Une seconde encore elle reste sans bouger après l’avoir aussi facilement accusé, tandis que c’est coupable qu’il vient plaider. Alors dans les commissures des lèvres de la Haiwee se dissimulent un sourire satisfait. Coupable, bien sûr qu’il l’est, de tous les maux que peut ressentir la brune, les bons tout comme les mauvais.

Alors la tortionnaire observe encore son cobaye quand, craintif, il vient demander, « Ça veut dire que tu ne vas pas continuer ? » L’arc de ses lèvres n’est plus caché, parce qu’elles s’étirent sans qu’elle ne sache le contrôler. Evidemment qu’elle va continuer. « T’as appris çà là-bas aussi ? » Légèrement les sourcils de l’étudiante oscillent, elle l’interroge de manière taciturne, avant de pencher le visage sur le côté, s’en retourne à l’œuvre qu’elle avait commencé, « A prendre soin des hommes blessés ? » même si elle se doute que c’est une référence à ce qu’elle vient d’arracher qu’il fait référence. Deux doigts, elle devient plus délicate lorsqu’elle repose ses empreintes sur lui, qu’elle contemple les égratignures infectées, « Bouges-pas, » qu’elle intime alors qu’avec la pince, elle soulève un bout de peau contaminée, de son autre main, récupère le flacon, pour déverser au-dessous le désinfectant, recouvrant la couleur blanchâtre synonyme de l’infection. Inondant l’entièreté de son avant-bras à la finalité, l’acte d’un rictus, paraphé. « on apprend à être sages et dociles, » ça c’est une chose qu’il a, de nombreuses fois, eu le loisir de le constater, « mais je ne suis pas comme toutes les filles, alors… » alors la Haiwee a appris les deux côtés, la connaissance des femmes et la force des guerriers.

Tandis qu’elle est focalisée sur les réactions de son derme, les songes de son esprit voguent en direction du Wyoming, de la Wind River et de son enfance si éloignée de cette réalité, mais dont elle porte encore les marques avec fierté. Ce sont des discussions qu’ils n’ont tous les deux que très peu souvent, et peut-être qu’elle conserve les détails précieusement, comme on garde un secret. Par crainte aussi d’être trop en marge et qu’il s’en vienne à la rejeter, s’il savait à quel point leurs mondes sont opposés. C’est un choix qu’elle a fait pour ne pas différer à l’excès, tout en gardant en elle ce qu’on lui a inculqué.

Perdue dans ses souvenirs et autres réflexions, elle pose la pince à épiler en équilibre sur le rebord lorsqu’il articule son désir de précision. « C’est-à-dire ? » Elle ignore le comment du pourquoi mais ça la fait sourire. « Parce que tu es la fille d’un chef ? » Elle hoche la tête par la positive, inclinant le visage vers le sien, elle approuve avec simplicité, « C’est ça. » Le sourire trônant sur ses lèvres s’étire à la faute des sentiments qu’elle éprouve pour lui et la douceur qui maintenant l’anime, « On m’a accordé une part de l’éducation que l’on réserve aux garçons. » et sur la plaie, elle tamponne avec une compresse, sans appuyer vraiment afin d’éponger le sang et la pyorrhée amalgamés. « Tu serais étonné de voir ce que je sais faire. » Elle n’est pas de nature prétentieuse, il le sait, mais elle n’a pas réussi à se retenir de le lui préciser. Même si quand elle le reconsidère intérieurement, dans le quotidien de l’étudiant qu’elle partage depuis bientôt deux ans, ces dons, ils ne sont probablement pas importants.

A chaque fois qu’elle éponge les marques de ce concert durant lequel elle a failli le perdre, elle use d’une intense tendresse, de ses premiers mouvements, le parfait inverse. Elle s’applique en essayant de ne pas le faire sursauter, et reste, quelque part, perdue dans les aléas de sa mémoire. « Si ce n’était qu’un début, j’suis curieux de voir le reste, » d’une œillade en un claquement de doigts, elle entend ce qu’il désire évoquer, une volonté, parce qu’elle le connait, quasiment palpable.

