Djerba Explore jeudi 21 juillet 2022 10 heures
@Eleanor Wilshere Pendant que la plupart des membres de ton équipe a préféré partir pour explorer le dessert, toi t'as préféré rester ici. De quoi te reposer un peu après être sortie littéralement tous les soirs depuis votre arrivée. T'as besoin d'un peu de calme, et chose encore plus surprenante, tu décides de te l'accorder. T'as dormi si tôt que t'es levée aux aurores, ugh. Il est même pas 10 heures et t'es déjà prête à partir de l'hôtel, t'es motivée à aller visiter de Djerba Explore, et la réception de l'hôtel t'a conseillé d'y aller le matin avant qu'il ne fasse trop chaud histoire de pouvoir voir quelques animaux. « Salut petit crocodile ! » tu hèles dans ta langue natale depuis la passerelle aux animaux qu'en ont visiblement rien à foutre de toi.

Djerba Explore jeudi 21 juillet 2022 10 heures
@Romy Freymann Encore une nuit blanche, à faire la seule chose qu'ils m'autorisent à faire. Étant en territoire inconnu, j'ai pris plus de temps que d'habitude pour m'assurer de ne laisser aucune trace de notre passage morbide. Et, comme à mon habitude, je me suis autorisée une longue course suite à ça. Histoire de me repasser les évènements, mes actions, être sûre d'avoir tout fait... avant de me vider l'esprit. J'en ai besoin. Cruellement besoin. Sinon, je vais devenir folle. C'est pire encore lorsque ce sont des nuits comme celle-ci - sanglantes au possible. Courir m'aide à mettre de côté tout ce que mon regard a enregistré, toutes ces images glauques et gores. Pour que ça ne me pourrisse pas encore plus de l'intérieur. Léger soupir alors que ma course s'arrête, à quelques pas du Djerba Explore. Coup d'œil à mon téléphone qui me révèle que j'ai encore du temps à tuer avant mon départ. Alors, pour une fois, je m'octroie une pause. Peut-être que c'est la sensation de moins étouffer ici qu'à Belmont ? Mais je veux profiter. Profiter de ce que ce nouveau pays a à m'offrir, même le temps de quelques heures. Des crocodiles à foison, à première vue. Je m'arrête un instant, lit les panneaux qui nous renseignent à leur sujet, les contemple. C'est aussi rapide dans l'eau que sur terre, vraiment ? Et leurs mâchoires... Lorsque l'un d'entre eux ouvre la sienne, je dégaine mon téléphone. Immortaliser le moment, la puissance. Ce n'était sans compter sur toi, la jeune fille qui se plante en plein milieu de l'objectif, criant je-ne-sais-quoi aux bêtes. « Ah. » Mon cliché est raté. Ton dos recouvre mon écran. « Um... Qu'est-ce que je suis supposée dire, moi, là ? Alors que j'essaie de faire profil bas depuis tout à l'heure, et que tu m'as entendue ? Toi, qui ne parles pas du tout comme moi ? En réalité, je... » Pas sûre que tu me comprennes. Alors, le plus maladroitement possible, je te montre mon téléphone, les crocodiles et... toi. En plein milieu. Et il fallait que ça tombe sur moi...

@Eleanor Wilshere Absorbée par tes propres pensées, incapable de voir les gens autour, comme d'habitude. T'entends même pas sa voix en premier, et finalement comprends que c'est à toi qu'elle parle lorsque tu te retournes. La blonde qu'à l'air encore plus perdue que toi, dans un monde qui n'appartient qu'à elle. « Pourquoi toi m'as pris en photo sans ma autorisation ? » tu fronces fort les sourcils et forces à peine ton Anglais lorsque tu le dis, elle doit rien comprendre. Tu fais pas d'efforts, mettre les gens mal à l'aise t'amuse bien trop. « Parce que moi suis plus beau que les crocodiles ? » tu continues avec un immense sourire. Tu croises les bras devant ta poitrine et t'accoudes sans aucune grâce sur le rebord du petit parcours pour la détailler. « Tu veux que moi te prenne en photo avec les crocodiles ? » T'es toujours très à l'aise pour parler aux inconnus, c'est autant une qualité qu'un défaut, faut supporter.

