Je n’ai pas envie, ni besoin, qu’elle réalise les diverses réflexions par lesquelles je passe et que je ne comprends pas moi-même. Lorsque Aly m’a annoncé sa grossesse, mes seules pensées ont été négatives. A aucun moment je n’ai pu être heureux pour elle, focalisé sur tout ce qu’elle mettait en péril. Ses études, sa liberté, la présidence, le reste de sa vie. Condamnée à élever un gamin non voulu, avec un homme avec lequelle elle n’a partagé qu’une nuit. Je leur souhaite sincèrement de se trouver, de tomber éperdument amoureux l’un de l’autre, mais j’ai bien du mal à y croire. Alors pourquoi cette demi-mesure, ces questions, maintenant que ça nous tombe dessus ? Notre relation ces cinq dernières années ne justifie en rien de faire un choix contraire à celui qu’elle a pris pour nous deux. Je tâche de me concentrer sur le repas qu’elle nous a apporté, mais après ces dernières semaines de silence, je ne sais même pas comment lui faire la conversation. Parler de la pluie et du beau temps, comme à chaque fois que l’on se retrouve, ne semble pas être une option après sa grande annonce.
Je me contente de sourire à sa réponse et me dirige vers la cuisine pour récupérer une carafe d’eau que je pose sur la table, avant d’en revenir malgré-moi au sujet principal. C’est bien ce qui l’amène ici et je crois que la réponse m'intéresse. « Je ne me suis pas posé la question. » Moi non plus, avant ces dernières semaines. Mais je n’ai pas eu besoin de me la poser pour en avoir la réponse. Si tout ceci est encore lointain, je crois que j’ai toujours imaginé un avenir classique ; avec une belle carrière, marié et papa. Étonnement c’est le mariage, la vie de couple, qui sonne presque improbable et non le(s) gosse(s). « Alors j’imagine que la réponse à la tienne, c’est jamais. » Je soulève le couvercle d’un des plats, qu’elle continue de disposer sur la table, et hoche brièvement la tête pour lui signaler que je l’ai entendue. Je n’ai pas d'avis sur le sujet, je souhaitais juste avoir l’information, bien que celle-ci ne change rien à mes propres “plans”. « J’ai pas très faim en fait. » Et surtout, je n’ai rien à lui dire. Je refuse de la questionner sur les photos, sur les semaines qui se sont écoulées depuis le nouvel an et mon départ précipité de New-York. J’aimerais savoir si elle en a parlé à quelqu’un d’autre, si ses parents sont au courant mais je crois que j’ai juste besoin qu’elle passe la porte et me laisse digérer la nouvelle. Un chinois ne suffira pas à nous mener vers la réconciliation, pas cette fois.