on en rira quand on l'verra sous un jour meilleur16.05.2024 — @Donovan Joyner
tw: ivresse, accident de voiture, deuil, blessures
— Une main sur le volant, l'autre sur la bouteille. Depuis combien de temps étais-je en train de rouler sur cette route à faire des aller-retour ? J'savais pas. J'savais plus.
Trois ans aujourd'hui que Charlie était morte. J'avais passé ma journée à penser à elle, à nous. A ce passé ancré, et ce futur perdu. Ecrasé par le poids de ces trois années entre vie et survie. Ca faisait des jours, des semaines même que j'y pensais. Que je me disais que oui, la date approchait, mais c'était pas grave. J'allais bien, ma vie allait bien. Allait mieux du moins. Je faisais des efforts, je me levais tous les jours. Mes projets littéraires étaient relancés, j'avais arrêté de me droguer. Pour moi, pour Maze. J'avais mes amis, j'avais ma famille. Mais malgré tout ça, je n'arrivais pas à virer ce poids de ma poitrine, qui s'était fait de plus en plus lourd à mesure que la journée s'écoulait. J'avais bien donné le change autour de moi, rassurant tout le monde. Acceptant DJ et Brin qui m'avaient accompagnés au cimetière. Pourtant le soir venu je n'avais pu retenir ce flot de détresse et d'angoisse, ce désespoir qui me gagnait inexorablement. Quelques jours plus tôt que m'étais convaincu de ne pas faire ce rituel malsain que j'appliquais chaque année sans rien dire à personne. Mais au moment de me retrouver seul dans mon appartement... j'avais vrillé.
J'avais enchaîné les verres sans les compter. M'imposant cet état d'ivresse volontairement pour abrutir mon cerveau, pour me mettre dans cet état second qui me réconfortait autant qu'il me rendait plus triste encore. Puis j'avais pris le volant, direction south boston pour aller sur cette route, cette fameuse route où elle était partie trois ans auparavant. Chienne de vie. Putain de dieu. S'il existait vraiment, jamais il ne me l'aurait prise. Pourquoi est-ce qu'il me l'avait prise ? Pris dans ces pensées négatives, je ne voyais plus le compteur, je ne voyais plus la route. J'attendais cet état second où j'espérais pourvoir la voir, elle. Où mon esprit se déconnecterait tant que je parviendrait enfin à la revoir. A me souvenir de sa voix, de son odeur, de son visage, de tous ces éléments qui m'échappaient avec le temps... L'esprit embrumé tout semblait flou, tout tanguait.. quand je la vis. Charlie ! Là ! Juste là face à moi ! Surpris j'enchaînais les gestes précipités donnais un grand coup de volant pour ne pas l'écraser... avant le choc. La violence du coup me coupa le souffle quand, par réflexe, je lâchai tout pour me protéger le visage. La voiture fit un tête a queue à plusieurs reprises, mettant mon cerveau sur pause.
Le vide. Puis la peur. Peur de mourir. Peur de ce que j'avais fait, peur de l'avoir tuée. J'voulais pas mourir. Hagard, je me détachais, me libérant maladroitement avant d'ouvrir la portière. Je titubais avant de trébucher et me ratatiner au sol. Elle est où ? « Je l'ai écrasée.. » dis-je tout seul. Je me relevais, faisais quelques pas. « Non.. non non non... » continuai-je, dans un état second. Sans vraiment m'en rendre compte je sortais mon téléphone de ma poche, le déverrouillais. Une personne en tête pour me sortir de tout ça. « Je.. je l'ai écrasée ! Je l'ai écrasée ! » répétais-je, désespéré, à mon meilleur ami qui venait de décrocher.

