Apprivoiser l'acceptation reste un exercice encore parfois difficile mais je suis persuadée que c'est la bonne voie, préserver son énergie est essentiel. « Oui lorsqu'on y arrive les choses deviennent plus faciles même si bien sûr c'est parfois plus évident à dire qu'à faire. » Disons que c'est une ligne de conduite vers laquelle je veux tendre. Une façon d'apprivoiser mon impulsivité et mon impatience, mais malgré tout, il reste encore du travail. « Oui et pourtant heureusement, le métier pourrait vite être ennuyant autrement. C'était plus monotone quand j'étais aux feux de forêt en Californie même si y'avait toujours une bonne dose d'adrénaline. » C'était d'ailleurs bien plus dangereux et difficile qu'ici la plupart du temps, mais les raisons de partir en intervention étaient toujours les mêmes. « Tu regrettes ? » Que je demande de façon assez cash. Autant que tu sois fixée de suite, je suis une femme qui parle assez franchement et si une question me taraude, je n'ai pas cette habitude de tourner autour du pot ou me taire par excès de pudeur. J'estime que si tu as lâché cette information, c'est que tu es prête à en parler. Il n'est pas non plus compliqué de t'observer quelques minutes pour voir que tu n'es pas si épanouie que ça dans une vie qui de l'extérieur pourrait sembler idyllique. « Oui des destinations de vacances quoi, mais ça reste sympa. » L'Italie est un beau pays, et je ne dis pas ça par pur chauvinisme, objectivement, c'est un pays qui vaut la peine. « Hum... si tu vas à Padoue, je te conseillerai d'aller à la basilique et de toucher le tombeau de Saint Antoine, c'est à lui qu'on demande de retrouver quelque chose qu'on a perdu. » La croyance populaire va dans ce sens et nombreux sont les pèlerins qui viennent lui rendre hommage. « Autrement, l'adriatique vaut la peine aussi, la mer y est tiède, un vrai bain. » Sans parler des glaces, du soleil, bref, la dolce vita tout simplement et nombre de mes souvenirs d'enfance.

L'échange est facile, la rencontre un peu incongrue, mais j'aime quand les choses se passent de la sorte, en spontanéité. Mon métier, il s'est imposé à moi et j'aurais jamais cru exercer ce genre de choses ou même avoir ce courage qu'on s'applique à idolâtrer. « Tu sais, en vérité lorsqu'on est au pied du mur, on ne réfléchit pas vraiment, on pense juste aux personnes à sauver, à ce qui doit être préservé, je pense que c'est une part très instinctive. Bien sûr, ça m'est déjà arrivé d'avoir peur, mais pas souvent. » La plupart du temps, je suis comme on dit dans le feu de l'action. Je ne réfléchis pas à mon sort, et c'est ce que j'aime. On est vivant tout simplement, sans se préoccuper du reste, de nos peurs, de nos angoisses, on a pas le temps pour tout ça. Et puis quand tu me parles de ton mari, j'ai l'impression de voir ce que j'aurais pu devenir si j'étais resté avec mon ex. Je me trompe sans doute complètement, projetant mes propres ombres sur ton corps, ta silhouette, mais c'est ce qui me pousse à te poser cette question certes franche. Je hoche de la tête avec un sourire face à ta réponse. « J'imagine, sinon tu l'aurais déjà quitté. » Et je vais pas juger parce que je sais que les choses peuvent être bien plus difficiles qu'elles ne peuvent y paraître. « T'as besoin de vibrer ? » que je demande toujours aussi franchement. Parce que moi c'est ce dont j'ai besoin et je crois pas que le mariage puisse répondre à ça au fond. Même si je tente de me persuader de l'inverse avec Dean. Je me dis qu'on verra avec le temps. Après t'avoir parlé de Padoue, tu me poses cette question certes intime et pourtant naturel. « Pas au sens classique du terme. Pendant longtemps j'ai été catholique, forcément... mais j'ai déchanté, je trouve ça trop étriqué, je crois en quelque chose de supérieur, mais je pense qu'on le porte tous en nous. Certains l'appellent Dieu, d'autres Allah, ou Yahvé ou même la part de sacré. Moi je parle de l'univers. » dis-je en souriant. Quelque chose de vaste et d'impalpable mais qu'on porte en nous. Enfin, c'est ma vision. « Et toi ? »