J'ai bien fait de partir un weekend au ski avec Shane, parce que la neige qu'on avait eu là bas n'était que prémices. Le retour sur Boston en pleine tempête s'était avéré compliqué, et j'ai ensuite enchaîné les gardes jusqu'au weekend. Enfin l'accalmie s'annonce et je compte bien profiter de ces quelques jours de repos avant d'enchaîner à nouveau. Je suis plus si loin du retour de la momie. Cheveux ébouriffés et mine renfrognée sous la tiédeur de ma couette. J'attrape mon tel quand il sonne parce que j'ai préféré me mettre une alarme quelques minutes avant que tu débarques. Je roule donc jusqu'au sol, optant pour la méthode forte. Enfilant un pantalon et une veste chaude, pieds dans mes chaussettes de compète, je descends dans le living et fait couler un café. Juste à temps alors que tu frappes puisque je te l'avais demandé pour ne pas déranger éventuellement mes colocs. Tasse à la main et cheveux en chignon informe, je viens t'ouvrir, la moue boudeuse mais le sourire aux lèvres lorsque je vois ton visage. « Tu as une opération résurrection qui t'attend avant celle des travaux. » Le corps a encaissé et je vais avoir d'un temps de transition avant de pouvoir m'y mettre, parce que je compte pas rien faire non plus c'est une certitude. Mon bras libre enserre ta taille pour te rapprocher de moi, alors que ma tête repose contre ton épaule, déjà je me sens mieux. T'es ma force, ma présence rassurante dans ce monde. « Café ? » Même si t'as apporté des bières, je crois qu'on est en quelque sorte en décalage horaire.

Je pouffe à ta réplique, pas le moins du monde vexée, suffisamment à l'aise avec toi pour m'exposer lorsque j'ai une tête de déterrée. « C'est original, non ? Au moins, je sais te surprendre. » Pas de routine entre nous. Je viens te prendre la main pour t'entraîner jusqu'à la cuisine, te laissant observer furtivement mon nouveau décor. « Carrément, cet appartement est génial et j'aurais jamais pu me payer ça toute seule. » Autant le dire, j'aurais pu prétendre à un studio, au mieux un petit deux pièce vu le quartier et mon salaire, mais c'est aussi ça conjuguer indépendance et réalité. Je te laisse poser les bières au frais, tandis que je m'occupe du café. Il faut commencer par le commencement, même si j'admets que je devrais être plus avancée dans ma préparation. Regard qui vient s'accrocher au tien, avec toute la bienveillance dont je suis capable, t'es mon protecteur, mon pilier, mon frère, t'es un tout dont je pourrais jamais me passer mais... « faut bien que je me débrouille un peu seule non ? » Tu as ta propre vie à tracer, un petit ami dont tu dois prendre soin et toi surtout, prendre soin de toi, et quelque chose dans ta mine , me dit que tu le fais moins. « Comment tu vas ? Je te sens un peu éteint. » Franchise dont je ne m'abstiens jamais lorsqu'il s'agit de mes personnes les plus proches. Authentique avant tout, j'avais toujours exigé la même réciproque envers les miens. « Tu veux du sucre ? » Je sais qu'habituellement, tu t'en passes, mais l'humeur et l'envie pourraient avoir changé.

Je me marre à ton tour, retrouvant le naturel qui nous caractérise. « Parle-pour toi, moi je m'entraîne toujours. » Sachant parfaitement que tu es tout aussi sportif que je peux l'être, mais plaisanter sur le fait qu'on devient de vieilles personnes reste drôle. Me marrant encore à ta remarque, il est vrai que toi et moi avons toujours été amis et il n'a jamais été question d'autre chose, bien que tu restes un hommes ayant toutes les qualités pour moi, ce sont ce genre de choses qu'on ne maîtrise pas, et pour nous il a toujours été question d'amitié. « Tu as hérité de moi en tant que meilleure amie et crois-moi la peine est tout aussi valable, voir pire. » Rajoutant le lait et le sucre comme demandé à ta boisson, je viens aussi m'inquiéter de ton état que je juge un peu plus maussade, question d'intuition que je formule tout simplement pour bien te connaître. « C'est normal, y'a des hauts et des bas, tu sais, tu as songé à voir quelqu'un peut-être pour t'accompagner dans ce deuil ? » Chose qui ne me choque pas le moins du monde au contraire, pour le savoir, le deuil d'un proche, ça reste une véritable épreuve aux multiples bosses et creux, rien de linéaire dans le processus et en parler peut aider. « Oui... » dis-je en rougissant légèrement. « Je t'ai pas tout dit, concernant cet ami... » Mon regard qui se baisse comme une jeune ado, parce que je voulais pas te parler de tout ça par message mais maintenant que je t'ai sous les yeux c'est différent. J'espère que tu accueilleras mieux les choses que tu ne l'as fait précédemment et je redoute un peu...

Complicité propre aux meilleurs amis, si il y a bien une chose que je ne regrette pas c'est de t'avoir rejoint ici à Boston. Notre lien a toujours été fort mais il l'est davantage encore maintenant que nous pouvons partager un quotidien. T'es mon pilier, ma famille. Un peu de tout ça à la fois. « Ton cœur est solide Cassidy, doute pas de ça. » Il en a subit des épreuves, tout comme le mien, ce ne sont pas quelques frayeurs ou des nuages de fumée qui viendront perturber la chose. « Moi ménagère ? » Je m'esclaffe parce que je suis un peu trop loin de ce genre de tableaux. J'espère un jour pouvoir prendre soin d'un foyer, m'y épanouir, mais je vois mon époux comme un vrai partenaire et non pas comme un privilège qui me sera offert. Mais la question du couple ne s'est jamais posée nous concernant même si on en plaisante parfois, les choses n'ont pas évolué de cette façon et c'est ainsi, ce qui m'inquiète réellement c'est cette façade que tu nourris, parce que je peux sentir ton mal-être, la complexité de ce deuil que tu traverses. Les premières semaines les gens comprennent, épaulent, sont présents mais par la suite, il faudrait que tout redevienne normale, la peine angoisse, renvoie l'impuissance aux orbes alliés et suscitent des rejets, des ignorances. Mais moi, je vois, je comprends, pour avoir moi-même subit cette épreuve. Je n'ai pas perdu ma mère, mais j'ai perdu celle qui l'incarnait au mieux. Ma meilleure amie, ma grande sœur de cœur, celle qui avait su entrevoir mes lueurs alors que j'étais promise aux enfers, elle m'avait redonné l'étincelle nécessaire pour croire de nouveau en moi et je suis dévastée encore aujourd'hui face à sa perte. Je ne sais même pas, si je m'en remettrai un jour. J'ai compris qu'un deuil, ce n'est pas comme dans les livres. « Je sais que la démarche est difficile, mais vraiment ça aide, quand c'est une personne neutre, ça n'a rien à voir. » Pas de culpabilité à déverser son fardeau, à charger les épaules de celui qui vous écoute. Et j'en viens presque à me sentir coupable d'être heureuse, de trouver une nouvelle naissance ici alors que tu luttes, mais ainsi est la vie et ainsi sont les amis, on s'accompagne malgré les timings, on reste, on s'accroche au bonheur de l'autre et on soutient dans le malheur. « Le café devrait suffire. » dis-je en souriant doucement, cherchant encore ton approbation, parce que la nouvelle est grande mais que Dean me fait du bien, loin des agissements sordides de Priam. « Je lui ai confié que ça allait pas trop suite à cet inter, et au fait que je puisse pas rentrer chez moi vu que Dwayne était en compagnie... et bref, on s'est avoués une certaine attirance. Mais il est posé comme homme, il s'engage pas à la légère, sa religion l'impose, il n'est pas de ceux qui papillonnent... on a beaucoup parlé, et on a du accueillir cette évidence... » Mon regard s'abaisse à cette pensée, j'ai du mal à évoquer tous ces souvenirs sans virer pivoine. « Zack... on s'est envoyés en l'air toute la nuit, c'était irrépressible. » Je porte la main à ma bouche, encore sonnée par ça... « Je crois que ça pourrait être celui qui viendra tout changer. » Me conduire à faire des projets, à construire, à recroire en l'amour et surtout en moi...

Meilleurs amis qui partagent leurs inquiétudes mutuelles, toujours entrain de nous soucier pour l'autre. Parce que c'est sans doute plus précieux à nos yeux que nous-même. « C'est ainsi, j'ai choisi de l'offrir quitte à m'y perdre, mais jusqu'ici, je m'y suis toujours retrouvée. » dis-je avec un sourire d'encouragement. Je préfère ne rien avoir à regretter quitte à m'y brûler les ailes parfois. Je suis de celles qui vivent à fond, et tu ne le sais que trop pour m'avoir maintes fois ramassée. Toi, tu es différent, plus introverti, plus mesuré, mais parfois pas moins destructeur selon moi. « Merci. » dis-je en posant ma main doucement sur ton épaule, il est primordial pour moi que tu prennes soin de toi. Te savoir le mieux possible, reste quelque chose d'important. Je poursuis mes confessions en évoquant ma relation naissante avec Dean. Je ne suis pas certaine que tu approuveras, parce que tu me connais mieux que quiconque et que jusqu'ici mes choix ne se sont pas révélés très bons pour moi, mais je reste persuadée que cette fois, c'est bel et bien différent. Dean pourrait être celui qui me permettra de renouer avec une relation durable et solide. « Et oui. » dis-je en riant pour de bon cette fois. Certains me jugent excessive, trop, trop de risques, trop de drames, trop d'amours, trop de tout. Mais je suis ainsi, je veux vivre ma vie à fond. « J'espère oui, quand il reviendra du front. » Car il est désormais parti pour plusieurs mois. « Je ne sais pas encore comment je vais vivre son absence, c'est un rythme particulier, surtout pour un début de relation. » D'habitude, c'est la période fusionnelle, celle où on vit à un nouveau rythme à deux, un peu à l'écart du monde mais le devoir avait décidé que les choses seraient autres. D'autant plus, que concernant cette relation, je m'étais engagée à être exclusive physiquement. « Je lui ai promis d'attendre son retour, de ne pas m'engager auprès d'autres car il admet lui-même être d'un tempérament jaloux, mais je veux nous donner une chance, j'y crois et j'y croyais plus depuis un moment. » La jalousie, c'est le poison du couple et je sais que t'aimeras pas ça, même si Raph est plutôt jaloux lui aussi, disons que je pense que celle-ci peut s'atténuer avec de la communication et de la confiance, il n'y a pas de raison que Dean et moi nous n'y parvenions pas.