Passée la nuit à tourner, à réfléchir. Peut être que tu as raison, que cette histoire avec Lilia, je devrais être contente qu’il n’y est rien eu entre vous. Mais j’imagine qu’il y a bien dû y avoir des fois où vous deviez faire semblant non ? Puis des fiançailles forcées… Je ne sais quoi en penser. C’est tout récent qu’on se fréquente, il ne se passe rien, et pourtant, je ne veux pas tomber droit dans un piège qui m’engloutirait vivante. Les pieds posés dans le Starbucks, commandant nos deux boissons, caramel macchiato pour moi, et ta favorite pour toi. Stressée, dans l’attente de ta venue.

Tu n’y pensais plus à cette histoire de fiançailles, du moins, pas avant que Maxyne te propose un mariage en échange de quelques tranches de vrai fromage. Lilia, ça fait des mois que tu ne lui a pas adressé la parole, tu ne sais même pas ce qu’elle est venue faire dans cette conversation. Quoi qu’il en soit, il est trop tard pour faire marche arrière. Tu tiens à mettre les choses au clair histoire de partir sur de bonnes bases honnêtes et puis t’as rien à cacher. Tu te rends donc au café à l’heure pile prévue. Jamais en avance, jamais en retard, toujours à l’heure. Tu cherches la jolie blonde du regard et une fois repérée, tu t’avances dans sa direction. Tes lèvres viennent réchauffer la porcelaine de sa joue en guise de bonjour, après quoi tu viens prendre place face à elle. ‘’ Merci pour le café. ‘’ Comme tu aimes, bien noir. ‘’ Tu vas bien ? ‘’ Question stupide, mais formelle, t’as pas ici pour parler uniquement de mariage, tu veux connaître ses états d’âme. En attendant sa réponse, tu retires ta veste suivi de ton écharpe.  

Moment fatidique où tu arrives. Tu me cherches du regard, signe de main pour t’aider à me trouver. Lèvre délicate qui se pose sur ma joue. Petit sourire qui se dessine sur mon visage malgré le stress de la discussion à venir, appuyant légèrement au contact. « Avec plaisir. » que je répond simplement, espérant ne pas m’être trompé sur ce que tu aimes. Mes mains entourant la tasse chaude, réchauffant à la vue du froid extérieur. « Disons que ça pourrait aller mieux. » Haussant doucement les épaules. Je ne suis pas la femme la plus chiante qui soit, du moins je pense, mais là, j’ai besoin de réponse à mes questions. Tu t’installes, mes yeux t’admirent encore. « On retire l’épine tout de suite ? » Impatiente Lurton, l’envie de repartir sur une note plus légère, ou non, selon les prochaines minutes.

Tu t’installes confortablement devant elle, sans déloger tes iris de son reflet. Tu analyses en silence, observe tranquillement avant de prendre une gorgée du café qui patiente devant toi. Elle est impatiente ou plutôt nerveuse, cela se voit et se confirme lorsqu’elle propose d’aborder le sujet fatidique. ‘’ Très bien. ‘’ Ton de voix  neutre, expression sérieuse comme à ton habitude. ‘’ Nous avons appris récemment tous les deux que nous étions fiancés. Mes parents ne m’ont jamais prévenu, car ils me connaissent. Je ne suis pas le genre de personne à qui on impose quoi que ce soit, encore moins un mariage. ‘’ Tu soutiens son regard afin qu’elle puisse puiser la vérité dans ton regard. ‘’ Lilia ne semblait pas pressée de trouver un moyen de mettre un terme à cette connerie alors j’ai pris le taureau par les cornes. J’ai fait faire de faux papiers de mariage et j’ai fait croire à mes parents que j’étais déjà marié à une autre. Mariage secret à Vegas, je leur ai présenté la fille ‘’ Tu marques une pause le temps de boire une gorgée. ‘’ Ils ont finalement annulé les fiançailles arrangées et je n’ai plus jamais reparlé à la demoiselle en question. La fausse femme de ma vie. ‘’ Mais tu sens qu’ils découvriront bientôt le poteau rose et à ce moment là, tu risques d’être dans la merde.  