on en rira quand on l'verra sous un jour meilleur16.05.2024 — @Zayn Turner
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— Dire que je m'en sortais, c'était un euphémisme. J'avais l'impression de crouler sous les problèmes des autres, devant mettre de côté les miens pour rassurer mes proches. Oui j'allais bien, en apparence, j'allais bien. Je gérais, comme j'aimais si bien le dire. Les examens terminés, j'avais repris le cours de ma vie, de mon stage, continuant de discuter avec ma copine hospitalisée, continuant de rassurer tout ceux qui avaient un oeil sur moi. La vérité, c'est que je flanche tous les soirs, dans mon lit. La tristesse qui m'écrase sous son poids, la peur de ne pas être à la hauteur. J'avais l'impression d'être trop jeune pour supporter tout ça, et pourtant, le quart de siècle m'avait rattrapé. Le pire dans tout ça, c'est que c'était pas terminé... Téléphone dans ma poche qui sonne, alors que je suis en train de bosser dans ma chambre. Pas de mécanique, juste de l'écrit. Exceptionnellement, j'avais pu faire du télétravail pour pouvoir accompagner Zayn au cimetière dans la journée. Difficile date pour lui, mais il semblait s'en sortir. Il m'inquiétait lui aussi, une autre casserole sur mon dos. Mais peu importe le poids de ses démons, j'serai toujours là pour lui. Y compris ce soir, quand je vois son nom apparaitre sur l'écran de mon cellulaire. Pas le temps de dire quoi que ce soit en décrochant que j'entends sa voix mais surtout son désespoir. « qu-quoi ? comment ça tu l'as écrasée ? qui ? » Instinctivement, j'étais aux aguets. Redressé, droit comme un pique, tentant d'analyser tout son provenant du téléphone, j'étais prêt à partir à sa rescousse. Bordel, qu'est-ce qui s'était passé....?

on en rira quand on l'verra sous un jour meilleur16.05.2024 — @Donovan Joyner
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— Mon être n'était plus qu'angoisse et peur. J'étais dans un état second, comme possédé. Ivre mort et mort de trouille face à ces pensées qui me gagnaient. Je l'avais renversée putain. Je l'avais tuée. Non non non... « Charlie !! » m'exclamai-je avec désespoir pour lui répondre. Mes mains tremblaient. Ma langue pâteuse me donnait l'impression d'avoir avalé du plomb, jusqu'à ce goût intense de fer que j'avais dans la bouche. « Je... j'ai fait une bêtise... ptain DJ... je voulais pas... » enchaînai-je d'une voix tout juste compréhensible. « Je veux pas mourir » lâchai-je soudain, sous le choc de l'accident. « J'sais pas où je suis... je veux pas aller voir la voiture... » continuai-je d'une voix tremblante, tout mon être redoutant ce que j'allais trouver si je m'approchais. Pris d'une quinte de toux j'éloignais le téléphone, avant de me rendre compte que je crachais du verre.

on en rira quand on l'verra sous un jour meilleur16.05.2024 — @Zayn Turner
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— Les mots de mon meilleur pote à travers le combiné me faisaient peur, forcément. Il était totalement désorienté et de toute évidence sous le choc. J'tentais du mieux que j'pouvais de le calmer, de comprendre la situation mais c'était pas facile. Seulement, quand j'entendais le prénom de son ex, je captais mieux. Putain, moi qui pensait qu'il allait bien, c'était me foutre le doigt bien profond dans l'oeil. Il allait pas bien et maintenant, il m'appelle en panique. « calme-toi... s'il te plait, calme-toi. tu peux pas... tu peux pas l'avoir écrasée, ok ? on a été la voir ce matin, souviens-toi... » Elle n'était déjà plus de ce monde. Elle est partie et il avait de toute évidence du mal à s'en remettre. Normal, quand on sait la grandeur de leur histoire. Seulement, il fallait qu'il réussisse à aller au delà de tout ça, qu'il commence à se soigner à la racine du mal qui le ronge. « envoie moi ta position par sms, j'arrive au plus vite, ok ? j'fais au plus vite, je me prépare et j'arrive. envoie moi bien ta position, j'irai check la voiture, j'te checkerai toi... pose toi dans un coin à l'abri et j'arrive, d'acc ? » J'voulais le rassurer au mieux, mais comment être sûr de bien réussir quand il était je-ne-sais-où dans je-ne-sais-quel-état. Mettant le téléphone sur haut-parleurs, je commençais à m'habiller pour aller le rejoindre. « zayn, t'es toujours là ? tu m'as bien envoyé ta position ? » que je disais, en attrapant les clés de ma voiture, en route pour découvrir les dégâts de la soirée.