Alors oui, elle répond à son sourire, éprouvant dans son ventre cette délicieuse sensation, celle de l’indéniable attraction. « D’ailleurs. » un simple mot qui fait écho dans son cœur. Elle oublierait presque tous les autres sujets abordés, et qu’elle lui en voulait d’être parti quand elle était encore effrayée. « Ils sont tous à cotés... La porte, verrouillée. » Bien sûr qu’elle a envie et besoin de se sentir proche de lui. Qu’elle se sent toute retournée rien qu’à l’idée de partager un tel instant, ici, à ses côtés. Evidemment, elle est même galvanisée par cette proximité de la majorité de la maisonnée… Mais avant d’entreprendre quoi que ce soit afin de dévaler cette pente-là, ce sont les premiers côtés qu’elle a avancé qui priment sur ses autres desseins. Sage et docile, « T’es sûr ? » Appliquant une dernière fois la compresse avant qu’elle ne rejoigne ce qui sera plus tard jeté. Elle s’approche, malgré son hésitation, positionnée entre ses jambes, les paumes se glissant sous son menton, « J’veux pas accentuer… » prendre le risque de te blesser.

Presque directement ses paumes accrochent celles de l’amérindienne, ses empreintes effectuant de brèves caresses, les yeux dans les siens, elle se suspend à son souffle, à ses volontés, consciente que c’est tout qu’elle a envie de lui donner. « J’ai bien une idée, » aussi simplement, il accroit son intérêt, même s’il était loin d’avoir diminué.

Par la force tranquille de ses mouvements, elle se décale, le laisse se relever, un tantinet nerveuse faute de ne pas connaître la suite de sa dite idée. Mais en Sheng elle a toujours eu confiance, même lors de leurs instants les plus compliqués, alors pourquoi ça changerait ? Ce n’est pas ici et maintenant que son cœur, il va l’érafler. « Fais couler l’eau, je reviens. » Un sourire vient habiller son expression à la finalité, parce qu’il semblerait qu’elle a compris le fond de sa pensée. Et qu’elle l’aime avec avidité.

Son regard sur la porte qu’il referme derrière lui, elle s’attèle à faire ce qu’il lui a demandé. D’abord, elle récupère les pansements souillés, les jette et range les ustensiles qu’elle a utilisé. Avant de remplir la baignoire, méticuleuse, elle prend le temps de la nettoyer. Ses yeux fixés sur les traces de sang qui deviennent aquarelles à mesure qu’elle fait couler un filet d’eau au-dessus à l’aide du pommeau. Elle peine encore à réaliser qu’elle a failli le perdre, que leur histoire aurait pu rester inachevée… Le spleen, elle voudrait qu’il soit comme ces tâches, facile à effacer.
Le bac rincé, elle positionne le tampon, et s’assoit à son tour sur le rebord, retire son gilet et le délaisse sur un meuble peu éloigné, pour le reste elle préfère s’assurer que ce sera lui le prochain à faire son entrée.

Les secondes s’amoncèlent et elle agrémente le bain de gel douche parfumé, esquisse un sourire lorsque la mousse commence à se créer. C’est assez inédit pour eux ce genre de moment, alors malgré toute cette nostalgie qui pèse sur la ville de Boston ces derniers jours, elle se réjouit des promesses que susurrent les prochains instants. Comme il doit le lire sur les traits de la brune, d’ailleurs, lorsqu’il refait irruption à l’intérieur.

Il y a un sourire qui étire son expression quand il lui donne cette précision, « Tagada, y’avait que çà. » une partie de son larcin provenant tout droit de la soirée d’à côté, le reste sur l’évier. Elle opine, amusée. « Ca me va. » Et reste tranquille, à l’observer se dénuder… C’est peut-être stupide, mais c’est à chaque fois, que son souffle en est coupé. Une fois ses baskets retirés, il fouille dans son sac, récupère son briquet, elle en sourcille forcément, parce que c’est Haiwee et qu’elle ne l’aime toujours pas cette habitude qu’il ne veut délaisser.

Une fois les flammes incandescentes, elle retrouve son regard, l’étincelle qui luit à l’intérieur, un écho parfait aux bougies. « Deuxième fois qu’elles se joignent à nos soirées. » C’est vrai et ce n’est plus à dénoter combien ça lui plaît. En un acte manqué, elle souligne l’inférieure de ses lèvres, accusant un soupir d’appétit.