Je sais que je risque potentiellement de le regretter, de vouloir en savoir plus. J’aurai pu très bien croire juste vos messages, à Lilia et toi. Mon esprit est bien plus tordu que ça. Alors mes mains se posent sur la céramique chaude, sentant ton regard sur moi. Installé face à moi. Raclement de gorge avant que tu ne commence à parler. Je te laisse parler, je ne t’interromps à aucun moment. Le début commence aussi bien que cela puisse être. Même si j’ai dû mal à concevoir qu’en deux mille vingt-quatre, on puisse encore avoir des mariages forcés. Puis vient le couple suivant, tes yeux plantés dans les miens. Brillant par ce que j’entends, qui me rendent encore plus mal que je ne le penserais. « T’as présenté une fausse femme à tes parents… » que je me répète à voix basse, finissant par plonger les yeux dans mon macchiato dont je n’ai pas encore bu une goutte. « Pourquoi Lilia ne semblait pas presser de mettre fin à cette mascarade ? » Lilia est très sensible, à mon image. Je sais qu’il est difficile de dire non à ses parents, mais là c’est un cas à part tout de même. J’adore mon père, je l’aime d’un amour infini, jamais je n’accepterai qu’il fasse ça. Aucun souci là-dessus car je sais que ça ne lui viendrait même pas à l’idée. « C’est tellement… tordu tout ça. » Je m’excuse d’avance dans ma petite tête d’avoir penser ça à voix haute, ça n’empêche que le pense. « Ils vont bien finir par vouloir la revoir cette fille, j’imagine. Tu vas faire quoi ? » Les yeux qui se relèvent, essayant de porter le liquide chaud à mes lèvres pour éviter de me laisser submerger par les émotions.

“ Oui, je l’ai fait. ‘’ Parce que tu n’allais pas rester là sans rien faire et subir ces histoires de mariage. Lilia est une chic fille, mais son inaction dans cette affaire, t’as grave dégoûté. ‘’ Je n’en sais rien, sans doute par peur de décevoir ses parents ou la peur d’agir. ‘’ Ça effraie plusieurs personnes de contredire l’autorité, mais pour ta part, t’es prêt à tout pour te faire entendre. ‘’ Ça l’est, oui. ‘’ T’es le premier à trouver cela écoeurant alors tu ne vas pas la contredire. Qui sur cette planète peut prétendre avoir le droit de prendre des décisions aussi importantes pour une autre personne ? Tu vois le désarroi sur son faciès d’ange, mais hélas, il n’y a rien que tu puisses faire pour y remédier. ‘’ Sans doute et à ce moment-là je risque d’avoir des ennuis. ‘’ Tu y es déjà préparé et dans le pire des cas, tu sais que Sybil est prête à te porter main forte, quitte à t’unir à elle le temps que la tempête se tasse un peu. ‘’ Je ne pouvais pas rester planté là sans rien faire, tu comprends ? Je n’accepte pas qu’on prenne ce genre d’initiative à ma place et en parler avec eux n’aurait pas suffit. Je le sais, ils sont têtus. ‘’ Comme toi. Sauf que toi, t’es mâlin et t’es prêt à absolument tout pour parvenir à tes fins.  

Tout se chamboule dans ma tête, j’ai du mal à comprendre ce qui m’arrive. Ça va si vite, alors que je voudrai que ça aille plus doucement. Déstabilisant. Tu es déstabilisant Apollon. Et je n’aurai pas pensé avoir ce genre de conversation avec toi, pas au bout de quelques semaines qu’on se connaissent. Une femme que t’as pu présenter à tes parents. Ce n’est pas rien, pas à mes yeux. Aucun homme n’a mis les pieds dans notre domaine en France, chez mon père. Aucune présentation. Celui que je présenterai sera celui avec qui je serai certaine de faire ma vie. Je n’en veux à personne, je cherche juste à comprendre pourquoi. Même à Lilia, je peux entendre que ça soit compliqué de tenir tête à son père, surtout chez les Arnault. Le petit ange sur mon épaule qui me murmure que ce n’est que du faux, rien de sincère. Peur que ce faux semblant soit également avec moi. Faux contrat, ça ne peut pas être éternelle. « Des ennuis du genre ? » Le besoin de savoir jusqu’où tout ça peut aller. Fuir ou rester. Je sais que tu essayes de me faire comprendre l’urgence de faire ce que tu as fait pour être tranquille. Et j’essaye de l’assimiler tu peux me croire. Mains nerveuses autour du gobelet bouillant, liquide brûlant arrachant une grimace. Les yeux rêvés sur la chantilly qui font à vue d’œil. Comme mes états d’âme. « Je ne sais pas si je peux vraiment comprendre… » parce que je ne serai jamais vraiment à ta place. « Il ne sait vraiment rien passer avec Lilia ? » Pas de sentiments ? de sexe ? ou je ne sais quel autre terme. Question que je t’ai posé par message, les regards qui se lèvent pour avoir une réponse les yeux dans les yeux. Seule fois où je te le demanderai.