Djerba Explore jeudi 21 juillet 2022 10 heures
@Romy Freymann Ah. En fait, nous parlons la même langue. À quelques détails près. Je te scanne rapidement du regard — une habitude. Tenter de discerner quelque chose (une arme) dans l’une de tes poches ou autre part. Peut-être que te taper l’incruste sur mon cliché est le premier pas d’un plan sournois et dangereux ? Je retiens ma main de se diriger vers l’arme que j’ai toujours sur moi, histoire d’être prête à affronter un quelconque souci. Je ne voudrais pas que tu te doutes de quoi que ce soit. Puis, peut-être qu’avec un peu de chance, tu es aussi innocente que ce que tu parais aux premiers abords. « Je- » Décontenancée par ce fort accent dont tu fais preuve, malgré les quelques erreurs dans tes paroles, j’ai quand même la première impression de me faire engueuler. D’avoir fait une erreur, alors que c’est bel et bien toi qui es sortie de nulle part. Tiraillée entre le fait de ne pas vouloir être impolie et l’interdiction qui me trotte dans la tête depuis ma naissance, je finis par fuir ton regard et par marmonner, « J’ai pas fait exprès. Um… Mauvais timing. » Le genre de tu étais au mauvais endroit au mauvais moment, mais dans un contexte bien plus light que les fois où la majorité des gens utilisent cette expression. Un léger rire, pas super élégant, m’échappe à ta deuxième remarque. Ah non Eleanor, la ferme. Tu dois lui donner envie de tourner les talons et de s’éloigner, pas de constater qu’elle peut te faire rire. Et, dans tous les cas, c’est interdit. Alors je n’y réponds pas. Même si oui, tu es plus belle que les crocodiles. Hmpf. C’est dur, de m’empêcher de continuer la conversation avec toi. Pourquoi est-ce que tu me poses autant de questions ? « Euh, non. Ça va aller. Je… compte pas rester longtemps. » Ah et puis, qu’est-ce que tu en as à faire de mes projets, de toute façon ?

@Eleanor Wilshere Entre sa posture et son ton, c'est un monde. Elle se tient droite, elle à quelque chose dans le regard... tu saurais pas dire quoi, tu te sens complètement détaillée, analysée, et pourtant son ton lui, il bute il bégaie. Regard finalement fuyant, et quelques mots balancés à la volée que tu mets plusieurs secondes à comprendre tellement ils sont bas. Si toi tu fais pas beaucoup d'efforts pour te comprendre, elle non plus visiblement. Elle ricane à tes mots, et mine de rien ça t'encourage à vouloir creuser un peu plus. Peut être que tu vas en découvrir plus que sur les crocodiles en étant venue ici. « C'est juste le début de la visite, pourquoi partir déjà ? » Tu secoues la tête et soupires longuement avec un moue. Finalement t'approches sans crier garde, t'invites dans ton espace vital pour lui prendre l'appareil photo des mains. « Fais voir. » T'ignores le mouvement de recul qu'elle vient de provoquer par ta spontanéité pour finalement porter l'appareil devant ton visage et prendre quelques clichés. Tu t'en rends pas compte mais t'es pas du tout mauvaise à l’exercice. De ta vie entière, t'as toujours eu du mal à voir et admettre tes qualités, sauf peut être celle de faire chier le monde. Tu la contournes pour prendre en photo d'autres reptiles et continues sans lui adresser un regard « T'es en vacances aussi ? » Tu prends pas beaucoup de risques à la question, y'a qu'à voir sont teint de porcelaine pas encore dévoré par le soleil Tunisien.

