Échange de messages, cadence rapide et sans conséquence. Tes doigts qui s’activent sur l’écran tactile, un sourire qui t’échappe, une plaisanterie envoyée pour rien. Juste pour la forme. Une réputation. Fêtard. Ce mot a-t-il le moindre sens ? Non pas simplement une phrase stupide cherchant à en décrire la notion, non, une essence. Une nature véritable indéchiffrable dans le dictionnaire ? Théodore, si par un quelconque hasard un individu te demandait le fond de l’être de ce mot, ta gorge se serrerait face à ton incapacité à formuler le moindre sens. Tu erres, petit être stupide. Tu poursuis la même boucle inconsistante d’actions : tu manges, tu sors, tu essaies de te noyer dans l’alcool, tu baises. Encore et encore, attendant que l’inconsciente répétions cesse. Tu manges autre chose, tu baises quelqu’un d’autre, tu profites d’une autre fête. Aucun intérêt, aucun frisson. Tu regardes le ballet des autres idiots se fixer des objectifs factices, frustrés pour toujours par le manque de saveur de chaque succès. Félicitations, tu as coché une nouvelle case dans la to do list de l’existence du bon petit élément sociétal. Bientôt une maison, un mariage, une jolie voiture dans le garage, un enfant non désiré et peut-être même un chien. Qui croit encore en cette comédie dramatique ? Tu attends devant la résidence des pforzheimer, la cendre de ta cigarette s’écrasant sur le trottoir. Aucune échappatoire à ce jeu ridicule, impossible de déjouer la fatalité c’est la clé du piège. Le chef d’œuvre de la torture, et de ton perchoir de cynisme et de lucidité tu observes silencieusement, t’amusant de ta propre boucle. Tu aspires avidement une nouvelle bouffée et tu ne ressens strictement rien d’autre qu’un goût dégueulasse jusqu’à tes poumons. Ton mégot tombe dans une plaque d’égouts. Dégoût bientôt perdu derrière du gin et des basses sonores. La faim lancinante du manque tiraille tes entrailles. Terrible besoin déjouant l’ennui et la frustration, obsédante pensée qui ne te laisse jamais au repos. Sous le réverbère, tu n’es qu’une présence obscure et fantomatique. Tu détestes la vie et tu t’accroches comme gamin capricieux qui ne prête pas un jouet. Si tu pouvais même frapper les autres enfants avec, tu le ferais. Le ciel est couvert pas de drôles de nuages gris. Finalement, le silence nocturne est brisé par la porte de la résidence qui se ferme brusquement. Tu distingues une silhouette féminine s’approchant. Tu fais un léger signe de la main avant de t’approcher, un sourire narquois sur le visage. « Apparemment mon agenda était libre. »