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the 09.04.2022 Appartement de Céleste, Boston

Je joue avec les mains d'Anaé, les frappant doucement entre elle, en chantant la première comptine qui me vient à l'esprit. Ca semble suffisamment la distraire et l'amuser pour que Céleste ait le temps de revenir de la salle de bain avec le fameux médicament. Je me décale et lâche Anaé d'une main pour laisser de la place à Céleste de lui administrer. Je lui rends son sourire alors qu'elle va enfin pouvoir profiter de quelques instants tranquilles juste pour elle. « Ca marche, merci ! » Je me reconcentre sur Anaé qui serre un peu plus fort mon doigt des siens. C'est fou la force que ça pouvait avoir en réalité. Un rapide coup d'oeil vers la porte de la salle de bain, et je remarque que celle-ci est restée entre ouverte. Surement que Céleste était plus rassurée ainsi. « Maman elle s'inquiète trop, ça va bien se passer, hein bébé ? » J'avais envie d'y croire, mais il semblerait que ma fille ait déjà envie de me donner tord. Elle commence à s'agiter de nouveau et je reprends le jeu avec ses mains, qui cette fois, reste inefficace. Les premiers cris commencent à se faire entendre, et les premiers pleures suivent. J'essaye de la rassurer, de lui parler, tout en maintenant le contact mais rien n'y fait. Les cris s'intensifient, et ça me fend le coeur de l'entendre hurler ainsi comme si le sien se brisait. « Allez, calme toi, tout va bien. » Ou pas. Les cris persistent et je me sens désemparé et blessé par ses pleurs. Doucement, je viens glisser mes mains sous sa tête et son petit corps pour la ramener près de moi, caler contre mon torse. « S'il te plaît Anaé... Arrête de pleurer. » Je commence à faire les cent pas dans la pièce, la berçant doucement contre moi, ce qui la calme tout doucement et moi avec. « C'est bien ma puce. Tout va bien. »

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« Je t'entends, Anders ! » que je lance de la salle de bain, grâce à cette fameuse porte ouverte. Moi ? Je m'inquiète trop ? Pas du tout. Je suis curieuse de voir comment cela va se passer entre vous, nuance. Maintenant qu'elle n'est plus blottie contre moi. Qu'elle n'a pas mon odeur pour la rassurer. Ni ma respiration, ma voix, ma chaleur corporelle. Cela fait très "imbue de moi-même", mais c'est la réalité. Être contre moi l'a toujours apaisée. Comme quand les bruits environnants sont trop perturbants pour elle. La fois où elle a eu son rhume et n'a pas voulu quitter mes bras. Ou ces quelques nuits où elle n'arrive pas à se rendormir tant que je ne la garde pas contre moi. Un vrai koala. Je me pince les lèvres (non, je ne suis pas inquiète), détache mes cheveux relevés en un chignon fait à la va-vite ce matin tandis que l'eau chauffe. Quand les gouttes se mettent à ruisseler sur ma peau, mon cœur se met à patauger. Soudainement proche de la noyade. Je l'entends de là. Anaé pleure. Bien sûr qu'elle pleure. Entre le fracas de l'eau dans la douche et mon palpitant qui se fait chahuter par ces cris de bébé, je n'arrive pas à distinguer ce que tu lui dis. Culpabilité qui me donne envie de bondir hors de la douche et de remédier à tout ça. Mais je serre les dents, prends sur moi, fais mousser mes mèches brunes depuis plusieurs semaines déjà. Puis, elle se calme. Et mon cœur aussi. Toi qui n'es pas prêt à la prendre dans tes bras, je suis curieuse de voir comment tu as réussi à la calmer. « Tout va bien ? » que je lance en quittant la salle de bain, serviette enroulée autour du corps et cheveux à peine séchés, pas encore démêlés. Et c'est une jolie surprise qui m'attend, une vue qui m'arrache un sourire. Ça me fait quelque chose, de te voir avec ce petit bout de nous dans tes bras. « Alors ? » que je souffle, la voix basse, comme si j'avais peur de briser ce moment. Qu'est-ce que ça te fait, d'avoir ta fille tout contre toi ?