Djerba Explore jeudi 21 juillet 2022 10 heures
@Romy Freymann

« Je dois rentrer aux États-Unis. » Car j'ai un avion à prendre d'ici quelques heures. Et puis… je n'ai surtout pas le droit de me permettre un tel moment de liberté, aussi court soit-il. S'il me voyait, le boss serait déjà en train de me tirer par les cheveux pour que je déguerpisse de cet endroit blindé de monde au plus vite. Ou peut-être qu'il m'aurait tiré une balle en pleine tête. Non, j'abuse. Il ne ferait pas ça ; par contre, il ne se serait pas dérangé pour me cogner une fois à l'abri des regards indiscrets. Pour avoir désobéi à ce que le gang et lui m'inculquent depuis mon plus jeune âge. Je suis rongée de l'intérieur, oscillant entre celle de profiter de cette liberté que tu peux m'offrir et l'envie de tourner les talons et disparaître aussi vite que je suis arrivée. J'ai toujours eu envie de voir à quoi ressemblait le monde extérieur, au-delà des paysages qu'il a à m'offrir et que je peux contempler quand je cours. Une envie de voir quel genre de vie vous menez, vous, les autres. Même si vous êtes synonymes de danger mortel. Mais quand je regarde ton visage, je ne décèle pas de méchanceté. Celle que je vois dans les yeux, les traits des personnes qui m'entourent, ou ceux de nos ennemis. C'est autre chose. Je ne sais pas ce que c'est. C'est intriguant et, surtout, ça fait moins peur. « Hey ! » Mon téléphone se retrouve dans tes mains, et je me remercie silencieusement de toujours effacer les messages les plus douteux. Tu ne pourras pas tomber dessus. « Attends, rends- Je m'interromps en voyant que tu enchaînes les clichés, me racle la gorge. Tu aimes bien la photo ? » Tu m'as presque l'air dans ton élément, même si je te maudis de t'éloigner avec mon portable. Je ne peux pas partir, car je ne peux pas le laisser entre tes mains. Forcée, je te suis, observant les nouveaux reptiles. Moins impressionnants que les crocodiles. Sauf peut-être ce serpent… « Non. » Je suis là pour faire mon job. Mais ça, je me garde bien de te le dire, à toi, l'inconnue qui semble n'avoir aucune limite, aucune barrière. Je n'ai pas envie de subir un interrogatoire, même s'il risque d'être plus innocent qu'autre chose. « Toi, oui ? Avec tous ces jeunes ? » Car j'en ai croisé un paquet en arrivant ici. Vous êtes comme une sorte de gang, vous aussi ? Un gang de vacances ?

@Eleanor Wilshere « Oh non, c'est dommage de partir déjà ! Tu prendre un autre jour de congés sinon ! » Dans ton monde à toi (tout sauf adulte), ce genre de chose est possible. Dans la réalité, ça l'est beaucoup moins. T'as envie de partager la visite avec elle, t'as jamais été aussi intriguée par quelqu'un, surtout par une fille. C'est trop rapide et trop court, alors tu forces les choses en lui piquant son appareil. Ignorant d'abord ses demandes, elle finit par te questionner et tu rétorques « Oui j'aime bien. » de temps en temps, prendre en photo tes amis ou des paysages tu trouves ça très sympa. Elle te suit, elle est obligée maintenant que tu as son téléphone. « Oui je suis vacances avec tous les étudiants d'Harvard, c'est une université, aux Etats-Unis. Je vais entrer là-bas en septembre. » tu lâches le téléphone un instant pour te redresser, épaules fièrement redressées pour croiser son regard. Malheureusement elle regarde ailleurs, comme prise par bien trop de pensées. Toi la seule que t'as, de pensée, c'est de découvrir qui est cette fille, pourquoi elle à l'air si morose dans un endroit pareil ? Et pourquoi la majorité de son vocabulaire se résume à "oui" et "non" ? Tu continues de l'observer alors qu'un rayon de soleil passe à travers la vitre de la grande serre au dessus de vous. La lumière qui se faufile dans ses longueurs et qui grise ses yeux déjà très clairs. « Bouge pas. » Tu lèves le téléphone avant qu'elle ne comprenne ce qu'il se trame et prend un cliché que tu regardes ensuite. « T'es belle, très belle. » t'approches pour te mettre à côté d'elle et lui montrer la photo « Tu peux l'utiliser en photo de profil pour les réseaux sociaux. »

