je gare ma voiture le long de la route, près d'un très jolie chemin qui mène à la plage. boston semble désert à cette période de l'année, le plus gros des vacanciers ayant quitté la ville. lunette de soleil sur le nez, je sors de la ferrari, clé en main et je m'avance vers la petite promenade d'où on entend le cris des enfants. je te vois de loin dos à moi, entrain de contempler la mer. je m'approche, discrètement avant de me tenir à tes côtés. rassure moi, tu comptes pas m'annoncer que c'est les tiens ? que je dis en rigolant doucement, montrant d'un signe de la tête les trois gamins qui jouent dans le sable. salut que j'te dis en souriant faiblement quand tu te tournes dans ma direction. allez, c'est le moment de la révélation.

Première arrivée, tu parcours la plage lentement, les pieds dans le sable chaud, les sandales en main. T’as toujours apprécié venir ici, c’est même un des endroit préféré de ton chien. Le bruit des vagues à tendance à t’apaiser, l’horizon à t’hypnotiser. C’est ainsi que tu te retrouves assise sur un muret à contempler l’océan, perdue dans tes pensées. Évidemment tu ne l’entends pas arriver mais tu reconnais sa voix à ta droite. « Bah je savais pas trop comment te le dire… » que tu réponds avant de te tourner vers lui. Tu tombes sur deux gros verres opaques. C’est lui que tu veux voir. Sans trop d’hésitation t’attrapes ses lunettes pour les lui retirer. Enfin tu peux plonger dans l’émeraude de ses yeux, baigné par la lumière. Un sourire naît sur tes lèvres et c’est seulement quelques secondes plus tard que tu réponds. « Salut. » T’as l’impression que ça fait une éternité que tu ne l’as pas vu.  « Boston t’a manqué ? »

je rigole doucement à ce que tu me dis. je sais pas comment j’appréhenderais le fait de fréquenter une femme qui a déjà un enfant. je suis pas trop à l’aise avec l’idée d’être beau père. je suis clairement encore un enfant alors en gérer d’autres .. ouais non. de toute manière la question ne se pose pas puisque t’as été clair, toi et moi on est plus rien et jusqu’à peu, tu voulais même pas que je t’écrive. message reçu, j’ai ailleurs été étonné que tu m’écrives et que tu me demandes pour qu’on se voit. je m’attends au pire et je dois bien avouer que je ne suis pas vraiment à l’aise. face à moi, tu retires mes lunettes et je plisse les yeux pour gérer le soleil qui me brûle instantanément. je te regarde, toujours aussi belle, mais très vite mon regard dévie. j’ai pas envie de me plonger dedans, pas si c’est pour me dire que tu veux plus jamais me revoir. pas tant que ça j’ai même pas vraiment prévu de rester. je suis revenu pour qu’on ait cette conversation et ensuite je vais sûrement prendre un vol pour Londres. fuir, c’est bien.

Les pupilles fixées sur les siennes tu l’observes, le contemples et tu peux pas t’empêcher de te dire qu’il t’a manqué. Malgré ce qu’il t’a fait ressentir, malgré ce qu’il t’a caché, il t’a manqué et c’est ce qui t’effraie le plus. Il détourne le regard et tu l’imites, de nouveau tournée vers l’horizon. « Je comprends, moi aussi j’aurais préféré rester sous le soleil de l’Equateur. » Même si t’es pas vraiment sûre que ce soit pour ces raisons là qu’il ne veut pas rester à Boston, t’es sans doute la principale concernée. Tu prends une grande inspiration et tu souffles longuement. « T’as une idée de pourquoi je voulais te parler ? » Terminées les banalités, c’est l’heure de rentrer dans le vif du sujet.

t’es belle, tu m’as manqué, c’est indéniable. mais j’ai encore l’appréhension de ce qu’il s’est récemment passé. les jours passé à essayer de ne pas penser à toi, à me dire que c’était probablement terminé, que t’allais mettre fin au chapitre. j’étais de mauvaise humeur les matins, j’étais pressé de regarder mon téléphone quand j’avais un message, pendant que ce serait toi. j’ai peut-être merdé, même si je continue de penser que j’ai été honnête et que je comprends pas qu’on me le reproche. mon ego en a pris un coup, je me rends compte que je me suis attaché à toi plus que de raison et ça me fair chier. je voulais pas. j’imagine oui que je dis en regardant l’horizon. j’ai possiblement envie d’être ailleurs là quand même. parce que la situation me met mal à l’aise. puis tu dégoupilles la grenade. on entre dans le vive du sujet. arrachons le pansement rapidement. tu veux parler de toi et moi je dis pas nous, parce que tu m’as clairement fait comprendre qu’il n’y avait pas de nous.