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Cet instant, il aurait dû se produire il y a bien longtemps, je le sais. Il aurait dû se produire depuis le moment où j'ai su qu'Anaé était ma fille, et peut-être même avant. J'aurais dû pouvoir la prendre dans mes bras dès les premières secondes de sa vie, comme tout les parents, comme tout les pères. Au lieu de cela, ce moment il n'avait cessé d'être repoussé. Par une naissance prématurée, par une paternité incertaine, et puis par peur. La situation m'avait tellement dépassé que j'avais eut du mal à l'accepter, eut du mal à faire ce qu'il fallait faire. La prendre dans mes bras, c'était accepter une bonne fois pour toute que ce petit être aurait besoin pour veiller sur elle pour le reste de sa vie. Une responsabilité effrayante. Mais à l'entendre pleurer comme si on lui arrachait le coeur, la peur ne dicte pas longtemps la marche à suivre. Doucement, je viens la soulever pour la caler contre mon torse, murmurant près de son oreille pour la rassurer alors que je la berce, traversant la pièce de long en large. « C'est finie bébé ! C'est fini. » Que je souffle, autant pour elle que pour moi, quand ses pleures se calment enfin. Et la crise passer, je réalise que l'avoir contre moi est un privilège exceptionnel, une sensation indescriptible. C'est ma fille bordel... Que je me dis, comme si je venais de l'apprendre. C'est la voix de Céleste qui me ramène vers plus de lucidité alors que je hoche doucement la tête. « Oui. Je crois... » Je ne suis sur de rien avec cette enfant, mais si elle se calme à mon contact, c'est plutôt bon signe non ? « Désolé, j'ai mis un peu de temps à réagir, mais je crois qu'elle est bien là. » Et moi aussi il faut bien avouer.  

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La voilà enfin dans tes bras. Tenue par tes mains qui auraient pu la recouvrir si tu l'avais prise contre toi le jour de sa naissance, tant elle était petite. Ce n'est pas pour rien que je me surprends à l'appeler "ma crevette", parfois. Je ris légèrement. Tu crois ? « Tu devrais être sûr ! En tout cas, moi, je le suis. » Parce qu'elle est apaisée, là. Plus aucun ronchonnement, plus de sourcils tristement froncés, plus de respiration agitée. « Elle serait encore mieux si tu enlevais ton t-shirt. Il me faut un petit laps de temps avant de réaliser que tu peux potentiellement interpréter bizarrement ce que je viens de te dire. Alors je me rattrape assez vite, pour le peau à peau, hein. Ça l'aide à réguler sa température corporelle, même quand elle a de la fièvre. » Et puis, peut-être que tu préfèreras ce moyen de créer cette proximité, ce lien, entre elle et toi ? Parce que personnellement, j'adore. J'étais hésitante au départ, quand elle était en couveuse. Je le faisais plus pour sa guérison à elle, pour son confort et non pas pour le mien. J'en ai honte et ça me brise le cœur de le dire, mais je n'étais pas vraiment à l'aise avec un minuscule bébé dans mes bras. C'était trop tôt. Mais, de fil en aiguille, j'ai fini par apprécier. Par remarquer que ça la calmait, qu'elle aimait ça. Par comprendre que ça me rassurait, moi aussi. Ces moments de peau à peau, j'ai fini par en être fan. Et j'y tiens, sincèrement. Hier, j'ai passé la majorité de la journée en soutien-gorge avec Anaé blottie tout contre moi. « Mais sinon, oui, elle est bien. Et on s'en fiche, que tu aies réagi tard ou non ; tu as fini par réagir, et c'est tout ce qu'elle demande. » Que nous soyons là pour elle. Qu'elle se sente en sécurité. Et aimée. « C'est chouette, mh ? De l'avoir dans tes bras. » C'est encore un chuchotement. Je suis sûre qu'elle ne va pas tarder à s'endormir.

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Le sentiment est unique, l’instant précieux. Pour la première fois, je tiens ma fille dans mes bras. Mon bébé. Il y a beaucoup d’émotions en moi, que je contiens, pour ne pas trembler, ne pas pleurer. C’est indescriptible, toutes ces choses que je ressens, depuis des jours déjà, mais qui semblent s’être intensifiées à l’instant même où j’ai senti battre son coeur contre moi. J’allais aimer cette petite ange de tout mon être, aucun doute là-dessus. Mes mains qui la recouvrent presque tellement elle est petite, la maintiennent à la fois délicatement et fermement contre moi. Ce n'est pas le premier bébé que je tiens contre moi, alors je sais comment faire, même si le fait que ce soit mon bébé rend les choses différentes.

