La vie est compliquée pour toi en ce moment. Il faut s’adapter, prendre sur soi et c’est certainement ce qui est le plus difficile. Serrer les dents et surtout garder espoir sur un résultat positif dans quelques semaines. Ta dernière année scolaire est mise en pause, si tu ne retrouves pas la vison, elle se terminera alors avant terme. Tu as décidé de ne pas te laisser t'abattre Julia, pour ça que t'as grimpé dans un taxi qui t'a conduit jusqu'à l'université. Tu en as marre de rester toute la journée enfermée entre les quatre murs de ton appartement, et puis il faut que tu t'exerces plus souvent avec ce bâton de marche qui pourrait être une arme dangereuse dans tes mains. Hors de la voiture, le sourire s'élargit parce que partout, on entendait les voix fuser de part et d’autre de cet endroit toujours aussi animé. Dépliant ton bâton, tes pas entament une marche lente et prudente. De l’extérieur, tu ne montres rien, faisant comme si le néant dans lequel tu es plongée, sont des vacances. Tu ne veux rien laisser paraître parce que tu as promis. Pourtant, toi aussi parfois la nuit, depuis cet accident, tu te réveilles à cause d’un cauchemar qui tourne en boucle. Tu as un peu de mal à accepter cette réalité. Et comme si ça ne suffisait pas, tout le long de la marche vers le hall, tu as senti une présence, tu ne sais comment ni pourquoi, mais tu ne t'es encore rien pris dans les jambes ou dans le visage. Première. Sûrement cette personne, ça ne peut pas en être autrement, alors une fois près des casiers que tu touches à l'aide du bâton, tu t'arrêtes. — Qui est-ce ? Je sais qu'il y a quelqu'un... Ce n'est pas normal de ne m'être encore rien prise dans la tronche. Rire qui s'échappe, mouvement de tête qui cherche à démasquer l'inconnu. Oreilles extrêmement tendues depuis tout à l'heure. C'est fou. La vie est vraiment un vrai mystère. Tu ne peux pas voir, mais tout est centré sur le reste de tes sens que tu ressens deux fois plus qu'avant.

L'été d'Ingvar n'avait pas été facil mais il espérait que ça irait mieux. Même si avec cette nouvelle de l'augmentation du loyer, le stress était à son comble. S'il avait été seul, il aurait mieux pris la chose. Mais avec deux enfants à sa charge, il ne pouvait pas se permettre de perdre son logement. D'infliger cela à ses enfants. Ils ne termineraient pas à la rue, il y avait son père et ses frères. Mais ce n'était pas une vie pour des enfants. Alors il cherchait tant bien que mal un petit boulot qui pouvait compenser cette augmentation. Alors qu'il entrait sur le campus de l'université, il vit une jeune fille qui se déplaçait à l'aide d'une baton. Personne autour ne semblait y faire attention. A plusieurs reprises, elle fut sur le point de rentrer dans des personnes qui ne se poussaient pas pour daigner lui laisser le chemin libre. Tous des égoïstes. Il avait donc décidé de se mettre pas très loin d'elle afin de l'aider. Il n'en dit rien car il connaissait sa réponse. Une femme dans le besoin souhaite généralement s'en sortir seule. Mais la voir ainsi lui faisait penser à son meilleur ami. Hélios. Il ne savait pas où elle allait mais il la suivait, évitant qu'elle ne tombe. Jusqu'à ce qu'elle arrive à son casier et qu'elle lui parla. Il sourit, passant une main à l'arrière de son crane. "Pardon - J'aurais du dire que j'étais là. Maintenant il se sentait bête. Il avait peur de l'effrayer par son silence. "Je m'appelle Ingvar - on s'connait pas. Mais j'pouvais pas te laisser seule. Non il n'avait pas pitié. C'était de la bienvaillance. "J'ai mon meilleur ami qui est malvoyant aussi, alors je connais - enfin si ça te dérange je peux partir." Bien qu'il allait la laisser au bout d'un moment. Il avait ses cours et elle, les siens. Ils ne devaient pas étudier la même chose, ni même être dans la même confrérie car il ne l'avait jamais apperçu.

Avant cet accident, l'inconnu t'attirait toujours, maintenant que tu as ce bandage sur les yeux, tu es constamment effrayée de ce qui pourrait t'arriver où te tomber dessus. C'est comme dans le taxi, tu as prié pour arriver à bon port, parce que si t'étais tombée sur un connard, il se serait sûrement servi de ton handicape pour te dépouiller. L'inconnu te fait flipper et pourtant te voilà ici, à refuser de baisser les bras. La voix se manifeste enfin, une voix d'homme alors ? Tu tends l'oreille pour écouter le garçon. — Enchantée Ingvar. Julia. Julia Steiner. Tends une main dans le vide, parce que tu ne sais pas exactement où il est. — Tu ne me déranges pas, t'sais. Merci vraiment d'avoir été bienveillant à mon égard. Sourire que tu lui offres, ça te dérange un peu de ne pas pouvoir connaître le visage de celui qui t'a aidé, mais c'est cool de pouvoir apprécier qui sait, quelqu'un sans en connaître son physique non ? — Ton meilleur ami, il l'est de naissance ou par accident ? Personnellement, j'ai perdu la vision, il a très peu dans un accident. Mais le médecin dit que mon cas pourrait être temporaire. Enfin, tu en sauras plus lorsqu'ils t'enlèveront le bandage.

