Jusqu’à cet instant précis, elle ne mentira pas, elle voyait le bal comme une corvée. Un passage obligé même sans cavalier. Parce qu’elle a la chance d’être à Harvard donc elle ne pouvait tout bonnement pas passer à côté. Mais maintenant… Maintenant tout est absolument différent. Elle en oublie presque que Sheng ne l’a pas invité, ses yeux plantés dans ceux de cette amie que pour rien au monde, elle ne changerait. « Je t’ai même pas proposé ! » et ce rire qui suit sa phrase, c’est plus qu’intensément que ça l’avive. « Haiwee Wind River, me ferais-tu l’honneur d’être ma cavalière ? » Elle en rigole, elle est prête à sautiller, comme une véritable gamine dans une comédie démodée. Et elle s’en fout que les choses soient inversées, que le schéma soit à l’envers. Elle est simplement gavée de bonheur d’avoir une cavalière. Puis lui souffler qu’elle en serait honorée. « Aaaaah, l’honneur est partagé ! » elle articule surexcitée, bougeant les ballons qui ne sont pas des ballons et qui font pouffer d’autant plus la pudique Haiwee. Il n’y a qu’Eloise pour faire une telle chose, elle en est persuadée. « Hiiiii ça va être troooooop bien ! » Dans les bras l’une de l’autre, à sauter en un rythme qu’elles inventent selon leur bonne volonté. Elle en fait voler des confettis, ce qui arrache à Haiwee un petit cri. « Il va falloir qu’on aille faire les boutiques. Je veux qu’on soit élue les plus belles de la soirée. » Elle n’est pas certaine de convenir à cette description mais elle se promet d’essayer. Bien que pour le côté boutiques, la Haiwee, elle n’a pas le budget. Mais l’heure n’est pas aux nuages pour assombrir leurs idées. Non, le temps est déjà à la fête, pas vrai ? « Les copines d’abord. » Elle lui souffle après l’avoir embrassé, lui tendant son petit doigt en un geste qu’elle est certaine, elle n’a vu que dans la télé. En un sourire, elle lui accroche les phalanges tendues à l’aide des siennes. « Les copines d’abord. » A la vie, à la mort.