Avec quelques anciennes personnes du temps de là Eliott avec qui j’ai gardé contact, on a l’occasion de se retrouver, quelques-unes étant de passage par Boston. Tirée par quatre épingles, j’enfile ma plus belle robe de soirée, mes escarpins Valentino, veste en cuir par-dessus, et c’est en uber que tu arrives sur les lieux. L’endroit est sobre et chic comme on les aime. Sûrement les meilleures années de ma vie avec cette confrérie. Belles et élitistes, même encore aujourd’hui avec ce qu’on est toutes devenues. Femmes d’influences. Les talons qui résonnent sur le parquet, me dirigeant vers le bar pour commander un second verre, hésitant entre leurs meilleurs champagnes ou leurs meilleurs vin blanc. Un regard en coin, je t’aperçois là, avec des gens que je pense reconnaître comme étant des étudiants. Pas les miens. Etonnant de te voir dans un endroit comme celui-ci. Eyes contact, tu m’as repéré, le sourire fin et provocateur sur le visage quand je tourne mes prunelles vers le serveur qui prend ma commande. Finalement, j’opte pour un champagne. Assise, te tournant le dos. En dehors de nos habitations respectives, j’ai toujours refusé de te voir pour multiples raisons. Tu es un Dudley, j’étais une Pforzheimer, et nos classes sociales sont bien différentes. Entre autres. Je n’ai pas prévu de déroger à la règle. Encore moins avec les filles qui ne sont pas loin et qui attendent mon retour.

Il n'avait pas prévu de sortir, devait rester chez lui à réviser, mais finalement, tout ce soir commençait à lui prendre un peu trop la tête pour envisager rester enfermé dans son appartement toute la soirée. Les messages de son ex avaient finalement été la goutte de trop, provoquant c’est envie irrémédiable de jouer au con de la même façon. Il ne lui a pas fallu longtemps pour contacter quelques potes, trouver une soirée dans laquelle s’incruster. En identifiant l’adresse sur Google Maps, il remarque que l’endroit n’est pas de ceux qu’il a l’habitude de fréquenter, possède un standing qu’il est loin d’égaler par son statut social. A Harvard, toutes les classes sociales se fréquentent, mais s'affrontent également. Il ne le sait que trop bien, ayant plus d’une fois fait face au rejet à la vue de ses origines modestes. Il le sait Lyssandre, qu’il n’est pas le fils d’un grand avocat, médecin ou homme d’affaire, il le sait, qu’il n’est que boursier, et que sans son travail pour apporter une source de revenue supplémentaire, il ne pourrait pas se permettre d’étudier dans une des plus grandes écoles du monde. En ce sens, il regrette un peu les beaux-arts, le système éducatif français aux frais plus abordables. Mais il a aussi ce rêve, celui qu’il est sur le point de saisir, et pour lequel il a justement tant dépensé. Alors une fois n’est pas coutume, il va s’adapter à l’environnement, jouer des apparences. Il fera croire, comme beaucoup de ses potes, qu’ils sont familiers avec le luxe. En arrivant sur les lieux, l'illusion est parfaite. Ils se fondent dans la masse, adopte un comportement posé qu'ils ne garderont peut-être pas toute la soirée, mais qui pour le moment parfait les apparences. Des apparences au coeur d'une de ses relations, présente ce soir. Leur regard se croise, mais alors que les lèvres de Lyssandre s’étirent en un sourire charmeur, le regard de la jeune femme se detourne de lui, l’ignorant. C’en ait trop pour le jeune homme ce soir, et puisque la demoiselle voulait jouer à ça avec lui, il n’allait pas se laisser faire. Il s’éloigne du groupe qui l’accompagne, vient s’accouder au bar à proximité de la jeune femme, décontracté. « Es-tu vraiment sûre de vouloir jouer à ça ce soir ? » Parce que ce soir, il pourrait n’avoir aucune limite, il pourrait montrer sa faiblesse, à elle, face au plaisir malgré son statut social. Ce soir, il pourrait être un sale petit con et ne lui laisser aucune chance de sauver les apparences.