Avant Hélios, il n'y connaissait rien. Maintenant grâce à son ami, il en savait un peu plus sur les moyens d'aider les malvoyants. Mais surtout, il était plus attentif. Bien que l'on pouvait facilement distinguer l'handicap de la jeune femme, pour d'autres personnes, l'handicap peut être moins visible. Ce n'est pas qu'il souhaitait jouer au super héros. Il souhaitait tout simplement l'aider, elle, qui semblait bien plus novice que son ami. "De même." Il lui sourit, même si elle ne pouvait le voir. Car il savait que si elle devait rester dans cet état, elle allait s'y faire à tout ce qui est non verbal. Hélios arrive maintenant à savoir quand Ingvar lui sourit, ou non. Avec le simple ton de sa voix. Il trouve ça fou d'ailleurs. "C'est normal." Parce qu'il est comme ça le Wayne, très gentil. Un peu trop le coeur sur la main des fois d'ailleurs. "Comme toi, un accident. Mais lui, il ne me semble pas que ça puisse s'améliorer avec le temps." Tout en voyant la jeune femme faire les choses, il tentait de l'aider. Le but n'étant pas de tout faire à sa place, mais bien de lui apprendre à faire avec ce nouvel handicap. "Il a du tout apprendre sur le tas ... Je suis sûr qu'il accepterait de t'aider si tu en as besoin." Il avait tout de même retenu que son état à elle pourrait rester temporaire. "J'espère pour toi que ça ira avec le temps quand même.

Il y en a très peu de nos jours, des garçons aussi gentils, aussi conciliant, qui offrent leurs services sans attendre quelque chose en retour. En-dehors de ton homme bien sûr. Parce que lui, évidemment qu'il est tout en haut de la liste et pourtant, ce n'est pas le plus facile à comprendre. Mais avec le temps, t'y arriveras. Parce que malgré tous ses défauts, tu l'aimes tout simplement. En-tout-cas, tu es heureuse d'avoir pu faire une nouvelle rencontre aujourd'hui. Et tu espères pouvoir mettre un visage sur l'homme qui t'a aidé, un jour, tu l'espères proche. — Ah, merde... Je suis désolé pour lui. Mais il ne faut pas qu'il perde espoir, les miracles existent vraiment. La preuve, tu es encore vivante et son ami également. — Je ne me laisse pas abattre, moi aussi, je suis en train d'apprendre, mais pour l'instant, je refuse de me mettre dans la tête que j'pourrais perdre la vue à vie. C'est inconcevable pour toi, c'est ce qui te permet de garder confiance et de te battre. — Je suis certaine de m'en sortir, je ne sais pas exactement quand, mais j'espère très bientôt. C'est frustrant de ne pas pouvoir voir. Comme là, de ne pas pouvoir mettre un visage sur celui qui m'a aidé. Tes pulpeuses donnent naissance à un large sourire tandis que tu t'adosses à l'un des casiers. — Excuse-moi si je te retarde d'ailleurs, tu devrais déjà être à ton cours ? Non ? À moins que tu sois un corps enseignant ?

L'époque dans laquelle vous vivez actuellement, est différente de celle d'avant où les choses paraissaient beaucoup plus simple, moins compliqué. Où les gens se protégeaient mutuellement, où l'égoïsme n'avait pas sa place. Et c'est bien dommage de ne pas pouvoir retrouver cette belle époque. — Tant qu'il ne baisse pas les armes, je croise les doigts pour qu'un jour, il trouve son miracle. Parce que tu sais qu'une fois que tu baisseras les armes, psychologiquement, s'en sera terminé. T'aimerais bien mettre un visage sur son prénom, et le garçon t'aide en te présentant deux prénoms. Ils te sont inconnus au bataillon. — Malheureusement, je ne connais aucun des deux, pourquoi ? Curieuse, comme toujours. — Je suis en dernière année de comptabilité et management + langue. Tu sais déjà ce que tu vas faire en sortant de cette université, mais tu as décidé d'aller jusqu'au bout, de terminer ton année parce que tu détestes quand les choses sont inachevées. — Non non, rien, merci. Normalement, je n'étais pas censée venir aujourd'hui, mais je m'ennuyais, alors j'ai décidé de passer faire un tour. M'habituer à marcher dans ces couloirs avec le bâton. Routine que tu seras obligée de supporter à partir de maintenant, jusqu'à ce que tu retrouves la vue.