Sur le siège de cette limousine que mon chauffeur, je ne lui ai pas décoché un seul regard depuis que nous sommes passés le chercher. La tension palpable dans ses mâchoires serrées a eu le chic de me dissuader. Alors quelques minutes seulement ont suffi à nous conduire face à l’endroit désigné où la grande université d’Harvard donne son bal de fin d’année. Parée de cuir bleu en une fausse veste cintrée, pour faire honneur à cette maison à laquelle nous appartenons, de dentelles, de diamant, mes boucles rousses apprivoisées. Et même s’il ne m’a pas inspiré, ce thème gagnant, j’ai réussi à créer une robe iconique à souhait.  Une pièce qui me ressemble, qui me plaît. Estampillée du seau WW.

Alors mes doigts poussent de manière factice la portière quand celle-ci, par mon employé, est ouverte. Le talon de mon escarpin claque derechef sur le bitume, et j’en ai un faible vacillement, je m’arme du masque qui ne laissera transcrire aucun de mes sentiments, d’une Wendy devenue actrice pour une soirée. Et je me fais patiente pour le voir sortir à son tour, mon cavalier dont la colère n’est plus à prouver. « Action. » que je balance, l’air amusé. Manipulatrice à peine déguisée. Comme j’ai pu l’entendre tant de fois sur les plateaux de tournage, endroits privilégiés où j’ai été élevée. « On ne sait jamais, si tu t’en sors, je pourrais te trouver un rôle dans le prochain film de ma mère. » Pour ce que ça peut l’inspirer ou lui faire. Et aspirer à croiser le regard de l’amérindienne pour voir ses jambes se dérober, quand l’Enfer se sera ouvert sous ses pieds.

Mais quand l’étudiant se décide à se glisser à mes côtés, je ressens sa mauvaise humeur jusque dans mes propres terminaisons nerveuses, si bien que ça pourrait me refiler la nausée. Ici, face à l’entrée de la salle de réception, je le jure, ce n’est pas la Lune qui lui est demandée. Mes prunelles balaient avec une factice nonchalance l’ensemble de l’assistance, un sourire enclin à la fausseté flanqué sur mes lèvres maquillées, quand je l’écoute me souffler. « Jouer la comédie c’est ton rayon, » ok donc de la soirée, ce n’est pas qu’un peu qu’il cherche à donner le ton. J’en ai de plus en plus l’envie de ne pas être agréable envers lui, à la réflexion. Et puis, je ne l’ai jamais nié, bien au contraire, c’est un don dont je n’ai de cesse de me vanter. Après tout, c’est dans ce monde là que je suis née. Dois-je le rappeler ? J’étais devant une caméra bien avant de savoir marcher. Alors rien ne saurait me changer. Le talent de ma mère, aucun doute qu’il s’est insinué dans mes veines. Clairement dans mon ADN.

Et ma paume, dans un factice mouvement naturel va se raccrocher à son bras, c’est ce qu’il se fait lorsqu’on se pointe à ce genre de soirée accompagné. Les lèvres légèrement arquées en un esquisse de sourire, je replace mes boucles enflammées de ma main libre, si bien que mes ongles glissent, avec discrétion, pour aller s’enfoncer dans son poignet. « On est au bal, pas à un enterrement. » Je me permets de persifler comme une piqûre de rappel, tentative de pallier sa mauvaise humeur. Je suis convaincue que son oncle le préfèrerait souriant, d’ailleurs. « C’est qu’une soirée, elle te pardonnera. » Persuadée que l’amérindienne rêvait de conte de fée, sinon dans mon bureau il ne serait pas venu se plaindre de notre arrangement. Mais qu’il se rassure, la grande prêtresse de la pureté, le laver de tous méfaits, elle le fera. Toi, l’absolution, contrairement à moi, tu l’obtiendras.