Depuis quelques jours, Aiyana n'avait plus ses règles. Normalement, elle n'avait aucun problème. Elle commençait sérieusement à s'inquiéter, puisqu'elle n'était pas prête à devenir mère. Elle était célibataire et vivait dans un appartement. Peut-être que, pour certaines personnes, ce n'était pas si grave, mais Aiyana voulait que sa vie soit stable et préférait avoir une maison, afin d'élever des enfants. Bref, l'infirmière stressait et se demandait si elle était enceinte. Il fallait qu'elle en parle avec Ambroise. Il était le seul homme avec qui elle couchait depuis plusieurs semaines. La dernière fois, ils n'ont utilisé aucune protection. C'était stupide de leur part, mais l'envie était trop présente. Ils avaient déjà prévu de se voir mercredi. Aiyana allait donc lui en parler. Avant de se rendre chez Ambroise, elle est passée à la pharmacie chercher un test de grossesse. Ils allaient avoir le résultat en même temps. Aiyana n'aurait jamais pu lui cacher cela. Une fois devant chez lui, l'infirmière frappa à la porte et attendit qu'il vienne ouvrir la porte.

J’aurais aimé dire qu’une bonne odeur s’échappait du four et que j’avais prévu un dîner digne d’un chef étoilé pour la première soirée d’Aiyana à mon domicile, mais il était préférable pour ses papilles gustatives que je ne me lance pas dans une telle aventure. De toute façon, il existait fort heureusement moult applications pour se remplir la panse à notre époque. Je prévoyais donc de commander des pizzas lors de son arrivée. Mes colocataires étaient aux abonnés absents ce soir et j’étais très heureux de leur absence car je me voyais difficilement faire les présentations entre ces derniers et ma partenaire préférée de matelas de l’hôpital. Je rêvassais sur le canapé lorsque j’entendais quelqu’un frapper : ça ne pouvait être qu’elle. Je me dirigeais donc vers la porte afin de lui ouvrir. J’esquissais un sourire lorsque j’apercevais sa petite tête tout en l’invitant à entrer. « Bienvenue chez Ambroise Alcott & Co, c’est moins classe que mon bureau je sais, mais c’est mieux rangé » dis-je avec ironie puisque mon bureau était sûrement le pire de tout l’hôpital. « Comment vas-tu ? » demandais-je en lui retirant son manteau.

Aiyana ne se rappelait pas d’avoir déjà été aussi nerveuse. Elle allait quand même dire à un homme qu’il y avait une chance qu’il devienne père. L’infirmière n’était pas prête à devenir mère. Allait-elle l’être un jour? Il y avait tant de choses qu’elle désirait essayer et découvrir. Aiyana voulait plus voyager et profiter de la vie. Elle arriva chez Ambroise. Son cœur battait vite. Il la fit entrer. — Merci. C’est très bien. C’était mieux que son bureau, mais l’humour n’était pas au rendez-vous. Du moins, pas maintenant. Aiyana le laissa lui enlever son manteau. Il lui demanda alors comment ça allait. Devait-elle lui dire maintenant? Probablement. — Ça va… je suis fatiguée. Et toi? Ambroise allait clairement lui demander ce qui n’allait pas. Il était doué pour voir ça.

Aiyana était à présent dans l'appartement et étrangement, cette fois-ci, elle ne répondait pas à ma remarque par une énième taquinerie. Elle qui aimait répondre avec répartie et vivacité, cela m'étonnait. Je l'observais du coin de l'oeil en rangeant son manteau. Elle jouait nerveusement avec l'une de ses mèches de cheveux et ne semblait définitivement pas à l'aise. Lorsqu'elle me disait qu'elle allait bien tout en précisant sa fatigue, je me disais qu'elle devait avoir trop travaillé ces derniers temps - chose qui m'arrivait également, malheureusement de façon trop régulière. « Tu as enchaîné les gardes ? » demandais-je à la jeune femme, tout en me dirigeant vers le réfrigérateur. « Tu veux une bière ? Ou du vin ? » Il n'y avait malheureusement rien d'autre à part un jus d'orange périmé puisque mes colocataires avaient un certain penchant très prononcé pour l'alcool. En attendant sa réponse, j'attrapais une bière pour moi.

Elle était nerveuse. Elle se demandait comment Ambroise allait réagir. Allait-il être nerveux? Probablement. Aiyana espérait que ça se passe bien. Elle avait même apporté un test de grossesse, afin qu’elle le fasse avec lui. C’était important de faire cela. Il lui retira son manteau. — On peut dire ça. Elle sourit nerveusement et passa une main dans sa chevelure. — Ambroise… je dois te parler de quelque chose. Aiyana se mordilla la lèvre inférieure. Quand elle regarda le beau médecin, l’infirmière eut enfin le courage de lui en parler. — J’ai du retard, dans mes règles. Ça ne m’est jamais arrivé. Qu’allait-il faire désormais? Elle n’osait plus le regarder.

