immense qui ne dort jamais, car New York n'a vraiment pas volé cette réputation. Je suis contente de pouvoir enfin voir DJ, surtout maintenant que ses examens sont terminés et qu'il peut mettre tout ça derrière lui. Je n'ai aucun doute sur le fait qu'il a géré ses exams et qu'il va pouvoir kiffer complètement la fin de son stage à Providence. Installés à un booth de ce diner, j'ai commandé mon habituel : double burger bacon, avocat et champignons. Ce dernier dégouline de graisse quand je le prends pour prendre une première bouchée. "Ooooh ça m'avait manqué", que je dis en riant. "Dans ce genre de resto à New York, y'a toujours une tonne de monde dont la moitié de touristes et on paie deux fois plus cher un burger pareil", que je lui explique la bouche pleine, parce que Eo n'a aucune classe, on le sait bien. Surtout une Eo qui tient un burger bien appétissant. "Tu pars en vacances avec ta dulcinée cet été ?", que je demande à DJ alors que je pose le burger dans mon assiette pour tremper une fritte dans la mayo et la manger.

New York n'a clairement pas été l'eldorado que j'espérais. Mais ça n'est pas grave. C'est ça la vie, non ? On tombe, on se relève. J'me suis sacrément bien cassée la gueule cette année, on va pas se mentir. Quand je repense un peu à mes dernières années de fac, je me suis quand même pris plein la gueule et ça explique probablement mon ras le bol et mon envie de renouveau. Prendre la fuite aura été la pire bêtise que j'ai pu faire, mais ça n'est pas important, puisqu'on apprend toujours de ses erreurs. J'aurais donc appris qu'on ne fuit pas ses problèmes, car ils nous suivent absolument partout. Mais le pire, c'est quand on s'en crée des nouveaux et c'est ce que j'ai fait pendant mes deux mois à New York. Je me suis mis des gens assez dangereux à dos. Assez dangereux au point de venir m'agresser en bas de chez moi, me poussant à fuir, encore une fois. J'hausse les épaules à sa remarque, "Franchement tu loupes pas grand chose" Petite grimace alors que j'attrape une serviette pour essuyer la sauce qui coule déjà au coin de mes lèvres. Je ne mange pas élégamment, mais ça n'est pas nouveau. "Après j'y su!is probablement pas restée assez longtemps pour connaître les bons spots", que je continue à expliquer avant de changer radicalement de sujet. Parce que je parle beaucoup trop de New York depuis que je suis rentrée et j'ai plus forcément envie d'y repenser. Je fronce les sourcils quand il m'explique que c'est compliqué en ce moment avec Ana. "Oh non, merde..", que je lui dis dans un souffle. "Tu veux en parler ?", que je lui demande, sincère. J'ai toujours été une oreille attentive pour mes amis et même si ma vie sentimentale est une catastrophe de A à Z, je sais me montrer ouverte et je sais écouter les gens.

DJ me connait assez bien pour savoir que j'ai effectivement été assez occupé avec le journal qui m'avait embauché. Faut dire qu'il n'y a pas plus déterminé quand il s'agit d'une personne qui se noie dans le travail pour ne pas penser aux fantômes du passé. Surtout quand ces fantômes prennent la forme d'une blonde qu'on a laissée à Boston. C'est drôle, quand on pense que de base, DJ et moi n'étions que des ami·e·s par "alliance" vis à vis de Grace. Cette dernière a pris ses jambes à son cou et j'avoue que je n'ai quasiment plus de nouvelles. Posant le burger dans mon assiette en écoutant le jeune homme, je prends une serviette en papier pour m'essuyer la bouche en fronçant légèrement les sourcils. Je ne savais pas que c'était aussi compliqué avec sa copine et je comprends mieux pourquoi : l'addiction est clairement quelque chose de très difficile à gérer quand on est seul, alors en couple, je n'ose pas imaginer. Ça fait des dommages des deux côtés. Rajoutez à cela une maladie qui semble l'obliger à faire des passages à l'hôpital et ça donne un cocktail clairement explosif. "Je vois..", que je dis en lui souriant tendrement. "Elle a de la chance de t'avoir, ça c'est sûr", que je dis avant de reprendre mon burger en main. "Tu peux rien faire de concret, mais être présent pour elle, c'est déjà beaucoup tu sais. Elle te le dit peut-être pas, mais c'est sûr que ça l'aide", que je dis en hochant la tête. "C'est une mauvaise passe, mais j'suis sûre que ça finira par s'arranger. Faut toucher le fond parfois pour pouvoir nager à nouveau vers la surface" Même si le fond fait très mal, je lui accorde.