Côte à côte, les deux silhouettes prennent donc la poudre d’escampette. Elle n’en ressent même pas une once de culpabilité, égoïste dans l’âme lorsqu’il est question de l’étudiant. Ce n’est qu’une fois qu’ils passent la porte du salon des Adams qu’elle se permet d’entremêler vraiment ses phalanges aux siennes, afin de le guider jusque dans la salle de bain. Quelques pas, et ils se retrouvent dans la pièce désirée. Si de coutume, cette salle est commune, une fois qu’ils y sont tous les deux à l’intérieur, l’amérindienne se permet de tourner le verrou de la porte. Accordant à leur aparté un soupçon d’intimité.

Elle se fait alors faussement autoritaire lorsque ses prunelles se reposent sur le visage de l’étudiant, parce qu’il a été avare en détails et qu’elle ignore encore ce qui a pu se passer au niveau de sa blessure qui devait, de prime abord, n’être qu’une égratignure. « Tu me racontes ? » comme elle a pu lui demander de nombreuses fois, sur des tas de sujets, qu’il a toujours su contourner, esquiver… Si bien qu’elle n’a que peu d’espoir de savoir ce qui lui est arrivé, d’ailleurs, avant qu’il ne débute son récit, Haiwee ouvre l’armoire à pharmacie.

Si son regard se perd sur l’armoire et ses petites étagères, elle se contente de hocher le visage de bas en haut, positivement, afin de réagir à la question qu’il vient de lui poser. « Ma petite promenade ? » Répondre à une interrogation par une autre, c’est du Sheng tout craché, ce n’est ni à plus, ni à moins, qu’elle s’entendait. Comme si c’était nécessaire de préciser ce qu’elle lui demander de raconter. Bien sur, elle ne quémande pas de véritables détails, consciente que certains pourraient la briser. Simplement les grandes lignes, qu’elle comprenne pourquoi il n’a pas eu le loisir de faire attention à sa blessure, après ce qui lui est arrivé. Mais parce qu’il esquive, elle sait, qu’il était accompagné, d’ailleurs elle doit se mordre la lèvre inférieure pour éviter de lui montrer qu’elle en est touchée.

Alors elle lui lance une œillade, l’observe se caler contre la bordure de la baignoire, « J’viens de rentrer, et je n’ai pas eu le temps de le changer, » en un soupir elle pose la main sur le désinfectant, les compresse et s’étonne de trouver des bandages et autres pansements qui ne s’étaient jamais trouvé là, avant. Avant l’accident. « Je vois, » elle prononce, en ne laissant rien transparaitre dans sa voix, elle se retourne, s’approche de son être, elle lui tend le flacon et les gazes, dans le but d’avoir les mains libres et commence avec délicatesse à retirer celui à changer, « c’est … » elle en grimace, les mâchoires serrées, accompagné d’un sourire étriqué, « moche. » sa plaie et ses façons de se défiler.

Elle déteste de ne pas se sentir légitime de plus le questionner, lui demander où il était, avec qui et s’il a apprécié ce qu’il y faisait. Elle aimerait s’armer de courage, lui souffler le fond de ses pensées, celles qui murmurent qu’il était tellement occupé qu’il en a omis de prendre soin de lui. Elle voudrait, oui, mais ce n’est qu’un rappel, malgré tout, elle n’est pas sa petite amie. Même si elle compte, ce n’est pas assez, pour conjuguer l’attachement qu’éprouve l’étudiant au verbe aimer.

Alors elle poursuit sa tâche, silencieuse, s’applique à ne pas le blesser, elle s’en voudrait si elle le faisait, l’ancien bandage est délaissé et elle récupère ce qu’elle lui avait confié. Une fraction de seconde, il s’observe, « Niukniuk a eu de la chance. Heureusement qu’il est à l’intérieur. » les paupières amérindiennes se posent sur le tatouage évoqué amoureusement. Présent depuis des mois maintenant, si elle ose songer que se trouve dans ce dessin la preuve de son attachement, la pensée s’étiole presque au même moment. « Il m’en voudrait de te soigner avec ça. » Son peuple plus que l’oiseau, peu croyants en la médecine moderne afin de panser les maux.