Dans ce bar, perchée sur mes douze centimètres de talons, les yeux doux au serveur avant qu’il ne se décide à me servir. Il n’a pas le choix, il sait que de son service dépendra son pourboire en plus. Les filles sont plus loin, en train de bavasser comme on le fait depuis tout à l’heure, se remémorant des souvenirs du passé et des pires coups qu’on est pu faire. Celles où on se conduisaient comme des reines pensant que tout nous ait dû. Et c’est toujours le cas aujourd’hui, on a le monde à nos pieds. Tout comme toi. Mon égo m’empêche de penser le contraire. Le regard qui se détourne quand nos yeux se croisent, le sourire fin sur les lèvres quand je sens ta présence à mes côtés. A la longue, je connais ce parfum par cœur, capable de le reconnaître entre mille. Le serveur qui ramène ma coupe de champagne, mon corps qui fait un quart de tour vers toi. « Et tu penses pouvoir faire quoi ? » Le verre qui se porte à mes lèvres goutant son élixir. « On aura d’autres occasions de jouer ensemble. » que je souffle discrètement à ton oreille alors que je m’apprête à tourner les talons pour aller rejoindre les anciennes Eliott. On va finir par m’attendre et se poser des questions si je reste ici. « Bonne soirée Lyssandre. » Mes yeux dans les tiens, lisant le côté sombre et joueur dans tes prunelles. Pourquoi j’ai l’impression que ça ne va pas s’arrêter là ?

Même si c’est superficiel, il connaît assez Electra pour savoir qu’elle n’est pas du genre à s’afficher avec n’importe qui, encore moins quand elle est en compagnie d'autres princesses du même acabit qu’elle. Puisqu’il suffit d’un rapide coup d’oeil de l’autre côté de la pièce pour remarquer que de nombreux regards se sont braqués sur lui à l’instant même où il s’est posté à côté d’elle. Et bien qu’il agisse pour le moment sobrement, laissant à la jeune femme la possibilité de sauver les apparences, il sait que de part et d’autres de lui, leur échange sera attentivement scruté. Alors il se montre digne, joue le gentleman, lui qui n’a aucune réelle notion des bonnes manières ou du savoir vivre. Lui qui n’a connu aucun luxe dans sa vie, si ce n’est pour s’accorder une éducation digne de ce nom. Et encore…

La question de la blonde lui fait afficher un léger sourire mesquin, presque sadique. Oh, les idées ce n’est pas ça qui manque dans l’esprit de Lyssandre, et il y en a bien deux ou trois qui pourraient se mettre très rapidement en place. « Tu me sous-estime. » Constat simple mais dangereux, parce qu’elle pourrait le regretter la blonde. Mais elle ne semble pas le prendre au sérieux, glisse de son siège avec élégance pour se redresser, dominant presque l’étudiant sur ses talons hauts. Elle met fin à leur conversation, fin à leur soirée, du moins le croit-elle. Lyssandre lui n’est pas d’humeur à s’arrêter là, encore moins maintenant qu’elle aussi l’a provoqué. Il attend son verre, retourne auprès de ses amis qui, curieux, l’interroge sur la blonde. Il n’a même pas besoin de provoquer quoique ce soit pour initier son plan. « C’est une cliente régulière de la boutique. Elle veut faire un plan à plusieurs, mais elle n’a jamais su vers qui se tourner. Mais elle vous aime bien. Elle aimerait bien que vous alliez l’aborder d’ici un verre ou deux, être plus à l'aise d'en parler. » Les regards sont incrédules, mais rapidement, les sourires s’affichent. Voilà comment faire pour que d'ici quelques minutes, quatre ou cinq mecs ne veuillent pas la lâcher. Et connaissant ses potes, il savait qu’ils allaient être sacrément lourds.