Difficile à comprendre, certes. Tu ne lui demande pas d’approuver tes choix. Tu as fait ce que tu as fait pour prouver que rien ni personne n’est autorisé à contrôler ta vie, encore moins dans le domaine amoureux. T’es pas du genre passif comme mec, quand une situation telle que celle-ci se présente, tu remues ciel et terre pour trouver une solution qu’elle implique ou non ton entourage. Sybil était prête à ce mariage, mais ton orgueil en a voulu autrement. Tu ne voulais pas être marié à une nana qui se tape ton frère, endosser le rôle du cocu, jamais de la vie. Tu as trop de fierté pour ça. Tu es entouré de vautours et tu as su tracer ton chemin dans ce genre d’abysse. ‘’ Reprendre les arrangements avec les  Arnault par exemple. ‘’ Tu hausses les épaules sans trop savoir. Ton père serait furieux, tu risquerais de perdre ses faveurs. C’est pourquoi tu es toujours en recherche de solutions pour éviter que ça arrive. ‘’ Faut le vivre pour le comprendre. ‘’ Je n’y croyais pas moi non plus, jusqu’à ce que ça m’arrive. ‘’ C’est irréel. La question tombe à propos de Lilia, interrogatoire que la blonde à déjà fait par écrit. Tu comprends vite que ça lui tient réellement à coeur et que c’est important pour elle de savoir. Opales sombres, tu la fixes simplement, totalement transparent. ‘’ Rien du tout autre le fait qu’elle ait assisté à quelques un de mes matchs. Pas de sentiments, pas de sexe, rien en dehors de l’amitié. ‘’ C’est sincère, il n’y a jamais rien eu de tel entre vous.  

Je manque d’avaler de travers. Non pas par la boisson chaude, mais par le fait que tu pourrais de nouveau être lié à Lilia. C’est déjà compliqué de l’entendre, mais alors le voir de mes propres yeux. Je ne suis pas prête pour ça. Déjà piquée Maxyne. Aller doucement ne sera donc jamais possible avec moi. Cœur d’artichaud, qui fond comme neige au soleil. Impuissante. Et pourtant, je n’ai plus la capacité de fuir. « Je suis désolée pour toi… » D’avoir des parents comme ça, de devoir te marier avec une personne que tu ne veux pas pour des… arrangements. C’est quel genre de parents ça ? Puis les interrogations sur Lilia arrivent, besoin de te regarder dans les yeux pour y voir une sincérité. Rassurée par tes propos, je n’en sais rien. Mais te l’entendre dire fait du bien. « Merci de m’avoir répondu. » Je ne sais quoi dire davantage, le besoin d’assimiler les choses et tout ce que ça implique si on continue à se voir. Être dans l’ombre. Accepter de te voir au bras d’une autre dans la presse. Pensive tournant mon macchiato, refroidissant tout doucement alors que je l’ai à peine touché.

Situation plus compliquée qu’elle en a l’air en vrai. Le plus gros de la tempête est passé et cette épreuve, tu l’as traversé seul. Tu t’es senti abandonné par Lilia qui n’a absolument rien fait, se reposant sur ses lauriers. T’as créé une histoire de toute part, tu as payé cher pour avoir un faux contrat de mariage. Trouver une fille a été tout aussi ardu. Ce n’est pas tout le monde qui accepte de se plier à ce genre de jeu, même si ça n’en est pas un. ‘’ Ça n’a pas l’air de te rassurer. ‘’ Dis-tu avant de prendre une gorgée de café. Le silence s’installe et pour ta part, tu continues de la fixer, d’analyser chacune de ses réactions. ‘’ Je ne vois plus la fille en question. Elle ne participe à aucun des repas familiaux, même si mes parents la réclament. ‘’ C’est lourd de devoir trouver une excuse à chaque fois. ‘’ Je compte leur dire bientôt. ‘’ Y’a pas de compétition, elle n’a pas à avoir peur. Tu ne caches pas des nanas dans ta manche, au contraire. ‘’ T’as rien à craindre, ok ? Ça appartient à mon passé. ‘’ À ton histoire. Une entaille dans un parcours sans faille. ‘’ Viens là. ‘’ Tu bouges légèrement la chaise de sorte à lui faire une petite place sur tes genoux. C’est de loin la meilleure façon de la rassurer.