#RPlibre

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La rentrée. Un mot qui est censé susciter une sorte d’anticipation jubilatoire à l’idée de tourner une nouvelle page, d’accéder au niveau supérieur. Pour moi, y a pas de niveau supérieur. J’ai fini mes études à Harvard, mais faut croire que je suis destinée à épouser cette université. Au milieu de l’été, j’ai postulé pour un job de coach à la salle de boxe, et ils ont été assez fous pour m’embaucher. Du coup, je viens leur filer un coup de poing - main, pardon - cinq fois par semaine.



Aujourd’hui, c’est jour de congé, et pourtant… je me sens attirée par la salle où j’ai passé tant d’heures à me défouler ces dernières années. Me défouler… c’est exactement ce dont j’ai besoin. Comme d’habitude, ces derniers temps, puisque je n’arrive à rien d’autre. Ni à penser, ni à sociabiliser, ni à me projeter… le néant qui m’attendait à la fin de mes études, celui qui se trouvait enfin un peu comblé avec ce nouveau projet de carrière, mes nouvelles colocs, la présence de Tee dans ma vie…



Non. Si je ne méritais pas qu’elle soit honnête avec moi, elle ne mérite pas que je gâche une seconde de plus à obséder à son sujet. Elle est partie. Elle ne reviendra plus. 



Mon cœur se serre mais je l’emprisonne sous une nouvelle cloche en verre, comme la rose dans la Belle et la Bête. Autant pour l’empêcher de faner que pour la protéger de quiconque essaierait de la cueillir. Pfff… de toute façon, qui voudrait d’une rose sans pétales, avec un nombre inquiétant de ronces sur sa tige, hein ?! Je craque. 

Après un détour par les vestiaires, je fais quelques exercices avant de me diriger vers un des punching-balls. Je suis en nage au bout d’une dizaine de minutes, essoufflée, éreintée.

Dans mon monde, prête à repartir pour un nouveau coup, j’fais pas gaffe à l’espace autour de moi. Et c’est seulement quand mon coude entre en contact avec quelque chose que je fais volte-face.



Super. J’ai presque tué quelqu’un.


— Oh, merde… j’suis vraiment désolée. Ça va ?

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Le type a l'air d'avoir le souffle coupé - j'suis dans la merde s'il est asthmatique. Heureusement, il finit par recommencer à respirer. Ouf. On a eu chaud. 
Je m'autorise un sourire, malgré mes sourcils qui restent en position de V inversé par inquiétude de l'avoir vraiment blessé.


— Je tape dans des punching-balls depuis que je suis gamine, alors...

Je hausse les épaules sans prendre la peine de compléter ma phrase. Phrase étrange quand on la sort de son contexte, tout de même. J'enlève un gant pour lui tendre ma patte.

— Je m'appelle Sam. Et je t'invite à boire un café après l'entraînement pour me faire pardonner. T'es dans l'équipe de boxe de la fac ?

Même si je n'arrive même pas à me montrer sociable avec mes propres colocataires depuis quelque temps, je lui fais la proposition sans trop réfléchir. C'est la moindre des choses, non ? Et puis, discuter avec un inconnu sera même peut-être plus facile que de parler avec des gens qui me connaissent. Après tout, avec un inconnu, on peut être qui on veut. Il ne sait pas que je suis cette fille brisée par le décès de sa « petite amie ». Et ce sera sûrement rafraîchissant.

HJ: