La rentrée est enfin là. Je l’ai tant attendu depuis ce jour où je suis arrivée sur Boston en mai dernier. L’envie de marcher sur les traces de ma mère, de lui faire honneur en décrochant mon diplôme de médecine ici. Puis, il était temps que l’été se termine, je suis rentrée plus tôt du Summer Camp pour préparer tout cela, sauf que tout ne s’est pas déroulé comme prévu. Déjà, il y a eu ces quelques jours à Paris, avec Maxime, souffrant de sa rupture avec Cassiopée. Il m’a demandé de venir pour être près de lui, de lui changer les idées. Et je pense avoir rempli mon rôle à merveille sur tous les plans. Un peu trop peut-être au point qu’Esteban est mal vécu le fait qu’il y est plus affinités entre le parisien et moi. Une dispute qui éclate, me reprochant cette proximité. Rien de plaisant là dedans, des mots parfois durs, et le regret qui fait comprendre qu’il y a quelques choses au-delà de ces messages avec l’espagnol. Alors depuis, on se lance, doucement mais sûrement, sans officialiser de statut qui pourrait me faire peur plus qu’autre chose. Trop de changement avant cette rentrée, je dois apprendre à jongler avec ma nouvelle université et être potentiellement une petite amie. Dans les deux cas, j’ai des choses à apprendre.
L’intervenant marque la fin du cours, si ma spécialité s’apprendra sur le terrain, on reste sur des cas théoriques plus généraux en cours. Fini pour la gériatrie ce matin. Je range mes affaires, prête à te retrouver. On ne sait pas vu depuis l’Egypte, qui était dans la première quinzaine de l’été. Autant dire que ça fait un bail. Impatiente, c’est d’un pas pressé que je sors de l’amphithéâtre pour arriver devant l’entrée du bâtiment. Comme à ton habitude de gentleman, tu es déjà. « Saluuut !» déposant un baiser sur ta joue. Elle est bizarre cette sensation, la dernière fois, on faisait l’amour dans cette cabine de croisière. Aujourd’hui, tu n’es pas encore au courant que j’ai décidé de laisser une chance à quelqu’un d’entrer dans ma vie. Comment on aborde ce genre de sujet ? Je vais l’apprendre à mes dépends. « Alors on va manger où ? J’ai une faim de loup !» Cette matinée m’a creusé l’estomac, le laissant même s’exprimer involontairement, laissant un rire et un oups s’échapper d’entre mes lèvres. « Comment tu vas ?» Polie, je te suis tout en conversant, contente de te retrouver.

Te retrouver à la sortir de l’amphithéâtre me ramène à mon arrivée à Boston, et à ce summer camp où j’ai laissé glisser toutes mes barrières que je pouvais me mettre pour passer cette nuit avec toi. Depuis, il n’y a eu que quelques échanges de messages et des moments croisés dans certaines activités ou à l’hôtel. Bien trop peu à mon goût. Si je n’en oublie pas Esteban pour autant, je dois reconnaître que passer ce midi avec toi me rend toute joie. Un plaisir partagé quand je t’entends rire à mon ventre qui décide de faire des siennes. Il a un peu de mal à se remettre du rythme des vacances, qui, on ne va pas se mentir était n’importe quoi. En rentrant plus tôt du Summer Camp, je devais remettre mon corps dans le bon chemin. Mais bien sûr. Demandant comment tu vas, je me rend compte qu’on est sur la même longueur d’onde concernant la reprise des cours. Ta main se glisse sur ma hanche, je sais que ce n’est pas bien, que je devrais retirer cette main. Je n’en fais rien. Ça ne reste qu’un geste non ? Je tiens bien Maxime par le bras quand on se voit. Officiellement, je suis encore célibataire. que je tente de m’accorder avec ma conscience. Je sais pertinament que si Esteban voit ça, ça risque de finir en dispute une nouvelle fois. « J’avais hâte de reprendre aussi. Les cours, les stages, me spécialiser dans mon domaine. C’était tout ce que j’attendais.» Mon ton de voix est enjouée. J’ai déjà mon lieu de stage, normalement, je suis sensée être au Massachussetts General Hospital mais finalement, ça sera à la clinique Rylon, validée par la doyenne. « Je savais que tu ferais les choses bien... Comme toujours.» Et c’est une vérité, jusque maintenant, chaque moment passé avec toi on était parfait. Pourquoi a-t-il fallu qu’on se soit moins vu de ses vacances ?

Longtemps, j’ai été cette fille studieuse, et je le suis encore aujourd’hui. J’avais vécu de belles années aussi bien à Oxford qu’à Paris, mais je dois reconnaître que j’ai tout de même râté parfois des choses comme des soirées étudiantes, faire les quatre cents coups avec une bande de copines. Ou encore connaître des lendemain difficiles au point de piquer du nez en cours. Bien au contraire, je me suis toujours assurée d’être au meilleur de ma forme et de moi-même pour mes études. Cela m’a permis de rentrée aussi dans cette université sans aucun problème d’admission. Alors oui, je vais tout déchirer comme tu me le dis, te souriant approuvant ton propos. J’aimerai juste essayer de commencer à apprendre à relâcher la pression, bien que l’internat qui m’attend l’année prochaine, ne sera pas une partie de repos.
Arrivant au restaurant que tu as choisi, je te laisse être gentleman, comme à ton habitude, me laissant passer la première. « Merci monsieur.» entrant la première, le rire léger. Je patiente un instant, te laissant faire pour prendre notre table. Par chance, on a un peu de temps ce midi avant de reprendre le chemin de l’amphithéâtre pour la suite des cours. Petite table, dans un coin assez reculer du monde qui nous entoure. Le genre de table qui aurait pu me plaire pour nous, avant que les choses deviennent plus sérieuse avec Esteban. Je m’installe confortablement, attendant que tu en fasses de même. Sauf que tu déplaces ta chaise pour t’installer proche de moi, sentant presque nos genoux se frôler. Mon cœur émet un raté à tes mots. « Manny...» Les joues rougissantes par tes mots. « Il faut que je te dise quelque chose.» Il faut vraiment que je me lance pour te le dire avant que tu ne fasses quoi que ce soit. Quand bien même, il n’y a rien d’officielle, je reste une femme de valeurs et de paroles, je ne suis incapable de m’amuser avec les sentiments d’une personne au détriment de mes envies. Ça serait mentir de dire que tu ne pourrais pas être une tentation, mais je ne peux te laisser l’être sans que tu ne sois au courant de ce qu’il y a dans ma tête. mes ongles tapotent sur la carte, cherchant une façon de bien formulée les choses.

