@Ella M.-Williams
Samedi 7 janvier 2023
Bar de l'Hôtel Del Luna, Massachusetts
Ella qui avait demandé à te rencontrer à ton retour de vacances, l'idée t'avait plu, vraiment. T'es contente de confirmer le fait qu'il n'y ai pas que toi qui aime à passer du temps avec elle. Quelque chose avec le temps, avec les mois qui passent, s'était construit ici. Parce qu'elle n'était plus simplement qu'un intervenante qui avait partager quelque unes de ces nombreuses connaissances à ta promo l'an dernier. Après tout, tu l'avais conduit à l’hôpital le jour de son accouchement, et même sans tout ça, t'as toujours eu une admiration sans failles pour elle. Elle était devenue comme un mentor, un modèle au féminin. Chez toi t'as toujours eu que des modèles masculins. Ton père, ton grand père. De grands hommes à la conquête des affaires et du pouvoir. Ta mère... c'est différent, vos pires traits de caractères sont trop similaires pour être compatibles et bien que tu lui voue un amour immense et pudique, elle ne prend pas pour toi le rôle de modèle. Tu te rends guillerette sur le lieu de rendez-vous que vous avez convenu. L'hôtel est quelque peu excentrer de la ville mais tu adores cet hôtel, au cœur de la nature de l'Etat, plus au calme, apaisant, lieu où t'as toujours de merveilleux souvenirs. Tu rejoins le bar et commande un cocktail sans alcool avant son arrivée. T'es légèrement en avance et tu pianotes sur ton téléphone en attendant ton verre et l'arrivée d'Ella.

Un baiser sur le front des jumeaux, un dernier sur les lèvres de Jeremiah et je quitte la maison pour l’Hôtel Del Luna où je n’ai jamais mis les pieds. J’aurais peut-être dû, histoire de voir la concurrence, mais il faut dire que ces deux dernières années ont été mouvementées. Seule avec Karl, je profite du moment pour me repasser le discours que je compte offrir à l’italienne. Il faut que ça sorte, il faut que j’arrache le pansement, que j’ouvre les vannes et vois ce que ça donne. J’aime beaucoup la présence de Katalia dans ma vie, j’adore discuter avec elle et la voir évoluer dans le monde professionnel et universitaire mais il y a plus. Je ne sais même plus quand j’ai appris qu’elle et moi avions le même père. Enfin, père pour elle et géniteur pour moi. Les mains moites, je ne cesse de les essuyer sur la serviette en tissu que Karl m’a tendu il y a quelques minutes. Il me sonde depuis tout à l’heure et connait l’importance de ce rendez-vous. Je ne t’ai jamais vu comme ça Ella. Et pourtant, il est mon chauffeur depuis des années et m’a conduit à de nombreux meetings plus qu’importants. Seulement, voilà, à la fin de la journée, c’est bien d’avoir les contrats les mieux négociés du quartier mais la famille reste le plus important. Et aujourd’hui, j’ai peur de perdre cette partie de ma famille que je ne connais pourtant pas. C’est… différent. Le refus professionnel, je peux faire avec. Mais celui qui touche ma vie personnelle, l’histoire est bien différente. Arrivée sur le lieu, je congédie Karl et lui indique que Jeremiah viendra me chercher plus tard avant que l’on se dirige vers Providence pour quelques jours. Je réajuste ma veste et pénètre dans l’enceinte de l’hôtel. Rapidement guidée vers le bar, je reconnais Katalia de loin et m’arrête en plein chemin quelques secondes. Je compte jusqu'à dix, souffle et me remets en marche. Bonjour. Que je souffle, un léger sourire sur le visage. Comment vas-tu ? Que je demande rapidement, mon sourire s’agrandissant sur mon visage. J’enlève ma veste et l’embrasse pour cette nouvelle année. Et puis, bonne année, tout de même. Une année forte sur bien des plans, je l’espère. Mais pas trop non plus parce que le plus important, c’est de ne pas se laisser submerger.

@Ella M.-Williams
Samedi 7 janvier 2023
Bar de l'Hôtel Del Luna, Massachusetts
T'es légèrement surprise lorsque tu entends sa voix t'arracher à tes pensées. Non pas de la voir là juste devant toi car c'était convenu, mais juste parce qu'en ce moment t'as tendance à être légèrement tête en l'air. Nouveau trait de caractère qui en réalité n'en pas vraiment si récent que cela, juste que t'as toujours tout fait pour le repousser. T'as toujours été plus terre à terre, déterminée, ancrée dans la réalité. Pourtant, depuis que tu rencontres de nouvelles difficultés dans ton quotidien, tu tentes de voir de voir la vie différent, à travers les yeux de celui qui partage ta vie en fait. Tu t'autorises à laisser aller ton imaginer, accepter tes rêveries, accueillir ta créativité et concéder à te perdre dans tes pensées. C'est avec le cœur plus comblé et un visage plus apaisé que tu redresses le visage vers elle. Un large sourire se dessine, ça te fait plaisir de la voir devant toi. « Bonjour Ella ! Très bien et vous-même ? » Tu l'embrasses et lui souhaites une bonne année en retour. Ton repousses du bout des doigts ton téléphone sur le comptoir du bar pour te concentrer sur son arrivée « Qu'est-ce que vous buvez ? » Le serveur revient après que tu ai levé l'avant bras et croisé son regard. « Ça me fait plaisir de vous voir. Vous vouliez me parler de quelque chose ? »

