Qu’on le veuille ou non, à chaque fois que l’on évoque notre couple ou même notre relation, une trainée de mélancolie suit chaque moment et chaque beauté. Dans ses bras, j’ai l’impression d’être à ma place mais lorsque sa place dans le lit sera froide, j’aurais l’estomac à l’envers et les paillettes ne brilleront plus autant. C’est un peu comme celles dans ces yeux, qui se ternissent à chaque fois que Juliet fait une connerie et le blesse un peu plus. Il essaye de se battre pour elles, de tout faire pour être le meilleur père qu’il faut pour sa fille mais si elle n’y met pas du sien, rien ne pourra les sauver. Je sais que c’est pour elle qu’il reste plus que pour Sienna et la dégradation constante de leur relation me tire le cœur. Je sais qu’il n’y survivra pas. Il a déjà perdu Aladiah, ce n’est pas pour que Juliet devienne un fantôme dans sa vie. Si jamais je peux t’aider, tu me dis et je ferai mon maximum pour la faire parler… Mais je n’ai malheureusement pas de solutions miracles. Nous avons toujours eu une relation plutôt fluide et ouverte avec Lola que je pense qu’il va nous falloir des années avant d’être au pied du mur comme les Blackburn. J’espère que ça n’arrivera jamais parce que je ne pourrais pas m’en remettre mais ça, je me garde bien de le dire à Cameron. Ce que je dois faire, c’est apaiser sa peine et peut-être que de changer de sujets de conversation l’aidera à penser à autre chose. Laissons les Blackburn où elles sont et pensons à notre couple, à la manière dont nous pouvons passer du temps ensemble. On croirait Romeo et Juliette, deux gamins provenant de deux familles ennemies qui doivent trouver mille et une manières de s’épouser pour enfin s’imposer à leurs parents. Nous ne saurons jamais aussi dramatiques mais peut-être que l’on devrait être un peu plus ingénieux. Là-dessus, je peux compter sur le cerveau de ma meilleure amie. Je ne sais pas… Peut-être parce que je n’ai pas grand chose à faire à une conférence sur la chirurgie plastique ? Mais avec mes nouvelles ambitions professionnelles, tout entre dans les cases. Ce n’est même pas pour mes collègues que je cherche ces excuses mais pour lui. Ce qui le touche et l’atteint me touche et m’atteint par prolongation. Je refuse de lui faire mal d’une manière ou d’une autre. Tu crois que je peux clouer tout le service des urgences à Boston parce que je serai absente ? Que je lance en riant légèrement. Et toi, tout ton service. Il en faut des mains pour remplacer les tiennes après tout… Je parle bien d’un point de vue professionnel mais aussi personnel. Il n’y a rien ni personne qui pourra se rapprocher de son toucher et de ce qu’il me procure. C’est impossible. Un sourire se dessine sur mes lèvres quand il parle du temps qui a passé depuis son dernier voyage à Paris. Quelque chose qui sera là pour nous et rien qu’à nous. C’est difficile de se faire des souvenirs personnels dans notre situation, devant se contenter de moments volés et de souvenirs partagés. Un rire s’échappe de mes lèvres quand il m’attire vers lui et m’embrasse et je me glisse doucement sur lui. Mes cheveux tombent en cascade autour de son visage et je me détache de lui, souriant. On est dans notre cocon, dans notre petite pièce, cachés des yeux extérieurs, bien qu’il n’en y ait aucun. Tu nous as réservé ça dans quel quartier ? Que je demande, curieuse. Je m’y vois déjà, petite robe sur le dos, une paire de talons - ou de baskets selon le programme du jour - à batifoler dans les rues de la capitale française, de la ville de l’amour. Il faut absolument que l’on monte à Montmartre. Et que l’on aille au pont des Arts. Pour y laisser, tels deux adolescents, un cadenas avec nos initiales dessus. Et que dirais-tu d’un dîner sur la Seine pour fêter ton anniversaire en avance ? On sera tranquille en plus. Je sais que l’on fera notre maximum pour faire quelque chose ici aussi mais ça sera dedans la retenue. Je ne pourrais pas l’embrasser dans les rues de la ville, lui donner la main et lui chanter ‘joyeux anniversaire’ avec une bande d’inconnus. J’embrasse ses lèvres et souffles Je veux que l’on passe les meilleures vacances possibles. De celles dont on se souviendra toujours, celles que l’on racontera à nos enfants un jour ou l’autre. Si tenté que nous en ayons un jour… Mais je l’espère, au plus profond de mon coeur.

