C’est assez drôle de voir les expressions passer sur son visage, cette surprise qui suit ce que j’estimais n’être qu’une simple question. Si je lui demande, ce n’est que pour prévenir mon chauffeur, parce que je suis de celles qui savent conduire mais ne le font pas, parce que les princesses – pétasses – se font conduire, cela va de soi. « J’ai marché ; j’habite pas loin. » Je hoche le visage, lui lançant une œillade, quand il semble remarquer le résultat de quelques nuages. « Mais on peut prendre un taxi. » Ce qui me paraît plutôt judicieux, à la vue de la pluie. Ce garçon, c’est un véritable génie. Oui, pour le coup, je fais preuve d’ironie, mais je le jure, que pour une fois, c’est à peu près gentil.

Et si lui prend le temps de finir son verre, je me contente d’observer le mien avec un certain dédain. Certes, la politesse voudrait que je l’achève étant donné qu’il vient de me l’offrir. Mais les règles de la bienséance, je les réinvente au grès de mes plaisirs. « Où est-ce que tu veux qu’on aille ? » Les paupières plissées le temps de le regarder, je jauge ses réactions, à mon tour, je m’étonne de l’interrogation. De ce qu’il peut se passer dans ses réflexions. « Je croyais qu’on allait chez toi. » Je croyais ou je l’impose, entre les deux, il n’y a qu’un pas. Et je tairai le fait que je ne ramène quasiment jamais les mecs que je rencontre en soirée chez moi. Je n’apprécie pas laisser rentrer les gens dans mon intimité. M’impose cette distance de sécurité. Alors mon regard émeraude décline sur ses lèvres, vicieuse lorsque je m’approche, que je défie la proximité. Flirte avec le danger, quand, d’un ton soupçonneux, à la lisière de l’embrasser, je m’aventure à lui demander. « A moins que tu aies quelque chose à cacher ? » Un potentiel coupable à condamner. Juge ou bourreau, ça fait partie de mes activités préférées.