Tu me sous-estime. Le début d’un nouveau jeu pour toi. Sauf que là, je n’ai pas envie de jouer. Les règles, je les impose, tu les suis. Il n’a jamais été question tu changes les règles de ce jeu-là. Et il n’est pas question que je te laisse faire également. Je te souhaite une bonne soirée, ne laissant que le bruit de mes talons qui s’éloignent en guise de conclusion. Retrouvant mes amies, mais toujours en te regardant du coin de l’œil. Méfiante. Et je sens intérieurement que j’ai raison de l’être. Des regards appuyés, des sourires en coin que je reçois venant de ta table. Ça ne m’amuse pas. Mes amies n’allaient pas apprécier non plus ce qui va se passer.
Quelques verres plus tard, baissant deux secondes ma garde, on se retrouve vite avec entourer de ces visages que je ne connais pas. « Alors comme ça on cherche des mâles en quête d’aventure ? » que j’entends à mon égard. Les regards qui se braquent sur moi, l’une d’entre elles qui menace d’appeler la sécurité s’ils ne nous lâchent pas. Sombre sont mes yeux quand je te regarde au loin, appréciant le manège que tu as mis en place. « Franchement, vu ta dégaine, même droguée, aveugle, et que tu sois le dernier mec sur cette planète je ne voudrais pas de toi. Alors dégage. » terminant mon verre d’une traite avant de me lever de cette table. « Encore un élève qui n’a pas apprécié la mauvaise note que je lui ai mise, c’est ridicule, je reviens. » que je désigne en te montrant du doigt histoire qu’elles comprennent que tout ça n’est qu’un manège. La furie que j’suis arrive vers toi, t’attrapant par le bras pour arriver dans l’une des arrière-salles du bar, connaissant l’endroit par cœur pour y venir régulièrement. « A quoi tu joues là ? Si tu es autant en manque d’affection, achète-toi un chat. » Proche, sûrement trop, plaqué contre ce mur dans cette salle vide, les mots sont sifflés telle une vipère. Mauvaise et à la fois animée par la soirée.

Il sait que c’est une règle tacite entre eux, mais il n’a pas envie d’être ignoré ce soir Lyssandre. Il n’a pas envie que la blonde le traite comme un moins que rien, il n’a pas envie de faire semblant, d’être rejeté pour ce qu’il est. Il a envie Lyssandre, qu’on l’accepte tel quel, d’obligé la jeune femme à faire tomber le masque au moins une fois et d’assumer que tout les plaisirs ne résultent pas d’un statut social, d’une richesse matérielle que l’étudiant ne peut prétendre. Alors oui, elle le sous-estime Electra, quand elle pense qu’il va s’arrêter là, qu’il va laisser couler comme il le fait d’habitude. Il l’a mise en garde, et elle aurait dû le prendre au sérieux.

De retour au milieu de ses potes, il met son plan à exécution, vend les désirs imaginatifs d’une sublime blonde à des étudiants toujours en manque de ce genre d’expérience. Il connaît suffisamment les énergumènes avec qui il traine pour savoir que l’information ne sera pas ignorée. Un verre, deux verres, trois ou peut-être quatre, et les choses viennent d’elles même se mettre en place. Il ne bouge pas d’un poil quand ses amis, eux, se lèvent pour rejoindre le groupe de la blonde. Il les regarde faire de sa place, continuant à siroter son verre sans rien perdre du spectacle. Car il peut très bien voir, d’où il est, que la jeune femme n’apprécie pas ce petit jeu et ça lui suffit amplement. Ce qu’il n’avait pas prévu cependant, c’était le retour de flamme quasi immédiat que s’apprête à lui infliger la blonde. Son bras saisi, il n’a pas d’autre choix que de la suivre s’il ne veut pas faire d’esclandre. Il se laisse alors entraîner par la jeune femme qui l’éloigne du reste de la foule, les conduits à l’écarts des regards et oreilles indiscrètes. « Tu aurais dû m’écouter tout à l’heure. » Peut-être qu’elle aurait dû, effectivement, pour ne pas énerver le brun, mais quelque part, il est sûr qu’elle y trouve également son compte et trouvera un moyen d’y prendre du plaisir. Il l’attire contre elle, laisse son corps effleurer le sien. « Mais ose me dire que le jeu ne te plait pas, que ça ne te fait rien de te retrouver ici avec moi, alors que tes potes et les miens ne sont pas si loin. T’aimes ce genre de jeu Electra, c’est justement pour ça que tu couches avec moi. » La main de Lyssandre glisse le long des courbes de la jeune, remontant de sa cuisse jusqu’à son cou, effleurant sa poitrine. Ses doigts viennent se glisser dans la chevelure blonde de la jeune femme tandis que ses lèvres fondent sur les siennes. Il lui plait ce jeu à la blonde, il en est persuadé.