Il fallait bien vous confrontez un jour ou l’autre. T’en as marre de lui parler à travers ton téléphone. Depuis que vous vous êtes « séparés », tu ne l’as pas revu, t’as pas eu la chance de discuter avec lui. Alors oui il y a eu tous ces échanges pas messages mais ça ne voudra jamais une vraie discussion en face à face. T’es contente qu’il soit rentré à Boston, et même si il repartait le jour même au moins t’auras pu lui dire ce que tu voulais, de vive voix. Les mains posés de part et d’autre de ton bassin, tes pieds nus que tu commences à faire balancer dans le vide. Tu mimes une insouciance que tu n’as plus depuis bien longtemps. « Ça m’a fait du bien de m’éloigner de toi et de partir de Boston. Ça m’a permis de me recentrer sur moi, sur ce que je pensais de notre relation, sur ce que je voulais pour nous, et surtout ce que je voulais pour moi. » Ton regard se détourne vers son visage parfait. « Tu m’as fait mal, très mal, et je l’oublierai jamais. Pourtant j’arrive pas à me décider à couper définitivement les ponts avec toi. Ma raison me dit de te larguer maintenant pour éviter de potentiellement souffrir une seconde fois, mon coeur me dit de voir jusqu’où ça pourrait aller nous deux.. Et toi, comment tu te sens ? »

je monte sur le petit muret pour venir m'assoir à côté de toi, je récupère mes lunettes de soleil de tes mains, que je remet sur mon nez parce que le soleil commence à me brûler la rétine. et accessoirement je ne préfère pas que tu puisses lire ce que je ressens dans mes yeux. j'aborde cette conversation comme une partie de poker, où je préfère arborer un masque qu'être lisible comme un livre ouvert. le début est assez désagréable à entendre. ça t'as fait du bien d'être loin de moi. très bien. je vois salive que j'avale dans un silence de plomb, juste les vagues comme musique de fond. j'pense que si t'arrives pas à me pardonner ça sert à rien. vivre un truc en ayant pas un minimum de confiance et en ayant pas pardonner c'est voué à l'échec. je préfère dire ce que je pense plutôt que juste te dire que tout va bien. mais je comprends, ma raison me dit aussi de tout arrêter maintenant. et d'un autre côté.. c'est compliqué j'y arrive pas hein, à te dire que mon coeur lui te veut. c'est plut fort que moi. j'ai l'impression de devoir faire un choix, j'ai l'impression de devoir m'ouvrir totalement je peux pas, je m'en empêche depuis tellement longtemps.

T’espères qu’il ne répond pas pour la forme et qu’il voit vraiment ce que tu veux lui dire. L’éloignement t’a fait du bien, t’en avais besoin. Autrement t’aurais pas pu prendre le recul nécessaire sur la situation et peut-être même que tu lui aurais plus jamais adressé la parole. « Le pardon et la confiance sont deux notions différentes. Si tu veux tout savoir, j’ai plus confiance en toi. Tu m’as caché des détails importants et ça a tout brisé. Si on tentait à nouveau quelque chose tous les deux, il va falloir que je réapprenne à te faire confiance et que tu me montres que je peux avoir confiance en toi. » Tu ne peux pas tout oublier sous prétexte que tu lui donnes une seconde chance, c’est impossible. Mais tu peux apprendre à vivre avec, et si vous faites tous les deux des efforts ça pourrait même fonctionner. « Comment ça c’est compliqué ? Explique moi Valentin, on est là pour ça. » T’as pas envie qu’il se braque, à vrai dire t’es même surprise qu’il le soit encore avec toi.