Je me sens complètement impuissant avec Juliet, comme j’ai pu l’être avec Aladiah, malgré mes études. Des années d’études de médecine, couplées aux plus grands spécialistes du pays, n’ont rien pu faire pour sauver la deuxième. Quant à la première, j’ai été un piètre père pour elle ces dernières années. Ce n’est pas faute d’avoir essayé d’être là, de lui répéter à quel point je l’aimais, mais le fait que j’ai choisi de privilégier ma carrière à ma propre fille. Lorsque je n’étais pas à l’hôpital au chevet d’Allie, j’étais au MGH à tout faire pour devenir chef de service, n’accordant que des moments volés à mon ainée. Et si je répétais le même schéma avec Daisy, en ne lui offrant ma compagnie qu’à petite dose ? Les relations sont loin d’être comparables sur certains points mais sur d’autres… Je sais que nous risquons de foncer droit dans un mur. Je sais mon coeur, merci. Le fait qu’elle soit toujours aussi proche de Lola me rassure, je me dis qu’elle ne peut pas avoir dévié tant que ça du droit chemin. Parce que Lola est bien trop intelligente pour l’accepter, non ? Je n’en ai pas la moindre idée, en vrai. Les choses qu’on fait par amour ne s’expliquent pas toujours et ces deux-là sont inséparables depuis des années. Bien plus que moi, c’est Lola qui a été présente pour soutenir ma fille dans chaque étape difficile de sa vie, et inversément, même si par chance l’une a été plus épargnée que l’autre. Mais Juliet était là pendant le divorce, je ne compte pas le nombre de nuit qu’elle a pu passé chez Daisy à l’époque afin d’être là pour Lola. Ce n’est pas faux mais il y a d’autres conférences auxquelles nous pouvons nous rendre et qui seront plus facilement justifiables, tout au long de l’année. Seulement, je ne veux pas y réfléchir en avance car cela sous-entend également que je ne vois pas notre couple prendre vie sous l'œil du public pour les mois à venir. Malheureusement, j’ai du mal à le voir, mais ça je me refuse à le lui dire. Sienna ne semble pas aller mieux et j’ai du mal à penser que les choses changeront dans un futur proche. Bien sûr que tu peux, tu n’es pas cheffe pour rien. Je souris, mes doigts remontant doucement le long de ses jambes jusqu’à venir glisser sous son haut et caresser son abdomen pour appuyer ses dires. La plupart sont allés à la convention au Texas en mars et en mon absence, ils vont se battre pour gérer le service plus qu’en profiter pour partir également. La bataille est inutile car mon choix est déjà fait, il est le même à chaque fois que je m’absente car je ne fais pas confiance à beaucoup de monde. On est à Saint-Germain-Des-Prés. Et bon dieu que je galère à le prononcer. Je me suis dit que la vue sur la Tour-Eiffel était clichée et j’avais adoré ce quartier. J’espère ne pas avoir fait d’erreur mais l’hôtel Pont-Royal est plutôt bien noté et m’a été conseillé par un ami français, il sera donc le grand coupable si Daisy n’est pas satisfaite de mon choix. On fera tout ce que tu as envie de faire. La seule chose sur ma liste est de te rendre heureuse. Pour quelques jours et, à terme, pour la vie je l’espère. On peut se balader à Montmartre, rester au lit toute la journée, ou se poser pour prendre un verre sur les Champs Elysées, tout me va pour tant est qu’on ne se quitte pas des vacances. Je hoche la tête, lèvres pincées, lorsqu’elle me dit qu’elle souhaite passer les meilleures vacances possibles, comme si c’était les seules que nous n’aurons jamais. Ça me fait mal mais je comprends qu’elle n’y croit plus autant qu’au début. Je te promets que ce sont les premières d’une longue liste. Je compte lui rappeler chaque jour qu’il y a un futur pour nous écrit quelque part, je n’abandonne pas l’idée.