Il faut que j’arrête de réfléchir, d’imaginer toutes les possibilités et issues de cette conversation avant de l’avoir. Je n’ai jamais été quelqu’un de nerveuse et ce n’est pas aujourd’hui que cela doit commencer. Alors je prends mon courage à deux mains et file vers la belle brune. Et si, et si, et si ? Je ne me laisse pas le temps de ralentir ou de changer d’avis que je lance la conversation. Très bien. Que je réponds rapidement, me retenant de souffler “et ça ira encore mieux dans quelques minutes”. Je m'assois sur le tabouret et pose mon sac à mains sur mes cuisses. Les talons coincés dans le barreau de la chaise, je me fige quelques secondes quand elle parle de ce dont je voulais lui parler. Je prends une demi seconde pour m’installer et reprends depuis le début. Katalia, il me semble qu’on avait convenu que l’on devait se tutoyer. Et puis, elle m’a vu perdre les eaux sur la terrasse d’un café alors niveau proximité, ça devrait le faire. Je vais prendre un thé citron-gingembre. Que je souffle au barman en la laissant commander ce qu’elle veut. Ça me fait aussi très plaisir de te voir. Je lui adresse un sourire sincère avant de regarder autour de nous. Il n’y a personne pour nous écouter à quelques chaises à la ronde. Mais je ne me sens pas à l’aise, trop proche du barman, des clients qui pourraient aller et venir pour commander. Ça te dérange si on se décale sur les fauteuils au fond pour discuter ? Elle n’a peut-être pas envie que qui que ce soit entende que son père a aidé ma mère à me concevoir. J’attrape mon thé, prête à bouger si elle l’accepte.

@Ella M.-Williams
Samedi 7 janvier 2023
Bar de l'Hôtel Del Luna, Massachusetts
Elle s'installe à côté de toi et tu dissimules un petit rire nerveux avec un sourire à ses mots « Désolé, je pense qu'il va me falloir un petit temps d'adaptation. » C'est vrai que c'est pas la première fois qu'elle te le dis et que tu tentes de t'y faire, mais t'as du mal. Tu respectes tellement cette femme que le vouvoiement est toujours arrivé en premier et automatiquement dans tous vos échanges. Le serveur vient prendre vos commandes et reviens quelques minutes après pour vous servir. Les banalités (mais sincères) d'usages terminées, tu la questionnes et plutôt qu'entrer dans le vif du sujet, elle propose de vous installer dans un coin plus confortable et plus intime. T'hoches la tête avec un sourire avant d'attraper ton verre et ton sac pour la suivre. « Ici ? » tu désignes du menton un coin un peu à part avec trois fauteuils individuels et une petite table au milieu. Ça semble lui convenir alors tu déposes ton verre sur la table basse, déposes ton sac sur le troisième fauteuil et t'installes finalement en calant ton dos dans le dossier moelleux et croisant les jambes. « J'aime bien ce bar, il est toujours calme, c'est plus agréable pour discuter tranquillement. » Tu prends ton verre et bois quelques gorgées.

Il est vraiment l’heure de se lancer et de partager avec elle plus qu’une conversation agréable à avoir. Je n’espère plus rien à ce moment précis, rien d’autre que la chance d’apprendre à la connaître au-delà de ces moments plutôt formels que l’on continue d’avoir. C’est pour cela aussi que je la reprends sur le vouvoiement. De par ce qu’on a déjà vécu ensemble et ce qui nous attend, la politesse est de mise, certes, mais le vouvoiement est bien trop pour moi. Et je ne sais pas, peut-être que s’il y a moins de distance tout ira plus facilement, tout sera un peu plus logique. Il faut que mon cerveau se mette sur pause et j’aurais bien la solution - un peu d’alcool - mais puisque j’allaite toujours, il est hors de questions que je boive. Vivement que j’arrête pour enfin regoûter au plaisir du champagne. Cela fait plus de deux ans que j’ai arrêté de boire avec mes soucis de santé et ça me manque toujours. Parfait. Que je souffle avec un sourire en lui laissant ouvrir la marche. Rapidement assise face à elle, mon thé sur la table et mon sac à main à côté du sien, je tourne le visage et admire le lieu que j’ai complètement ignoré jusque là. C’est vrai que c’est agréable. Au Copley, il est impossible de se poser et de discuter calmement au bar, c’est bien trop actif toute la journée, encore plus une fois dix-huit heures et que les actifs en visite arrêtent leurs meetings. Je ne connaissais pas en tout cas, merci pour la découverte. Je souffle ces mots avec sincérité. J’attrape rapidement ma tasse, verse un peu de thé dedans et le goûte rapidement. L’infusion est presque parfaite alors j’attends encore un peu. Je voulais te parler de quelque chose d’assez important. Je dois me lancer, je ne veux plus tourner autour du pot. Il y a quelques mois, tu m’as confié qu’une amie à toi cherchait possiblement un des autres enfants de son père… Il s’agissait vraiment d’une amie ou de toi ? Je préfère commencer comme ça, doucement pour voir si elle sait déjà des choses ou pas du tout. Après tout, l’excuse du “c’est pour un ami” est souvent faux alors pourquoi pas ici aussi ?

