Ma meilleure amie avait un bébé entre les bras, qu'elle réconfortait tendrement et je n'arrivais pas à me faire à l'idée qu'il puisse s'agir de son bébé. Dans ma tête, ça restait impossible. Pourtant, elle m'en avait déjà apporté la preuve verbale mais c'était comme si mon cerveau était hermétique à cette possibilité. Je l'observai faire, ébahie par ses gestes doux et prévenants, jusqu'à ce qu'elle ne détourne à nouveau son attention dans ma direction. « Pourquoi l'Alaska ? Qui ? » Aussitôt, l'anxiété accéléra encore les battements effrénés de mon cœur, m'obligeant à prendre une minute pour me concentrer sur la conversation et sur les informations utiles et importantes que je devais lui fournir. Sans réfléchir, je fis un pas en avant et me débarrassai de ma veste, la faisant pendre négligemment au creux de mon coude. Avalant ma salive avec difficultés, je m'approchai encore d'un pas, jusqu'à me trouver tout près d'elle. D'une main tremblante, je tirai le tissu de mon tee-shirt de quelques centimètres vers le bas pour dévoiler une cicatrice laissée par l'impact de la balle un an plus tôt, juste sous ma clavicule gauche. « Je veux d'abord que tu saches que personne ne t'a menti là-dessus. Shenae a bien essayé de me descendre il y a un an ; elle m'a tiré dessus sur une aire et je serais incapable de te dire de quelle façon j'ai atterri à l'hôpital parce qu'après ça, j'ai perdu connaissance. » Fébrile, je lâchai le satin et fis un pas de recul, rétablissant ainsi la distance qu'elle semblait vouloir mettre entre nous. Mes yeux se perdirent un moment sur le poupon qu'elle berçait au creux de ses bras, puis je soupirai et effaçai les quelques larmes qui menaçaient de chuter de mes paupières. « J'ai fait quatre jours de coma et quand j'en suis sortie, j'avais une horde de mecs du FBI qui tournaient en rond dans ma chambre. Ils m'ont fait tout un charabia sur le fait qu'il fallait que je m'éloigne le temps qu'ils retrouvent ma mère, qu'ils avaient besoin qu'elle se sente en sécurité en me pensant morte et qu'elle baisse sa garde .. Ils m'ont expliqué la procédure et j'ai compris .. » J'essuyai une larme qui perlait sur ma joue en étouffant maladroitement un sanglot. « .. Qu'ils entendaient que je devais rester morte aux yeux de tout le monde. Y compris toi. Y compris Jude, Damen, tous. »

Je lui laissais une chance. Une chance de tout m'expliquer, de me faire comprendre pourquoi ils l'avaient envoyée là bas, pourquoi je n'avais eu aucun contact avec le monde extérieur. Pourquoi? C'était la question que je m'étais répétée sans cesse depuis son retour, me torturant au point que j'en perdais le sommeil, plus encore que depuis que j'avais Aylin. Je sursautais brièvement en la voyant s'approcher d'un coup, fronçant les sourcils parce que je ne comprenais pas ce qu'elle voulait faire. D'autant plus lorsqu'elle retira sa veste sans prévenir, s'approchant encore d'un pas, tout près de moi. Je resserrais mon étreinte autour d'Aylin, étouffant un cri lorsqu'elle tira sur le tissu de son tee shirt, dévoilant une cicatrice.. Qui m'était inconnue. Et pourtant, j'avais vu le détail de chacune des blessures que lui avait infligé Hannigan. Des larmes me brulèrent les yeux instinctivement. « Je veux d'abord que tu saches que personne ne t'a menti là-dessus. Shenae a bien essayé de me descendre il y a un an ; elle m'a tiré dessus sur une aire et je serais incapable de te dire de quelle façon j'ai atterri à l'hôpital parce qu'après ça, j'ai perdu connaissance. » J'étais partagée entre la surprise et l'envie de la prendre dans mes bras pour lui dire combien j'étais désolée. Au lieu de ça, elle recula, fixant Aylin un moment avant de poursuivre: « J'ai fait quatre jours de coma et quand j'en suis sortie, j'avais une horde de mecs du FBI qui tournaient en rond dans ma chambre. Ils m'ont fait tout un charabia sur le fait qu'il fallait que je m'éloigne le temps qu'ils retrouvent ma mère, qu'ils avaient besoin qu'elle se sente en sécurité en me pensant morte et qu'elle baisse sa garde .. Ils