it's cold outside (daeji)

après quelques mois de silence radio le plus total entre vous, tu ne saurais dire si tu es contente ou indifférente de ces retrouvailles avec daewon. un peu à l'image de ce qu'a toujours été votre relation, ambiguë, indéterminée. tu n'as jamais vraiment pu lui accoler l'étiquette d'ami malgré son appartenance au cercle fermé dont tu te revendiquais reine, mais il était tout de même suffisamment important à tes yeux pour que tu refuses de lâcher ta prise sur lui. un des arguments qui joue néanmoins en sa faveur est qu'en cette période de fêtes de fin d'année, alors que chacun s'affaire aux préparatifs d'un réveillon en famille, lui comme toi n'avez guère de monde vers qui vous tourner. cette année tu ne te rendras pas à new york pour voir ton père, rentré à séoul pour les affaires. et tu préfères encore rester seule ici à boston plutôt que faire le même voyage. « je t'aurais bien dit que tu as bonne mine mais ce serait mentir. » lâches-tu avec un petit sourire en guise de bonjour. emmitouflée dans ton manteau d'hiver, tu t'engouffres dans la voiture du sud-coréen pour quelques minutes de trajet jusqu'au musée. « alors quoi de beau depuis tout ce temps ? » curieuse de savoir ce qui a bien pu l'occuper au cours des derniers mois au point qu'il t'oublie.  

@daewon cho

les derniers mois ont été particulièrement pénibles. visite indésirablepromptue, retour forcé au bercail. les secondes, jours, semaines, mois s'étaient écoulés à la vitesse des grains de sable dans le sablier, fugacité du temps qui file au même rythme qui les années s'accumulent et que les certitudes s'éparpillent. repères désorientés, boussole à l'aiguille déréglée, le nord pointe vers le sud et le sud vacille entre nulle part et ailleurs. petit poucet condamné à semer des morceaux de pains pour retrouver son chemin et fuir les confins de la forêt maudite où on l'avait jeté. laissé pour mort. tu te retiens bien de plonger dans ses yeux pour t'empêcher d'y lire tes propres regrets, au risque de t'y noyer. extirpé de songes honteux et hantés, hantise des derniers jours à remuer solitude, liberté et prison de verre, blessures creusées par la lame des dilemmes hasardeux, l'animal blessé s'était recroquevillé pour lécher ses plaies béantes. apprivoiser ce terrain de jeu nouveau qu'était le sien. marcher à tâtons là où il risquait de perdre pied à plus d'une reprise. j'ai espoir d'un jour avoir droit à un véritable compliment de ta part. ce jour viendra, je le sais. rire de façade étouffé par les couches de la laine qui recouvre à la fois cou, lèvres et nez. ça de beau. déçu que tu ne l'aies pas constaté par toi-même, souffles-tu en extirpant ton visage du foulard pour lui dévoiler un sourire qui, à lui seul, savait faire fondre même le plus glacial des coeurs. pas peu fier de tes atouts, et pourtant tu ne t'en servais toujours que pour détourner l'attention d'un sujet qui te contrariait. tu as installé ton sapin?

« l'espoir fait vivre. » réponse malicieuse d'une princesse familière de ces fameux compliments, mais toujours pour les recevoir, jamais pour les donner. ego nourri par la flatterie depuis le plus jeune âge, tu n'as aucun mal à deviner qu'il n'a pas été élevé dans les mêmes dispositions. tel le vilain petit canard en exil, il fuit comme souvent l'inquisition de tes iris. pointe de frustration que tu enterres sous une pincée d'empathie, tu accueilles volontiers la diversion qu'il te propose. plaisir indicible qui se propage dans tes veines lorsque tu observes ce sourire charmeur. il a beau ne pas être sincère, tu profites tout de même de ses bienfaits. songeuse, tu imagines un bref instant ce qu'il serait s'il était vraiment réel. la pensée fait tressailler ton coeur imperceptiblement. c'est à se demander si tu l'as déjà aperçu par le passé, ne serait-ce qu'une seule fois, à cette époque où les choses étaient encore légèrement recouvertes du vernis de l'innocence. « en effet, je te le montrerai peut-être tout à l'heure. pas toi ? » mensonge éhonté, pas une seule aiguille ne recouvre le sol de ton salon. tu ne fêtais pas noël lorsque tu habitais là-bas, et tu ne l'as guère plus fêté depuis que tu es arrivée en terres occidentales. « tu feras quelque chose de particulier le soir du réveillon ? » question anodine ou presque, à juger si sa solitude est semblable à la tienne.

reine des abeilles bats des ailes (des cils), et tous les mortels sont à ses pieds. tu tortures toujours ainsi les fantômes de ton passé? le seul qui ait osé se frayer un chemin à contre-courant du coeur chimère. elle a conscience de son effet et ne se lasse pas d'infliger supplices et châtiments à l'aube d'un sourire saveur crépuscule. souvenir éclair des quelques nuits innocentes à se bercer d'illusions au son de la mélodie de son nom. sourire complice de ses propres réminiscences; il les tait comme une honte au coeur de l'ombre clouée à son pied. peter pan et les garçons perdus, à la seule différence qu'il n'a jamais été aussi seul que maintenant. peter sans les gamins. mais dévoiler ses faiblesses, c'est risquer d'en périr. ne me dis pas que tu vas me laisser poser l'étoile au sommet?  sourire narquois, proposition faussement désintéressée, tu n'es pas contre l'idée de renouer avec ce quelque chose qui t'échappe. cette étrange amitié d'un autrefois qu'il te tarde d'effacer. j'avais des plans. mais je devrai me faire à l'idée de passer le réveillon en ma propre compagnie. un goût amer en bouche de quelques émois exaltants. ils n'étaient désormais plus que chose du passé. tourne à gauche, tourne à droite, droit devant. et pourtant, tu sens son regard brûler sur toi. je me doute que tu as trouvé de quoi te divertir le soir du réveillon? tu sais faire les choses en grand. reine des abeilles toujours bien entourée de ses fidèles ouvrières.

la solitude qui accompagne les sommets t'a toujours été difficile à vivre, malgré l'habitude qui force l'esprit et engourdit le coeur. observatrice de la nature humaine, tu t'es souvent demandée comment les autres s'en accommodaient, jalouse de ce pouvoir que ni l'argent ni ton joli minois ne peuvent acheter, eux qui ne peuvent t'offrir qu'un cercle social et des aventures sans lendemain comme écrans de fumée. mais peut-être a-t-il des éléments de réponse qu'il pourrait te partager au détour d'un délicieux dîner ? et s'il n'est pas disposé à divulguer ses secrets, peut-être fera-t-il office d'une illusion de substitution ? l'aveu qu'il fait suite à ton interrogation réhausse la commissure de tes lèvres, mais pas plus que la supposition qui suit cette réponse. « ton compliment me flatte. je viens en effet de trouver de quoi me divertir le soir du réveillon. » tes pupilles se posent sur la route et tu ajoutes après un bref silence. « je servirai le dîner à 19h précises, tâche de ne pas être en retard. » un instant plus tard, un sourire malicieux se dessine entièrement sur tes lèvres rouges. « et ne t'en fais pas, je te fournirai un tabouret pour que tu puisses monter l'étoile tout en haut. » l'idée se révèle plus cocasse que ce que tu aurais imaginé.