@Ella M.-Williams
Samedi 7 janvier 2023
Bar de l'Hôtel Del Luna, Massachusetts
Les bars des hôtels, ça serait un peu trop de dire que c'est comme une seconde maison, un refuge ? T'aimes y passer du temps, jauger la concurrence ; observer les allées et venues des femmes d'affaires et des touristes fortunés. Ella elle connait également très bien ce monde du l’hôtellerie de luxe, et doit particulièrement bien avoir cet esprit d'observation et critique, c'est ce que tu crois lorsque tu l’observes regarder autour d'elle. Déformation professionnelle. L'hôtel Del Luna est excentré de la ville, plus au vert, plus tranquille, t'aimes son ambiance intimiste et t'aimes venir ici lorsque t'as envie d'être tranquille et de t’éloigner des bruits et de l'agitation du centre. « Avec plaisir, ravie que tu apprécies cet endroit. » tu souris légèrement, fière de toi d'avoir forcé le tutoiement, que ce soit comme naturel et même agréable. Ça y est vous êtes installée dans cet endroit plus intime, t'es à l'aise et t'as pas le temps de sentir la creux dans ton estomac lorsqu'elle annonce qu'elle veut te parler de quelque chose, tout simplement car elle continue assez vite, de quoi pas laisser un instant pesant s'installer. T'hausses un sourcil étonné, tu t'attendais pas vraiment à ça. C'est pourtant un léger sourire qui s'installe sur tes lèvres alors que tu secoues légèrement la tête, fais un tour de la pièce du regard avant de répondre avec un air songeur « C'était pas vraiment pour une amie non. » Ta propre sincérité t'étonnes toi-même, mais c'était instinctif, t'as pas hésité à lui avouer. Quel serait le mal que de la mettre dans tes confidences de tes recherches ? Ainsi elle pourra surement mieux t'aider. A vrai dire t'avais laissé tomber le projet, trop occupée à gérer d'autres crises bien plus prenantes dans ta vie. Mais si elle veut et a de quoi t'aider à ré-ouvrir ce chapitre, pourquoi pas ?

J’aimerais beaucoup tourner autour du pot pendant des heures, des semaines voire même des mois de plus mais je ne peux plus. J’ai besoin de lui dire la vérité, de discuter avec elle de tout cela, de ce lien qui nous unit. Je n’ai pas fait de test de paternité mais je sais que ma mère ne me mentirait pas là-dessus. Elle n’aurait absolument aucun intérêt de le faire et je crois qu’elle sait qu’elle me perdrait définitivement si elle se mettait à me mentir. Et puis, il y a ces documents qu’elle m’a montré, ces lettres entre elle et son meilleur ami de l’époque, en Italie. Moi qui me trouve si différente et indépendante face à elle et son besoin d’être avec quelqu’un, je me rends compte que nous nous ressemblons plus que ce que j’aurais pu imaginer. Et puisque je ne veux pas vivre dans le mensonge comme ma mère, je pose rapidement cette question à Katalia. La réponse m’arrache un sourire et je souffle C’est donc pour toi. Elle sait. Elle sait qu’il y a quelqu’un d’autre, qu’il y a une autre enfant mais elle ne sait pas de qui il s’agit et n’y a probablement pas réfléchi depuis un moment. Comment je viens à cette conclusion ? Tout simplement parce qu’elle n’a pas l’air de faire le lien entre ce qu’elle a appris au détour d’un papier caché dans un tiroir et mes questions. Après tout, à moins de me connaître et de connaître ma famille, rares sont ceux qui savent que j’ai été adoptée. Mon père - Howard Marriott - a toujours été là pour moi et c’est lui mon père. À moins d’être intéressée par l’histoire des Marriott, impossible de savoir. Je la regarde et souffle Je sais qui est le deuxième enfant de ton père. Ça doit être bien étrange à entendre à encaisser. Je me demande comment je réagirais s’il s’agissait de moi, que quelqu’un venait me voir et me dire “en fait, ton père a eu un autre enfant et c’est moi”. Je crois que je serais en colère avant de prendre le temps d’avaler la nouvelle. Je la regarde et commence à jouer avec le tissu de mon vêtement, complètement paniquée à l’idée de tout lui avouer. Cela fait bien longtemps que je ne m’étais pas sentie de la sorte mais je dois le faire. Un peu comme si je sautais dans le vide et ce, sans élastique, je dis C’est moi. Ma mère et ton père avaient un arrangement et… Pas besoin de dessiner une carte, non ? Je me sens tellement mal, l’estomac qui remonte provoquant une drôle de nausée. Pas de celles que j’ai eu pendant ma grossesse, bien plus destabilisante.