on en rira quand on l'verra sous un jour meilleur16.05.2024 — @Donovan Joyner
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— Tout se mélangeait dans ma tête, des images alimentant mon délire autant que l'alcool qui circulait dans mon sang. J'étais terrorisé, persuadé d'avoir écrasé Charlie tant tout paraissait si réel. Je n'arrivais même pas à savoir où j'étais, si j'étais bien vivant ou non, ou dans un putain de bad trip. Mon seul ancrage était mon meilleur ami, à l'autre bout du fil. Je l'écoutais me raisonner, le paysage autour de moi tournant sans interruption. Je tendais mon bras pour m'appuyer sur un tronc d'arbre, reculais vivement dans l'autre sens en sentant une décharge de douleur irradier le long de mon bras. Pourtant je n'y prêtais pas attention, les mots de DJ percutant ma conscience. Oui, nous étions allés au cimetière ce matin. Voir Charlie. Sans pouvoir les retenir, les larmes se mirent à couler toutes seules le long de mes joues. J'entendais à peine ce qu'il me disait, crachant maintenant du verre et du sang. En fait, j'en avais plein la bouche, et je m'en rendais seulement compte. Soudain, je me rendais aussi compte que je ne voyais pas grand chose. Je frottais mon oeil pour chasser mes larmes... louchais en voyant le rouge vif qui peignait ma main. « Je... » répondis-je, hagard, regardant affolé autour de moi. « Je suis à south boston, sur... la route... où elle est... » morte. Là où elle était morte. J'étouffais bruyamment un sanglot, la réalité me revenant soudain en pleine face.

on en rira quand on l'verra sous un jour meilleur16.05.2024 — @Zayn Turner
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— C'était pas facile de l'entendre comme ça, divaguer, être déconnecté de la réalité. Comment avait-il pu écraser Charlie quand elle était déjà six pieds sous terre...? De toute évidence, il était pas dans son état normal et cette journée était de pire en pire. Est-ce que je regrettais de l'avoir laissé pour tenir compagnie à ma copine ? Peut-être un peu ouais. Surtout quand je l'entendais si désespéré. Forcément, j'avais l'instinct de le rejoindre, mais il me fallait sa position. Ne pouvant pas compter sur lui, je finissais par me souvenir que je pouvais l'avoir via meetsa. Une aubaine cette appli quand même. « n'en dis pas plus... reste sur le côté, j'arrive. » Je restais en appel, pour être sûr qu'il fasse pas de connerie. « tu peux continuer de me parler... j'te rejoins, mais je raccroche pas » Une fois dans ma voiture, je me mettais en route jusqu'à sa position. Pas besoin de GPS, je connaissais l'endroit. A quelque chose près tout du moins. La route, elle était connue, de lui, de moi. Et en une dizaine de minutes, j'étais là. Retrouvant mon meilleur ami sur le bas côté, la voiture contre un arbre, fumant un peu. Feux de détresse enclenchés, je sortais du véhicule pour le rejoindre. « zayn, zayn, j'suis là mon frère, comment tu te sens ? » Sa santé me préoccupait plus que l'état de sa voiture pour le coup.