m'ont expliqué la procédure et j'ai compris .. » Au fur et à mesure de son récit, je n'avais même pas réalisé que je pleurais, tout autant qu'elle. J'évacuais au fil de ses mots toute ma frustration, découvrant enfin ce qui lui était arrivé. J'avais une réponse à mes questions, une réponse horrifiante. « .. Qu'ils entendaient que je devais rester morte aux yeux de tout le monde. Y compris toi. Y compris Jude, Damen, tous. » Termina-t-elle en essuyant une larme sur sa joue. Je fis de même, essuyant maladroitement d'une main mes deux joues, faisant attention à ne pas secouer le bébé. « Je.. Je pensais pas que.. » J'étais partie du principe que tout était un mensonge. Que jamais Shenae ne l'avait trouvée, qu'elle était juste partie sans prendre la peine de prévenir. Et là, tout à coup, j'étais de nouveau envahie par cette sensation de culpabilité. Non pas parce que j'avais perdu Billie, comme l'an dernier, mais parce que je n'avais pas su la retrouver comme il le fallait. Je fondais en larmes, sanglotant en silence en m'accrochant à ma fille endormie. « Je suis désolée... Désolée pour tout Billie.. » Je détournais les yeux, tentant comme je le pouvais d'arrêter mes pleurs.

Le besoin qu'elle éprouva de s'éloigner dès que je m'approchai d'elle, me porta un nouveau coup au cœur. Même si notre relation ne baignait pas sous les meilleurs auspices depuis que j'étais revenue, j'étais blessée de la voir penser que je pourrais faire quoi que ce soit pour la blesser physiquement, surtout quand elle tenait sa descendance au creux de ses bras. Suite à cet écart, je peinai à croiser son regard, trop gênée par ce changement brutal dans nos liens. Je la vis passer par tout un panel d'émotions dès lors que je commençai mon récit, mais je refusais de me laisser déstabiliser par le mal-être qui semblait la remuer. Mes larmes provoquèrent les siennes et tristement, je retrouvai cette connexion qui nous liait depuis que nous nous connaissions. Il était inutile de préciser que j'aurais préféré la ressentir dans d'autres circonstances, même si j'étais prête à prendre ce qu'on m'offrait. « Je.. Je pensais pas que.. » La culpabilité envahi ses traits et étrangement, je ne réussis pas à sentir une once de pitié pour elle à cet instant. Ces confidences, sa réaction, apportaient un goût amer dans ma gorge. « Je suis désolée... Désolée pour tout Billie.. » Toute la culpabilité que j'avais ressentie cette année me revint en mémoire, m'écrasant sous sa force. Ce n'était rien comparé à l'amertume que je ressentis en repensant au fait que je ne m'étais jamais aussi sentie coupable que ces derniers jours, alors que j'avais enfin avoué à Rox que je n'étais pas vraiment passée dans l'autre monde. Je secouai la tête, refusant catégoriquement ses excuses. Des larmes fraiches coulèrent sur mes pommettes tandis que je reculais d'un pas et passais mes mains sur mon visage. « Tu ne m'as même pas laissé le bénéfice du doute .. » soufflai-je en sentant ma gorge se comprimer avec l'émotion. « Revenir à Harvard après tout ce qui s'est passé est un véritable calvaire pour moi. Si vous n'aviez pas été ici, jamais je n'y aurais refoutu les pieds. La réaction que tu as eue Lundi dernier, je peux la comprendre. Tu étais sous le choc, tu avais bu et tu m'as vue m'enfuir ; seule une personne dénuée d'émotions aurait réagi calmement. Mais ton attitude depuis .. » Je m'arrêtai, piétinant en me mordant la lèvre, les larmes me brûlant la rétine comme de l'acide. D'un geste maladroit et protecteur, j'enroulai mes bras autour de mon buste et agrippai mes côtes sur chaque flanc, comme si ma vie dépendait de cette carapace. Maintenant que l'explication était passée, je sentais la colère m'agiter. « Je m'en veux d'avoir manqué un événement aussi important dans ta vie, Rox, tu ne sauras probablement jamais à quel point .. Si tu penses que j'ai intentionnellement choisi de manquer ça, ou même de manquer un seul jour près de toi, même s'il n'y avait pas eu ce détail majeur, c'est qu'au fond, tu ne me connais pas .. du tout. J'aurais préféré ça mille fois, qu'au fait de me demander H-24 quelle espèce de salope j'avais bien pu être dans une vie antérieure pour que la seule femme qui était censée m'aimer inconditionnellement, décide de me tirer dessus de sang froid, ou de m'abandonner, ou de se maquer avec le foutu assassin de mon père. Ou passer des journées entières à chialer pathétiquement parce que mes proches me manquaient. Tu crois que tu es la seule à t'être sentie accablée ? »