Tandis qu’elle s’en retourne vers le placard, à la recherche, d’un autre objet, elle interroge, « Tu en as fait d’autres ? » elle revient autant vers lui que sur la raison de son idée effacée, armée d’une pince à épiler sur laquelle elle va verser du désinfectant, « de tatouages à cause d’une fille. » Des croquis qu’il arbore, elle n’a jamais demandé la signification, mais pendant qu’elle le torture ça reste un moyen d’occuper son attention.

Ses iris noisettes à nouveau posés sur sa plaie, elle regrette passablement sa question, parce que ses possibles réponses deviennent petit à petit des craintes, et finalement, c’est la sienne qui est oscillante, d’attention. D’autant plus lorsqu’il l’apostrophe et qu’elle en reste figée. « Pour être totalement honnête, pas pour une. » le soulagement ou l’alégresse, qu’importe parce que ce sentiment est de très courte durée, « Pour toutes. » Soufflée. D’ailleurs elle a vraiment arrêté de respirer, à le regarder avec un air offusqué. Elle a même reculé d’un pas, en un acte manqué.

La faible distance l’aidant pour lui permettre de mieux voir le mouvement qu’il fait. Il relève son t-shirt afin de lui dévoiler l’un de ceux qui a été, pour toutes, ancré. Merde, c’est aussi l’un de ses préférés. « Merci, dans ma langue, » Sur la pince, ses doigts se sont crispés, sa salive, elle a du mal à l’avaler. Novice certes, mais Haiwee a appris, au fil des journées qu’ils ont partagé, le langage de l’homme installé face à elle, alors elle l’entend, la connotation sexuelle. C’est toutes qu’elle les déteste. « Chouette ! » elle articule avec un entrain trop marqué, une octave de sa voix surélevée.

Empoignant son avant-bras sans aucune délicatesse cette fois, elle opine du visage à répétition, rythme son accentuation, « Très très chouette. » son côté sauvageonne accentué par la jalousie, elle ne déroge pas à la mission qui l’a conduite ici, prendre soin de lui. Même si elle n’est pas très tendre lorsqu’elle va pincer le premier bout de peau nécrosée à arracher.

Alors tandis qu’elle arrache le derme infecté, elle le sent tressaillir et elle s’en veut malgré tout de le faire souffrir. D’autant plus lorsqu’il articule comme preuve de sa surprise et de la douleur dont il est victime. « Âme ! » si bien qu’elle termine et le bout de peau infectée rejoint l’ancien bandage dans le creux de la baignoire, puis c’est vers sa main que l’amérindienne piquée pose son regard.

D’abord, elle observe ses doigts, ce qu’ils murmurent, l’intiment de se calmer, et elle inspire lentement afin de recouvrer ses esprits malmenés par l’abjecte jalousie. « Ça veut dire Âme. » C’est sa tendance ridicule à partir au quart de tour qu’à présent elle blâme. Beaucoup trop sensible lorsqu’il est question de lui. Le pire, c’est qu’Âme, elle apprécie, ça lui plaît, c’est joli… « T'as vraiment cru que c'était çà ? » Elle en roule des yeux, d’un soupir elle appuie cet acte, avant de reposer son regard dans le sien, le surplombant de sa position, « Oui, » un demi-aveu, parce que dans le fond elle savait, mais elle a été en une fraction de seconde aveuglée, « et non. » Mais si elle l’aime c’est avec une dose indiscutable de passion. L’instrument de torture calé entre ses doigts, elle use de son pouce pour caresser son menton, sa bouche et effacer son tempérament d’un, « Pardon, » si elle t’a fait du mal inconsciemment, pourtant d’entre sa culpabilité, c’est un sourire espiègle qui né sur ses lèvres finalement, « mais tu m’as cherchée. » et de toutes les façons qui soient possibles, la Haiwee, il l’a trouvée.