Ses gestes sont toujours autant répétitifs, mais même avec l’habitude, elle n’est pas certaine de savoir ce qu’elle fait, être serveuse, ce n’est pas dans ses gênes, ce n’est pas le genre de vocation qui coule dans ses veines. Mais elle ne sait pas où serait sa place, si elle n’était pas là, voilà le problème. Alors elle se contente de remplir des verres, de les nettoyer, de servir une bande e représentant de la loi qu’avant, elle n’aurait jamais voulu approcher. Ou plutôt, qu’elle n’avait pas le droit d’approcher.

Elle se fond dans un monde qui n’est pas le sien, et son comportement reste indubitablement incertain. Cependant elle se rassure lorsqu’elle lance une œillade à l’horloge murale. Pour ce soir, c’est bientôt la fin. Elle traîne ses pieds jusqu’à la réserve, note les deux trois bouteilles qu’elle a terminé ce soir, pour qu’il n’y ait aucune erreur dans l’inventaire. Puis à l’heure dites, elle sort de la pièce arrière, comme un animal le ferait de sa tanière. Revenue au comptoir, elle se laisse surprendre par celle qui est apparue en son absence.

Un sourire se glisse instinctivement sur ses lèvres à la vision de Carmella, elles sont amies, depuis qu’elle a débarqué ici, Ellie. Et même si les mensonges entourent cette relation, elle la sait précieuse et n’apprécierait pas en provoquer la désillusion. Alors sur son identité, elle se tait, elle fait ce qu’on lui a indiqué. Elle est une autre, celle qu’elle n’aurait jamais été. « Il me semblait bien, que ce soir, tu finissais à cette heure. Aller viens, on va faire un tour. » Elle en crache un soupir soulagée, comme si on lui proposer de sortir de prison alors qu’elle y était depuis des années. C’est comme si elle s’atténuait rien que par la force de ces mots, sa sensation d’étouffer. De fait, elle opine, et suit son alliée en direction de la sortie. Une fois à l’extérieur, bercée par la légère brise, elle questionne, « Alors, t’as passé la journée à combattre le crime ? » A l’image d’une héroïne.