Pendant ce week-end, je m’essaye à toutes sortes d’activités et certaines plus loufoques que d’autres. Je profite du temps plus que clément, de tout ce que m’apporte déjà 2023 pour me lancer dans la découverte du circuit en motoneige. Selon l’instructeur, c’est très facile, c’est comme une voiture, on est bien installé et tant qu’on a les bases de la conduite sur neige - et sur glace - tout devrait bien se passer ! J’ai passé deux heures ce matin à suivre les petits exercices donnés pour pouvoir me balader seule cet après-midi. On me donne quand même un boitier pour indiquer ma localisation en cas de souci et quelques fumigènes, juste au cas où. Ça n’a vraiment pas le don de me rassurer mais il faut ce qu’il faut. Et quand on me donne le feu vert, j’enfonce mon bonnet sur mes oreilles et file en direction du sentier prévu à cet effet. J’installe mon téléphone sur la motoneige pour pouvoir filmer un peu mon parcours et je passe un moment à profiter de la vue. La montagne, c’est apaisant quand même. Je souris, toute seule, heureuse de la sérénité que je ressens à ce moment précis. C’est réconfortant, je ne peux pas le nier. Je suis sur une bonne portion du chemin lorsque je vois un gros point noir au bout, au milieu de tout ce blanc. J’ai peur que ce soit un ours mais en m’approchant, je reconnais une motoneige, la même que la mienne et m’approche d’elle. Vous avez besoin d’aide ? Que je crie au milieu de la forêt blanche, pour m’assurer que tout va bien - est-ce que cette personne a besoin d’aide ou alors elle est juste en stop photo ?

Ce n’était pas l’idée la plus intelligente du séjour que de partir seule. Mais avec tout ce que le moniteur m’a donné en cas de soucis, je me dis que ça devrait le faire. Et puis, si jamais une motoneige leur manque à la fin de la journée, ils vont venir trouver celui ou celle qui manque à l’appel, non ? Je ne sais pas mais maintenant que je suis sur le chemin, je le continue en espérant ne pas finir mangé par un ours. Et je crois presque en croiser un au loin sauf que ce n’est absolument pas cela mais juste quelqu’un en motoneige. Une jeune femme dans la panade visiblement. Je m’approche d’elle et reste sur mon véhicule, la dépassant rapidement. Je laisse la motoneige allumée et descends de cette dernière. Tu avais encore de l’essence ? Normalement, on doit avoir plus que nécessaire mais on ne sait jamais. Je la regarde et dis Ça fait longtemps que tu attends ? On va pouvoir gérer un problème après l’autre mais si elle est en train de geler sur place, ça va être une autre discussion. Je m’appelle Rose. Une rapide introduction avant de me pencher sur sa motoneige et d’essayer de me souvenir de ce qu’il faut faire dans ce cas. Je fronce les sourcils et appuie sur un bouton, espérant que ça règle le souci - comme par magie - mais elle a déjà tout essayé et ce, sans succès.

Je ne suis pas bricoleuse pour un sous et c’est un gros souci dans un moment comme celui-là. Note à moi même quand je rentrerais : je dois prendre des cours pour savoir me débrouiller dans ce genre de situations. Je ne conduis pas souvent à Boston alors je ne sais même pas ce qu’il y a sous le capot d’une voiture, ayant tout oublié depuis que j’ai passé mon permis à Paris, il y a des années de cela. Et je me rends aussi compte que mon côté débrouillarde est à moins huit mille parce que je n’ai aucune idée de ce que je dois faire. Les questions posées sont complètement connes et je le sais mais un souci est si vite oublié, survolé que l’on ne sait jamais. Ça va t’as pas trop froid ? Que je m’inquiète parce que dix minutes en pleine neige, ce n’est pas le plus chaud qui soit. Bordel, pourquoi est-ce que je suis sortie encore ? Pour profiter, c’est vrai. Tout le plaisir est pour moi, même si je ne suis pas sûre de pouvoir faire quoi que ce soit. Que je lance en riant légèrement, frottant mes mains ensemble avant d’appuyer sur un bouton puis un autre. J’ai zéro réseau depuis que j’ai quitté la ville en contrebas. Que j’ajoute sans même jeter un coup d'œil à mon téléphone. Je le sais, j’ai essayé de poster des vidéos sur Meetsachussetts sur le chemin et j’ai fait chou blanc. Je crois qu’on va pas avoir le choix que de redescendre avec ma moto et leur indiquer où la tienne est tombée en panne. C’est pas la meilleure des solutions mais tu ne te vois pas la laisser derrière toi et t’as vraiment aucune idée de comment régler le problème et, surtout, tu commences à te les geler et bien comme il faut. Hors de questions que t’attendes que la nuit tombe ou que quelqu’un d’autre passe par là. On va prendre quelques photos d’ici juste pour les données qu’il y aura sur les clichés, au moins ils sauront exactement où la moto se trouve. Et oui, les métadonnées sur les photos permettent de connaître les localisations précises des photos prises. On ne peut donc plus faire croire que l’on est à un endroit alors que c’est absolument faux.

Shay a l’air plutôt calme alors que moi, dans sa position, j’aurais l’air prête à perdre la tête. Je pense que j’aurais déjà hurlé à m’en perdre la voix, pleuré toutes les larmes de mon corps et tout ce qui va avec. J’aurais tellement peur de mourir ici, seule. Je me permets de croire que quelqu’un s’inquièterait en ne recevant pas de réponses de ma part mais je ne peux même pas l’affirmer à cent pour cent et je crois que c’est ça le plus terrifiant dans l’histoire. En tout cas, elle n’est plus seule maintenant et on va pouvoir retourner en ville sans trop de soucis. C’est quand même fou que sa motoneige soit tombée en panne comme ça ! C’est super dangereux… En tout cas, je suis aussi bien contente que la jeune femme ne me demande pas d’aller chercher quelqu’un et de revenir avec parce que je ne sais pas ce que ça donnerait. Sans compter que je m’en voudrais toute ma vie si nous devions passer un temps fou à la retrouver. Shh, tu vas nous porter la poisse. Que je lance en riant. Non, deux véhicules hors service sur deux, ce ne serait pas de la poisse mais un message du bon Dieu. Et je me perds à croire qu’il est bon et, certes, a l’habitude de donner ses batailles les plus difficiles à ses meilleurs soldats mais j’ai donné de mon côté. Nickel. Allons y alors. Que je souffle en montant sur la moto, la laissant se glisser derrière moi. Je démarre rapidement et ne parle pas trop le temps de la descente. De toute façon, je ne suis pas sûre qu’on s’entendrait réellement. Les paysages sont vraiment merveilleux et en voyant tout ce manteau blanc, je me demande si je préfère la neige ou la plage. Ça peut être tout autant paradisiaque mais je ne sais pas, il y a quelque chose qui me fait dire que le calme et la paix de la montagne me correspondent plus maintenant. Une fois en bas, je laisse Shay descendre du moyen de locomotion et la laisse expliquer le soucis aux instructeurs. J’avais une approche plutôt solitaire de ce week-end mais je me dis que je ferais bien de continuer mes activités en duo. T’es ici toute seule ? Peut-être qu’elle allait être ma binôme de la journée pour profiter sans trop de risques. Enfin, avec moins de risques.