J'avais l'impression d'étouffer sous le poids de ces révélations, comme si je m'étais enfermée dans mes fausses idées pour rien. J'avais manqué clairement de rationalité, et j'en prenais progressivement conscience... Bien trop tard, parce que je savais qu'aussi désolée pouvais-je être, Billie était blessée par mon cynisme et mon sarcasme de tout à l'heure... Mais dans le fond, ne savait-elle pas que je fonctionnais toujours de la sorte lorsque j'étais blessée dans mon amour propre ? La brune recula d'un pas, passant ses mains sur son visage parcouru de larmes. Je détournais les yeux, mon cœur se serrant lorsque je l'entendis me dire « Tu ne m'as même pas laissé le bénéfice du doute .. » Et je savais qu'elle avait raison. En silence, j'encaissais d'abord ses reproches. « Revenir à Harvard après tout ce qui s'est passé est un véritable calvaire pour moi. Si vous n'aviez pas été ici, jamais je n'y aurais refoutu les pieds. La réaction que tu as eue Lundi dernier, je peux la comprendre. Tu étais sous le choc, tu avais bu et tu m'as vue m'enfuir ; seule une personne dénuée d'émotions aurait réagi calmement. Mais ton attitude depuis .. » Mon attitude depuis ? Je m'étais enfermée dans ma bulle, avec la ferme conviction que tout ce que j'avais cru depuis un an n'était que mensonge. Que tout ce qu'on m'avait dit de Billie était faux, et je venais seulement de comprendre qu'un seul détail avait été modifié. Après un bref moment les yeux rivés sur Aylin, je redressais à nouveau mes yeux vers Billie, le regard baigné de larmes de remords. « Je m'en veux d'avoir manqué un événement aussi important dans ta vie, Rox, tu ne sauras probablement jamais à quel point .. Si tu penses que j'ai intentionnellement choisi de manquer ça, ou même de manquer un seul jour près de toi, même s'il n'y avait pas eu ce détail majeur, c'est qu'au fond, tu ne me connais pas .. du tout. J'aurais préféré ça mille fois, qu'au fait de me demander H-24 quelle espèce de salope j'avais bien pu être dans une vie antérieure pour que la seule femme qui était censée m'aimer inconditionnellement, décide de me tirer dessus de sang froid, ou de m'abandonner, ou de se maquer avec le foutu assassin de mon père. Ou passer des journées entières à chialer pathétiquement parce que mes proches me manquaient. Tu crois que tu es la seule à t'être sentie accablée ? » Je clignais plusieurs fois des yeux pour débrouiller ma vue, masquée par les larmes. C'était tellement insupportable, cette sensation.. J'avais envie de me justifier, mais je savais que je n'avais rien à dire. « J'aimerais sincèrement que tu sois à ma place.. » Murmurais-je amèrement. Au moins, elle saurait tout ce que j'ai ressenti, pourquoi est ce que j'avais si mal. « Ne me dis pas que ça ne t'es jamais arrivé d'être aveuglée par la douleur et la colère Billie, je suis sure que c'est faux. J'avais mal, et je n'ai pas réfléchi au pourquoi du comment, non, parce que je ne sais que me braquer, et mal réagir. A ton avis, pourquoi est ce qu'en arrivant à Harvard je ne voulais pas d'amis ? » Je me rappelais douloureusement de la façon désagréable dont j'avais traité Holly, ma meilleure amie de l'époque de Boston, alors qu'elle n'avait voulu que m'aider, m'ouvrir les yeux. Je reculais à mon tour, achevant simplement ma phrase en baissant les yeux « Libre à toi de ne pas me pardonner, de me haïr, peu importe. Ce qui est fait est fait. » Je retournais près de la couverture pour déposer Aylin dans son siège, caressant la joue d'Aaron qui était à moitié assoupi sur le sol. J'en avais assez de me battre.