Le corps entier se tourne doucement vers Céleste, qui nous observe avec un sourire, satisfait et bienveillant. Je suppose que ça devait l'inquiéter de voir que je n'osais franchir ce cap depuis des jours, et qu'elle devait être soulagée de me voir me lier à notre fille. Tu as raison. Parce qu'effectivement, elle s'apaise notre petite puce. Les pleurs ont cessé, le calme est revenu, et elle semble même apaisée. Petit être toujours contre moi, je regarde Céleste un peu curieusement à ses mots, attendant qu'elle explicite. Vraiment ? Je ne savais pas que c'était recommandé aussi en cas de fièvre. J'ai encore beaucoup à apprendre pour pouvoir veiller sur elle et l'élever correctement, mais ça aussi, ça allait venir. Tu peux la reprendre quelques secondes alors ? Je l'éloigne doucement de moi, la portant à bout de bras tout en veillant à ce qu'elle ne m'échappe pas des mains, attendant que Céleste soit prête à la prendre quelques secondes. Ouais c'est… C’est plus que chouette. J'ai eut peur tu sais, de pas réussir à me lier à elle, comme je n'ai jamais réussi à me lier vraiment avec ma famille. Mais c'est différent et… Je me sens rassuré vis-à-vis d'Anaé. Et j’en regretterais presque de ne pas avoir su apprécier ces moments avec ma famille quand j'en avais eu l'occasion.
 

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« Ça peut l'être. Normalement, tu devrais absorber la chaleur et l'aider à faire descendre la fièvre. C'est fou, non ? » Et puis, ça lui fera du bien dans tous les cas. Probablement trop habituée au contact, à ce fameux peau à peau, mais c'est ce qui lui correspond quand elle ne se sent pas bien. C'est ce genre de choses que l'on remarque au fil des heures passées ensemble ; ce que j'ai remarqué, et ce que tu finiras par remarquer aussi, au fur et à mesure que votre lien père/fille se construira. « Oui, bien sûr. » Petit ange de plus en plus apaisé qui revient dans mes bras le temps que tu retires ce vêtement en trop. Une vraie scène familiale que je n'aurais jamais cru vivre - du moins, pas maintenant. Et pas forcément en t'ayant toi, mon Superman, à mes côtés. Mais la vie a décidé de nous lier d'une drôle de façon. Avec un minuscule bébé. Ce minuscule bébé. Notre fille. C'était déjà dingue de dire que j'avais une fille - mais ça l'est encore plus quand je pense que c'est la notre. Un petit bout de toi et un petit bout de moi. « Parfait. Tiens. » Et la voilà à nouveau blottie contre ton torse. Ses yeux bleus cèdent et commencent à se fermer. Il faut dire que la nuit dernière et les dernières heures n'ont pas été de tout repos. Et ta voix doit la bercer, en plus des battements de ton cœur. « Oui, je m'en souviens, tu m'as déjà parlé de ta famille… De ton histoire. Et quelle histoire, avec ces kidnappings, cette mère biologique que tu perds puis qui arrive à te récupérer quelques années plus tard ! C'est différent parce que les rôles sont inversés, cette fois. Tu n'es plus le petit garçon qui a été blessé. Tu es le papa qui a décidé d'assumer et d'être là pour sa fille. » Une sorte d'instabilité blessante qui semble avoir marqué ton enfance ; mais une que tu refuses pour cette crevette qui n'a rien demandé. « Ça va le faire, Anders. Je ne pensais pas que j'allais réussir à créer de lien avec elle, tant le déni a été violent… Mais ça s'est fait, petit à petit. Et là, je crois que vous avez fait un grand pas. » Le plus beau, à mes yeux. Petit sourire que je t'adresse avant de tourner les talons et de revenir vers la salle de bain - je suis encore en serviette, après tout ! « Je vais m'habiller, tu peux te servir quelque chose en attendant ! Ou te la couler douce sur le canapé. Ça t'aidera à poser tes bras quand elle commencera à peser un peu lourd. » Même si tout est relatif : ce ne sera pas son poids le véritable problème, mais la fatigue de tes bras à force de rester dans la même position en soutenant quelque chose.