Djerba Explore jeudi 21 juillet 2022 10 heures
@Romy Freymann

Un jour de congé ? Je te regarde avec de grands yeux, perplexe. Un jour de congé, genre, un jour où je peux être libre ? Ha. Ce n'est pas possible, dans mon monde. « Um… non. J'peux pas. » Et si par malheur, avec tout cela, j'en venais à louper l'avion du retour… Priez pour que je m'en sorte. Réellement. Mais me voilà obligée de te suivre pour récupérer mon téléphone. Passant une main sur mon visage pour cacher ce flot d'émotions conflictuelles aussi sauvages les unes que les autres, je laisse ma curiosité vaincre le tout pour s'installer. Alors je t'écoute, tente de faire la conversation, bien que ce soit certainement assez maladroit. C'est sûr, même. Je ne fais pas ça, d'habitude. Ou, alors, ça tourne autour de sujets que je maîtrise : les armes, le nettoyage de preuves, les cachettes, les points de rendez-vous secrets et bien d'autres encore. Mais pas la photo - regarde, je ne sais même pas quoi te dire d'autre. Tu m'embarques ensuite sur un autre sujet. Nouveau terrain glissant de mon côté. « Harvard ? » Je répète, dois paraître un peu bête face au petit bout de femme que tu es et qui maîtrise sans doute bien mieux le sujet. À vrai dire, j'ai déjà entendu parler de cette université, mais très brièvement. Enfin, "entendu parler". J'ai surtout survolé du regard des affiches qui présentaient ces grands bâtiments. Des étudiants, une université… ça ne me dit rien. Mais ça n'empêche pas de me demander comment c'est. Le regard qui se perd sur le corps ondulé d'un serpent, je me demande s'il n'y a que des étudiants dans ces bâtiments. Et des animaux ? Et qu'est-ce que vous faites, derrière ces portes ? Probablement quelque chose de légal, de bien. Mais voilà que tu me tires de ma rêverie ; et mes yeux s'écarquillent quand je vois que tu tiens mon téléphone dans ma direction. Mon corps se tend au moment où tu envahis mon espace personnel. Et mes joues deviennent chaudes à ton compliment. Soudainement. Comme ça. C'est la panique à l'intérieur : qu'est-ce que je suis censée faire ? Alors c'est ça, les conversations avec d'autres gens ? On nous pose des questions, on nous pique nos téléphones et on nous dit des choses gentilles ? … … … C'est fatiguant, tout ça. Je m'éclaircis la voix, tente de passer à autre chose. C'est normal, que ça me prenne au dépourvu ? « Je… non. J'ai pas tout ça. » Les réseaux sociaux. Trop dangereux. Je ravale ma salive, attrape timidement le bord de mon téléphone même si tu le tiens toujours. « Um, je peux le reprendre…? Ou… tu en as encore besoin ? » Même si j'avoue que ça m'arrangerait beaucoup, si tu me le rendais. C'est à cet instant-là que je remarque que tu as pris plein de photos. Ce sont les tiennes. Pas les miennes. « Tu voudras les récupérer ? »

@Eleanor Wilshere Elle est étrange, elle est lunaire. Auprès d'elle t'as l'impression d'être une petite abeille, envahissante pourtant elle n'agite pas le bras malgré tout. Elle ne te repousse pas. Pas pour l'instant. Ça n'aurait pas été très grave, t'as l'habitude qu'on te repousse. Parce que tu parles fort, parce que t'es envahissante, parce que tu connais pas les limites. Tu prends le téléphone d'une inconnue et tu te barres avec, t'es comme ça. « Ouais c'est une université à Boston, tu connais ? » Toi même avant d'y connaitre par correspondance celle qu'allait devenir ta meilleure amie, t'aurais jamais soupçonné l’existence de cette ville. Surement que si tu n'avais pas connu Anja, tu connaîtrais toujours pas. T'as jamais été douée en géographie, en pas grand chose d'ailleurs, pas très attentive à l'école, une cancre disons-le. T'approches et tu t'imposes dans son espace vital, encore. T'as plus trop envie de la provoquer ou de la mettre mal à l'aise, désormais. Non t'aurais bien trop peur qu'elle disparaisse à tout jamais, t'es pas arrivée au bout de tes questions, t'es encore insatiable. « Pas de réseaux sociaux ?! » Ça te surprend, toi qu'est quasiment née avec un téléphone au bout du bras. Tu l'observes encore, t'en fiches des convenances. Elle n'a pas l'air plus vieille que toi, elle est très jeune sinon plus, t'arrives pas à croire qu'elle n'ai pas tout ça elle aussi. « J'en ai encore besoin. » Tu lâches pas le téléphone, le tien fermement comme s'il s'agissait du tien. Tu ré ouvres l'appareil photo, le porte à bout de bas pour prendre un selfie avec ton plus beau sourire. « Voilà, ça te fera un souvenir de moi ! » Tu lui recolles alors le téléphone dans les mains, ayant bien vu qu'elle était très désireuse de le récupérer. « Oui je veux les récupérer ! » les photos, et te retrouves curieuse du moyen auquel elle pourrait penser. Tu te souviens qu'elle a dit où est-ce qu'elle devait repartir, et forcement la curiosité te brûle encore et toujours les lèvres, faisant complètement fi de sa réserve depuis le début de l'échange « Tu dois repartir pour quelle ville aux Etats-Unis ? T'as quel age ? »