je ne saurais pas vraiment dire ce que ton éloignement m'a apporté. si ce n'est d'essayer de t'oublier dans les bras d'une autre et d'avoir fait des conneries. c'était quelques petits jours mais pourtant, j'ai la sensation que ça a creusé un fossé entre nous. l'impression de ne plus avoir grand chose à te dire, à me demander si j'ai le droit de te parler, comment je dois le faire. c'était juste pesant et désagréable. je déteste marcher sur des oeufs, avec moi c'est tout ou rien. j'ai jamais dit que c'était la même chose. j'dis juste que l'un dépend de l'autre. tu ne peux pas avoir confiance si tu n'as pas pardonné. et permet moi de te reprendre, mais tu me faisais pas confiance de base, donc tu peux pas vraiment dire que tu ne m'fais plus confiance. je soupire. j'suis toujours pas d'accord avec toi. j'ai été honnête, je t'ai dit ce que je ressentais pour Pia. pour toi c'était juste pas assez tôt. mais là tu penses qu'à toi face à ce que tu prends pour un secret. t'as pas pensé à moi dans les paramètres de ta réflexion mon regard qui se baisse sur mes mains que je ne peux cesser d'entortiller. ça me fait chier de parler de ça, ça me fait chier de m'épancher sur ce que je ressens. c'est ma meilleure amie depuis qu'elle est née. 24 ans d'une relation fusionnelle, sans limite de dévotion et de loyauté. quand on était gosse, j'avais hâte de finir l'école pour aller à l'hôpital et pouvoir lui parler à travers la bulle. quand mes parents voulaient me punir, j'étais privé de Pia. et quand je devais faire des voeux avant de souffler sur mon gâteau d'anniversaire, je demandais à ce qu'elle soit plus malade, quitte à ce que ce soit moi qui prenne sa maladie. je fronce les sourcils, toujours un peu douloureux de parler de ça, surtout maintenant qu'entre elle et moi, tout a changé. elle compte beaucoup pour moi, depuis des années. alors me rendre compte que ce que je ressentais c'était pas que de l'amitié, ça m'a chamboulé. je suis passé par pleins de phase. j'ai été en colère contre moi, j'ai été dans le déni, j'ai été triste aussi, j'ai tenté de négocier avec moi même. en fait j'ai vécu le deuil d'une amitié, parce que quand les sentiments se mêlent, on se doute que ça sera jamais plus comme avant. et au milieu de tout ce merdier que j'essayais de remettre en place dans ma tête t'as débarqué. avec ton sourire qui illumine une pièce entière, ton rire trop mignon, tes petites fossettes et ton caractère de cochon. je pensais que tu serais une distraction cool, une pote avec qui y aurait des moments chauds et voilà. je secoue la tête, prenant une grande inspiration avant de regarder l'horizon à nouveau. et puis t'as mis un coup de pied dans toutes mes certitudes. au fur et à mesure que je me battais avec ce que je me donnais le droit ou non de ressentir avec Pia, toi t'as fait ton petit chemin et t'as pris de la place. et je te l'ai laissé cette place. à toi. et personne d'autre. et quand j'ai vu un peu plus clair dans ce que je ressentais et quand je t'ai fait confiance à mon tour, quand je me suis laissé aller avec toi, alors je t'ai parlé de Pia. je t'ai pas menti ou caché des chose Giulia. j'avais juste besoin de temps. parce que te parler d'elle et de ce que je ressens, c'était pas te mentir à retardement, c'était justement te faire entrer dans ma vie.

 « Je commençais tout juste à te faire confiance. Alors non ce n’était pas une confiance aveugle mais il y avait tout de même quelque chose. Là il n’y a plus rien. » Dire le contraire serait un mensonge. Et puis il démarre un long monologue que t’écoutes très attentivement. T’en apprends sur son histoire avec sa meilleure, sur comment tu as changé la donne. Et plus il parle plus la rancoeur que tu pouvais avoir envers lui semble disparaître. Tu le comprends mieux. « Pourquoi tu m’as pas dit tout ça plus tôt ? J’aurais sans doute pas réagis comme je l’ai fait. » Et en même temps, aurait elle eu la capacité de l’écouter plus tôt. Il faut dire qu’elle lui en a terriblement voulu plusieurs jours. La moindre tentative d’explication aurait sans doute été rejetée. M’enfin bon, maintenant c’est fait et t’es contente de l’entendre.  « Je comprends que t’aies eu besoin de temps pour comprendre tes sentiments. Mais dans ce cas là pourquoi avoir accepté une relation exclusive avec moi ? Pourquoi tu ne m’as tout simplement pas dit que t’étais pas certain et que tu voulais attendre ? Parce que quand t’as accepté j’étais super heureuse, c’était la première fois depuis très longtemps que j’envisageai quelque chose de plus sérieux avec quelqu’un. Je t’ai choisi parce que je pouvais plus ignorer ce que je ressentais pour toi, ça allait au delà du sexe et j’ai décidé de lâcher prise, pour une fois. Tu te rappelles la joie, la satisfaction et surtout le soulagement que t’as ressenti quand il a accepté pendant le bal. T’avais décidé de te débrider, de vivre les choses à fond et de ne pas trop réfléchir. Pour l’instant ce changement de vie ne se passe pas très très bien… Au delà de ça, je suis contente que tu te sois ouvert à moi. Qu’est-ce que t’aimerai pour nous, pour la suite ?