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J’écoute attentivement les instructions de Céleste. Je ne suis pas convaincue par l’information en elle-même, mais si Céleste me conseille de le faire, c’est sûrement qu’un médecin ou le pédiatre lui-même lui avait recommandé cette solution. Je lui remets Anaé dans les bras, retirant mon haut pour le déposer sur le dossier du canapé avant de regarder Céleste et Anaé. J’ai un petit moment d’hésitation, me demandant si je ne ferais pas mieux de la laisser avec sa mère mais bon, j’avais promis à Céleste quelques minutes de répit afin qu’elle puisse prendre une douche en paix, alors je retends les bras vers elle, prêt à accueillir Anaé. Blottie à nouveau contre moi, je me sens étrange face à cette scène que je n’aurais jamais vraiment cru vivre un jour, encore moins dans ces circonstances. Parce que je n’aurais jamais pensé avoir d’enfant naturellement, encore moins avec une amie. C’était juste… Dingue en fait quand j’y pensais. Mais Céleste se veut encourageante, rassurante sur tout cela. Plus que je n’aurais pu l’imaginer, surtout quand on sait comment je l’ai traité au départ. Elle aurait pu me fermer la porte au nez et être un monstre avec moi pour ne garder exclusivement la garde de sa fille, notre fille, mais au lieu de cela, elle me poussait à essayer, à faire partie de la vie de ma fille, de son quotidien. « Tu as sûrement raison. On aura tous les deux eu un début difficile dans cette histoire, mais je suppose que c’est normal. Tu ne pouvais pas non plus savoir, te préparer à sa venue. La plupart des mères ont neuf mois pour se préparer, commence déjà à faire le nécessaire pour ce petit bout avant même qu’il ne soit réellement au monde. Tu n’as pas eu cette possibilité. Et puis je serais très mal placé pour juger ton déni alors que j’ai également eu le mien. Mais je suppose que le plus important maintenant, c’est que l’on avance, pour elle. » En tout cas, c’est ce que je tente de faire, malgré les difficultés de certains jours. Et je ne doute pas que la jeune femme fasse de même. « Va donc ! Et profite, pour une fois, si elle doit vomir, ça sera sur moi, donc fais toi plaisir sur ta tenue. » Je la charrie un peu, mais je suppose qu’il n’était pas toujours facile de se montrer élégante avec un bébé à charge. Quant à moi, je m’installe dans le canapé, bébé toujours contre moi qui semble même dormir que je tiens désormais simplement pour qu’elle ne glisse pas. « C’est promis ma puce, je prendrais soin de toi aussi longtemps que je le pourrais. » Que je murmure doucement. Une promesse entre elle et moi. Entre un père et sa fille.
 

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Mes mains se desserrent doucement une fois que je suis sûre que tu la tiens bien contre toi, effleurant sa douce peau de bébé un peu plus chaude que d'habitude. Sourire attendri face à cette vue que vous m'offrez, avant qu'il ne vacille quelque peu quand nous parlons de ce lien à créer avec notre petite puce. Nos débuts ont été difficiles, oui ; et ils sont autant différents qu'ils sont similaires. Car, toi aussi, tu as été surpris et bousculé par son arrivée dans ta vie. Je suis consciente d'y être pour quelque chose - peut-être aurais-je dû faire autrement pour minimiser tous les dégâts -, mais elle reste un bébé surprise dans tous les cas. Sourire qui se transforme finalement en légère grimace lorsque mon déni de grossesse revient sur la table. « Non, je ne pouvais rien savoir… ou peut-être que si, mais uniquement si je n'avais pas accouché prématurément. Les médecins me l'auraient dit après avoir fait les examens suite à l'avalanche, et j'aurais eu deux mois contre neuf. Ça aurait été mieux que zéro, mais que veux-tu. Ta fille a décidé de marquer le coup ce jour-là ! Et de nous marquer aussi, au passage. » Et comment ne pas être marqué, puis entièrement attaché, à ce bébé ? Je n'ai pas eu de coup de foudre au moment où on l'a posée sur moi la première fois. Mais j'ai fini par m'y attacher, avant de l'aimer de cette manière si… inconditionnelle. « Mais tu as raison, il faut avancer maintenant. » La regarder grandir. L'éduquer. La protéger. La rendre heureuse et la couvrir d'amour, surtout. Et apprendre à vivre avec un bébé et ses petits inconvénients - je lève les yeux au ciel, amusée. Ah, les renvois quotidiens de bébé. « Fais le malin, mais je suis sûre que toi aussi tu prendras l'habitude d'avoir au moins un haut en plus quand tu sortiras, tu verras ! » Oui, clairement, j'ai toujours un ou deux hauts dans mon sac maintenant. Puis je me volatilise dans la salle de bain quand, lui, profite de ce premier moment tendre avec sa fille. Et j'admets que ça me fait du bien, de la lui laisser un peu. De prendre quelques minutes silencieuses pour ma routine beauté, pour moi, sans avoir un minuscule bébé dans mes bras. De me poser réellement devant mon dressing pour choisir une tenue. Une fois prête, je reviens dans le salon… et tente de rester discrète le temps d'immortaliser ce premier câlin père/fille avec mon téléphone. Il faudra que je lui envoie plus tard.

