Après les vagues qui ont eu lieu durant le repas, elle avoue se perdre quelque peu dans ses pensées, qu’elle a cette volonté de fuir cette tablée, les conflits qui ne sont pas les siens, Haiwee, elle préfère les éviter, elle rêverait presque d’ailleurs de se retrouver qu’en tête à tête avec l’étudiant, et elle en vient à se dire que les bals parfaits n’existent pas, qu’il y aura toujours des scènes même si ce n’est pas la protagoniste numéro une de ceux-là. Mais après tout est-ce que dans les comédies romantiques ce n'est pas le cas ? D’abord l’orage et puis la nuit se termine toujours par les retrouvailles de ceux qui apprennent à s’aimer.

Alors oui, malgré l’animation et les tensions, elle n’en est pas au point d’être dépitée, parce qu’elle se veut sereine et apprécie passer ce moment à ses côtés. Bien qu’il reste un léger point négatif dans les souhaits qu’elle aurait voulu, ce soir, réaliser. Néanmoins elle a beau connaître Sheng quasiment par cœur, il est vrai que ce qu’elle peut désirer c’est une chose qu’ensemble, ils n’ont jamais fait. En même temps, quand elle y pense, l’année dernière elle était plus occupée à lui cracher au visage ses sentiments plutôt que de profiter de ce verre qu’il lui avait apporté. Coupe qu’elle lui avait jeté dessus à la finalité… Un véritable échec. Subrepticement, elle en secoue la tête afin de chasser ses mauvais souvenirs, son cœur abimé, et se reconcentrer sur ses volontés.

Alors elle s’en revient à lui, pose ses prunelles sur son profil, s’arme d’un tendre sourire et ose lui proposer ce qui lui a brûlé les lèvres toutes la soirée. « Tu m’accordes une danse ? » à son oreille à peine soufflé, parce qu’elle craint, c’est vrai, qu’il refuse et face à toute l’assemblée elle n’est pas certaine de pouvoir le supporter. Dans l’attente de sa réponse, elle attrape sa flute de champagne qu’elle n’a pas terminée, justifie par ses gestes son niveau de stress. Être sa cavalière, c’est – du point de vue de l’amérindienne – un cap important, mais elle sait combien pour lui c’est délicat de s’afficher avec elle, de rendre sa possible affection officielle.

Dans son mouvement d’arbitrage, il marque un arrêt, et les secondes deviennent interminables pour la Haiwee. Son audace, elle ne la regrette pas, c’est si elle n’avait pas osé le lui demander qu’elle l’aurait fait, et parce que cette nuit s’approche de celle dont elle rêvait l’an passé, autant rendre son songe encore plus parfait.

Puis enfin, il met un terme à son attente s’apparentant à un bref supplice, lorsqu’il déplace sa chaise, est désolé et elle se mord les lèvres, contenant son amusement mais aussi le fait qu’elle est soulagée. Elle n’imagine même pas ce qu’elle aurait éprouvé, s’il avait refusé. « Viens. » Accélérant la chamade qui martèle son intérieur, il tend vers elle sa main, et parce que l’heure n’est plus aux hésitations, elle va poser sur cette dernière, la sienne. Se délectant de cette sensation d’électricité qu’elle ressent à chaque fois qu’elle peut le toucher.

Alors la brune dans sa robe immaculée se laisse guider jusqu’à la piste de danse, et elle en a conscience, à cet instant précis, plus rien d’autre dans ce monde n’a d’importance. Le rythme de la musique se fait plus lent tandis qu’elle s’amourache du sourire troublé que lui offre son amant. « Avoues que tu l’attendais celle-là. » Ses prunelles, elles se plongent naturellement dans celles de Sheng, un sourire doux sur les lèvres, le visage incliné comme pour mieux le contempler… « Oui, » elle assume, de toutes les façons, bien qu’elle ne mette plus de mot dessus depuis le bal de l’année dernière, son affection, ce n’est pas comme si elle parvenait à la cacher. Elle est là, aussi palpable qu’immuable, dans le moindre de ses regards, dans tous ses gestes…

A l’image de sa main, qu’elle va glisser autour de son cou, elle se veut assurer mais elle reste un brin maladroite à son habitude, c’est peut-être la faute de ce cœur qui bat trop fort, ça fait vaciller son attitude. Cependant elle n’en perd pas sa candeur, quand son pouce caresse sa nuque avec légèreté, elle s’aventure le timbre de sa voix rieur, liant sa paume libre à celle de son cavalier ; « mais je doute encore de tes talents. » de danseur, s’entend, car les autres sont nombreux évidemment. En réfléchissant bien, elle se devrait d’ailleurs de douter plutôt des siens… car il est vrai, que la Haiwee, avec un homme, aussi serrée, aussi intimement, n’a jamais dansé. Pour toutes ses expériences, elle espère qu’il sera toujours le premier.

Qu’importe s’il danse bien ou mal, elle est intimement convaincue que cet instant restera gravé en elle à tout jamais. Une de ces dates qu’elle ne pourra pas oublier. C’est plus fort qu’elle, elle est dotée de cette âme indubitablement romantique, qui apprécie cette relation aux saveurs uniques. Et la facétie étincelant toujours son regard, elle se laisse une nouvelle fois charmer par les mots qu’il sait manier. « Mmm, j’ai eu le temps de m’y préparer en un an. » C’est de manière spontanée que ses lèvres s’arquent en un sourire avant qu’elle ne lui souffle en riant, « Tu mens… » car après le bal de l’an dernier, après tout, ils ne devaient plus se parler. Elle qui l’avait quitté alors qu’ensemble ils ne l’ont jamais officiellement été. D’ailleurs, elle peine encore à croire qu’elle avait essayé de se détacher de lui, de le sortir de sa vie. Avant de réaliser que sans sa présence, son cœur en était beaucoup plus meurtri. Avant de prendre conscience de combien elle avait besoin de lui. Comme si… Comme si elle ne le savait pas avant ça, elle l’a su dès la première seconde, même si elle ne le dira pas.

Lorsque la paume de l’étudiant se faufile avec naturel sur la cambrure de son dos, elle accuse un bref frisson, à l’image de celui qu’elle éprouve chaque fois qu’il vient la toucher. Alors la mélodie vient parfaire leur aparté, sa caresse latente encore présente, par ses paroles elle se laisse surprendre, « Et j’sais que tu attends autre chose. » l’étonnement pare donc naturellement ses traits, ses sourcils légèrement froncés dans l’expectative de connaître le fond de ses pensées. Car si les choses qu’elle attend sont assez nombreuses, elle attend de découvrir le monde, d’en apprendre plus sur la vie… La vérité est qu’elle l’espère surtout lui.

Même si elle s’est jurée de ne plus jamais le lui dire, de ne plus lui donner l’occasion de lui abimer le cœur. Même si feindre l’ignorance semble être la meilleure solution, ils savent tous les deux le feu qui anime la brune à l’intérieur. Mentalement, elle s’essaie à énumérer ce à quoi il pourrait bien songer, elle se trouve déjà chanceuse d’être sa cavalière, de ne pas avoir été reléguée au second plan cette année. Heureuse qu’il ait accepté de danser, séduite par le fait d’être à son bras. Alors de se montrer plus gourmande, l’amérindienne n’oserait pas. Et tandis qu’il la guide, mène leurs premiers pas, elle interroge d’un murmure de voix, « Eclaire-moi. »