on en rira quand on l'verra sous un jour meilleur16.05.2024 — @Donovan Joyner
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— Qu'est-ce qui m'avait pris de venir ici ? Pourquoi est-ce que je m'imposais ça ? L'alcool altérait grandement mes perceptions et mon jugement, pourtant, je comprenais que DJ se mettait en route pour me rejoindre. J'acquiesçai silencieusement à ses paroles, essayant de me calmer. Ne réalisant même pas que cela ne servait à rien puisqu'il ne pouvait pas me voir. D'un geste j'essayais à nouveau d'essuyer mes larmes, comprenant enfin en voyant à nouveau le sang sur ma main que j'étais blessé. « Je saigne.. » dis-je tout haut, avant de grimacer en sentant une douleur au niveau de mon sourcil quand mes doigts s'écrasaient dessus. Et soudain la vision de mes mains pleines de sang me paru insupportable. Je tremblais, la panique s'échappant de tous mes pores. Désemparés je finissais par me laisser tomber sur le sol, enfouissant mon visage entre mes genoux entourés de mes bras. J'aurais voulu disparaître, que tout ça n'existe pas. Cette douleur, cette peine, cette peur. C'était trop dur. Je n'avais aucune notion du temps, si bien que j'aurais été incapable de dire au bout de combien de temps DJ apparu à mes côtés. Sa voix me fit sortir de ma torpeur, relevant mon visage vers lui. « Je... » commençai-je, la voix tremblante. « J'ai écrasé personne.. ? » demandai-je, la panique dans la voix.

on en rira quand on l'verra sous un jour meilleur16.05.2024 — @Zayn Turner
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— J'avais fait au plus vite pour le rejoindre, parce que c'était presque une question de vie ou de mort. J'arrivais pas tellement à savoir dans quel mood il pouvait être. Il avait un discours totalement dissipé et je ne pouvais pas, avec certitude, admettre qu'il allait bien. Comment pouvait-il aller bien quand il venait d'avoir un accident. Arrivant sur place, je m'étais garé un peu en marge, découvrant le tableau de ce qui s'était produit une grosse dizaine de minutes auparavant. Je découvrais mon meilleur ami dans un état second. Assis au sol, le visage enfoui, il finissait par le relever quand il m'entendait. Et là, je voyais le sang couler sur son visage, puis tous les dégâts autour de lui. « j'en sais rien... bro, j'vais aller voir. bouge pas, j'reviens » soufflais-je, main sur son épaule avant de me redresser pour aller voir la voiture. Analysant tout ce qui était sur les lieux, les traces de frein, les morceaux de verre éparpillés partout autour. Puis la carcasse de voiture qui avait fini sa course contre l'arbre. Je voyais aucune trace de sang au sol, tout du moins, rien qui indiquait une autre victime dans le terrible événement. Arrivant face à l'arbre, à la voiture encastrée contre ce tronc, aucune trace du moindre corps inanimé. Soulagement direct, je retournais voir Zayn pour le rassurer. « y'a personne... t'es le seul blessé » que je disais, le cœur déjà un peu plus léger.

on en rira quand on l'verra sous un jour meilleur16.05.2024 — @Donovan Joyner
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— La présence de DJ avait beau me ramener à l'instant présent, m'ancrer un peu plus dans la réalité, j'en restais toujours aussi paniqué parce que j'avais fait. Si ce n'était pas... Charlie que j'avais écrasé, qui était-ce ? Avais-je vraiment percuté quelqu'un ? Et si j'avais tué quelqu'un ? J'eus un haut-le-coeur à cette pensée et sans pouvoir me retenir davantage, je me retournais dans l'herbe pour vomir. Je crachais à plusieurs reprise, le sang continuant de couler le long de mon visage. Puis je me redressais, passant maladroitement mon avant-bras sur ma bouche quand DJ semblait revenir de son inspection. Personne. Le soulagement me gagna instantanément sans pourtant parvenir à me calmer totalement. Je tremblais, sous le choc, aveuglé par le sang et le brouillard de l'alcool. « Je... pardon... » lâchai-je avant de déglutir avec difficulté, retenant un nouveau sanglot. « Ne dis rien à Maze... Brin... » bafouillai-je, la honte me gagnant petit à petit.