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Il ne s’est pas écoulé tellement de temps depuis la naissance d’Anaé, pourtant, j’ai l’impression d’avoir tellement à rattraper. Surement parce que je sais, au fond de moi, qu’il y a encore de nombreuses barrières à faire tomber, et que celles-ci ne tomberont qu’avec le temps. Et parce que j’ai peur que le temps ne suffise pas. Traumatismes qui me sont propres que je suis tenté de superposer sur ma propre fille, car cela rendrait les choses bien plus simples. Si elle ne m’acceptait pas, qu’importe mes efforts, qu’importe l’énergie que je pourrais dépenser à être un bon père, qu’importe que je sois un bon ou un mauvais père, j’aurais une excuse pour justifier de ne pas avoir réussi. Mais elle n’est pas moi, pas complètement, et je ne pouvais pas abandonner avant même d’avoir essayé. Essayer d’être le père qu’elle a besoin que je sois. Un père capable de la prendre dans ses bras quand ça ne va pas. Le premier de milliers de pas qui suivront, tout au long de notre vie. Mes mains qui maintiennent précieusement son petit corps contre le mien, je hoche la tête aux propos de Céleste. Les choses ne s’étaient pas faites comme elles auraient dû, ce qui, peut-être aurait fait la différence, mais ce qui aurait aussi pu ne rien changer. Aurais-je mieux réagi si Anaé était née deux mois plus tard ? Si j’avais su que je serais le père avant qu’elle ne naisse ? J’aurais réagi différemment, c’était sûr, mais mieux… Ca resterait un mystère. « Tu verras qu’elle va tenir de ses parents, et ne rien faire comme tout le monde. Ca serait trop simple sinon. » Je le dis sur le ton de la rigolade, mais quelque part, je reste persuadé que c’est ce qui nous attend. « Ou pas. Tu sais, si j’assume le cambouis, l’huile, et ce genre de chose, je peux assumer les renvois de bébé. » Après tout, certains de mes t-shirts n’étaient plus vraiment à une tache près. Quoiqu’il en soit, je laisse Céleste profiter d’une douche bien méritée tandis que je m’installe dans le canapé, Anaé allongée contre moi, toute calme. Les minutes passent, et je me retrouve à gagner aussi en apaisement, luttant contre le sommeil pour éviter de trop relâcher Anaé. Jamais je n’aurais cru que cela puisse être apaisant, même pour moi. Je me redresse un peu, ajustant ma position lorsque je remarque que Céleste est debout, à quelques mètres de moi. « Je vois que tu en profites, comme je te l’ai suggéré. Quel effet ça fait alors, de pouvoir mettre des vêtements sur lesquels bébé ne va pas vomir ? » Je parle le plus bas possible, tout en lui permettant de m’entendre pour ne pas réveiller Anaé qui dort contre moi.  
 

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Ne rien faire comme tout le monde. Elle l’a déjà prouvé, en se cachant du mieux qu’elle pouvait et je-ne-sais-où dans mon ventre. Comme une grande majorité de futurs nouveaux-nés, elle a bel et bien grandi en moi, s’est nourrie de ce que je pouvais lui offrir, s’est habituée aux bruits qui m’entouraient ; mais, contrairement à cette grande majorité, elle l’a fait dans la plus grande discrétion possible. Mon ventre ne s’est pas arrondi. Mon corps ne l’a jamais sentie bouger — enfin, si, mais j’étais bien loin d’en être consciente. Anaé nous l’a déjà prouvé, qu’elle n’allait pas être comme tous les autres. Et c’est tout ce que je lui souhaite. Comme nous, je suis sûre que ça ne peut lui être que bénéfique. Je te souris, regarde ma petite princesse qui découvre enfin le contact avec son père. Qui découvre son odeur, aussi. « Ce ne sont que des renvois comme tu le dis si bien, mais… je suis un petit plus précieuse sur les bords que toi, je pense. » Et je déteste sortir avec des vêtements tachés ! Même s’il est vrai qu’avec un bébé qui renvoie la majorité de ce qu’il tète, un bébé qui bave… je ne serai bientôt plus à une tache près, moi non plus. Mais pour le moment, en attendant le prochain câlin ou la prochaine tétée, je peux profiter d’un haut complètement propre. « Attends, il y a encore la tétée de ce soir… je ris doucement, mais ça fait du bien à mon côté princesse, je l’avoue. » Je vais finir par m’y habituer — je suis déjà en train de m’y habituer, à vrai dire. Cela fait plusieurs semaines que ce n’est qu’elle et moi au quotidien, après tout. Et te voilà en train de t’ajouter à l’équation, doucement mais sûrement.

Fin.

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