Edgar Harrison Dawkins ► Charlie Hunnam

- Crépuscule.
C’était un jour noir, morne, chargé de l’obscur pressentiment, horrible; la fatalité de l’héritage, sournois, premier monstre tenu au silence dans la rouille d’une boîte quelconque. Père y conservait diverses notes : quelques pensées fugaces, d’autres tenaces, ainsi que des témoignages, récits absurdes ou fantastiques pour l’imaginaire d’un infant. Il dépeignait alors le ciel de Californie, la côte ouest américaine; en définitif, un bout du monde pour le jeune britannique, à peine capable de visualiser la France, outre manche. Trop jeune pour concevoir la métaphore guerrière, encore plus lorsque le sujet touchait aux actes inhumains, réalité obscène (dés)enchantée par le lyrisme paternel; de jolis mots pour décrire le Mal, la violence dans la splendeur de son impact, des retombées psychologiques trop complexes pour une matière grise encore juvénile.
Le mal était fait. Ouvert. Il semblait résonner dans la vie, secouer jusqu’aux branches des arbres et corrompre le timbre des oiseaux de son empreinte élégiaque, avertissant les Dawkins d’une catastrophe imminente. Était-ce en rapport avec la disparition de son père ?

- Eclipse.
Les réponses sont venues à lui. Qu’importe le lieu, les ombres d’une autre époque suivaient de près. Edgar devait payer l’affront d’un abandon, car personne ne quitte réellement les rangs de l’organisation; son père, Harry, comptait se faire oublier pour mieux revenir à sa famille. Ensembles, ils devaient disparaître, n’être qu’une vague entité banale dans le commun d’une population ordinaire. L’échec rattrape alors le fils, soumis aux exigences ancestrales. La liberté n’est plus, mais de sa coopération dépend le sort d’une mère, aussi ploie-t-il le genou.

- Équinoxe.
Dans le sillage de l’histoire se confondent les silhouettes; père et fils chevauchent les ténèbres de l’Amérique ardente, inéluctablement rattrapés par la malédiction de l’écusson criminel. Bouche de l’enfer en prolongement des doigts, l’index invoque la foudre pour noyer le sable de son entreprise meurtrière; l’éclat argenté en courbe de lune complète la révolution astrale de son identité, joint le sordide à l’assassin sous l’impulsion de la colère pécheresse.
Le Diable, hilare, observe le pantin aux principes avortés, l’éphèbe prônait les mots aux poings, en brise maintenant son reflet. Perdu entre deux hémisphères, jongle maladroitement entre les convictions et les devoirs, se cherche entre douceur et violence, maudit son père et cette affreuse facilité, celle-là même qui conduit l’instinct à suivre la route des anges faucheurs.
Tombé à l’ombre, dans l’oubli de son cachot, l’invincibilité illusoire dissoute derrière les barreaux, sa vulnérabilité s’expose, fresque grisâtre de ses déboires étalée par l’encrier hématome, sous le feu du pinceau mauve et jaune.

- Nuit étoilée.
Blanche colombe présentée à la geôle, le jugement dernier se pare de son plus bel apparat. Pourquoi lui ? Pour sa réflexion, son goût du détail, le sens de l’improvisation, une pointe de charisme, la résurgence de l’humanité, et quelques lettres écrites vraisemblablement similaires à celles de ses aïeux. Le cycle de l’Ouroboros pourchasse l’histoire de son Damoclès, fermement appuyé sur son crâne incliné. Pactiser pour revoir le jour, tout en devenant l’instrument du machiavélisme gouvernemental; l’échafaud attendra, Edgar accompagne Charon sur la barque de ses desseins mortifères, traverse forêts et montagnes pour déposer l’obole sur les sépulcres délicatement sélectionnés par la – Main invisible, drapée de sa bannière stellaire.

- Aurore.
Le dernier jour du condamné voit l’Espérance poindre aux premières lueurs. Mère, placée à l’abri du besoin par l’arrangement du fils, ne le reverra point, l’histoire s’écrira pour elle sur une verdoyante prairie où bêlent quelques moutons, affranchie des tracas et représailles, elle reconstruira l’édifice et ne quittera le droit chemin. Et lui, alors ?
Une deuxième chance, dit-on. Le droit au repentir. Lucifer offre la poignée de main sanguinolente, ne relâche pas vraiment l’emprise, les rêves forgeront le granit de leurs prochaines retrouvailles. Lavé de toute poursuite, libre de s’en retourner, l’histoire se griffonne désormais dans l’aspiration future, briser la spirale pernicieuse comme on lèverait le sort infernal.

- Demain, dès l’aube.
Tout construire à partir de rien. Rassembler à neuf les pensées dispersées, organiser ce fatras vétuste pour en tirer quelque leçon. Le goût de l’ambition triomphe des pièges estudiantins, la nature dynamique retrouve le concours de terrain, dichotomie de l’ordre et des passions; orateur de droit, aventurier de justice, ramifications fusionnées en une singulière volonté. La force de l’expérience gonfle les traits de son audace, mais l’histoire ne s’intéresse guère plus qu’à son élévation fulgurante, dans l’antinomie quotidienne de ses jeunes années.