Djerba Explore jeudi 21 juillet 2022 10 heures
@Romy Freymann

Une université à Boston. Il y a toujours ce mot que je ne connais pas. Une université. Je fouillerai tout à l'heure, quand je serai sur le trajet du retour. « Non. » Par contre, je connais Boston. J'habite pas loin - sauf que je me garde bien de te le dire. Sans que tu le saches, nous allons être… comme des voisines, je suppose ? Enfin, des voisines qui ne se côtoient pas. Qui ne se voient pas non plus. Nos mondes sont à des kilomètres l'un de l'autre. Ce n'est pas une faille qui les sépare ; c'est un gouffre béant. « Euh non, pas de réseaux sociaux…? » Encore une fois, tu me laisses perplexe. J'en apprends plus que ce que j'avais imaginé. Oh, je connais les réseaux sociaux - certains confrères les utilisent, bien que ce ne soit pas pour les meilleures raisons au monde -, mais j'ai interdiction formelle de finir dessus. C'est la porte ouverte à tous les dangers. À ce qu'on me reconnaisse dans la rue, qu'on trouve facilement ma localisation. Trop dangereux, je vous dis. Léger sourire forcé quand tu t'empares à nouveau de mon téléphone, mais je reste muette quand tu te prends en photo, toi. Avec mon téléphone. Surprise, éberluée, je récupère machinalement mon appareil. Et j'ai un millier de pensées qui se bousculent dans ma tête. « M-merci ? » C'est ça, que je dois dire ? Et je dois vraiment le garder, ce souvenir ? Est-ce que tu le sentiras et m'en voudras, si je supprime la photo pour éviter qu'un confrère ne tombe dessus ? Ou je la garde ? Parce que j'en ai peut-être un peu envie, au fond ? Je n'y touche pas encore, déjà emportée par la tornade que tu es et que sont tes conversations. Elles défilent les unes après les autres, sans nous laisser le temps de reprendre notre souffle. Alors, avant que tu ne m'embarques sur un autre sujet, je te fais signe de patienter un instant. « Attends… » Mes doigts volent, pianotent sur l'écran tactile, tourné de façon à ce que tu ne puisses pas voir ce que je suis en train de faire. Tu vas certainement croire que j'active la fonction de partage Bluetooth (je m'y connais un minimum) alors qu'en réalité, je fais autre chose. Mon monde oblige, je suis en train de changer le nom de mon téléphone. Ce n'est pas contre toi - c'est juste pour me protéger. Protéger mon identité, protéger le gang et, quelque part… te protéger toi, aussi. En voyant un faux nom apparaître sur ton écran, tu te persuaderas que je m'appelle comme ça. Et tu ne pourras plus me retrouver. Tu es beaucoup trop solaire pour une fille comme moi. Je suis l'obscurité, les ténèbres, quand toi, tu es la lumière, le soleil, la joie de vivre. J'ai pas le droit de te retirer ça. Mais vu ce qui m'entoure et qui je suis réellement, c'est plus prudent. Même si ça veut dire que tu vas croire que je m'appelle Ophelia. Faible sourire - car je crois que c'est mal, ce que je fais -, et je te réponds doucement (peut-être plus doucement que tout à l'heure), « Une ville pas loin de Boston. Et j'ai vingt ans. » Bientôt vingt-et-un, certes. Mais je ne mens pas, cette fois. « Et toi ? » La curiosité est un vilain défaut, Eleanor. Mais c'est la politesse aussi, non ? De demander les informations en retour. Et de s'intéresser aux autres, quand bien même ce soit défendu.