Quand on est une maîtresse - et pas d’école, on s’entend - il faut faire des concessions. C’est difficile pour moi, de plus en plus, mais je n’ai pas d’autres choix que d’accepter, que de me rendre disponible quand il l’est aussi. Je n’ai pas de mari qui m’attend le soir alors si je ne rentre pas, il n’y aura que ma fille qui s’en rend compte et encore. Elle ne fait pas franchement attention à ce que je lui raconte et tant qu’il y a à manger dans le frigo et que je suis là quand elle a besoin de moi, ça lui suffit. C’est difficile de la voir grandir et devenir de plus en plus indépendante mais je suis fière d’elle, il n’y a pas à dire. Elle est tout ce que je voulais qu’elle soit alors je sais que même si je ne vis pas ma vie de la manière la plus morale qui soit, je n’ai pas foiré avec elle. C’est donc sur ma relation amoureuse que je dois me concentrer. J’embrasse les lèvres de Cameron de temps à autre, déposant ces baisers comme d’un gage de fidélité et d’amour, comme pour lui prouver que je suis là pour l’aider à travers cette nouvelle tempête qui gronde devant lui. ​​Je compte trouver toutes les conférences qu’il y a à trouver, je te préviens. Je ris légèrement. Je sais bien que certaines ne seront pas acceptées ou remboursées, qu’on me dira que ça ne correspond pas à mon cursus, à ma spécialité mais je m’en fiche. Les excuses pour passer du temps avec Cameron, je les trouverai. Je sais que je dois être créative et inventive. Ce n’est pas ma qualité principale mais si je veux passer du temps avec lui, je n’ai pas le choix et je l’accepte pleinement. Je ne me contente pas des miettes que Cameron me donne mais essaye vraiment de lui montrer ce que pourrait être sa vie s’il venait à quitter Sienna pour moi. C’est cruel, je le sais, mais c’est ce que j’espère dans tous les cas : qu’il quitte sa femme. Mais avant cela, nous avons des moments à vivre, en commençant par Paris, la ville des amoureux. Donc c’est un quartier plutôt romantique ? Que je demande, ne sachant absolument pas de quel quartier il parle. Ton accent est super sexy. Je vais te faire parler français dès qu’il faudra commander quelque chose. Je souffle ces mots avec un large sourire sur le visage. Cet homme finira par me rendre folle tellement il est beau, sexy, me fait démarrer au quart de tour et m’excite avec la moindre de ses actions. Il est parfait et j’aurais tellement aimé le rencontrer autrement que via les filles. Nos vies auraient été différentes, il n’y aurait pas eu Lola, Juliet et encore moins Aladiah, mais nous aurions pu nous aimer au grand jour et c’est tout ce qu’il me faudrait pour être heureuse. Je sais bien que la vie aurait complètement été différente et peut-être que nous nous serions détestés mais je n’y crois pas. Cameron est mon âme sœur, il n’y a qu’avec lui que je me sens moi-même et n’ai peur de rien. Je t’aime. Que je souffle en français, contre ses lèvres. Une main dans ses cheveux, je caresse son crâne et embrasse son nez, chacune de ses paupières et à nouveau ses lèvres, avant de finir sur la partie qui ne s’arrête jamais chez lui : son cerveau - enfin son front. J’ai l’impression d’avoir quinze ans à nouveau… Je souffle cela avec un rire. Cacher mon petit-ami, ne pas en parler à ma mère, le faire entrer dans la maison comme un voleur alors qu'ils l’adoreraient. Il m'aide à vivre ma seconde jeunesse, celle où je suis une adulte responsable et jouis des plaisirs frivoles de l'adolescence. C'est le deal parfait. Il n’y a plus qu’à espérer qu’il ne nous arrive pas ce qu'il m’est arrivé lors de mes quinze ans : tomber enceinte. Tu m’emmèneras où après Paris ? Quelles sont les villes que tu as envie de visiter ? Avec moi, cela va de soi. Pas avec sa fille, pas avec sa femme mais bel et bien avec sa maitresse, avec la garce qui l’aide à tromper sa femme.