Je souffle ton nom quand tu t’approches de mes lèvres, te stoppant dans ton élan avant que cela n’arrive. Je n’ai jamais été cette femme, ou du moins, je ne pense pas l’être. J’ai fait une promesse à Esteban depuis Paris, et je compte m’y tenir. J’ai toujours été de paroles, maintenant toujours mes promesses. Je sais que si je franchis cette étape là, je ferai du mal à une autre personne. Et pourtant ça me tiraille. Le souvenir de cet été n’est jamais très loin quand je te vois là. Mais je me retiens, t’annonçant que j’ai quelque chose à te dire. Je sens ton mouvement de recul, et je n’aime pas ça, bien que tu ne quittes pas non plus cette table. Mes yeux deviennent tout ronds, interrogateurs sur ta question. « Je ? Quoi ?» que je bafouille un instant avant de voir rire et d’en faire de même. « Je le saurais si c’était le cas. Enfin j’espère..» L’idée d’avoir un enfant n’est pas dans mes projets. Mon implant au bras gauche comme contraceptif, et préservatif obligatoire. Si avec ça, j’arrive à être enceinte, ça devient contre nature. Mes doigts tapotent contre la carte, c’est bizarre d’être nerveuse pour ça. C’est juste que je ne sais pas comment tu vas réagir. Après tout, on s’est rien promis. Sauf que depuis les instants où je t’ai retrouvé, je n’ai pas envie de te voir sortir de ma vie maintenant. « Je vois quelqu’un..» Et non, ce n’est pas un psychologue. « On n’est pas ensemble... enfin pas encore. Mais je l’apprécie bien.» Beaucoup même. Trop pudique avec les sentiments pour pouvoir le clamer. Une fois de plus, mes joues s’enflamment, alors que je fixe ton regard, cherchant une réponse à une question que je n’ai pas posé. « Si je te laisse faire.. si je te laisse m’embrasser, je sais qu’il m’en voudra.» Finissant par baisser la tête, me demandant si tu me veux ou ce que tu comptes faire. Je te le laisse les cartes en main pour la suite de ce repas.

J’annonce la couleur, parlant à demi-mot d’Esteban, disant que je vois quelqu’un, tout en observant tes réactions. Ton visage se change, sans trop savoir ce que j’arrive à lire. Et ça m’embête, j’aimerai être capable de te déchiffrer, même si ton rire parle un peu pour toi. Ce n’est pas le même rire que celui que j’ai l’habitude d’entendre. Chaque parcelle de mon corps est tendu, je n’ai jamais eu à dire cela. Mes épaules se haussent en guise de réponse. Pas en couple et déjà fidèle. Dit comme cela, j’ai l’impression d’être une idiote. « Je veux juste être honnête avec moi-même.» Parce que je suis comme ça, une jeune femme juste et de valeurs. Peut-être que c’est un peu prématuré d’en parler déjà, et que je vais me prendre un mur. Au moins, je pourrais continuer à me regarder dans un miroir jusqu’au bout.  
Te laissant faire, je te vois te remettre à ta place, ta chaise un peu plus loin que moi. Je ne peux pas dire que ça me plaît vraiment, et en même temps, c’est logique comme réaction donc je ne dis rien. La sensation que ces soirées de retrouvailles, que cette nuit dans la cabine est si loin maintenant. Les yeux roulant vers le ciel, mes lèvres qui meurent d’envie de te répondre que non, ça ce n’est pas vraiment mieux. « Effectivement.» Aucune raison d’en dire plus. Il est vrai que hormis quelques soirées agréables et une nuit mémorable, il n’y avait aucune raison de croire qu’il aurait pu y avoir plus entre nous. Non ? Le sourire s’efface petit à petit, et ce côté apaisant de te retrouver disparaît à son tour. Ce midi qui se devait agréable ressemble plus à une partie de ping-pong où l’on compte les points. Seulement, il n’y a rien de plus à dire à mon sujet. Le fait que je voyais également d’autres hommes durant le summer camp, j’imagine que tu te t’en doute un peu. Tu prends de nouveau la parole, ayant laissé jusque là un silence. Je m’attendais à tout... sauf à cela. « Tu es quoi ?» Dit moi que c’est une blague. J’aimerai que tu me le dises oui, que ce n’est pas vrai et que tu cherches à me punir. Mon ton de voix, bien plus aiguë que ce que j’ai pu contrôlé. Je déglutie, levant la main pour interpeller le serveur, commandant une boisson soft pour ma part, et te laissant décider de ta boisson avant de reprendre notre conversation. « Depuis combien de temps ? » Le regard fuyant, tête baissée. Sur le coup, c’est la première question qui me vient en tête. Pas forcément la meilleure. Et pourtant, je n’arrive plus à réfléchir comme il faut en recevant cette information. Je pouvais encore me regarder dans un miroir que je disais avant. Pas tant que ça finalement.