À cet instant, tout était en train de me glisser entre les mains. Notre amitié, mon bonheur, la possibilité d'apprendre à connaître les deux enfants qui l'entouraient, le minuscule contrôle que j'avais encore sur ces voix qui ne murmuraient plus, mais plutôt me criaient à l'intérieur du crâne que je n'étais pas assez bien pour elle. Cette persuasion que ce qu'on m'avait forcée à subir était trop intolérable pour elle et qu'elle ne pourrait passer outre sa colère. J'avais l'impression que la relation que nous avions bâtie n'était plus qu'un filet d'eau que j'essayais pathétiquement de rattraper à mains nues, même si l'eau trouvait toujours un moyen de se faufiler hors de mes paumes. « J'aimerais sincèrement que tu sois à ma place.. » Et je ne voudrais pas qu'elle soit à la mienne. Trop de douleur, trop de rancœur. « Ne me dis pas que ça ne t'es jamais arrivé d'être aveuglée par la douleur et la colère Billie, je suis sure que c'est faux. J'avais mal, et je n'ai pas réfléchi au pourquoi du comment, non, parce que je ne sais que me braquer, et mal réagir. A ton avis, pourquoi est ce qu'en arrivant à Harvard je ne voulais pas d'amis ? » Pendant une seconde, je me demandais si cette issue aurait été plus simple, si nous ne nous étions jamais accordée cette amitié entre nous. Serais-je prête à effacer tous les moments extraordinaires que nous avions vécu, en échange d'un peu moins de douleur dans ma poitrine ? Bien sûr que j'avais déjà réagi au quart de tour sous la colère ; elle me connaissait sur le bout des doigts, elle savait à quel point nos caractères étaient similaires. Et c'était peut-être là-dedans que le problème résidait. Trop de compatibilité pour être compatibles ? Ridicule .. mais vrai ? « Libre à toi de ne pas me pardonner, de me haïr, peu importe. Ce qui est fait est fait. » Ainsi se présentait le coup de poignard qui termina de m'abattre. Voir ma meilleure amie cesser de se battre pour notre amitié. Elle ne m'accorda pas un regard, alors j'en profitai pour me détourner et chasser les larmes de mon visage. Si elle rendait les armes, à quoi ça servait que je continue cette quête de rédemption ? Ça reviendrait à me battre contre du vent. « Ce qui est fait est fait ? » soufflai-je avec incrédulité. « C'est tout ce que ça te fait ? » Malgré toute la douleur qui assénait ma poitrine, je ne pouvais me résoudre à lui en vouloir ; c'est vrai, elle avait une vie de famille, je supposais qu'elle excellait toujours dans ses études de danse, avait probablement toujours Apple à ses côtés. Je comprenais que je n'avais plus ma place dans sa vie. Je pouffai amèrement de rire au milieu de mon flot de larmes en me demandant comment j'avais pu croire un jour que moi, je réussirais à garder une telle amitié dans ma vie. Je m'étais toujours douté que mes liens avaient une date de péremption et j'en avais la preuve sous les yeux. « Comme si je pouvais un jour te haïr, » murmurai-je en passant ma veste sur mes bras. « Contrairement à toi, qui semble y parvenir avec tant de facilités. » Sur ces mots, je jetai un dernier coup d’œil mélancolique à ses enfants et m'éloignai d'un pas rapide malgré ma démarche mal assurée. Je m'éloignai d'elle avant de réellement me retrouver incapable de fonctionner, avant de me laisser accabler par cette sensation de perte qui me prenait à la gorge.