Même si je ne le montre pas, je suis conscient de la chance que j’ai d’avoir Daisy toujours à mes côtés à ce jour. La cheffe des urgences s’est montrée plus que patiente et compréhensive ces dernières années et si elle le fait, je sais que c’est par amour pour moi. J’aimerais pouvoir lui rendre la pareille et lui prouver qu’il n’y a plus qu’elle dans mon coeur meurtri mais pour l’instant, j’en suis tout bonnement incapable. J’ai les clés de notre relation en mains, tout comme je possède les clés de la cage dans laquelle je me suis enfermé, sans être prêt à en sortir. Ce n’est pas ce que nous pourrions devenir qui me fait peur mais plutôt tout ce qu’impliquerait un divorce, notamment pour ma fille. A ce stade, je ne serais même pas surpris que Juliet se contente de hausser les épaules si je venais à lui annoncer une séparation entre sa mère et moi, mais il y a aussi la possibilité que ma fille s’écroule complètement. Je refuse d’être celui qui vient détruire le peu qu’il lui reste et malheureusement, ce n’est pas le genre de situation où j’ai l'opportunité de prendre les mesures pour me faire une idée de sa réaction. Quant à ma relation avec Daisy, je sais qu’elle lui sera très difficile à digérer et à accepter, surtout si elle venait à découvrir que celle-ci n’est pas récente. Je ne sais pas comment Lola réagirait de son côté mais je suis certain que les filles feraient front ensemble, hors c’est la dernière chose que Daisy et moi souhaitons. Je te suivrai, tu le sais. J’embrasse ses lèvres et continue de caresser sa peau. Combien de temps avons-nous devant nous ? Car il faut être réalistes, nous ne tiendrons pas éternellement cachés, dans cette double vie. Je fais du mal à la femme que j’aime et je suis épuisé par les mensonges, même si je n’ai que rarement à justifier de mon emploi du temps auprès de Sienna. C’est peut-être l’habitude de me savoir à l’hôpital 75% de mon temps depuis toujours, ou un désintérêt total de sa part me concernant. Tous les quartiers sont romantiques à Paris, je pense. Mais oui, bien plus romantique que le quartier où a lieu la convention. Nous avions d’ailleurs l’option de rester sur le lieu de la convention mais je n’ai pas eu envie de prendre le risque de me retrouver dans le même hôtel que certains collègues ou membres du corps médical que j’ai pu rencontrer dans le passé. Au final, c’est une masquerade plus qu’un réel intérêt même si j’aurais énormément à y gagner sur le plan professionnel à participer. Je parle un petit peu français. Dis-je, toujours dans un accent approximatif. On remercie les cours de latin et de français pris avant l’université, qui m’ont bien servi par la suite. Je n’ai malheureusement pas pu continuer, mon programme étant plus que charger sans avoir à y ajouter des cours de langues, mais j’ai gardé quelques bases - et par là, j’entends vraiment le stricte minimum. Les yeux fermés, mon cœur bondit dans ma poitrine à chacun de ses baisers. Un jour ou l’autre, je vais finir par tout plaquer pour cette femme sans me soucier des conséquences. J’ai aimé Sienna de tout mon coeur nos premières années ensembles mais ce premier amour n’a rien de comparable avec l’amour que j’ai pour Daisy à ce jour. J’ai toujours le sentiment que mon cœur peut exploser à tout moment en sa présence et qu’il se brise à nouveau en mille morceaux lorsque je la quitte. J’ignore comment mon organe tient encore le coup après tout ce qu’il a pu subir et que je continue de lui faire subir au quotidien. Dans le bon sens ? Car ce n’est pas facile d’avoir quinze ans et si Daisy rit, je ne suis pas certain qu’elle trouve sincèrement nos petites cachoteries drôles. J’ai toujours rêvé d’aller au Japon mais je n’ai jamais pris le temps pour un long voyage. J'aimerais aussi faire un safari en Afrique. Mais ces options ne sont pas envisageables tant que nous n'assumons pas cette relation au grand jour. Beaucoup plus proche et réalisable, j’adore Vancouver. Si je devais quitter Boston, ce serait sans doute pour le Canada. Et toi ? Quelles villes te font rêver ? Qu’elle me souffle des idées afin que je puisse la surprendre à l’avenir.