Au jeu de la garce, je suis la meilleure, et ça a toujours été comme ça. Et ce n’est pas un mec comme toi qui va changer les règles de ce jeu. Cet attroupement, ces mecs lourds, supposément tes amis. Tu vaux tellement mieux que ça que ce genre de coups bas. Mais apparemment tu décides de vouloir jouer dans la cour des grands. Ce lourd rembarré, qui n’aura plus que sa main droite pour se faire plaisir ce soir, le pas lourd et charger de colère qui fonce droit vers toi. Ton bras que je tire pour mettre les choses au clair, pas question que je laisse la chose passer comme ça. Tu n’as pas le droit de gagner. A l’écart de tous, un coup d’œil sur tes amies qui sont à des années lumières de savoir ce qu’il se passe là, pensant juste à un règlement entre professeur et son étudiant. « Tu sais très bien que non. » Le petit rire sarcastique qui se faufile entre mes lèvres alors que je t’écoute. « On ne joue pas dans la même cour Lyss.. » Prénom que je ne finis pas, couper par le frisson que m’arrache tes doigts sur ma peau. Electrisant. Tes doigts qui se glissent dans mes cheveux, le contact de tes lèvres d’abord timide avant de réaliser le dessus que t’as sur moi. Les mains qui se plaquent sur ton torse, te poussant un peu plus violemment contre ce mur. « Ne recommence plus jamais ça, t’as compris ? » Le regard plus sombre te fixant, l’épiderme brûlant, tout mon être trahie ce qu’il se passe là maintenant. Inversant les rôles, mes yeux descendent sur tes lèvres, l’intérieur de ma joue qui se mord presque à sang. Irrésistiblement dangereux. Fini la douceur et la timidité quand mes lippes saisissent de nouveau les tiennes, cherchant ta langue pour les faire danser ensemble. Fiévreuse, réclamant plus à chaque secondes.

Elle pense qu’ils ne jouent pas dans la même cours la blonde, mais elle se trompe. Lyssandre, il n’a pas peur de se brûler les ailes, il n’a pas peur de franchir les limites. Ce qu’il vient de faire ce soir, ce n’est qu’un infime aperçu de ce dont il est véritablement capable. Alors elle peut le prendre de haut, continuer d’agir comme si elle lui était supérieure, mais il n’allait pas se laisser faire pour autant. Il allait assumer de la provoquer, assumer de la faire plier à ses désirs. Ses doigts effleurent les lignes de la belle, profitant de l'intimité qui leur est offerte pour faire ce qu’ils ont toujours fait ensemble. Jouer avec l’interdit. Il plante son regard dans le sien, étire ses lèvres avec un soupçon de mesquinerie. « Sinon quoi ? » Il ne voit pas ce que la jeune femme pourrait bien faire qui pourrait le déranger. Après tout, lui se fiche de s’afficher avec elle, lui n’a aucune réputation à défendre.

Sinon quoi ? Ce regard, cette défiance dans tes yeux. Elle m’exaspère, autant qu’elle me plait. Tu n’as pas le droit, tu le sais. Ce temps est limité, nous le savons tous les deux. Et j’aimerai me défaire de cet instant. Mes jambes refusent de bouger, ancrés dans le sol par l’effleurement de tes doigts. Frisson perceptible, un instant, je hais ce corps qui parle pour moi. « Sinon tu vas le regretter. » Sans aucun arguments, la voix qui lâche doucement, moins de conviction. Je le sens, pourtant, je m’accroche encore à cela. Il ne faut pas moins d’une dizaine de seconde, d’un long regard appuyé pour finir de laisser tomber cette barrière entre la haine et le désir.