Je sentais Aiyana nerveuse et mystérieuse lorsque je lui demandais si sa fatigue venait de ses gardes à l'hôpital. Bizarre. Je fronçais les sourcils lorsqu’elle me disait qu’elle souhaitait me parler de quelque chose. Son ton était bien plus sérieux que d'habitude et son visage inquiet. Je me demandais bien ce qu’elle pouvait avoir derrière la tête. Alors, lorsqu’elle prononçait ses dernières paroles, je faisais les gros yeux. Mon cœur sursautait d’un seul coup et je voyais les images de notre passage dans mon bureau défiler. Sur le moment, je n’avais pas beaucoup réfléchi et trop pris par l’excitation du moment, on avait oublié certaines formalités. Néanmoins, je n’avais imaginé que cette si petite erreur puisse avoir une telle conséquence. Je restais un moment silencieux. « De combien de jours ? Tu as fait un test ? » demandais-je directement. Cela pouvait être également une fausse alerte - et je l’espérais grandement.

Aiyana savait qu’Ambroise n’allait pas être en colère. Il allait être nerveux et stressé. Ils ne pouvaient pas avoir un enfant. Elle n’était pas prête. En ce qui concernait le médecin, elle ne le savait pas. Après qu’il lui ait proposé quelque chose à boire, Aiyana décida de lui dire. Elle ne voulait pas attendre plus longtemps. Elle vit les yeux du médecin devenir grands. Il était visiblement sur le choc. Aiyana sentait son cœur battre rapidement. Elle comprenait alors qu’il n’était pas prêt à devenir père. — Trois jours… ce qui ne m’est jamais arrivé. Elle soupira et passa une main dans ses cheveux. — Non, mais j’en ai un. Je voulais le faire avec toi à mes côtés. Ça lui semblait être une bonne idée. — Où est la salle de bain?

Honnêtement, je flippais intérieurement. Je n’étais pas du tout prêt à être père. Certes, j’avais d’ores et déjà entamé la trentaine mais j’avais passé dix ans à faire mes études de médecine, je n’avais donc pas encore eu le temps de vivre tout ce que je voulais. De toute façon, la situation actuelle faisait que je n’étais pas prêt à me poser avec qui que ce soit de façon si sérieuse. Je buvais une grande gorgée de ma bière qui m’apportait un petit réconfort en attendant la réponse d’Aiyana. Cette dernière ne se faisait pas tarder. Elle était venue préparée avec un test et je me demandais si c’était sa manière machiavélique de me faire payer notre irresponsabilité mutuelle. « Ok… mais pourquoi tu ne l’as pas fait ce matin ? C’est quand même mieux les urines du matin » dis-je sur un ton inquiet. C’était le médecin qui parlait, même si je savais qu’un test était quasiment 100% fiable à toute heure, c’était toujours mieux de le faire le matin. « Bon c’est pas grave, si tu t’es pas enfilé 3 litres d’eau avant d’arriver… la salle de bain est au fond du couloir à gauche ». Je me posais sur la chaise car je n’allais tout de même pas l’accompagner durant son passage aux toilettes. Cette soirée ne commençait vraiment pas bien.

Aiyana avait conscience que la soirée commençait mal. En même temps elle n’allait pas le dire en fin de soirée. L’infirmière tenait à lui en parler maintenant. Ça lui enlevait une pression sur les épaules. Elle voyait la réaction d’Ambroise, ce qui ne la surprenait pas du tout. Elle aurait réagit de la même manière, si elle s’était retrouvée à sa place. — Parce que j’avais envie d’être avec toi pour le faire. Elle rit nerveusement, passant alors une main dans ses cheveux. — D’accord. Merci. Elle se rendit alors à la salle de bain. Aiyana ouvrit le test et le fit. La demoiselle se rendit où était Ambroise. — On aura une réponse dans deux minutes je crois. Ça semblait court deux minutes, mais c’était long dans cette situation. Aiyana regarda Ambroise, espérant qu’il comprenne qu’elle était nerveuse.

J’attendais Aiyana dans la cuisine, assis sur une chaise. Je pensais à mille et une choses en même temps, au fait de potentiellement devenir père mais également à notre imprudence passagère. Une partie de moi regrettait et l’autre pas vraiment. Je prenais ma main dans ma tête en attendant qu’elle revienne de la salle de bain. Après quelques minutes, elle réapparaissait dans mon champ de vision, le test refermé dans la main. « Ça va être les deux minutes les plus longues de ma vie » dis-je sur un ton faussement drôle car je n’avais pas du tout envie de rigoler. La jeune femme non plus d’ailleurs et je ne savais pas quoi lui dire. La rassurer ? On ne savait même pas encore si c’était positif. Alors je m’approchais d’elle et je la prenais dans mes bras, déposant un baiser tendre sur son front.